28 mars 2019, Nantes : Le diplomate en représentation du XVIe siècle à nos jours
Appel à communication : Le diplomate en représentation du XVIe siècle à nos jours. Journée d’étude jeunes chercheuses et chercheurs – 28 Mars 2019 (Nantes)
Argumentaire
L’usage et les pratiques diplomatiques, bien qu’anciens, connaissent une évolution significative avec l’émergence de nouvelles formes de relations et d’échanges entre les Etats qui se constituent à l’époque moderne. Dès le XVIe siècle s’opère une mutation des relations internationales à travers l’intensification de la politique européenne, ce qui renforce le rôle des représentants au détriment des rencontres directes entre souverains. Des missions permanentes remplacent les ambassades temporaires. Un corps d’acteurs diplomatiques se constitue et est chargé de représenter un souverain, un État ou une nation hors de ses frontières.
La représentation du pouvoir du prince, d’un État, est alors indissociable de la figure de l’ambassadeur. Cette notion de représentation se retrouve dans les dictionnaires du XVIIe siècle où le terme figure sous trois entrées : l’entrée théâtrale (« jouer quelque pièce de théâtre [...] »), et deux autres acceptions qui ont été discutées par Carlo Ginzburg : « d’un côté la représentation donne à voir une absence ce qui suppose une distinction nette entre ce qui représente et ce qui est représenté ; de l’autre la représentation est l’exhibition d’une présence, la présentation publique d’une chose ou d’une personne ».
Cette représentation d’un souverain, d’un Etat ou d’une nation assurée par le diplomate s’accompagne d’une mise en scène riche et multiforme, relevant souvent du registre de l’implicite. Protocole et cérémonial diplomatiques orchestrent les remises de lettres de créances, les audiences et toutes les manifestations publiques auxquelles participent les diplomates. Le décor diplomatique se retrouve sur les immeubles et résidences d’ambassades, dans les suites des diplomates, au travers de leurs habits et livrées, sur leurs tables, etc. Le prestige d’un souverain ou d’une nation doit aussi se refléter dans le comportement et la sociabilité de ses représentants. Aussi, la comparaison entre l’ambassadeur et le comédien est un thème récurrent. L’esthétique des mises en scène est travaillée et l’expression de la représentation diplomatique perdure largement dans les arts visuels et dans la littérature. Relevant d’abord de l’usage, la représentation diplomatique connaît une normalisation progressive avec l’évolution des pratiques diplomatiques, les grands congrès de la paix et la nécessité de conserver symboliquement un équilibre entre les puissances. Les protocoles et les règles de préséance sont ainsi codifiés en marge des Congrès de Westphalie
(1648) et de Vienne (1815), puis par la Convention de Vienne de 1961. Les évolutions du système international avec l’émergence de nouveaux cadres (organisations internationales) et de nouveaux acteurs diplomatiques (parlementaires, experts, etc.) questionnent la pérennité de ces codes, leur assimilation, leur réappropriation ou leur mise en concurrence.
Depuis une quinzaine d’années s’opère dans le champ de l’histoire de la diplomatie un mouvement historiographique qui tend à faire émerger une « diplomatie par le bas », mettant en avant le caractère quotidien et ordinaire de son activité. De nombreux travaux participent de ce renouveau historiographique portant sur l’étude des relations internationales, en particulier sur leurs acteurs. L’intérêt des historiens s’est notamment porté sur la question de la figure et du parcours des ambassadeurs comme ce fut le cas pour les consuls en Méditerranée, agents d’information entre les XVIe et XXe siècles ou encore pour les figures de l’ambassadeur dans les espaces extra-européens. Par ailleurs, l’identité du diplomate et sa professionnalisation ont donné matière à un récent colloque. Les délicates interactions entre Etats sont également l’objet de nouvelles recherches à travers l’examen de la sociabilité ou des incidents diplomatiques. Enfin, depuis quelques années, outre ces études somme toute politiques de l’histoire diplomatique, se développent des perspectives liant diplomatie et histoire matérielle ou histoire des mentalités. Ainsi les arts de la table au prisme de diplomatie furent l’objet d’un colloque récemment organisé.
L’étude des pratiques diplomatiques, des rituels et des codes partagés par ses acteurs présente alors un champ de recherche fécond dans lequel nous souhaitons nous inscrire. L’enjeu de cette journée d’étude est de s’intéresser à la fonction de représentation attachée au diplomate par le biais du protocole et du cérémonial diplomatiques accompagnant la ritualisation de la société internationale. Dans quelle mesure le cérémonial, le protocole et le décor diplomatique constituent-ils un langage, une expression, une écriture codifiés ? Quelle place occupent ces symboles dans la communication et l’interaction diplomatiques ?
A ce titre, plusieurs axes de travail seront envisagés dans le cadre de cette journée :
– La codification progressive des règles et usages à observer dans les relations officielles entre Etats (préséance, ordre de parole, cérémoniel de réception etc.) a eu pour fonction de pacifier les relations interétatiques et de limiter les conflits en préservant l’honneur des Etats ou de leurs souverains.
– Cette vocation de pacification s’observe également dans les règles informelles (félicitations, condoléances, port du deuil, etc.) qui entretiennent une forme de socialisation entre les entités politiques. Ce cérémonial formel et informel joue d’ailleurs un rôle important dans l’expression d’une reconnaissance à l’égard d’un gouvernement ou d’un Etat.
– A l’inverse, les atteintes au cérémonial et au protocole (incidents, querelles de préséance, etc.) peuvent matérialiser des rapports de force, exprimer une rivalité ou une politique de puissance. Il paraît ainsi intéressant de nous interroger sur le rôle du cérémonial diplomatique comme canalisation ou au contraire comme mise à jour des rivalités inter-étatiques.
– La pratique ordinaire de cette représentation nous intéresse au même titre que celle qui s’exerce de manière plus exceptionnelle à l’occasion d’une rupture ou d’une reprise des relations diplomatiques.
– La mobilisation ou l’adaptation du protocole diplomatique lors des conflits internationaux ou des crises politiques (changements de régime ou guerres civiles) ouvre également d’intéressantes pistes de réflexion.
Aussi, lors de cette journée, nous nous intéresserons aussi bien aux aspects matériels et symboliques de la représentation, qu’à ses normes et à ses pratiques, aux continuités et aux héritages aussi bien qu’aux mutations, de l’époque moderne à nos jours.
Les propositions de communication individuelles (300-500 mots) accompagnées d’une brève présentation du chercheur sont à envoyer à l’adresse suivante : diplomate.representation chez gmail.com jusqu’au vendredi 7 décembre 2018. Les communicants recevront une notification d’acceptation à partir du 20 décembre 2018. Les frais d’hébergement et de déplacement sur Nantes seront pris en charge par l’organisation de la journée d’étude (France métropolitaine) Pour toute demande d’informations, contacter :
diplomate.representation chez gmail.com
Comité d’organisation :
Amélie Balayre (CREHS – Université d’Artois) Claire Le Bras (CRHIA – Université de Nantes) Marie-Cécile Pineau (CRHIA – Université de Nantes) Nathan Rousselot (CRHIA – Université de Nantes)
Comité scientifique :
Michel Catala (CRHIA - Université de Nantes) Charles Giry-Deloision (CREHS - Université d’Artois) Stanislas Jeannesson (CRHIA - Université de Nantes) Yann Lignereux (CRHIA - Université de Nantes) Eric Schnakenbourg (CRHIA - Université de Nantes)