Le « maître aux dragons » : les créations de l’orfèvre parisien Pierre Delabarre
Daniel Alcouffe
Daniel Alcouffe, " Le « maître aux dragons » : les créations de l’orfèvre parisien Pierre Delabarre", dans Revue de l’Art, année 1988, volume 81, numéro 81, p. 47-56.
Extrait de l’article
L’admiration dont ont toujours été entourés les vases en agate et autres pierres dures a suscité, dès l’Antiquité, l’habitude de les pourvoir de montures d’orfèvrerie destinées à en accroître la beauté et à en souligner la valeur. Certains vases ont gardé leur monture d’origine. Sur beaucoup d’autres, celle-ci a été remplacée en fonction de l’évolution du goût. Ainsi nombre de vases antiques ou byzantins nous apparaissent-ils ornés de montures exécutées aux XVIe-XVIIe siècles, période pendant laquelle se sont formées les plus grandes collections de ce type d’objets.
Les montures des XVIe-XVIIe siècles, qu’elles s’appliquent à des vases anciens ou contemporains, sont le plus fréquemment en or, rehaussé d’émail et de pierres précieuses. Elles protègent le bord du vase, de la base et du couvercle, ou rattachent au corps du vase les anses et le pied. Elles comportent souvent des éléments en ronde bosse en forme de figures humaines ou d’animaux, d’inspiration mythologique, qui servent éventuellement d’anses ou de becs, ou surmontent le couvercle. Ces montures ne portent généralement pas de poinçon, ce qui fait naître de délicats problèmes d’attribution. Cependant des recherches, comme par exemple celles de M. Rudolf Distelberger à Vienne, ont peu à peu permis d’isoler des séries cohérentes de montures et d’en localiser l’origine, en Italie (Milan, Florence, au XVIe siècle) ou dans les territoires de l’Empire (Prague, Stuttgart, Augsbourg, au XVIIe siècle). Mais beaucoup d’entre elles restent énigmatiques. C’est en particulier le cas pour un ensemble homogène de montures en or émaillé, à décor de figures, sans attaches stylistiques avec les groupes déjà constitués, que l’on repère sur des vases de deux grandes collections, rassemblées en France dans la seconde moitié du XVIIe siècle, celle de Louis XIV conservée au Louvre, dans la Galerie d’Apollon, et celle du Dauphin, son fils, recueillie par le Musée du Prado, à Madrid. Ces montures, d’un même style, étonnent par leur richesse, leur qualité d’exécution et aussi par le caractère fantastique des figures dont elles sont chargées, figures parmi lesquelles apparaissent systématiquement des dragons.
L’auteur de ces montures, si doué et si imaginatif qu’on pourrait l’appeler le « maître aux dragons » à cause de sa prédilection pour ce thème, était jusqu’à présent apatride et anonyme. Une découverte récente permet de l’identifier. Ce sont les créations de cet artiste que nous nous proposons d’étudier.