Les tentures à sujets mythologiques de la grande galerie de Fontainebleau
Gerlinde Gruber
Gerlinde Gruber, "Les tentures à sujets mythologiques de la grande galerie de Fontainebleau", dans Revue de l’Art, année 1995, volume 108, numéro 108, p. 23-31.
Extrait de l’article
La discontinuité des inventaires parvenus jusqu’à nous ne permet pas de retracer toute l’histoire de la plupart des tapisseries conservées au Kunst-historisches Museum de Vienne. Le plus ancien inventaire général de la collection de tapisseries date de l’année 1882. Les tentures à sujets mythologiques tissées d’après la Grande Galerie de Fontainebleau sont mentionnées pour la première fois dans un rapport du grand maître de la Cour impériale daté du 13 août 1690 ; elles y figurent comme les « six tapisseries de François Ier » en possession des Habsbourg.
Comment ces six tentures sont-elles parvenues à Vienne ? Les opinions divergent à ce sujet. Dimier affirme qu’elles entrèrent en Autriche en 1570, à l’occasion du mariage de Charles IX et d’Elisabeth, archiduchesse d’Autriche et fille de Maximilien II. Pour remercier l’archiduc Ferdinand II d’avoir assumé la procura, de ce mariage, le roi de France lui a alors offert entre autres la Salière de Benvenuto Cellini5. Les rapports des envoyés du Doge et des hommes de confiance des Fugger concernant ces présents existent encore de nos jours, mais ils ne mentionnent aucune tapisserie. Rien ne permet donc de dire qu’elles aient fait partie des cadeaux officiels. B. Jestaz pense, quant à lui, que les tapisseries avaient déjà quitté la France à cette date, car elles ne figurent pas dans l’inventaire du garde-meuble parisien dressé en 1551 ; il en déduit qu’elles furent offertes à Charles-Quint par François Ier. L’auteur s’appuie sur deux rapports du grand maître de la Cour impériale de Vienne datant respectivement de 1688 et 1690. On peut notamment lire qu’en 1688 un licier flamand, Jean Trechet, devait encore restaurer « six pièces françaises ». Le 13 août 1690, il travaillait à la « réparation de six pièces de tapisserie de Charles-Quint ». Le même document nous dit plus loin qu’il « avait retiré des tapisseries des Fructus Belli et des six pièces de François Ier des morceaux entiers, qui étaient pourris et en lambeaux, et en avait inséré d’autres si bien qu’on ne reconnaissait même pas à quels endroits elles étaient pourries et en lambeaux ».
B. Jestaz en déduit que la double appellation « tapisseries de Charles-Quint » et « pièces de François Ier » se rapporte aux seules et mêmes tentures, signe que François Ier les aurait offertes à Charles-Quint. Selon lui, la visite de l’Empereur à Fontainebleau, à partir du 24 décembre 1539, pourrait avoir incité François Ier à « copier en tapisserie » les fresques de la Grande Galerie ; ces tentures auraient été offertes en octobre 1544, lorsqu’Eléonore, épouse du roi de France, aurait rencontré son frère Charles-Quint à Bruxelles.