L’entrée du poète dans le champ politique au XVe siècle
Joël Blanchard
Joël Blanchard, "L’entrée du poète dans le champ politique au XVe siècle", dans Annales, année 1986, volume 41, numéro 1, p. 43 - 61.
Extrait de l’article
A la fin du Moyen Age le pouvoir devient matière à l’exercice poétique. On observe une convergence entre un certain ordre poétique et une certaine pratique politique. Cette convergence se fait sous la forme d’un discours, qui est tout à la fois une manière de s’adresser au prince et un essai de définition des vertus royales indispensables à l’exercice du pouvoir.
Ce discours prend forme à un moment où la monarchie devient un État, et où les conditions d’exercice du pouvoir se transforment : constitution d’un appareil bureaucratique de conseillers, qui appartiennent à la curia, qui aident le roi dans son administration, création dès les XIIe et XIIIe siècles d’une véritable officine d’idéologues, qui composent pour le roi des traités normatifs, transformation de l’idéologie royale elle-même : on glisse de l’idée du contrat féodal à celle de la réciprocité biologique du corps social inspirée de la conception organiciste du corps de policie : le péché circule dans le corps social, atteignant même sa tête, le roi, et justifie ainsi une pédagogie adéquate, la présence d’un conseiller qui tienne au prince le discours de vérité permettant d’assurer un équilibre parfait.