La politique du conte aux XVIIe et XVIIIe siècles
Anne Defrance
Anne Defrance, "La politique du conte aux XVIIe et XVIIIe siècles", dans Fééries, année 2006, numéro 3, p. 13-41, mis en ligne le 13 février 2007.
Résumé de l’article
Les déclarations théoriques de Perrault à propos de ses contes, dont il ne cache pas qu’il a banni tout propos susceptible de heurter la bienséance, établissent le modèle poétique d’une narration enjouée et naïve qui berce ingénieusement la raison et enchante l’esprit. Elles définissent un mode d’écriture ludique mais contrôlé, travaillé par des interdits.
Suivant l’invitation de ce pionnier à découvrir « dans ces “bagatelles” qu’elles ne [sont] pas de pures bagatelles », on montre, dans un premier temps, par une analyse développée du premier de ses Contes en vers, La marquise de Salusses ou la Patience de Griselidis, nouvelle (1691), comment ce texte déplace son propos, du domaine politique au domaine privé, à partir d’un modèle sous-jacent, celui de la monarchie absolue de droit divin. Il peut dès lors se lire comme une dénonciation des dangers de l’absolutisme, sujet majeur que les conteurs, à sa suite – parfois avec moins de précautions – continueront de viser.
Dans un deuxième temps, on fait valoir la prégnance du politique dans les contes littéraires de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, quels que soient les sous-genres dans lesquels la critique les a rangés (conte merveilleux, conte libertin, conte orientalisant, conte philosophique…), catégories dont les frontières sont souvent poreuses.