Pierre Gringore : une satire à la solde du pouvoir ?
Nicole Hochner
Comment citer cet article :
Nicole Hochner, "Pierre Gringore : une satire à la solde du pouvoir ? ", dans Fifteenth-Century Studies, année 2001, volume 26, p. 102-120. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er septembre 2008 (https://cour-de-france.fr/article495.html).
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Pierre Gringore (vers 1475-vers 1539) a été ces dernières années l’objet de quelques études littéraires qui dans le cadre de la “redécouverte” des rhétoriqueurs proposent une analyse stylistique et linguistique approfondie de certaines de ses oeuvres, et qui en marge suggèrent une lecture politique de ces textes. [1] Les critiques s’accordent unanimement à voir en Gringore un auteur engagé à la solde du pouvoir royal. C’est tout particulièrement la pièce Le Jeu du prince des sotz représentée aux Halles de Paris par les Enfants-sans-Soucy qui justifie cette opinion, puisque la campagne italienne de Louis XII contre le pape Jules II y est défendue et la sainteté des prélats ridiculisée. Gringore sert de propagandiste à un moment très délicat du règne de Louis XII, lorsque le Très Chrétien s’oppose à sa sainteté le Pape. A priori les manoeuvres rhétoriques – paradoxes, énumérations, surenchères, contrastes, parodies, paronomases – permettent à Mère Sotte, jouée par Pierre Gringore lui-même, de tenir un discours subversif tout en se protégeant sous le masque de la folie. Mais assez étonnamment ce discours marginal et déviant de Mère Sotte n’est pas chez Gringore au service d’un “monde à l’envers” à l’assaut des valeurs sociales dominantes qui remettrait en cause la légitimité du souverain. [2] Nous nous trouvons au contraire face à une oeuvre qui offre d’un côté une critique acerbe de la société tout en dressant un portrait favorable du roi Louis XII. Ce paradoxe, à notre avis, n’a pas suffisamment préoccupé les critiques qui expliquent d’ordinaire l’immunité accordée au prince par le souci d’éviter la censure et le crime de lèse-majesté. Il faut donc interroger l’oeuvre de Gringore, qui dénonce et accuse les abus et les dérèglements du monde, afin de déceler pourquoi celui-ci renoncerait à son rôle contestataire pour se mettre au service de la couronne, à la solde du pouvoir.
Des rares travaux qui se penchent sur les conceptions et sur les significations politiques de l’oeuvre du clerc de la Basoche, l’importante étude de Charles Oulmont est sans doute pionnière. [3] Oulmont étudie les idées politiques de Gringore et analyse la satire sociale dans l’ensemble de ses oeuvres. Depuis, aucune recherche n’a tenté de remettre en cause les conclusions d’Oulmont qui traite Gringore de “moraliste grincheux et sévère, plutôt qu’un homme prêt à faire l’éloge de son époque,” un “homme de tradition” qui prêche et sermonne d’un ton conservateur. [4] Oulmont se consacre principalement à la conception de la politique extérieure de Gringore, en étudiant son soutien systématique des entreprises royales en Italie, alors qu’il ignore presque totalement l’image que Gringore offre du régime monarchique et de la politique intérieure du temps de Louis XII.
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Par ailleurs, il analyse le tableau socio-politique que dresse Gringore mais en négligeant ses opinions politiques à proprement parler. Il faut en effet distinguer la critique de la société, relative aux prélats, aux femmes, aux avocats, aux nobles, marchands et nombreux autres, de la nature du pouvoir et du régime idéal.
Mon interprétation ne réfutera pas que Gringore ait effectivement soutenu la politique de Louis XII, mais il faut je crois, distinguer l’immunité qu’offre Gringore au pouvoir pour tout ce qui est politique étrangère de l’attitude plus critique qu’il a par rapport à ce qui se passe à la tête du royaume. Souvent le message relatif à la politique intérieure a été négligé ou assimilé à l’attitude favorable de Gringore pour les expéditions italiennes. Si Gringore sert d’avocat au souverain et au régime monarchique il n’est certainement pas motivé par l’unique désir de trouver un patron. [5] Il a bien d’autres motifs que l’on peut déterminer en se penchant sur sa conception du politique, sa vision du régime idéal et ses critiques relatives aux événements contemporains. Je suggère donc dans cet article une relecture de l’oeuvre de Gringore avec l’intention d’éclaircir, dans l’ensemble de ses écrits satiriques et politiques, les raisons pour lesquelles Mère Sotte sous le masque de la folie s’autocensure, pourquoi le monde-à-l’envers de la sottie finalement remet tout en place, et comment se fait-il que la fantaisie et la satire, les jeux verbaux et la transgression chez Gringore s’annulent pour défendre la royauté.
Jean-Claude Aubailly aborde d’une certaine façon ces interrogations pour donner une image du politique chez Gringore. [6] La vision politique de Gringore serait centrée, selon Aubailly, autour de l’image du prince. Pour comprendre l’originalité de Gringore je ne crois pas qu’il faille chercher dans l’éventail que son théâtre propose des qualités morales du prince. Il ne me semble pas, en effet, que l’idéologie politique qui se dessine dans son théâtre soit exclusivement consacrée à l’image du prince. Comme Aubailly le remarque lui-même Gringore dresse un portrait du prince qui ne diffère nullement d’un Chastellain ou d’un Saint-Gelais. [7] C’est pourquoi à mon sens on doit plutôt chercher à caractériser l’originalité de Gringore par l’introduction d’un autre personnage d’ordinaire assez mineur : celui du sage et bon conseiller du roi. Symboliquement l’allégorie de “Bon Conseil”, qui rivalise d’importance avec le personnage du roi, nous permet d’appréhender la conception du bon gouvernement. Le retrait du roi n’est pas fortuit. Il est vrai qu’il pourrait à priori permettre à Gringore de dire à propos du conseiller ce qu’il n’ose au sujet du roi, mais ce recul est bien davantage qu’une technique verbale, symboliquement il exprime une autre vision de la couronne. Ce sera donc par le biais tout d’abord de l’allégorie de “Bon Conseil” que nous aborderons la pensée politique de Gringore. Par la suite nous mettrons l’accent sur
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l’importance des limites de l’autorité royale et la source de la légitimité du pouvoir selon Gringore. Pour finir, et afin de contextualiser l’oeuvre de Gringore, nous replacerons cette vision dans le cadre du climat et des débats idéologiques et politiques de l’époque.
Pour ce qui est de notre corpus, comme l’avait déjà remarqué Oulmont, la distinction entre les oeuvres morales et les pièces de circonstances n’est pas toujours profitable. [8] Gringore mêle les faits contemporains aux poésies morales, et les sermons aux libelles satiriques. Puisque notre point de vue n’est pas ici exclusivement littéraire notre corpus sera donc varié au niveau des genres, et comprendra à la fois les sotties (Le Jeu du prince des sotz [1512] ; La Sottie des croniqueurs [1515]), le mystère historique La Vie de Monseigneur Saint Louis (1513 selon Petit de Julleville, 1527 d’après Picot), [9] les échafauds conçus par Gringore pour les entrées royales de Marie Tudor (1514) et de Claude de France (1517) et certaines oeuvres morales (comme par exemple Les Folles entreprises [1505] et Les Abuz du monde [1509]). Notre étude est donc basée sur l’ensemble des textes qui nous ont paru relatifs et nécessaires à la compréhension de la vision politique de Gringore. Le rapprochement des textes théâtraux et moraux, des textes destinés aux cérémonies royales et aux représentations de la Basoche est à ma connaissance pionnier, mais essentiel pour mieux comprendre l’oeuvre de Pierre Gringore dans son ensemble. [10]
Les dérèglements de la flatterie
Dans la tradition médiévale le bon conseiller se définit en général par opposition au flatteur. Fidèles aux textes de l’antiquité les théories politiques médiévales avertissent les princes des méfaits de la flatterie en invoquant l’importance des bons et honnêtes ministres. Le thème du bon conseiller avait été fréquemment traité dans les De Regimine principum dont s’inspirait l’époque de Gringore et que celui-ci ne pouvait ignorer comme clerc dépendant des cours de justice. Une des source les plus évidentes de cette tradition est l’oeuvre du moraliste et historien grec, Plutarque. Machiavel lui-même consacra deux chapitres du court traité Il Principe aux secrétaires du prince et aux flatteurs. C’est pourquoi on retrouve sans surprise chez Gringore l’avertissement traditionnel qui associe la politique corrompue au talent satanique des flatteurs (ce qui ne fait pas de Gringore un Machiavel français comme le prétend Aubailly). [11] Quoique d’ordinaire le roi sait éviter la flatterie, et que son pouvoir n’est point remis en cause, les textes d’éducation morale et politique n’ont cessé d’appeler le roi à la vigilance. Dans les Fantasies de Mère Sote on trouve plusieurs fois répété cette mise en garde :
Princes, seigneurs, conseillez-vous aux sages.
Par ce moyens, maintz dangereux passages
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Eviterez. Mais se autrement faictes,
Sur vous, voz gens, viendront pertes, dommages
D’ames et de corps ; dictz serez plains d’oultrages,
D’erreurs, horreurs, de mauvaistiez infectes (Frautschi, 52)
Gringore réitère la menace du châtiment, des dommages et des torts que cause la flatterie. Remarquons qu’il évite de considérer le cas d’un roi abusif ; de sorte que la culpabilité retombe systématiquement sur les ministres sans que le roi ne soit jamais incriminé. Celui-ci reste vierge de vices, victime aussi bien que le peuple des abus de ses auxiliaires. Ces images finalement remettent en question la légitimité des ministres dont l’influence n’est jamais bien circonscrite et dont on redoute les méfaits plus qu’on ose espérer la sagesse. Il apparaît pour beaucoup de penseurs du début du XVIe siècle que la seule véritable cure aux dérèglements et abus des ministres soit leur éloignement et la concentration des pouvoirs aux mains du prince. Le jugement du souverain, en effet, ne saurait être corrompu, ses motifs ne sauraient être nuisibles et à condition d’être prémuni et protégé de la malveillance de ses ministres il pourra seul assurer le bon gouvernement du royaume avec sagesse et raison. Guillaume Budé illustre parfaitement cette foi qui amène de nombreux auteurs à traiter avec suspicion tout partage des pouvoirs et à affirmer de façon axiomatique que les les rois sont “parfaictz en prudence et noblesse et équité.” [12]
A mon avis Gringore se dresse contre cette opinion qui prône la concentration des pouvoirs du roi et mène tout droit à une idéologie totalitarisante et absolue. Pour soutenir cette interprétation qui place Gringore dans le camp opposé à l’absolutisme il faut éclaircir trois points. Premièrement l’affirmation que le pouvoir des ministres n’est nullement nuisible et qu’au contraire ceux-ci assurent la protection et le maintien de la justice dans le royaume. Deuxièmement la nécessité de freiner le pouvoir du roi justement par le renforcement de l’autorité ministérielle. Troisièmement la définition de la responsabilité royale qui tout en limitant le pouvoir des souverains, pose et examine les conditions de leur légitimité.
Bon Conseil garant de justice
Dans un premier temps il sera donc question du prototype idéal de “Bon Conseil.” Il est certain que la mauvaise influence des nobles, des prélats ou des ministres est également abordée dans l’oeuvre de Gringore, mais sans que pour autant cela justifie le caractère illimité du pouvoir royal. L’isolement d’un roi qui ne consulterait que sa conscience ou la démesure d’un pouvoir qui serait sans bornes sont bien plus condamnables. Gringore ne se préoccupe pas uniquement de se moquer du prince manipulé par ses “sotz,” il
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cherche en premier lieu à réhabiliter le sage ministre allégorisé par “Bon Conseil.” La lecture attentive de l’oeuvre de Gringore le trouve ordinairement associé aux thèmes de la justice et de la loi. Cependant et comme on va le voir, les traits de l’irréprochable ministre ne sont pas détaillés par Gringore. C’est une allégorie d’un homme indispensable et nécessairement parfait.
Dans les Abuz du monde, l’auteur décrit une vision dans laquelle il voit un parc somptueux où se tiennent un roi entouré de deux dames et à leur pieds un quatrième personnage. “Entendement” révèle à l’auteur l’identité des lieux et des protagonistes. Le parc somptueux symbolise le royaume de France, et le roi est Louis XII. La dame qui tient une épée et une balance représente la cour de Justice. La seconde dame qui a les mains liées et les yeux bandés est la Justice même, illustrant la véritable justice aveugle devant la discrimination, et ligotée comme empêchée de commettre tout acte de corruption. L’homme aux pieds du roi représente le jugement afin de montrer que jugement parfois s’éloigne de justice, et ainsi que le refrain du chant royal l’affirme “c’est jugement mais ce n’est pas justice.” La présence du roi dans cette vision souligne son impuissance. Il trône mais ne contrôle point l’écart entre jugement et justice (Gringore, Les Abuz, fols 34v-36r). En révélant l’incompétence du roi, Gringore ne cherche pas à le ridiculiser mais à mettre en lumière la paradoxale fragilité de sa position. Le roi domine, et est impuissant. Dans La Vie de Monseigneur Saint Louis Gringore soulève la même problèmatique à l’envers : le prince est faible mais il “ayme juste justice” (Montaiglon, 2 : 181).
C’est l’absence de Bon Conseil qui révèle la faiblesse du roi, rempli de bonne volonté, et désireux de voir justice régner en son royaume, mais incapable d’assurer que justice soit faite. Lorsque le roi prendra conscience que seul Bon Conseil peut rétablir la légitimité des cours et parlements, alors Justice sera restituée. Le parangon du bon roi dans La Vie de Monseigneur Saint Louis montre le roi se tourner en personne vers Bon Conseil pour circonscrire son autorité et la placer sous la direction de son fidèle et sage ministre. Le roi Saint Louis s’adresse à Bon Conseil en ces termes : “Je vueil que soyez avec moy, / Bon Conseil ; car, sans plus tarder, / Je vueil mon royaulme amender / Selon droit et selon justice” (Montaiglon, 2 : 184). Gringore déclare par conséquent sans ambages Bon Conseil “principal gouverneur” du roi (Montaiglon, 2 : 29). C’est bien entendu le Popullaire qui bénéficie de cette situation où “Bon Conseil fait regner Justice” (Montaiglon, 2 : 55).
Dans les Folles entreprises on retrouve une démarche similaire du prince exemplaire qui recherche l’assistance de Bon Conseil. Gringore en effet insère dans les Folles entreprises un traité qui s’apparente à un speculum, c’est-à-dire un miroir-aux-princes où les traits du parfait souverain sont
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esquissés comme modèle. Le titre annonce “Des quatres vertuz principalles que les princes doyvent tousjours avoir en eulx et se gouverner par icelles.” Gringore traite des quatre vertus cardinales, Justice, Vérité, Paix et Miséricorde. Dans la première partie du poème consacrée à Justice, Gringore invoque à nouveau Bon Conseil. Pour que le prince puisse s’assurer que la justice soit véritablement distribuée dans son royaume c’est “Vers Bon Conseil [que le] prince se doit retraite / S’il veult en paix maintenir sa couronne” (Montaiglon, 1 : 43). Cette lecture rend le pouvoir du roi dépendant des capacités de discernement de Bon Conseil. En fin de compte sans Bon Conseil aucune des quatre vertus ne peut se maintenir, ni la justice ni la paix, mais non plus la miséricorde royale car il n’y a pas de véritable justice sans pardon, et ni la vérité, car les flatteurs cherchent contrairement aux bons conseillers à abuser du roi (Montaiglon, 1 : 41-60). Sans Bon Conseil le roi ne peut accomplir sa tâche de souverain. Bon Conseil est le pivot du gouvernement.
Cette position ne se traduit pas chez Gringore par la volonté systématique de subordonner le pouvoir. En effet, lorsque Gringore évoque la nécessité de réforme de l’Eglise, c’est au roi qu’il astreint cette tâche : “O treschrestien, preux, noble roy de France ! / En souffrance ne laissez Foy ainsi” (Montaiglon, 1 : 140). Charité supplie le souverain laïc de sauver la foi. Cette supplique qui pratiquement clôt les Folles entreprises est suivie par le réveil de l’auteur qui témoigne que le “Trescrestien Roy et Justice relièvent Foy, qui estoit abatue par Richesse et Papelardise” (Montaiglon, 1 : 141). Ce qu’il faut noter c’est qu’à nouveau le roi n’est point présenté comme un prince tout puissant et absolu mais assisté par Justice : “Justice donc voulut, par le moyen / Du noble preux, le Roy Trescrestien, / Tresillustre, plain de benignité, / Relever Foy fondée en Charité” (Montaiglon, 1 : 141-2). L’initiative revient donc à Justice. Le succès de la politique royale dépend de cette étroite coopération où Justice dirige sans dominer, et où le roi exécute sans pour autant renoncer à son autorité. Si le roi ne possède pas la plenitudo potestatis, il n’est pas non plus dispensable. Le roi a une tâche à accomplir, et c’est dans cette perspective instrumentaliste qu’il est mis en scène. Pour s’acquitter de son rôle, des limites doivent délimiter le champ de son action. Ainsi, pour garantir le succès de son entreprise, le roi est guidé par Bon Conseil et par Justice.
Si certains penseurs ont songé à palier au problème des flatteurs en éliminant l’autorité des conseillers, si certains philosophes ont choisi l’absolutisme comme meilleure garantie du maintien de la jusitce, il semble que pour Gringore l’orgueil, la cupidité et l’avarice des ministres ne sauraient être enrayés par la concentration des pouvoirs. Seul un auxiliaire digne peut véritablement éclairer la personne du roi. C’est à l’aide et au soutien d’un tel partenaire, qu’il soit appelé Bon Conseil, Minerve ou
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Justice, que le roi doit le maintien de sa couronne. Gringore sans s’étendre sur l’identité de cet auxiliaire lui décerne de larges pouvoirs et une grande dignité. Par suite on observera que dans l’oeuvre de Gringore le pouvoir du roi est toujours secondé. Or c’est étonnamment la reine qui est par excellence cette toute première “seconde.” Elle augmente l’amour et la cohésion au sein du royaume et assure au roi la conservation de son domaine. La reine, en complétant ou plus exactement en épaulant le roi, suggère le partage des pouvoirs. Son image est à mon sens le premier indice des limites de l’autorité royale.
La reine virgo mediatrix
Il est significatif que la ballade qui clôt le traité d’instruction politique, sur les quatre vertus cardinales du roi, soit dédiée à la reine. Est-ce une allusion au fait que la reine serait ce Bon Conseil par qui le royaume peut se maintenir ? Il est certain que dans cette ballade la reine, assimilée successivement à la Vierge, à Esther, et à Diane, apporte au royaume une douceur et un amour supplémentaires (“Balade et supplication à la Vierge Marie, et se peult interpreter sur la Royne de France,” Montaiglon, 1 : 60-2). Le souverain “Phebus,” est le soleil, qui éclaire de ses rayons “Dyana,” la lune. Le roi est “conducteur,” la reine est “aumosnière,” et “tresorière.” Mais tout en étant secondaire la lune n’en est pas moins vitale au maintien du royaume, c’est-à-dire au maintien des “Princes en paix, subgectz en asseurance,” comme le dit le refrain de cette ballade. En d’autres termes quoique les pouvoirs de la reine soient inférieurs à ceux du roi, son rôle de Paix et de sécurité n’en est pas moins capital.
Ainsi le personnage de la reine ne nous éloigne pas de notre étude sur Bon Conseil, car il souligne une fois de plus combien les pouvoirs du roi sont dépendants d’autres acteurs. La reine quoiqu’a priori subalterne au roi, assure au royaume prospérité et fertilité. On sait que l’image du royaume est celle d’un parc ou d’un jardin, ce n’est donc pas par hasard que la reine dans l’entrée royale de Claude de France en 1517 arrose le jardin de France (Gringore, Entrée de Claude de France, fols. 38v-39v). En effet à la fontaine du Ponceau, c’est le roi qui plante le lys alors que la reine arrose. Le panneau inspiré des versets de Saint Paul (I Corinthiens 3 : 6) commente “Rex plantavit, ego rigam, deus autem incrementum dedit,” ce que Gringore traduit lui-même par “Le roy plante et edifie son royaulme. La royne par son hulmilitee lenrose par quoy il multiplie.” [13] Pour Anne-Marie Lecoq il s’agit métaphoriquement de l’acte de procréaction, le roi plante sa semence, fertilisée par la reine qui fait grandir en son sein le fruit de leur amour. Gringore exprime ici les espoirs que le nouveau couple royal inspire à leurs sujets, et entre autres celui de la naissance d’un héritier mâle qui avait fait tant défaut à Louis XII. Dans cette perspective la
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reine a un rôle clair et subalterne, celui d’enfanter. [14] Pourtant en comparant cette scène avec celle que Gringore conçut pour l’entrée de la reine Marie Tudor en 1514 il me semble que ce qui est réellement souligné est l’indispensable contribution de la reine au bien-être du royaume. D’une façon beaucoup plus gratifiante il lui revient de seconder le souverain, d’en être l’ange gardien. Telle Esther ou la Vierge, la reine “ausmonière” et “tresorière,” intercède en faveur du bien-être commun et de la couronne.
Déjà pour l’entrée de Marie à Montreuil-sur-Mer, le dieu Apollon représentant Louis XII offrait à la déesse Diane – la jeune reine – une couronne de laurier. Par cette démarche la dignité de la reine était symboliquement suggérée, affirmant peut-être que le rôle de la reine n’est pas uniquement celui d’engendrer. [15] Quelques jours plus tard Marie entre dans Paris. Les autorités municipales confient à Gringore le soin d’organiser toutes les stations théâtrales le long du trajet de la procession. D’ordinaire chaque station était sous la responsabilité d’une autre autorité. Par exemple l’échafaud de la porte Saint-Denis était en général commandité par l’Hôtel de Ville, l’échafaud face à l’église de la Trinité sous la responsabilité de la confrérie de la Passion, l’échafaud à la fontaine des Innocents par les corporations des fripiers ou des bouchers, la station du Palais-Royal par la Chambre des Comptes, et la station du Châtelet était celle des clers de la cour de Justice. [16] Cette fois-ci Gringore est responsable de l’ensemble de l’entrée, c’est-à-dire au total sept échafauds. Il est certain que ce précédent permet à notre dramaturge de concevoir une certaine continuité dans la symbolique et de créer un ensemble plus homogène que d’ordinaire. Comme la coutume le veut, c’est à la place du Châtelet que la Justice est mise en scène. Cette location n’est pas fortuite puisque comme l’explique Gringore lui-même c’est le lieu “ou se tient la iustice ordinaire dicelle ville preuosté et viconté” (Baskerville, 10).
Lorsque Marie approche le Châtelet accompagnée d’un impressionnant cortège de femmes, les mécaniques se mettent en branle et le personnage de Justice qui se trouvait au niveau d’un ciel azur à dix “toise de hault” passe au travers d’une grande couronne pour prendre place sur un trône. Au même moment un deuxième personnage, Vérité, monte et se hisse au même niveau que Justice pour s’asseoir à sa droite sur un second trône. Au bas de l’échafaud se trouvent cinq acteurs, on y retrouve Phoebus et Diane, accompagnés de Minerve, Stella Maris et Bon Accord. Quatre écriteaux aux pieds de la scène expliquent la trame du tableau. Phoebus qui tient en main un soleil représente le roi Louis XII, Diane qui tient une lune symbolise le royaume de France, Minerve en armure représente la prudence, Stella Maris qui tient en main une étoile est Marie Tudor, et Bon Accord est au centre de ce tableau. Gringore a élaboré le
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poème original que nous avons vu précédemment dans les Folles entreprises en introduisant le royaume de France et l’étoile Stella Maris. Gringore explique dans un livret, qu’il rédige après les cérémonies, que l’arrivée de la nouvelle reine a restitué la paix entre les princes d’Europe, et a rétabli la relation de lumière entre le roi et son royaume (Baskerville, 10-4). Phoebus dans cette scène est à nouveau représenté comme subalterne, il se trouve au niveau inférieur de l’échafaud, de côté et debout, alors que la Justice trône assise au niveau supérieur brandissant l’épée. La loi est métaphoriquement au-dessus du roi contrairement à ce que professe le courant absolutiste. [17] Au centre de la scène se tient Bon Accord, et comme si géographiquement la marginalité du roi n’était pas suffisamment évidente, les écriteaux précisent qu’il est conduit par Diane (“Qui est phebus que dyana conduyt”), guidé par Justice (“… iustice le guerdonne”), sous l’aile de Vérité, et qu’il “se monstre humain” (Baskerville, 13-4). Dans l’ensemble de l’entrée royale la reine se dessine comme le garant de l’“amour du bien commun,” celle qui est toujours animée par l’intérêt du “populaire.”
Dans la pièce plus tardive La Vie de Monseigneur Saint Louis le rôle de médiatrice est joué par la mère du roi, Blanche. Pour illustrer ceci, on pourrait évoquer le comte de Champagne qui tente par “force et faintise” de manipuler le roi. Le comte sait bien que son principal obstacle n’est pas Saint Louis mais “la royne Blanche” (Montaiglon, 2 : 22). Ce rôle maternel est sans doute la figure féminine qui correspond le mieux à la réalité des relations entre Louise de Savoie et son fils François Ier. Ainsi, le rôle protecteur de la reine souligne l’incapacité du roi à gouverner seul et par association l’aspect circonscrit de son pouvoir. Pour l’entrée parisienne de Claude de France en 1517, Blanche évoque et incarne à nouveau ce rôle à la station du Palais Royal (Gringore, Entrée de Claude de France, fols. 48r-49r). [18]
D’ailleurs cette interprétation du rôle de la reine n’est pas en contradiction avec l’émergence du rôle féminin à la Renaissance. Les sacres et les entrées royales successives en 1504, 1514, 1517 d’Anne de Bretagne, de Marie Tudor et de Claude de France symbolisent l’importance ascendante de la reine. Remarquons en passant qu’à chacune de ces reprises Gringore participe à l’organisation des cérémonies. Si les comptes ne précisent pas exactement l’étendue de son rôle en 1504, [19] comme on l’a dit plus haut c’est Gringore qui est exclusivement désigné par les pouvoirs parisiens pour les entrées de 1514 et 1517. Moins spectaculaires mais tout aussi significatifs sont les débats relatifs à l’épouse royale douairière à l’occasion du procès du Maréchal de Gié. [20] L’argument du procureur Pierre Bonnin tente à prouver l’égalité en dignité, honneurs et prérogatives des deux époux royaux, et donc que l’offense que le Maréchal de Gié
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aurait commis vis-à-vis de la reine Anne de Bretagne devrait être considérée comme un crime de lèse-majesté. Le rôle pionnier d’Anne de Bretagne à ce sujet est décisif. [21] Dans l’ensemble de la production des rhétoriqueurs on trouve son éloge tout particulièrement chez Jean Marot et André de la Vigne. Gringore s’incrit donc parfaitement dans cette vague qui va jusqu’à présenter la reine comme “ung autre tel que vous,” et considère la présence de la reine lors des campagnes italiennes de Louis XII comme “ung soustenement du Royaume, de telle majesté et si auguste courage que ne sentyions vostre absence [celle du roi], si non que la moitié de vous estoit en elle demeurée, pareillement la moitié d’elle en vous.” [22] La reine est ici décrite en parfaite symbiose, l’égal du roi en honneurs et en dignité, en devoirs et en pouvoirs, son alter ego.
Un pouvoir royal “bridé”
Puisque le destin du royaume ne se trouve pas entre les mains seules du souverain, Pierre Gringore nous invite à réévaluer les pouvoirs d’un roi qui ne saurait à lui seul discerner les “loups” des “agneaux,” et à reconsidérer l’autorité et la légitimité d’un ministre adjoint, d’un assistant. Dans la Sottie du prince des sotz, le second sot déclare bien à propos du roi “le plus saige rien n’y entend” (Montaiglon, 1 : 205). C’est la folie qui permettra paradoxalement au sage de régner à nouveau en rétablissant l’ordre et la raison. Dans La Vie de Monseigneur Saint Louis le roi, conscient de son incapacité et pris de désarroi face à un monde chaotique, déclare “Je ne vueil rien determiner / Que par Conseil” (Montaiglon, 2 : 252). Le prince des sots et le roi Saint Louis font ainsi exactement la même démarche en allant tous deux au devant de Bon Conseil pour décider de leur politique. Le prince des sots dit “Conseillez moi que faire doy” (Montaiglon, 1 : 241), et le roi Louis dit “Allons par devers Bon Conseil / Savoir que nous avons à faire” (Montaiglon, 2 : 51) confessant que “Sans Bon Conseil je ne fais rien” (Montaiglon, 2 : 29). Bon Conseil de son côté avoue que le roi ne peut gouverner sans lui “Se par moy vous vous gouvernez” (Montaiglon, 2 : 29). Et le Popullaire n’est pas dupe et sait parfaitement que “le Roy très benyn / Se gouverner par Bon Conseil” (Montaiglon, 2 : 65). Il y a une sorte de dépendance et de complicité mutuelle. Le roi a besoin de ses états pour être considéré comme sage, il doit se faire voir à l’écoute de ses sujets. Et c’est exactement dans cette posture que Gringore choisit de montrer Louis XII entouré du “conseil du Prince” (Montaiglon, 1 : 211).
La trame de la Sottie du prince des sotz tourne autour de ce conseil qui réunit des sots et des prélats, des généraux et divers seigneurs tels les Seigneurs de la Lune, de Gayecté et de Joye. Aucun d’eux ne songe à servir Justice ou Raison. Cependant “le prince est remply de vertu,” et donc attentif au discours du bon sens qu’il perçoit dans les propos de la Sotte
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Commune qui “grumele” sans cesse et se “mesle” de parler à tort et à travers. Selon Olga Anna Dull “le monde des ‘estats’ est une scène dialogique, théâtrale, caractère qu’assure paradoxalement une folie polymorphe : chacun a son mot à dire, et le Prince est d’abord montré dans son meilleur rôle, qui est de prêter l’oreille à ce que disent les sots.” [23] Il est vrai que c’est bien là l’image idéale du prince chez Gringore, attentif et vigilant. Mais la scène illustre davantage le problème de communication du roi avec le peuple, que sa capacité d’écoute : Sotte Commune “parle sans sçavoir comment” et est à quatre reprises interrompue dans son verbiage par le roi qui cherche à connaître son identité. L’effet comique de la surdité du roi qui ne semble pas entendre la réponse de Sotte Commune est souligné par la répétition désespérée du roi qui s’écrie “qui parle ?” (Montaiglon, 1 : 220-1). Ainsi le roi est illustré comme celui qui ne réussit pas à identifier son interlocuteur. Or l’objet de la Sottie du prince des sotz est précisément celui de la reconnaissance. Révéler la véritable identité de chacun et saisir les imposteurs responsables du chaos, voilà l’objectif de la sottie : distinguer les prélats de l’Eglise, les nobles de la Noblesse, les avocats de Justice, les ministres (les sots) de Bon Conseil. Or, ce n’est qu’au terme de la sottie que le roi enfin reconnaît Sotte Commune et lui dit “Que veulx tu dire, la Commune ?” (Montaiglon, 1 : 237). Il faut donc attendre la fin de la pièce pour que Louis XII distingue Mère Sotte de Mère Saincte Eglise, et Sotte Commune des autres sots. S’il est vrai que Gringore défend la politique de Louis XII dans cette sottie, il reste que le portrait du roi n’en est pas pour autant flatteur, car il est la dernière et la seule véritable victime du déguisement des sots et le seul véritablement dupe du quiproquo mis en scène.
A ce propos une pièce qui semble particulièrement intéressante est la Sottie de l’astrologue. [24] Quoique la paternité de Gringore soit encore controversée, cette sottie s’inscrit parfaitement dans la pensée de Gringore ; en effet le ministre de Louis XII, le cardinal Georges d’Amboise, y est représenté détournant Sol, un prince de bonne foi, mais naïf et manipulé. Louis XII n’est, une fois de plus, pas le roi absolu qui ignore l’importance du conseil et écarte ses ministres. Au contraire c’est un roi qui partage et prête l’oreille. Mais paradoxalement cette capacité d’écoute le fragilise et le fait échouer par faute de différencier le flatteur du sage et d’identifier, c’est-à-dire de distinguer, le mauvais du bon conseil. Louis XII est à nouveau dupé. Dans la Sottie de l’astrologue la question est comment éloigner l’ambitieux cardinal qui aspire à la papauté et prévenir le roi du dommage que celui-ci lui cause ? Comment éclairer le roi pour qu’il puisse reconnaître la véritable identité d’Amboise ? Le but de la sottie est d’éloigner “Sol” du “mouvement geminal” (Picot, 1 : 217), c’est-à-dire écarter Louis XII des mauvais conseils de son ministre. Le personnage Chascun se
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plaint des “pertes et … mengerie” qu’il a subies “pour poier le chapeau d’ung moyne” (Picot, 1 : 210). Selon l’astrologue que les sots consultent la France est sous le signe de Gemini (Picot, 1 : 204), c’est-à-dire malmené par les Amboises. La Justice est éclipsée, (Picot, 1 : 213), et les guerres d’Italie ruinent le peuple (Picot, 1 : 216-7). Seul Sol, pivot du système astral, pourra peut-être changer le cours des choses (Picot, 1 : 205), mais l’astrologue est pessimiste “Gemini a auctorité, / Je n’y prens point bonne esperance” (Picot, 1 : 212), “Ce Sol ne reluyst [pas] en sa court” (Picot, 1 : 221). Le seul rayon d’espoir est finalement la promesse d’une prochaine réunion des Etats. La seule démarche possible en attendant prier pour la constance du prince “Que Dieu le gard de varier / Par ce geminal mouvement” (Picot, 1 : 231).
La prière de Gringore est que le roi soit attentif aux gémissements et à la détresse de son peuple. Mais comment faire entendre ce cri à un roi touché de surdité ? A nouveau Bon Conseil symbolise le messianique messager qui pourra faire renouer la relation du peuple avec son souverain. Le lieu de ce renouveau de communication est la réunion des états qui, il faut le souligner, est présentée, chez Gringore, d’un ton fort pessimiste : “Tays toy” dit le Prince à Chascun “Pour ton alligement / On tiendra les estas en France” (Picot, 1 : 224). Ce “Tays toy” rime avec le “Tays toy, Commune, parle bas” de la Sottie du prince des sots (Montaiglon, 1 : 242). Gringore lucidement s’exclame “Qui oseroit aux nobles princes dire / Les deffaultes de telz gens vicieux … le temps est qu’on n’en ose parler” (Montaiglon, 1 : 59). Le courage d’incriminer les hauts fonctionnaires qui corrompent la politique royale fait défaut. Dans l’entourage du roi il ne se trouve nul homme pour dévoiler l’identité des nobles pervertis par trop d’orgueil. Ce rôle de Sotte Commune qui “grumelera / Sans cesser, et se meslera / De parler à tort, à travers” (Montaiglon, 1 : 223), ce rôle de Chascun qui parle et dit tout, est, si l’on croit Jean Bouchet, celui du théâtre même. Sous le masque de la folie, seule la sottie joue le rôle de ce conseiller courageux qui n’hésite pas à dénoncer les dérèglements des nobles et à parler librement au roi :
Parce que sotz des gens de grand renom
Et des petits jouent les grands follies,
Sur eschaffaux, en parolles polies
Qui est permis par les princes et roys,
A celle fin qu’ilz sachent les derroys
De leur conseil qu’on ne leur ause dire
Desquelz ilz sont advertiz par Satyre.
En France elle a de sotie le nom,
Le roy Loys douziesme desiroit
Qu’on les jouast a Paris, et disoit
Que par tels jeux il sçavoit maintes faultes
Qu’on luy celoit par surprinses trop caultes.
[25]
Le rôle de Bon Conseil est donc pour Bouchet celui même que remplit Mère Sotte afin de dénoncer les abus et les désordres. L’habit de Mère Sotte et le masque de la folie lui permettent de se hisser sur la scène politique pour dénoncer les secrétaires royaux en les nommant personnellement. [26]
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Le second sot d’ailleurs le dit presque explicitement au Prince : “A grumeller on te conseille” (Montaiglon 1 : 223).
La Sottie du prince des sotz s’achève sans que le prince, resté la plupart du temps à l’écart et en silence, ait le dernier mot, comme si la décision ultime n’était plus réellement en ses mains. L’espace verbal a été dominé par les sots et tout en particulier par Sotte Commune et Mère Sotte. Ce sont donc les “folz” qui corrigent les “sages” (Frautschi, 46) et, renversant l’ordre des choses, c’est Mère Sotte qui dévoile la véritable responsabilité des princes. Le roi, dépossédé de son autorité absolue, n’en reste, en effet, pas moins redevable face à ses sujets. Le roi est garant du bien-être du royaume et son ultime gloire ne saurait être son prestige et sa renommée militaire. “Nully ne soit porter nom de pasteur,” écrit Gringore dans les Folles entreprises “Se son peuple n’a tousjours en son cueur” (Montaiglon, 1 : 88). Il est vrai que ceci est dit au sujet du clergé, mais le principe est posé que l’autorité du souverain n’est pas un honneur mais une mission, non pas un privilège mais une responsabilité. Dans la Sottie de l’astrologue écrite dans les premiers mois du règne de Louis XII en 1498, le prince s’engage à réparer et rétablir les droits de Chascun. Les sots définissent en ces termes la responsabilité royale :
Primus
En toulte province
L’intention du noble prince
Doib estre singulierement
A garder curieusement
Chascun.
Secundus
Le bon prince doibt faire
Tant que a Chascun puisse complaire
(Picot, 1 : 225).
Le relatif silence du prince dans la Sottie du prince des sotz aurait pu nous amener à croire que Gringore opte en faveur d’un régime aristocratique ou républicain. Il n’en est rien, Gringore ne songe pas qu’un pays sans prince à sa tête puisse acquérir la gloire à laquelle tout royaume aspire. “Car le pays ne peult avoir honneur, / Qui est sans chef, sans prince et sans seigneur” (Montaiglon, 2 : 181). Gringore est convaincu que seul le régime monarchique peut réaliser la tâche du maintien de la justice et de la paix. Les guerres d’Italie mettent la France en contact avec la république de Venise symbole du pouvoir républicain, mais Gringore n’y voit que “gens assemblés” et conseillers sans tête, “vous estes comme ouailles sans pasteurs / Mal conseillez et mal endoctrinez” (Montaiglon, 1 : 146-7). [27] On aurait donc tort de voir en Gringore un précurseur du partage des pouvoirs, dans la guerre “idéologique” face à la Sérénissime ; Gringore est fermement du côté monarchique.
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Par contre on peut tout à fait considérer Gringore comme adepte des conceptions seysseliennes du pouvoir. En effet, la lecture des oeuvres de Gringore et de Seyssel laisse transparaître de nombreuses corrélations.
Seyssel et Gringore
Ce qui caractérise les deux penseurs est la même vision paradoxale qui place le roi au coeur du système politique tout en souhaitant son pouvoir limité et “réglé.” [28] Le roi est à la fois Sol et Phoebus, c’est-à-dire pivot du système politique mais sans toutefois en être au sommet. Si pour Gringore et Seyssel l’absence de limites mène inexorablement à un pouvoir despotique ou arbitraire, d’un autre côté ils n’acceptent aucune remise en cause des pouvoirs monarchiques du Très Chrétien. Comme Gringore, Seyssel reste farouchement royaliste et ne blâme pas les rois : “le désordre vînt plus par faute d’autres gens que des rois.” [29] Tous deux refusent de palier l’incompétence du souverain par sa subordination à des ministres potentiellement tout aussi imparfaits et inaptes. Comme le dit assez ironiquement Seyssel “Il y a tant de bonnes lois, coutumes et ordonnances, qu’il ne faut que bons ministres pour les bien garder et observer, et qui n’aient égard sinon au Bien public.” [30] L’impasse dans laquelle se trouvent Seyssel et Gringore est sans conteste celle du courant “constitutionnaliste.” [31] Ce courant rejette le caractère absolu et infini de l’autorité royale. Pour Seyssel comme pour Gringore la “modération” et la “réfrénation de la puissance absolue des Rois est à leur grand honneur et profit.” [32] Ce paradoxe est mis en scène dans la station du Châtelet en 1514. Phoebus le roi y est déclaré “roy qui domine sur nous,” et pourtant il est placé au niveau inférieur sous Justice et Vérité “Sans icelles iamais son cas nordonne” (Baskerville, 12-3).
Sur les tours du Châtelet douze mannequins évoquent le rôle des douze pairs lors de la cérémonie du sacre à Saint-Denis. Justice en descendant du ciel traverse une grande couronne pour symboliser la réelle source du droit normatif, c’est-à-dire Dieu. Vérité par contre s’élève du sol (Psaumes 86 : 11). Mais ni le roi, ni la reine ne sont ici oints, c’est Justice et Vérité qui trônent. Ce paradoxe vient démontrer que la dignité du roi n’est pas atteinte par la limitation de son pouvoir. [33] Son honneur est lié aux responsabilités royales qui métaphoriquement sont face à la terre – le royaume, et face au ciel – Dieu. C’est la reine Marie, “Marie au ciel et marie en la terre” (Baskerville, 15) qui rappelle au roi cette double tâche morale face à Dieu et aux hommes. Cette “réfrénation” du pouvoir est selon Seyssel caractéristique et intrinsèque au régime monarchique français qui a toujours su brider l’autorité royale par trois freins qui sont la justice, la religion et la police. Ce n’est donc pas la limitation mais la régulation du pouvoir qui permet à la monarchie de France
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de lutter efficacement contre l’inexorale dégradation organique, et ainsi ralentir le cycle du vieillissement naturel qui menace ses états.
La trilogie seysselienne se retrouve aisément chez Gringore quoiqu’elle ne soit pas aussi systématique et précise. Notre rapprochement d’ailleurs n’a pas pour but de convertir Gringore en véritable penseur politique, mais comme on l’a dit de contextualiser son oeuvre dans le cadre du climat intellectuel et politique de l’époque. Nous ne nous attacherons pas plus longuement à montrer l’importance de la justice et de la religion, car ce sont deux aspects assez répandus et communs dans l’ensemble de la littérature politique et pamphlétaire pré-moderne ; ce qu’il faut voir c’est de quelle façon le frein de police peut également se retrouver dans les oeuvres de Gringore. Pour ce, il faut auparavant définir ce que Seyssel entend par le terme de “police.” [34] Sans rentrer dans un débat d’interprétation qui n’est ici nullement notre propos, on peut dire que pour Seyssel le terme de police évoque la responsabilité du roi à bien “administrer” le Bien Publique, et à conserver le royaume. Les Ordonnances qui constitutent, aux dires de Seyssel, la “bonne police” tendent à prémunir le roi de faire quoique ce soit qui puisse diminuer la puissance de la couronne ou le bien-être du peuple. La police est ce frein qui circonscrit la puissance absolue, prohibe le désordre en réduisant le roi à “civilité.” [35] Chez Gringore on retrouve ce souci de faire cesser les abus au nom du bien-être social : pour que “Chascun puisse complaire.” Le rôle d’amour de la reine que l’on a vu dans ses oeuvres est parallèle à celui de l’amour qui chez Seyssel sert de révélateur à la “bonne administration,” et augmente les pouvoirs du monarque, car comme le dit Seyssel “la grande amour faict faire choses presques impossibles.” [36] Cet amour est un indice instrumental chez Seyssel alors que pour Gringore il me semble être la finalité même du pouvoir et sa seule légitimité. C’est ainsi que la stabilité et la force du pouvoir préoccupent Seyssel, alors que seules la justice et la satisfaction du peuple semblent importantes chez Gringore. Dans la Vie de Monseigneur Saint Louis on trouvera l’antithèse de ce bon roi qui “destruyroye” son “povre peuple” et qui n’a point pitié de son “popullaire” (Montaiglon, 2 : 28). Il est à souligner que Seyssel et Gringore s’adressent à la même réalité et font pareillement référence au règne de Louis XII. Ceci dit Seyssel se consacre longuement aux problèmes militaires alors que les guerres d’Italie ne sont abordées chez Gringore que pour leurs répercussions sur le quotidien national.
Malgré ces différentes tonalités, on peut associer Gringore et Seyssel pour ce qui concerne la définition du pouvoir royal, la vision du régime idéal, leur perception de la République de Venise, et le statut qu’ils donnent à l’amour/la reine. Ils se placent en parfaite opposition face aux penseurs absolutistes tels Ferrault ou Budé qui prônent la prééminence du
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roi. [37] Si Budé juge très férocement le règne de Louis XII, Seyssel et Gringore le considèrent comme modèle. En effet, Seyssel est favorable à Louis XII tout particulièrement dans sa Louenges à Louis XII (1508) et dans L’Excellence et la félicité de la victoire contre les Vénitiens (1509). De son côté Gringore traite à titre posthume Louis XII de roi “piteux, bon justicier et gracieulx,” et, comme pour s’excuser d’être si élogieux précise “Mais Conseil domina en court” (Picot, 2 : 238). Pour Gringore ce qui caractérise le règne de Louis XII, et ce qui finalement sauve ce règne du désastre militaire et de l’absence d’héritier qui pesèrent lourdement sur l’aura du “père du peuple,” c’est bien le rôle qu’y joua Bon Conseil. Le même Conseil, auquel Seyssel consacre toute la seconde partie de la Monarchie de France qui porte “le faix” et guide “le chariot de la Chose publique.” [38] Cette relecture ne nous permet plus d’accepter les conclusions de Charles Oulmont qui traite la pensée de Gringore de conservatrice et traditionnelle, mais la place dans la perspective du courant constitutionnaliste naissant.
Notre étude a essayé de redessiner la vision du politique selon Gringore non pas autour de l’image du roi comme cela a été fait par le passé mais en se penchant sur les protagonistes du souverain qui dans les oeuvres de Gringore viennent souligner les limites et l’incapacité de ce dernier. A la lumière du débat entre le courant constitutionnaliste et absolutiste on trouve chez Gringore non pas la condamnation ou la satire du règne de Louis XII mais plutôt la ferveur d’un adepte des thèses seysseliennes qui prônent la limitation des pouvoirs pour le profit d’une politique sociale plus humaine et davantage soucieuse de sa légitimité populaire. Dans cette tentative de contextualisation le théâtre de Gringore ne semble pas s’être bassement mis au service du pouvoir, ni à la solde de la royauté. C’est pourquoi il n’est pas fortuit que Gringore quitte Paris pour la Lorraine quelques années après l’avènement de François Ier, alors que Seyssel avait déjà quitté la cour pour Marseille peu après le décès de Louis XII. La Sotte Commune qui “grumelait” sans cesse à tort et à travers, qui, si l’on croit encore Jean Bouchet, était encouragée par Louis XII qui voulait qu’on “joue en liberté et que les jeunes gens declairent les abus … puisque les confesseurs et autres qui sont sages n’en veulent rien dire,” [39] du temps de François Ier soudainement elle déclare “le parler m’est deffendu.” [40] Les sots sous la menace de la censure dénoncent la répression de l’absolutisme “sy je n’avoys peur qu’on me serast trop fort les doys en peu de mos je vous diroys des choses qui vous feroyent rire.” [41] La satire n’est plus permise. Gringore a diffusé une vision modérée et bridée de la royauté, une vision constitutionnaliste qui ne peut complaire aux yeux d’un Duprat ou d’un François Ier.
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Associer Gringore au courant constitutionnaliste nous a invité à fouiller les significations politiques dans une oeuvre où le roi est absent ou ridiculisé. J’espère avoir suggéré que c’est ce relatif retrait du roi qui explique pourquoi un auteur tel Pierre Gringore peut être considéré malgré la satire comme un porte-parole du pouvoir “réglé” de Louis XII, et pourquoi c’est ce même Gringore/Mère Sotte qui est invité à organiser les cérémonies royales du règne. Pour rétablir l’ordre et démasquer les abus, faire cesser le scandale et détrôner les usurpateurs Mère Sotte se fait le tenant de Louis XII, un monarque “réfréné par civilité” et attentif aux sages conseils de la satire. En ce sens on peut continuer à voir en Gringore l’avocat de la politique de Louis XII mais sans plus l’accuser d’avoir agi en vil courtisan. Gringore représente pour nous une nouvelle conception de la royauté constitutionnaliste et seysselienne.
Notes
[1] Sans vouloir être exhaustif voir Olga Anna Dull, “Rhetorical Paradoxes of the French Late Middle Ages : Mother Folly the Wise,” Fifteenth Century Studies, 22 (1996) : 68-84 et du même auteur Folie et rhétorique dans la Sottie (Geneva : Droz, 1994) ; Ulla Jokinen, “Réduplication synonymique dans quelques poèmes politiques de Pierre Gringore,” Le Moyen Français, 34 (1994) : 103-22 ; Lynda Burgoyne, “La Rime mnémonique et la structuration du texte dramatique médiéval,” Le Moyen Français, 29 (1991) : 7-20 ; Cynthia Brown, The Shaping of History and Poetry in Late Medieval France : Propaganda and Artistic Expression in the Works of the Rhétoriqueurs (Birmingham, Alabama : Summa Publications, Inc., 1985) et du même auteur “Political Misrule and Popular Opinion : Double-Talk and Folly in Pierre Gringore’s Jeu du Prince des Sotz,” Le Moyen Français, 11 (1982) : 89-111 ; et Jean-Claude Aubailly, Le Monologue, le dialogue et la sottie. Essai sur quelques genres dramatiques de la fin du moyen âge et du début du XVIe siècle (Paris : Honoré Champion, 1976).
[2] Le discours contestataire de Mère Sotte, alias Gringore, ne prône pas le renversement des hiérarchies comme le suggère la thèse de l’inversion carnavalesque chez Mikhaïl Bakhtine dans L’Oeuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaisance (Paris : Gallimard, 1976).
[3] Charles Oulmont, La Poésie morale, politique et dramatique à la veille de la Renaissance, Pierre Gringore (Paris : Honoré Champion, 1911).
[4] Oulmont, La Poésie, 203, 212.
[5] Voir à ce sujet Cynthia J. Brown, Poets, Patrons and Printers. Crisis of Authority in Late Medieval France (Ithaca : Cornell University Press, 1995) : 140-51.
[6] Jean-Claude Aubailly, “L’Image du Prince dans le théâtre de Gringore,” in Jean Dufournet, Adelin Fiorato et Augustin Renondo, eds., Le Pouvoir monarchique et ses supports idéologiques aux XIVe et XVIIe siècles (Paris : Publications de la Sorbonne Nouvelle, 1990) : 175-83.
[7] Aubailly, “L’Image du Prince,” 176.
[8] Oulmont, La Poésie, 65.
[9] Pour la datation voir Oulmont, La Poésie, 40-3.
[10] Les oeuvres de Pierre Gringore seront citées dans le texte selon les sigles indiqués entre paranthèses : Charles Baskerville, Pageants for the Entry of Mary Tudor into Paris. An Unpublished Manuscript (Chicago : University of Chicago Press, 1934) (Baskerville) ; Richard L. Frautschi, ed., Pierre Gringore’s Les Fantasies de Mère Sote (Chapel Hill : University of North Carolina Press, 1962) (Frautschi) ; Pierre Gringore, Les Abuz du monde (n.p.n.d.) (Gringore, Les Abuz) ; Pierre Gringore, Paris, BN, MS. f. fr. 5750 [Le Sacre, couronnement, triumphe et entrée de la très crestienne royne… Claude de France] (Gringore, Entrée de Claude de France) ; Anatole de Montaiglon, ed., Oeuvres complètes de Gringore, volume 1 édité avec Charles d’Héricault (Paris : Jannet, 1858), et volume 2 édité avec James de Rothschild (Paris : Daffis, 1877) (Montaiglon) ; Emile Picot, ed., Recueil général des sotties, 3 vols. (Paris : Firmin Didot, 1902-12) [Sotye nouvelle des croniqueurs, 2 : 213-44] (Picot).
[11] Aubailly, “L’Image du Prince,” 182-3.
[12] Guillaume Budé, “Le Livre de l’institution du Prince,” in Claude Bontems, Léon Pierre Raybaud et Jean-Pierre Brancourt, eds., Le Prince dans la France des XVIe et XVIIe siècles (Paris : Presses Universitaires de France, 1975) : 1-143 (80).
[13] Nantes, Bibliothèque Municipale, MS. 1337, fol. 8r, cité par Gordon Kipling, Enter the King. Theatre, Liturgy, and Ritual in the Medieval Civic Triumph (Oxford : Clarendon Press, 1998) : 335.
[14] Anne-Marie Lecoq, François Premier imaginaire symbolique et politique à l’aube de la Renaissance Française (Paris : Editions Macula, 1987) : 380-1.
[15] Francis Wormald, “The Solemn Entry of Mary Tudor to Montreuil-sur-Mer in 1514,” in J. Conway-Davies, ed., Essays Presented to Sir Hilary Jenkinson (London : Oxford University Press, 1957) : 471-9 (477).
[16] Voir, par exemple, à propos de l’entrée de Louis XII en 1498, Bernard Guenée et Françoise Lehoux, Les Entrées royales françaises de 1328 à 1515 (Paris : Editions du Centre National de Recherche Scientifique, 1968) : “L’escharfault de dessus la porte Saint Denys estoit en custode honnourablement fait et composé par Messeigneurs le prevost et eschevins de la ville de Paris” (129) ; “devant l’eglise de la Trinité, avoyent fait les gouverneurs et confreres de la confrairie de la Passion ung escharfault” (131) ; “devant le Palais royal ; et y estoit ung autre escharfault, que Messeigneurs de la Chambre des Comptes avoient fait faire” (133).
[17] Voir par exemple Guillaume Budé, L’Etude des lettres, ed. Marie-Madeleine de La Garanderie (Paris : Belles Lettres, 1988) : 163-5.
[18] Kipling, Enter the King, 318-21 à qui j’emprunte le titre de virgo mediatrix.
[19] Charles Oulmont, “Pierre Gringore et l’entrée de la reine Anne en 1504,” Mélanges offerts à M. Emile Picot, Membre de l’Institut par ses amis et ses élèves, 2 vols. (Paris : Librairie de la Société des Bibliophiles François, 1913) : 2 : 385-92 (389).
[20] René A. M. de Maulde La Clavière, Procédures politiques du règne de Louis XII (Paris : Imprimerie Nationale, 1885) : 1-786.
[21] Robert W. Scheller, “Ensigns of Authority : French Royal Symbolism in the Age of Louis XII,” Simiolus, 13 (1983) : 135-41.
[22] René A. M. de Maulde La Clavière, “Eloge de Louis XII, Père de la France en 1509,” Revue Historique, 43 (1890) : 47-65.
[23] Dull, Folie et rhétorique, 174.
[24] La Sottie nouvelle de l’astrologue (Picot 1 : 201-31) est selon Picot l’oeuvre d’un “basochien parisien,” selon Eugénie Droz on peut l’attribuer avec certitude à Gringore ; voir Le Recueil Trepperel : les sotties (Paris : Droz, 1935) : 316. Dull (Folie et rhétorique, 85) et Jokinen (“Réduplication synonymique,” 115) acceptent cette attribution, alors que Brown (Poets) et Aubailly (Le Monologue) l’ignorent.
[25] Jean Bouchet, Epistres morales et familières du Traverseur (1545 ; repr. New York : Johnson Reprint Corporation, 1969) : fol. 32r.
[26] Aubailly, Le Monologue, 313, 432-4.
[27] Voir également dans La Vie de Monseigneur Saint Louis (Montaiglon, 2 : 180-1) : “Je regrette l’absence du bon Roy … Peu vault païs sans seigneur et sans chief.”
[28] Claude de Seyssel, La Monarchie de France et deux autres fragments politiques, ed. Jacques Poujol (Paris : Librairie d’Argence, 1961) : 143.
[29] Seyssel, La Monarchie, 116.
[30] Seyssel, La Monarchie, 151.
[31] Nannerl O. Keohane, “Claude de Seyssel and Sixteenth Century Constitutionalism,” in J. Roland Pennock et John Chapman, eds., Constitutionalism. Yearbook of the American Society for Political and Legal Philosophy, 20 (1979) : 47-83.
[32] Seyssel, La Monarchie, 120.
[33] Seyssel, La Monarchie, 115.
[34] Seyssel, La Monarchie, 119.
[35] Seyssel, La Monarchie, 143.
[36] Claude de Seyssel, “Les Louenges du roy Louys XIIe de ce nom,” Histoire de Louis douziesme, roy de France père du peuple, ed. Théodore Godefroy (Paris : Abraham Placard, 1615) : 1-156 (108).
[37] A propos de Ferrault voir Jacques Poujol, “Jean Ferrault on the King’s Privileges,” Studies in the Renaissance, 4 (1957) : 15-26.
[38] Seyssel, La Monarchie, 137.
[39] Jean Bouchet, Annales d’Aquitaine, cité par Oulmont, La Poésie, 14.
[40] “Les Sobres Sotz,” Picot 3 : 55.
[41] “Les Sobres Sotz,” Picot 3 : 68.