Richelieu et son usage programmatique de l’art. L’image du cardinal dans le décor de ses résidences
Thomas Kirchner
Kirchner, Thomas, "Richelieu et son usage programmatique de l’art. L’image du cardinal dans le décor de ses résidences", dans Boyer, Jean-Claude (éd.), Richelieu patron des arts, Paris, 2009, p. 251-272.
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Richelieu et les arts : le sujet reste encore difficile. Le cardinal ne semble pas manifester de goût marqué, ni de conceptions artistiques particulières, ni non plus d’idée d’ensemble quant aux possibilités d’inscrire les arts dans des stratégies politiques. Il est certain qu’il ne possédait pas la visionde son successeur Jules Mazarin, qui aimait l’art, ni celle d’un Jean-Baptiste Colbert qui sut instrumentaliser celui-ci à des fins politiques. Et pourtant il nous faut corriger cette image au moins en partie, puisqu’il a non seulement construit une vaste collection d’objets d’art, mais aussi utilisé l’art sous forme de programme, ce en quoi il ne semble pas si éloigné de Colbert ou de Louis XIV. C’est en particulier dans l’image qu’il s’est appliqué à donner de lui-même et à laquelle il s’est attaché comme peu d’autres hommes politiques voulurent et surent le faire, qu’il a eu intensivement recours aux arts - et en tout premier lieu à travers la construction et la décoration de ses résidences.Dans ce cadre, ce qui est remarquable, ce n’est pas seulement l’ampleur de ses activités, c’est aussi la fermeté et le peu de temps qu’il lui fallut pour réaliser ses projets. C’est en quinze ans seulement, de 1628 jusqu’à sa mort en 1642, qu’il parvint à achever le Palais-Cardinal à Paris, le château de Rueil et le château de Richelieu en Poitou.Pour tous ces chantiers, il travailla toujours avec les mêmes artistes.L’architecture des trois projets fut confiée à Jacques Lemercier, la décoration du Palais-Cardinal surtout à Philippe de Champaigne et celle du château de Richelieu à Nicolas Prévost. La légende veut qu’il ait en réalité voulu charger Champaigne, qu’il estimait beaucoup, des travaux de son château du Poitou, mais que ce dernier ait refusé de quitter Paris pour une période aussi longue.Tous ces bâtiments ont aujourd’hui disparu,ou bien, comme c’est le cas pour la résidence parisienne qui devint après la mort du cardinal le Palais-Royal, nous les connaissons sous une autre forme, de sorte que l’analyse de leur décor ne peut s’appuyer que sur les sources documentaires.