Entretien avec Françoise Autrand
Françoise Autrand, Sabine Berger, Jacques Paviot, Caroline zum Kolk
Comment citer cette publication :
Françoise Autrand, Sabine Berger, Jacques Paviot, Caroline zum Kolk, Entretien avec Françoise Autrand, Paris, Cour de France.fr, 2012. Interview publiée en ligne le 1er octobre 2012 (https://cour-de-france.fr/article2543.html).
Françoise Autrand est professeur émérite de l’École Normale Supérieure, Paris. Ses recherches et publications portent sur la vie politique au Moyen Âge. Elle a publié des biographies sur Charles V, Charles VI et Jean de Berry. Son dernier livre, Christine de Pizan, est paru chez Fayard en 2009.
Entretien réalisé avec le soutien de l’Institut historique allemand, Paris
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Jeunesse et formation
J. Paviot : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre enfance et votre jeunesse ?
F. Autrand : Je suis née à Istres et j’ai passé une partie de mon enfance en Provence chez mes grands-parents. Mon grand-père était notaire et son étude possédait des archives très anciennes. Le soir ma sœur et moi nous allions faire nos devoirs dans la « petite étude » (le bureau des clercs) sous l’alignement des registres en série continue depuis la fin du 16e siècle. Au dos des reliures était inscrit le millésime : cela donne le sens du temps qui s’est écoulé des siècles passés jusqu’à aujourd’hui. Un jour – à cause d’un feu de cheminée – on a descendu de leur étagère perchée au ras du plafond quelques registres du XVIIe siècle. Nous les avons ouverts et déchiffrés en famille : distraction agréable en un temps où il n’y avait pas de télévision ! Pas plus de télévision ni de piscine ni de tennis dans la maison de famille à la campagne où nous passions les vacances. C’était seulement le grand air et les beaux arbres, les vieux murs et les vieux meubles, l’espace et la liberté. On lisait les livres de la bibliothèque des parents (du moins ceux qu’on nous avait autorisés à lire). Il y avait beaucoup de livres d’Histoire – ceux de la collection des « Grandes études historiques » de Fayard avec leurs couvertures jaune – des livres intelligents et faciles à lire. C’est comme ça, avec les vieux papiers et les livres, que j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire.
J. Paviot : Comment s’est déroulée votre scolarité ?
F. Autrand : La guerre a fait que nous nous sommes beaucoup déplacés. J’étais dans des écoles à Istres, à Marseille, à Casablanca, à Paris… Ça semble être une scolarité difficile, mais c’était tout à fait possible parce que l’enseignement était le même partout.
Après le bac je suis entrée à l’École normale supérieure de jeunes filles … sans grand enthousiasme, je ne le cache pas. J’aurais préféré « faire mon droit ». J’ai passé l’agrégation d’histoire et de géographie en 1957.
J. Paviot : Pourquoi avoir choisi l’histoire, et plus précisément l’histoire médiévale ?
F. Autrand : Nous avons eu un professeur, Édouard Perroy [1], « Monsieur Perroy ». Il était professeur à la Sorbonne, mais il venait faire un cours à l’École, un cours « d’initiation à l’histoire médiévale ». Il nous présentait et expliquait des documents, des actes où l’on voyait la vie des gens de l’époque. C’était vivant et concret et en même temps c’est à partir de ces textes qu’on voyait les problèmes du temps dans toute leur réalité. Cela changeait des ministères de la Troisième République, des coalitions contre Napoléon ou des constitutions de la Révolution. Je n’ai pas hésité.
J. Paviot : Avez-vous intégré l’université après ces années passées à l’ENS ?
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F. Autrand : Non. À cette époque on manquait cruellement d’enseignants et les jeunes agrégées étaient envoyées dans le secondaire. J’ai donc été professeur de lycée pendant huit ans. Les classes étaient surchargées. La première année, j’ai débuté avec une 4e de 46 élèves ! Mais les jeunes de l’époque étaient plus disciplinés qu’aujourd’hui, c’était donc tout à fait faisable. Aujourd’hui ce serait impossible à gérer… J’ai eu aussi mes enfants à cette époque. Tout cela allait ensemble.
J. Paviot : Quand êtes-vous entrée à l’université ?
F. Autrand : C’est de nouveau grâce à Édouard Perroy qui était professeur à la Sorbonne et qui m’a proposé de devenir son assistante. J’ai intégré en 1965 la Faculté des lettres de Paris, la Sorbonne, et j’y ai été pendant les événements de 1968. Dont je ne parlerai pas parce que je n’en ai rien à dire de positif… En 1970, la Sorbonne a été scindée et je me suis retrouvée à Paris I [2].
Le Parlement de Paris (1345-1454)
J. Paviot : Vient donc l’époque où vous préparez une thèse sur le personnel du Parlement de Paris… [3]
F. Autrand : Oui, je voulais absolument travailler sur un sujet qui avait un lien avec le droit.
J. Paviot : Votre thèse traite des années 1345-1454. Pourquoi avoir choisi ce cadre chronologique?
F. Autrand : 1345 est une date importante dans l’histoire du Parlement, l’année où une ordonnance arrête sa structure et fixe le personnel. 1454, c’est l’année de sa réorganisation, entreprise par Charles VII avec la Grande Ordonnance [4].
J. Paviot : Votre thèse repose sur un important travail de prosopographie, une enquête très poussée concernant l’origine des parlementaires et l’évolution de leur carrière. Vous notez à ce sujet l’existence de réseaux à une époque où on ne s’intéressait pas encore à l’histoire des réseaux et du clientélisme…
F. Autrand : Oui, c’est vrai. En faisant mes recherches, j’ai découvert que les parlementaires étaient pris dans des réseaux nouveaux qui vinrent s’ajouter aux relations traditionnelles créées par la famille, les attaches régionales et seigneuriales. Ces réseaux s’étendaient sur les élites du pouvoir. Ils n’étaient jamais vraiment fermés, ce qui me semble très important : la mobilité sociale existait bel et bien à cette époque, grâce aux études et au talent. Ces réseaux ont joué un rôle important en assurant des appuis qui donnaient au personnel royal une certaine liberté face aux forces politiques du temps.
J. Paviot : Vous avez utilisé une technique nouvelle pour faire cette thèse, l’informatique…
F. Autrand : Oui, mais ce n’est rien d’autre qu’un outil, un instrument, comme la machine à écrire…
C. zum Kolk : Qui faisait beaucoup rêver dans les années 1970… à la Sorbonne surtout, où les historiens suivaient des formations et commençaient à développer des « banques de données » pour faire des
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statistiques. Vous avez participé à la première table ronde consacrée à la question « Informatique et histoire médiévale » qui a eu lieu en 1975 [5]. On a même fondé une revue sur cette question [6].
F. Autrand : Oui, c’est vrai. Cela me rappelle d’ailleurs que j’ai appris tôt à utiliser une machine à écrire, dans l’étude de mon grand-père. En effet, l’informatique a été importante pour moi et ma recherche. Ça m’a poussée à traiter les données concernant les personnes que j’étudiais avec beaucoup de précision, et à voir des détails qui auraient pu m’échapper autrement. Il fallait indiquer sur chaque fiche des données concernant les noms, les prénoms, les fonctions, les états… L’informatique m’a montré que je disposais d’une documentation finie, limitée, pas infinie. J’ai inséré toutes ces informations dans une base de données ce qui m’a permis ensuite de faire des statistiques.
Histoire politique et histoire des mentalités
J. Paviot : Est-ce que cette thèse a été influencée par Bernard Guenée [7] qui enseignait à l’époque à la Sorbonne et qui a été votre directeur de thèse ?
F. Autrand : Ma thèse a été dirigée au début par Édouard Perroy et ensuite, lorsque ce grand professeur est parti à la retraite, par Bernard Guenée qui a profondément marqué mes recherches (et pas seulement les miennes).
J. Paviot : Pourquoi ?
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F. Autrand : Il travaillait à l’époque sur son livre L’Occident aux XIVe et XVe siècles : les États [8] et son séminaire a été marqué par cette enquête. Il avait une approche très neuve et particulière de l’histoire politique. Alors que traditionnellement les historiens voyaient tout du point de vue de l’État, du roi, des institutions royales, Bernard Guenée, lui, partait du point de vue des gouvernés : comment ils ont accepté ou rejeté le pouvoir royal et la part qu’ils ont prise à la mise en place de l’administration royale. Il est ainsi arrivé à démontrer dans sa thèse, un livre admirable [9], que si la justice royale a peu à peu supplanté les justices seigneuriales, c’est parce que les justiciables l’ont trouvée de meilleure qualité que les autres. De la même façon pour les idées politiques : il ne s’est pas limité aux œuvres théoriques, mais il a accordé une réelle importance aux croyances, aux prophéties, aux peurs des hommes, c’est-à-dire aux mentalités qui ont leur place dans l’histoire politique. Et ensuite, et cela a été également très important, il y avait son ouverture à l’étranger : il intégrait l’histoire d’autres pays dans ses réflexions. Il menait des études comparatives et n’oubliait jamais de regarder au-delà des frontières.
C. zum Kolk : Il avait fait des séjours à Oxford, Yale et Princeton…
F. Autrand : Oui, et il parlait et lisait plusieurs langues, l’allemand surtout, mais je ne sais pas s’il a séjourné dans ce pays [10].
C. zum Kolk : Cette approche internationale et comparatiste a marqué aussi le projet de recherche Genèse de l’État moderne initié par Jean-Philippe Genet [11]…
F. Autrand : Initié par Jean-Philippe Genêt et suivi par d’autres, dont moi, pourrait-on dire… Oui, c’était centré sur l’étude de l’histoire de l’État, dans toutes ses dimensions, et toujours avec une approche comparatiste qui englobait les pays européens dans leur ensemble…
C. zum Kolk : Est-ce que cette ouverture venait du fait que le programme a été repris par la European Science Foundation, après l’arrêt de son financement par le CNRS ?
F. Autrand : Non, le caractère international a été présent dès le début. Je n’adhère pas tout à fait à l’expression Genèse de l’État moderne. « Genèse » implique qu’il n’y avait rien avant – ce qui est faux. Mieux aurait été le terme de « construction » qui suggère que quelque chose est en train de se former avec de la matière existante. Ensuite, le terme d’« État » n’a pas au Moyen Âge le même sens qu’aujourd’hui. Et « moderne » est un mot qui n’existait pas au Moyen Âge et qui mène trop loin, jusqu’au XIXe siècle… Mais ces réflexions mises à part, le programme de recherche a été passionnant. On organisait des tables rondes, il y avait des publications…
C. zum Kolk : J’ai vu que vous avez dirigé l’équipe n° 33…
F. Autrand : Ah bon ? [rire] Laissez-moi réfléchir… ça doit être l’axe « Prosopographie »…
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Charles VI et les serviteurs de l’État
J. Paviot : Après ces projets, menés en commun avec d’autres chercheurs, vous êtes partie vers une aventure plus solitaire : la rédaction d’une biographie de Charles VI [12]…
F. Autrand : Une entreprise pas vraiment solitaire parce que je me suis trouvée dans un milieu très stimulant. En 1976, j’ai été nommée maître-assistant à l’ENS de jeunes filles, puis professeur. Ensuite l’École normale supérieure des filles et l’École normale supérieure des garçons rue d’Ulm ont été regroupées [13]. C’était très différent de la vie universitaire : j’y allais tous les jours, ne serait-ce que parce que je disposais d’un bureau, contrairement à l’université où il n’y en avait pas… On donnait des cours et on travaillait à la bibliothèque où l’on croisait des collègues, des étudiants, des anciens étudiants. Cela menait à beaucoup d’échanges et de discussions, et c’était très fructueux et stimulant. Le livre sur Charles VI est né à cette époque.
J. Paviot : Pourquoi avoir choisi ce personnage ?
F. Autrand : À ce sujet une anecdote. Un jour, Édouard Perroy m’a appelée : « Françoise, il faut que vous participiez à une émission radio sur Charles VI pour moi ». C’était la Tribune de l’Histoire, animée par André Castelot, Alain Decaux et Jean-François Chiappe [14], et ils voulaient avoir quelqu’un de la Sorbonne. Mais Monsieur Perroy trouvait que ce n’était pas sa place, il m’a donc envoyée [rit]. Les auditeurs pouvaient poser des questions, c’était très amusant.
Mais ce n’était pas ça qui m’a poussée à travailler sur Charles VI, bien évidemment. Ce livre est né d’une observation que j’avais faite pendant ma thèse : j’ai constaté que le règne de Charles VI n’était pas une période de déclin, comme on le disait souvent, mais au contraire une période où de grands progrès concernant le droit et le développement de l’administration ont eu lieu. Droit et administration vont à cette époque ensemble.
C. zum Kolk : Est-ce que ces progrès ont un lien avec les « absences » du roi dues à ses crises de folie ?
F. Autrand : En partie certainement. Les juristes et les officiers devaient parer aux problèmes suscités par cette incapacité temporaire du roi à gouverner. Mais cela va plus loin. On assiste à une professionnalisation du personnel administratif et à une prise de conscience dans ce milieu qui comprend à cette époque qu’il forme un groupe et une profession à part [15]. C’est très intéressant à observer et à suivre.
C. zum Kolk : Quand on regarde les articles publiés dans ces années, on constate que vous étudiez un bon nombre d’officiers de la Couronne : leurs origines et le déroulement de leur carrière [16]. Vous constatez
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qu’on commence à différencier la noblesse d’épée de la noblesse de robe… [17] Est-ce que c’est sous Charles VI qu’émerge la noblesse de robe ?
F. Autrand : Oui et non… Au temps de Charles VI, et sans doute pour un assez long temps encore, la noblesse est restée quelque chose d’uni. On n’a pas dit, par exemple dans les exemptions fiscales, « noblesse d’épée » et « noblesse de robe » ; qu’on soit noble parce qu’on était conseiller au Parlement ou parce qu’on était dans l’armée du roi n’avait pas d’importance : on était noble, point. Mais je pense qu’on commence malgré tout à distinguer à cette époque une noblesse qui n’est pas de la noblesse traditionnelle ; c’est le début de la noblesse de robe. On n’explicite pas cette distinction, on la sous-entend.
Charles V et la culture du pouvoir
S. Berger : Vous vous êtes intéressée ensuite à Charles V et son règne [18]. Est-ce que c’était la suite logique de votre étude de Charles VI, de passer « du fils au père » ?
F. Autrand : À vrai dire j’étais absolument fascinée par le règne de Charles V, mais pas de la même façon que du règne de Charles VI. Pour Charles VI, j’ai eu l’impression qu’il correspond à une période assez longue de reconstruction - que j’appelle les « Trente Glorieuses », d’ailleurs - tandis que le règne de Charles V correspond à un rebondissement. Il y a eu cette crise terrible de 1356-1358 où la France a été plus bas que terre et après intervient un spectaculaire redressement. Je crois que c’est ce qui m’a attirée ; il ne faut pas oublier que j’ai passé mon enfance pendant la guerre et qu’il y a eu après effectivement les « Trente Glorieuses ». La France était en ruines dans mon enfance, l’Allemagne au moins autant, et ce phénomène du redressement m’a vraiment fascinée. J’étais attirée aussi par la personnalité de Charles V, un homme extrêmement courageux, maître de soi, et un intellectuel, quelqu’un qui prenait les problèmes par leur aspect intellectuel.
S. Berger : D’où l’importance que vous accordez à ses livres, et aux idées politiques du roi et de son personnel ?
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F. Autrand : Oui. J’ai fait un article sur les bibliothèques, ce que j’ai beaucoup aimé [19]. Quand j’étudiais les testaments des conseillers au Parlement j’avais été très intéressée de remarquer qu’ils léguaient leurs livres et j’ai relevé toutes les listes de livres pour les comparer aux grands inventaires de bibliothèques bien connues. La bibliothèque de Charles V, la bibliothèque de Nicolas de Baye, la bibliothèque de la famille de Dormans – pour rester dans le même milieu – les bibliothèques des collèges universitaires… Ce qui me frappe beaucoup dans cette période-là, ce sont les efforts pour penser le pouvoir : c’est à dire d’une part pour avoir une approche intellectuelle des problèmes politiques et d’autre part pour fonder l’action politique sur des bases rationnelles. Quand on lit les ordonnances royales, les arrêts du Parlement, les extraits de plaidoiries du Parlement, etc., on s’aperçoit qu’il y a toujours un effort pour « penser » ce qu’on est en train de faire. C’est très important pour comprendre les racines historiques de notre civilisation. Le pouvoir, il faut l’exercer, mais il faut aussi le penser. Voilà pourquoi je me suis intéressée à la culture de Charles V et à son entourage intellectuel. Christine de Pizan raconte que presque tous les soirs, le roi discutait avec un petit groupe d’intellectuels (que j’appelle en plaisantant le « club du roi ») qui n’étaient pas des conseillers ou des gens qui exerçaient le pouvoir. C’est dans ce « club » qu’on débattait de grandes questions et qu’on mettait au point certaines positions justifiées par des idées [20].
S. Berger : Quel rôle jouaient l’art et la création dans l’exercice du pouvoir ? Je pense à votre article sur la tour Maubergeon à Poitiers qui traite entre autres de la question de la représentation du duc de Berry : comment il se met en scène à travers l’ornementation de cette tour [21].
F. Autrand : Oui, c’est extraordinaire ! Il y a la Grande Cheminée du palais de Poitiers, avec la représentation du roi et de la reine et du duc et de la duchesse, parce qu’on règne et gouverne en couple. Il
n’y a pas de roi sans reine, il n’y a pas de duc sans duchesse et il n’y a pas de seigneur sans dame, comme
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disait le duc de Berry lui-même [22]. On s’est toujours montré en couple. Par exemple Charles V : dans tous les monuments qu’il a fait bâtir, il a toujours fait représenter le roi et la reine, toujours. Vous parlez de la tour Maubergeon, mais il y a aussi l’escalier du Louvre où on est accueilli de marche en marche par un membre de la famille royale, ou bien la tour d’Amiens.
S. Berger : Le Beau Pilier de la cathédrale ?
F. Autrand : Oui, le Beau Pilier d’Amiens avec le roi, sa famille et ses conseillers, les Marmousets. C’est comme une « présence ». D’ailleurs, le duc de Berry avait plusieurs capitales puisqu’il était duc de Berry, d’Auvergne et comte de Poitou, et dans chacune de ses capitales il a fait bâtir des monuments pour que sa présence soit matérialisée. Il fallait être là.
S. Berger : On a beaucoup parlé du lien entre la politique et les arts pour les années 1400, comme on l’a fait un peu plus tardivement pour les années 1300...
F. Autrand : Et ensuite pour les années 1500… [23] En effet, l’art et le pouvoir sont indissociables. Il n’y a pas que Louis XIV dans ce domaine-là... Il paraît impossible d’étudier le pouvoir à cette époque sans étudier l’art ; le château de Vincennes, le palais de la Cité à Paris en témoignent. Si on compare cela au monde contemporain, ce n’est plus du tout le cas ; peut-être parce qu’il y a la télévision, la diffusion d’images…
Christine de Pizan
C. zum Kolk : Après tout ce que nous avons entendu, il paraît logique que vous alliez un jour vous intéresser à la personne de Christine de Pizan qui fait l’objet de votre dernier livre [24]. Commençons par le fait que Christine semble aimer le droit…
F. Autrand : Oui, tout à fait. Il ne faut pas oublier qu’elle était italienne, qu’elle était sortie du pays du droit romain.
C. zum Kolk : Vous suivez la pensée qui s’exprime dans son œuvre en posant régulièrement la question si ces réflexions sont conformes à une tradition ou si elles correspondent à quelque chose de nouveau, d’inhabituel.
F. Autrand : Oui, parce que les biographies précédentes de Christine de Pizan – mis à part quelques exceptions – ont été écrites par des personnes qui s’intéressaient surtout à l’aspect féminin. Ces auteurs
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avaient parfois une excellente culture littéraire, et une culture historique pas tout à fait au même niveau. Quand on ne connaît pas la culture de l’époque, il est impossible de voir ce qu’il y a de traditionnel ou de nouveau. Et c’est effectivement une question qui s’impose quand on étudie Christine de Pizan : dans quelle mesure est-elle un témoin de son temps et dans quelle mesure fait-elle avancer son temps ?
C. zum Kolk : Elle a des conceptions souvent très « modernes », par exemple en ce qui concerne l’impôt : elle est l’une des rares à le défendre.
F. Autrand : À mon avis elle est la seule ! Et avec des arguments en béton ! [rit] Très amusant est l’usage qu’elle fait des lieux communs, car elle commence par dire aux gens ce qu’ils attendent : les percepteurs sont des voleurs, il faut tondre sa brebis, mais ne pas l’écorcher… tous les lieux communs y passent. Et après sort la nouveauté : l’impôt est nécessaire, car sans impôt impossible de gouverner. Voyez la Grèce actuellement : un de leurs drames à ces pauvres gens était qu’ils ne payaient pas leurs impôts. Comment est-ce qu’on peut gouverner autrement que par la corruption s’il n’y a pas d’impôt régulier ? Christine de Pizan a eu beaucoup de lucidité [25].
C. zum Kolk : Cette clairvoyance, vous la soulignez à plusieurs reprises. Vous avez apprécié aussi le fait qu’elle ne connait aucun snobisme social. Elle n’insiste par exemple pas sur l’ancienneté de sa propre famille...
F. Autrand : Pas du tout, elle n’en parle pas ou peu.
C. zum Kolk : … et elle ne s’oppose pas à la mobilité sociale. Ce sujet rejoint un thème que vous avez étudié à d’autres endroits…
F. Autrand : Oui, tout à fait. On a appris il n’y a pas longtemps grâce à un excellent chercheur qu’elle sortait d’une famille de vieille noblesse italienne [26]. Christine dit qu’elle est d’une bonne famille, et cette évocation lui suffit. Du reste, elle laisse entendre que cela se voit au premier coup d’œil. Ça se voit à sa tenue, à son costume, à son langage : elle est une Dame.
C. zum Kolk : Elle se montre bienveillante envers les « parvenus », ces hommes et femmes qui ont intégré une couche supérieure. Elle les met en garde contre les erreurs qu’on peut commettre dans une telle situation et semble se préoccuper sincèrement de leur sort...
F. Autrand : Oui, absolument. Alors qu’Eustache Deschamps, par exemple, les raille d’une façon souvent très amusante. Mais ça n’a pas la même portée positive : il reste à la raillerie.
C. zum Kolk : Vous soulignez que Christine est étrangère. Car même si elle a grandi en France à partir de l’âge de quatre ans, Christine se considère elle-même comme italienne…
F. Autrand : Oui, “je suis femme italienne” dit-elle à trois endroits. C’est important, car elle voit la société française avec du recul ; elle est à la fois dedans et dehors. Et elle a conservé cette conscience italienne :
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elle a des relations avec des Italiens. Elle a une culture italienne puisqu’elle cite Dante, Pétrarque et Boccace.
La querelle du Roman de la Rose est à ce sujet très instructive [27]. Je crois que le fond du problème de cette querelle, c’est que nos braves Français, qui n’étaient pas n’importe qui (les frères Col [28] et autres), avaient redécouvert la littérature française antérieure à eux, et en particulier le Roman de la Rose. Or il y avait chez les Italiens un certain mépris pour cette littérature « gothique » qui leur paraissait très lourde et vieillotte. Je crois que ça les avait profondément vexés !
C. zum Kolk : Pour illustrer la concurrence avec l’Italie vous évoquez un incident diplomatique qui a eu lieu en 1367…
F. Autrand : Oui, l’histoire d’Anseau Choquart. Charles V souhaitait convaincre le Pape de rester à Avignon. Il envoya alors un grand maître de l’Université de Paris, quelqu’un de très savant, Anseau Choquart. Qui a travaillé (et a fait travailler ses disciples) pour faire un beau discours, truffé de citations, avec entassements de petits arguments, pour prouver que c’est en France qu’il y a eu les plus grands saints, les meilleures reliques - je crois qu’il y va aussi de la Sainte Ampoule (alors que Christine de Pizan, la Sainte Ampoule, elle n’en parle jamais).
Et il commence à faire son beau discours très emphatique, et tous les Italiens présents se tordent de rire, trouvant que c’est une rhétorique des plus pesantes. Les Français ont été horriblement vexés, mais ils ont eu une réaction positive : ils ont décidé de se mettre à l’école des orateurs italiens, et donc d’étudier les textes de l’Antiquité. Ainsi naît le pré-humanisme, le début de l’humanisme, en France.
Les « élégants »
C. zum Kolk : La cour semble davantage marquée par la culture chevaleresque ; c’est l’impression qui s’installe quand on lit le passage sur un groupe de chevaliers nommés les élégants...
F. Autrand : Je me suis régalée à écrire cette partie et j’ai pensé à Werner Paravicini qui a été parmi les premiers à qui j’ai envoyé ce livre. Ces pages lui rendent hommage : il a été le premier à démontrer que ces chevaliers n’étaient pas simplement bons pour donner des coups d’épée, mais qu’ils étaient aussi des hommes de culture [29]. Dans plusieurs œuvres poétiques apparaissent des images de chevaliers qui sont prisonniers (des Sarrasins ou de je ne sais qui) et qui sont assis par terre devant leur tente et font des concours poétiques, des joutes poétiques. Ils devaient faire la même chose sur les bateaux quand ils partaient en croisade ! Je trouve cela absolument merveilleux. Et je les admire, ces hommes. C’était tout ce qu’on voudra, sauf des soudards. Des gens pleins de finesse.
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C. zum Kolk : Vous rattachez ce comportement à l’idéal très ancien de l’amour courtois, et vous démontrez, avec Werner Paravicini, que la culture fondée sur l’idéal de l’amour courtois ne s’était pas éteinte ; elle s’est transformée, mais n’avait pas disparu.
F. Autrand : Oui, et ça fait penser également à la Cour amoureuse de Charles VI [30]. Parfois cela reste imaginaire, par exemple l’Ordre de la Rose du duc d’Orléans [31], je pense que ça n’a jamais existé. C’est une charmante invention littéraire.
C. zum Kolk : Quand vous abordez la querelle autour du Roman de la Rose, vous citez les passages les plus misogynes, les plus rustres. Et il vous échappe une phrase que j’ai beaucoup appréciée : « Il y a bien de quoi énerver les femmes, qu’elles soient du XVe ou du XXIe siècle [32] ».
F. Autrand : [rit] Oui, j’ai pris les vers les plus grossiers. Comme ça on ne discutera pas, et on ne dira pas qu’on fait preuve de pudibonderie. Je pense que tout le monde sera d’accord que c’est grossier.
C. zum Kolk : Qu’est-ce qu’il y avait comme biographies sur Christine quand vous avez rédigé ce livre ? Il y avait une courte biographie écrite par Régine Pernoud [33], je crois.
F. Autrand : Oui. Très honnête, mais court.
J. Paviot : Solente ?
F. Autrand : Oui, mais Suzanne Solente composait une présentation de Christine de Pizan destinée à l’Histoire littéraire de la France [34]. Elle a fait une étude très remarquable, comme son introduction au Livre des fais et bonnes meurs du sage Roy Charles V. Mais ce n’est pas vraiment une biographie, plutôt une présentation de l’œuvre, titre par titre. Et il me semble bien qu’il y a la prose d’un côté, la poésie de l’autre. Donc, ça ne fait pas un récit biographique. Il y avait aussi une courte biographie de Christine de Pizan de Simone Roux qui n’est pas du tout sans qualités, loin de là [35]. Elle s’est surtout attachée à l’aspect de Christine en tant que Parisienne.
C. zum Kolk : Ce qui lie cette thématique à Paris, son sujet d’étude privilégié.
F. Autrand : Tout à fait. Je ne sais pas pourquoi, mais très injustement ce livre est passé presque inaperçu.
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J. Paviot : Et Charity Cannon Willard [36] ?
F. Autrand : C’est déjà plus ancien. Et puis, c’est toujours pareil, c’est moins imprégné de culture historique. C’est bien - loin de moi la pensée de dénigrer ses travaux parce qu’elle a fait des éditions de textes absolument remarquables. Mais la biographie, ce n’est pas exactement son affaire.
C. zum Kolk : Vous regardez ensuite le Livre des trois vertus [37] et vous décelez un autre aspect de l’écriture de Christine. Christine est le premier auteur dans la littérature chrétienne occidentale qui traite les femmes non pas en tant que simples...
F. Autrand : ... épouses de…
C. zum Kolk : Exactement, épouse, veuve, fille ou autre… elle leur accorde à côté d’un statut familial un statut social.
F. Autrand : Oui. Autrement, elles étaient vierges, épouses et veuves, c’est tout. Christine innove en les classant par catégorie sociale, et elle utilise une échelle sociale qui n’est pas du tout convenue. Par exemple, quand elle parle des dames, elle parle des dames qui sont à la cour, des dames qui sont en ville et des dames qui sont à la campagne. Et celles dont le mari est à la guerre et celles dont le mari est présent. Quand elle parle des bourgeoises, elle voit également différents niveaux. Christine descend jusqu’en bas de l’échelle puisqu’elle prévoit même des conseils à donner aux prostituées. C’était vraiment une personnalité extraordinaire.
C. zum Kolk : Et en même temps Christine explique qu’il existe des conditions qui unissent toutes ces femmes ; les caractéristiques sociales différencient avant tout les manières de faire, la marge de manœuvre.
F. Autrand : Oui. Elle proclame « l’unité du collège féminin ». Les devoirs sont les mêmes pour toutes les femmes, quelle que soit leur situation sociale. Et les écueils sont parfois les mêmes aussi. Ce qu’elle a écrit là est très puissant.
C. zum Kolk : Est-ce que Christine a regardé la situation des femmes à la cour avec une attention particulière ? Est-ce qu’elle a réfléchi beaucoup sur les écueils et dangers qui guettent les princesses et les dames de la noblesse ?
F. Autrand : Oh oui. Elle a beaucoup fréquenté les princesses : elle les nomme et elle se fait l’écho des phrases qu’elles ont prononcées, des confidences qu’elles lui ont faites [38]. Il n’empêche que quand elle parle des bourgeoises, elle dit bien qu’il faut veiller à la moisson et à la vendange, qu’il faut faire des tissus à la maison et les vendre - elle est très concrète. Malgré tout je pense que l’intérêt majeur pour elle, ce sont les femmes de pouvoir. Elle a bien remarqué la face féminine du pouvoir : le pouvoir, selon Christine de Pizan, n’est pas seulement masculin. Et c’est sans doute vrai encore au XVIe siècle, mais ce n’est plus vrai au XIXe siècle. Il n’y a pas de face féminine du pouvoir au XIXe siècle !
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Tandis qu’à son époque, il n’y a pas de roi sans reine, pas de duc sans duchesse. Et il y a des fonctions féminines dans l’exercice du pouvoir, par exemple de demander la grâce pour des rebelles repentis, de négocier des mariages diplomatiques, de faire telle tâche de représentation, d’entretenir des relations avec tel et tel milieu… Christine dit dans quelles conditions, pour les noces, pour les naissances des enfants… tout ça, elle le détaille.
C. zum Kolk : Une répartition des tâches…
F. Autrand : Oui, une répartition des tâches. Il faut les deux. C’est ce que j’appelle la « face féminine du pouvoir ». Mais ce n’est pas sous les présidents de la IIIe République et leurs illustres ministres – à part Félix Faure, bien entendu – qu’on parlera de la face féminine du pouvoir [rit] !
La cour à la fin du XIVe siècle
C. zum Kolk : Cela m’amène à vous poser quelques questions sur votre vision de la cour de la fin du XIVe-début XVe siècle… une époque qui a laissé peu de documents concernant les hôtels royaux.
F. Autrand : Ils devaient être dans la série JJ, le trésor des chartes, qui a été en grande partie détruit lors de l’incendie de la Cour des comptes [39]. Mais on a des documents relatifs aux hôtels princiers, par exemple l’hôtel du duc de Berry que j’ai étudié [40]. Et malgré cette documentation lacunaire, il est certain que la cour royale était un lieu de pouvoir extraordinaire. Quand j’étais étudiante, il n’aurait pas fallu dire ça ! Quand on parlait de la cour, on pensait encore à 1789 : la cour, c’était Marie-Antoinette et ses beaux-frères, c’était des dépenses inconsidérées, c’était le gouffre des finances royales... Et on a étendu cette vision jusqu’aux origines. On n’a pas vu que la cour royale de l’époque dont vous parlez était un lieu de pouvoir. Pour donner un seul exemple, les chambellans étaient chargés des relations diplomatiques. Et regardez ce que dit Philippe de Mézières du malheureux jeune Charles VI : il n’a pas une minute à lui ! Il n’a pas de vie privée ! Et cette pauvre Isabeau de Bavière, dont on a toujours dit tant de mal ? En particulier, les gens qui étaient des amateurs de vaudevilles cherchaient toujours les écarts de conduite qu’elle aurait pu avoir… Mais comment une reine aurait-elle pu avoir un écart de conduite ? C’était absolument impossible, elle n’était jamais seule ! Elle était toujours sous la surveillance de plusieurs paires d’yeux... Mais toutes les reines (même l’épouse de Charles V, quand elle était duchesse de Normandie) ont été l’objet de soupçons. Il n’y en a pas une qui ait échappé à ça.
C. zum Kolk : Isabeau de Bavière est une des reines des plus décriées de l’histoire de France. Cette mauvaise réputation est venue tardivement, non ?
[p. 14]
F. Autrand : Il y a un texte qui l’a beaucoup desservie, Le Songe véritable [41]. Un texte pamphlétaire épouvantable, méchant, haineux et grossier sur le compte de la reine. « Toy, Royne, dame Ysabeau, enveloppée en laide peau... » - ça commence comme ça. Donc, les braves gens du XIXe siècle qui sont tombés sur ce texte… quel régal ! C’était un texte d’époque, c’était donc la loi et les prophètes - il ne pouvait dire que la vérité. En plus de ça, Isabeau vient de la Bavière qui n’est pas loin de l’Autriche – Marie Antoinette ! Et ensuite, il y avait les hostilités entre la France et l’Allemagne au XIXe siècle… Donc, la pauvre Isabeau avait tout contre elle.
Je vais vous raconter une anecdote à ce sujet. Vous connaissez bien sûr le Lexikon des Mittelalters [42] ? On m’avait demandé de faire la notice « Isabeau de Bavière ». Je l’ai faite avec ce que je savais et ce que je pensais de cette pauvre femme, c’est-à-dire que je la plaignais de tout mon cœur. J’ai envoyé ça à Munich au rédacteur en chef. D’habitude je recevais un petit courrier me disant « Merci, Mme Autrand, j’ai bien reçu votre texte, etc. » (il n’y avait pas d’ordinateur dans ce temps-là, pas de courrier électronique). Là, j’ai reçu une lettre manuscrite du rédacteur en chef qui était tout ému parce que je n’avais pas dit du mal d’Isabeau de Bavière ! Ce n’est pas touchant, ça ? [rit] Et effectivement, je pensais qu’on n’avait aucune raison de répéter les ragots de Paris dans les premières années du XVe siècle ou les bêtises du XIXe siècle. À mon avis, Isabeau de Bavière était une personne plus à plaindre qu’à blâmer. Et ses affinités politiques... Bien, elle a été d’abord sous la coupe du duc d’Orléans. Et du coup, on l’a accusée d’être à l’origine des impôts. C’est ça, son crime : les impôts... Et après la mort du duc d’Orléans, elle s’est fait mettre le grappin dessus par le duc de Bourgogne. Il faut bien penser que, à cette époque, c’est rarissime qu’une dame réussisse à véritablement exercer seule le pouvoir ; il y a toujours quelqu’un derrière. Regardez la reine Jeanne de Naples…
C. zum Kolk : En comparant la cour du début et de la fin du XVe siècle, quelles sont d’après vous les différences ou similitudes les plus marquantes ?
F. Autrand : Il y a une chose (qu’il faudrait peut-être vérifier) : j’ai l’impression que ni Charles V, ni Charles VI n’avaient de gardes du corps.
C. zum Kolk : En effet…
F. Autrand : N’est-ce pas ? Même Charles VI, qui avait par moment des crises de maladie mentale extrêmement graves, n’en avait pas. Il vivait à l’hôtel Saint-Pol où l’on entrait comme dans un moulin. C’était ouvert à tous les vents : l’hôtel était composé de petites maisons qui étaient éparpillées comme dans un parc, avec des ilots de maisons qui appartenaient à d’autres, le tout traversé par des ruelles. Des gens passaient continuellement par là. Je pense qu’à cette époque, un roi ne craignait pas d’être physiquement agressé. Le meurtre des maréchaux au temps d’Étienne Marcel a abominablement impressionné le jeune Charles V, mais ce sont ses compagnons que l’on a tués, pas lui ; je pense qu’on n’aurait pas osé porter l’épée sur lui. Donc, à cette époque, le roi n’a pas de garde du corps et on n’imagine pas qu’on puisse toucher à sa personne (sacrée, peut-être). Tandis qu’à partir de Louis XI, il y a des gardes. Et il y a eu ensuite l’assassinat d’Henri III et l’assassinat d’Henri IV…
[p. 15]
C. zum Kolk : Est-il possible que l’apparition des gardes se soit faite sous l’influence de la cour de Bourgogne ? La maison militaire du duc de Bourgogne était assez importante.
F. Autrand : Oui, c’est bien possible.
J. Paviot : Le caractère de Louis XI aussi.
F. Autrand : Oui, son caractère a joué aussi un rôle. Mais, enfin, les Français ont quand même attendu avant de tuer leur roi [rit]. Donc, malgré tout, je trouve que cela fait une très grande différence.
Ensuite, j’ai l’impression qu’il n’y a pas un très grand formalisme à la cour. Prenons ce que dit Christine de Pizan à propos de la journée de Charles V : elle raconte que le roi se lève de bonne humeur (il a une humeur égale - c’est important ça…). Il commence la journée en échangeant quelques plaisanteries avec ses chambellans. Puis il part à la chapelle, comme ça, sans formalités. Pour ses repas, on ne voit pas non plus un très grand formalisme. Tandis qu’après, les choses changent et se rapprochent plus de l’étiquette de la cour de Bourgogne. Vous avez raison, c’est peut-être l’influence de la cour de Bourgogne. Peut-être.
J. Paviot : Dans Les États de France que j’ai publiés [43], Éléonore de Poitiers dit que la comtesse d’Harcourt était la mémoire de la cour de France auprès de la duchesse de Bourgogne. Donc, il y avait déjà un certain protocole.
F. Autrand : Oui, mais en ce qui concerne Les Honneurs de la cour, j’ai l’impression que ce protocole est valable surtout dans les grandes occasions.
J. Paviot : Oui.
F. Autrand : Le premier exemple que la comtesse d’Harcourt donne, ce sont les noces du jeune Charles (pas encore VII) qui ont eu lieu en 1408, quand il était enfant, avec Marie d’Anjou. C’est l’exemple d’une grande cérémonie, ce n’est pas le quotidien.
Ensuite j’ai l’impression que le rôle des gens de l’Hôtel du roi est beaucoup plus politique à cette époque. Ils ne sont pas là pour faire simplement de la figuration.
C. zum Kolk : À la fin de cet entretien tournons-nous vers le futur : quels sont vos projets actuels ?
F. Autrand : Cette année, je me suis occupée de Jeanne d’Arc [44]. Un autre projet concerne mes archives familiales et la bibliothèque familiale. J’en ai déjà tiré une petite brochure dans laquelle j’ai édité cinquante lettres qui concernent un aïeul qui avait fait toutes les campagnes de Napoléon, y compris la campagne de Russie. Il est ensuite revenu dans son pays de Provence et a exercé le métier d’avoué. Je continue avec l’étude de cette bibliothèque dont je voudrais faire sortir la culture des praticiens de Provence, depuis le XVIe siècle jusqu’au XXe siècle. Ces livres ressemblent à des strates : il y a la couche des livres du XVIe, du XVIIe … et puis les livres du XXe siècle. C’est l’étude de la culture d’un milieu. Je ne veux pas léguer à mes enfants des paquets de feuilles qu’ils ne liront pas parce qu’ils sont rebutés par des écritures manuscrites.
C. zum Kolk : Quand vous observez les tendances actuelles dans le domaine de la recherche consacrée au Moyen Âge, qu’est-ce que vous trouvez bien, qu’est-ce qu’on pourrait faire mieux, quels seraient les desiderata, les lacunes à combler ?
[p. 16]
F. Autrand : Alors là je dis : je laisse faire les jeunes. J’approuve toutes les initiatives qui sont prises, je trouve que les choses vivent et mûrissent. Et qu’il ne faut absolument pas regretter le passé. Les générations antérieures ont fait leur travail. De même que je n’irais pas ricaner sur l’érudition du XIXe siècle qui représente une étape extrêmement importante dans la connaissance de l’histoire médiévale, de même je fais confiance aux historiens actuels pour faire l’histoire qui convient à notre époque. Ils le savent mieux que moi. Voilà.
C. zum Kolk : Madame Autrand, nous vous remercions pour cet entretien.
Illustrations
Tour Maubergeon, Poitiers (Auteur : Tony Hisgett, Creative commons CC, Wikimedia.org: http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Palais_des_Comtes_de_Poitiers.jpg)
Articles de Françoise Autrand recensés sur Cour de France.fr
- Culture et mentalité : les librairies des gens du parlement au temps de Charles VI
- L’allée du roi dans les pays de Languedoc 1272-1390
- L’image de la noblesse en France à la fin du Moyen Âge
- La force de l’âge : jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe siècles
- Le personnel du Parlement de Paris. Traitement automatique d’une prosopographie en vue d’une étude sociale
- Les Archives du Parlement de Paris : Point de vue de l’historien
- Les serviteurs de l’État au Moyen Âge : conclusion
- Avec D. Barthélemy et P. Contamine : L’espace français : histoire politique du début du XIe siècle à la fin du XVe
Notes
[1] Édouard Perroy (1901-1974), historien, spécialiste de l’Angleterre à l’époque de la Guerre de Cent Ans, du XIVe siècle et du Forez, région à laquelle il a consacré de nombreuses études. De 1924 à 1934, Perroy a été lecteur à l’université de Glasgow. En 1935 il devint maître de conférences, puis professeur à l’université de Lille. De 1949 jusqu’à sa retraite il enseigna à la Sorbonne. Publications majeures : L’Angleterre et le grand Schisme d’Occident (thèse, 1934), La Guerre de Cent Ans (1945), l’article « Crises du XIVe siècle » (Annales ESC, vol. 4, n° 2, 1949, en ligne : https://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1949_num_4_2_1716) et l’édition des Chartes du Forez (21 tomes) à laquelle il a collaboré.
[2] La division de l’université de Paris-Sorbonne en sept universités est le résultat de la loi d’orientation de novembre 1968 d’Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale. L’université Paris I Panthéon-Sorbonne est née en 1971 du regroupement d’une partie de la Faculté de droit et sciences économiques (Panthéon) et d’une partie de la Faculté des lettres et sciences humaines (Sorbonne).
[3] Naissance d’un grand corps de l’État. Les gens du Parlement de Paris 1345-1454, Publications de la Sorbonne, Paris, 1981.
[4] F. Autrand, « Rétablir l’État: l’année 1454 au Parlement », dans Actes du 104° congrès national des sociétés savantes (Bordeaux 1979, t.1) : La reconstruction après la Guerre de Cent Ans, Paris, 1980, p. 7-23.
[5] Actes publiés en ligne : Lucie Fossier, André Vauchez, Cinzio Violante (éd.), Informatique et histoire médiévale. Communications et débats de la Table ronde du C.N.R.S organisée par l’École française de Rome et l’Institut d’histoire médiévale de l’Université de Pise (Rome, 20-22 mai 1975). Rome, École française de Rome, 1977. In-8°, 436 pages. ( Collection de l’École française de Rome, 31.) : https://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/issue/efr_0000-0000_1977_act_31_1
[6] Le Médiéviste et l’ordinateur, revue créée en 1979 par l’IRHT et parue (en ligne) jusqu’en 2007. Voir sur le rapport entre médiévistique et informatique l’article de Lucie Fossier et al., « Vingt ans d’informatique en histoire médiévale », dans Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public. 20e congrès, Paris, 1989. L’histoire médiévale en France. Bilan et perspectives, p. 501-525 (en ligne : https://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_1991_act_20_1_1523).
[7] Bernard Guenée (1927-2010), professeur d’histoire médiévale à l’université de la Sorbonne à partir de 1965, directeur d’études à l’EPHE, membre de l’Institut (1981), de la Royal Historical Society (Londres) et de la Medieval Academy of America (1982). Élève de Charles-Edmond Perrin, Guenée se spécialise dans le domaine de l’histoire des institutions politiques du bas Moyen Âge et de l’historiographie médiévale. Il ouvrit son champ d’études à l’histoire des mentalités et adopta une approche internationale et comparatiste.
Œuvres majeures : Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis à la fin du Moyen Âge (vers 1330-vers 1550), Paris, Les belles lettres, 1963 (thèse) ; L’Occident aux XIVe et XVe siècles : les États, Paris, PUF, 1971 ; Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, 1980 ; Un meurtre, une société. L’assassinat du duc d’Orléans, 23 novembre 1407, Paris, Gallimard, 1992 ; L’opinion publique à la fin du Moyen Âge d’après la « Chronique de Charles VI » du Religieux de Saint-Denis, Paris, Perrin, 2002 ; La folie de Charles VI, roi bien-aimé, Paris, Perrin, 2004 ; Du Guesclin et Froissart, la fabrication de la renommée, Paris, Tallandier, 2008. Voir F. Autrand, « Bernard Guenée (1927-2010) », dans L’Archicube, n° 11bis, numéro spécial, février 2012.
[8] Première édition : Paris, PUF, 1971 ; la sixième et dernière édition date de 1998.
[9] Tribunaux et gens de justice… (v. note 6).
[10] Il y avait accompli son service militaire en 1951.
[11] Voir à ce sujet Jean-Philippe Genêt, « La genèse de l’État moderne. Les enjeux d’un programme de recherche », dans Actes de la recherche en sciences sociales, année 1997, volume 118, n° 1, p. 3-18 (en ligne : https://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1997_num_118_1_3219).
[12] Charles VI. La folie du roi, Fayard, Paris, 1986.
[13] L’École normale supérieure de jeunes filles (ENSJF) a été fondée en 1881 à Sèvres, puis installée au boulevard Jourdan à Paris en 1949. Elle a fusionné en 1985 avec l’ENS rue d’Ulm.
[14] Émission radio hebdomadaire diffusée à partir de 1951 le samedi soir, réalisée par Alain Barroux et présentée par Alain Decaux, André Castelot et Jean-Claude Colin-Simard (remplacé en 1963 par Jean-François Chiappe). Prévue initialement pour une année, l’émission ne s’est achevée qu’en 1997. Les archives de l’émission sont conservées à l’INA.
[15] « Un certain sens de l’État: les conseillers de Charles V », dans J. Chapelot, E. Lalou (éd.), Vincennes aux origines de l’État moderne, Paris, éditions rue d’Ulm, 1996, p. 343 – 355.
[16] Voir par exemple : « Naissance illégitime et service de l’État », dans Revue historique, t. 267, 1982, p. 289-304 ; « Vénalité ou arrangements de famille? La résignation des offices royaux en France au XVe s. », dans éd. I. Mieck (éd.), Ämterhandel im Spätmittelalter und 16. Jahrhundert, Berlin, 1984, p. 69-82 ; « La force de l’âge: jeunesse et vieillesse au service de l’État en France aux XIVe et XVe s. », dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, n° 1, 1985, p. 206-223 (en ligne : https://cour-de-france.fr/article2427.html); « Le mariage et ses enjeux dans le milieu de robe parisien XIVe-XVe s. », dans Michel Rouche et Jean Heuclin (éd.), La femme au Moyen Âge (colloque international, Maubeuge, 6-9 octobre 1988), Maubeuge/Paris, J. Trouzot, 1990, p. 407-429 ; « ‘’Tous parens, amis et affins’’: le groupe familial dans le milieu de robe parisien au XVe s. », dans Philippe Contamine, Thierry Dutour et Bertrand Schnerb (dir.), Commerce, finances et société. Mélanges offerts à Henri Dubois, Paris, 1993, p. 347-357 ; « Monseigneur veut que ses gens deviennent riches : les parvenus à l’Hôtel du duc de Berry, » dans Cl. Carozzi et H. Taviani-Carozzi (éd.), Hiérarchies et Services au Moyen Âge, Publications de l’Université de Provence, Aix, 2001, p. 11-29.
[17] Voir entre autres « Noblesse ancienne et nouvelle noblesse dans le service de l’État en France. Les tensions du début du XVe s. », dans Gerarchie economiche e gerarchie sociali, secoli XII-XVIII, Atti della Dodicesima settimana di studio (Prato 1980), 1990, p. 611-632 ; « L’image de la noblesse en France à la fin du Moyen Âge. Tradition et nouveauté », dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1979, n° 2, p. 341-354 (en ligne : https://cour-de-france.fr/article2426.html).
[18] Charles V le sage, Fayard, Paris, 1994.
[19] « Culture et mentalité. Les librairies des gens du Parlement au temps de Charles VI », dans Annales ESC, 1973, p. 1219-1244 (https://cour-de-france.fr/article2430.html).
[20] Voir à ce sujet entre autres le chapitre « Le club du roi » dans F. Autrand, Charles V, p. 728-731, et sur la culture du roi et de sa cour : « La culture d’un roi: livres et amis de Charles V », dans Perspectives médiévales, n° 21, juin 1995, p. 99-107 ; « Les livres des hommes de pouvoir: de la pratique à la culture écrite » en coll. avec Ph. Contamine, dans M. Ornato et N. Pons (éd.), Pratique diplomatique et culture politique au temps de Charles V. Pratiques de la culture écrite en France au XVe s., Louvain-la-Neuve, 1995, vol. 1, p.193-204 ; « Un certain sens de l’État: les conseillers de Charles V », dans Vincennes aux origines de l’État moderne…, p. 343-355.
[21] « La tour Maubergeon à Poitiers, un monument de paix ? », dans C. Carozzi et H. Taviani-Carozzi (éd.) Faire mémoire: souvenir et commémoration au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1999, p. 913.
[22] F. Autrand, « Hôtel de seigneur ne vaut rien sans dame » : le mariage de Jean, comte de Poitiers et de Jeanne d’Armagnac, 24 juin 1360, dans J. Paviot et J. Verger (éd.), Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen Âge, mélanges en l’honneur de Philippe Contamine, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2000, p. 51-61.
[23] Voir entre autres Danielle Gaborit-Chopin et François Avril (dir.), 1300... L’art au temps de Philippe le Bel, actes du colloque international tenu aux Galeries nationales du Grand Palais (24-25 juin 1998), Paris, École du Louvre, 2001 ; Élisabeth Taburet-Delahaye (dir.), Paris 1400. Les arts sous Charles VI, préface de Henri Loyrette, catalogue de l’exposition du Musée du Louvre (26 mars-12 juillet 2004), Paris, Fayard/Réunion des musées nationaux, 2004. Béatrice de Chancel-Bardelot et al. (dir.), France 1500, entre Moyen Âge et Renaissance, catalogue de l’exposition du Grand Palais (6 octobre 2010 – 10 janvier 2011), Paris, Réunion des musées nationaux, 2010.
[24] Christine de Pizan, une femme en politique, Paris, Fayard, 2009.
[25] Voir le chapitre « Pour ou contre l’impôt » dans Christine de Pizan…, p. 359 et « Du bon usage des lieux communs : Christine de Pizan et l’impôt », dans Corinne Leveleux-Teixeira et al. (éd.), Le gouvernement des communautés politiques au Moyen Âge, Actes du colloque en l’honneur d’Albert Rigaudière, Paris, Editions Panthéon-Assas, 2011, p. 253 – 266.
[26] Nikolai Wandruszka, “The Family Origins of Christine de Pizan : Noble Lineage between City and Contado in the XIIIth and XIVth century”, dans Au champ des escriptures, éd. Éric Hicks, Paris, 2000, cité par F. Autrand, Christine de Pizan…, p. 55.
[27] Débat sur la valeur des femmes déclenché par la très misogyne deuxième partie du Roman de la Rose, livre destiné à un public laïc. L’auteur de la 2e partie, Jean de Meung, augmenta entre 1275 et 1280 de 18 000 vers la première partie du roman, écrite par Guillaume de Lorris en 1237, constituée de 4058 vers. Voir Christine de Pizan…, p. 151-165.
[28] Sur Pierre et surtout Gontier Col, voir Christine de Pizan…, p. 142-145 et du même auteur « Gontier Col, un conseiller diplomatique de Charles VI », dans D. Clauzel, Ch. Giry-Deloison et Chr. Leduc (éd.), Arras et la diplomatie européenne, XVe-XVIe siècles , Arras, 1999, p. 27-45.
[29] Werner Paravicini, « Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, chevalier errant », dans Saint-Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, éd. F. Autrand, C. Gauvard et J. M. Moeglin, Paris, 1999, p. 139. Voir F. Autrand, Christine de Pizan…, p. 100.
[30] La cour amoureuse fut fondée en 1400 à l’initiative de Louis de Bourbon et de Philippe le Hardi et placée sous le patronage du roi de France Charles VI. Elle rassemblait des nobles, des ecclésiastiques, des bourgeois et des humanistes, réunis pour célébrer les dames et les sentiments qu’elles inspiraient, sous forme de jeux poétiques et de chansons, à l’instar des chambres de rhétorique (extrait du compte rendu de Christiane Van den Bergen-Pantens du livre d’Hélène Loyau et Carla Bozzolo, La cour amoureuse dite de Charles VI, Paris, Le Léopard d’Or, 1982 (compte rendu paru dans la Revue belge de philologie et d’histoire, 1986, vol. 64, n° 2, pp. 424-425 : https://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1986_num_64_2_5599_t1_0424_0000_3).
[31] Cette fondation (imaginaire) se rattache à un banquet organisé à l’hôtel d’Orléans en 1402 pendant lequel Christine de Pizan aurait donné lecture de son Dict de la Rose (voir Christine de Pizan…, p. 124).
[32] Christine de Pizan…, p. 157.
[33] Régine Pernoud, Christine de Pisan, Paris, Calmann-Lévy, 1982.
[34] Suzanne Solente, « Christine de Pisan », Histoire littéraire de la France, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, t. 40, 1969.
[35] Simone Roux, Christine de Pisan : femme de tête, dame de cœur, Paris, 2006.
[36] Charity Cannon Willard, Christine de Pizan. Her Life and Works, New York, Persea, 1984.
[37] Le Livre des trois Vertus ou Le Trésor de la Cité des Dames, éd. Charity Cannon Willard et Eric Hicks, Paris, Bibliothèque du XVe siècle, 1989. Réédité en 2006 par Liliane Dulac dans Voix de femmes au Moyen Âge, Paris, Robert Laffont, 2006.
[38] « Christine de Pisan et les dames à la Cour », dans G. et Ph. Contamine (éd.), Autour de Marguerite d’Écosse: reines, princesses et dames, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 19-31.
[39] Trois incendies (1618, 1737 et 1776) ont détruit les archives de la Chambre des Comptes qui se trouvaient au Palais de Paris. La documentation relative aux hôtels de la cour a subi déjà avant des pertes importantes. Voir J. Boucher, « L’évolution de la maison du roi : des derniers Valois aux premiers Bourbons », dans XVIIe siècle, 34e année, n° 137, oct.-déc. 1982, p. 360 (article réédité sur Cour de France.fr le 1er septembre 2012 (https://cour-de-france.fr/article2483.html) et H. Lemoine, « L’incendie du Palais de Justice et la disparition des archives de la Cour des Aides (11 janvier 1776) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, 1933, n° 1, pp. 89-94 (en ligne : https://cour-de-france.fr/article889.html).
[40] Voir F. Autrand, Jean de Berry. L’art et le pouvoir, Paris, Fayard, 2000.
[41] Le Songe véritable. Pamphlet politique d’un Parisien du XVe siècle, éd. H. Moranville, Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. 17, 1890, p. 217-438.
[42] Lexikon des Mittelalters, 1977-1999, Artemis et LexMA, Munich, 9 vol. et index.
[43] Éléonore de Poitiers, Les États de la France (Les Honneurs de la Cour), éd. par Jacques Paviot (Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, n° 516, année 1996, Paris, Honoré Champion, 1998).
[44] Sujet qui apparait dès 1995 dans les publications de F. Autrand : « Le pouvoir et le surnaturel : Jeanne d’Arc 1429 », dans Bulletin de l’association des amis du centre Jeanne d’Arc, n°19, 1995, p. 5-24.