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Marie-Pierre Litaudon, Le paranymphe d’honneur et de vertu, un mystérieux manuscrit dédié à Louis XIII

Pascale Mormiche

Pascale Mormiche, "Marie-Pierre Litaudon, Le paranymphe d’honneur et de vertu, un mystérieux manuscrit dédié à Louis XIII", Paris, Cour de France.fr, 2020. Compte rendu publié le 9 mars 2020 (https://cour-de-france.fr/article5500.html).

Marie-Pierre Litaudon, Le paranymphe d’honneur et de vertu, un mystérieux manuscrit dédié à Louis XIII, Préface de Denis Crouzet, avec le soutien du CRCV, Arcadés Ambo, Saint Laurent du Var, 2019, 133 p.

L’histoire se renouvelle par les interrogations des historiens mais également par les sources, ce qui est, il faut le dire, un événement devenu rare. Un petit ouvrage vient de ressurgir, commenté par Mme Litaudon qui en offre quelques extraits et de belles planches : Le Paranymphe d’honneur et de vertu pour Monseigneur le prince dauphin par Jean le Goys, in-quatro, publié en 1616, relié en velin et couvert de fleur de lys.
Cet ouvrage vraisemblablement unique fut connu d’un tout petit nombre d’érudits. Il serait mentionné pour la première fois en 1746 dans le catalogue de vente de la bibliothèque de l’abbé d’Orléans de Rothelin, puis en 1792 dans celui de Mirabeau l’aîné. Il se trouve ensuite dans le catalogue des livres de la bibliothèque de Monsieur Chardin vendus en 1824. Un commentaire ajoute alors qu’il est un : « manuscrit original sur papier, orné de dessins représentant les lettres de l’alphabet etc. On y trouve un portrait dessiné de Louis XIII enfant à qui ce livre a été présenté. » Il est apparu à la vente Christie’s du 8 décembre 1982, date depuis laquelle il se trouve chez un collectionneur qui a accepté qu’un commentaire en soit fait.
Cet ouvrage est un objet multiforme que l’autrice peine, à juste titre, à classer. Son titre Paranymphe le rattacherait à un discours par lequel la Faculté de médecine de Paris célébrait en grande pompe tous les deux ans ses lauréats mais il peut être également un écrit pamphlétaire, voire satirique. Ici, il est surtout un écrit encomiastique. Mais il est également, par son contenu, un livre d’apprentissage à la lecture symbolique.
Mme Litaudon est une littéraire spécialiste d’un type d’ouvrages, les abécédaires [1]. Elle mène donc une étude érudite impressionnante sur la forme du manuscrit, son écriture (adaptée du Champfleury du graveur-fondeur et imprimeur Geoffroy Tory de 1529) et sa reliure (par Clovis Eve, relieur du roi), l’analyse de la dédicace et de la souscription, le contenu du texte ainsi que sur les magnifiques illustrations. Elle cherche à travers des faits rigoureusement analysés et une érudition minutieuse les indices qui conduisent à la réponse qu’elle pressent : l’auteur serait Jean Héroard médecin du roi. Et toute sa démonstration est orientée vers cette réponse qui, dans un sens, ferme la question. Selon elle, cet ouvrage serait une partie du triptyque de l’œuvre de Jean Héroard, complétant son Institution et son Journal. Cependant face à ces indices, des questions subsistent : Pourquoi, étant déjà au service du roi en 1606 comme conseiller et secrétaire, le médecin Héroard aurait-il eu besoin de rédiger cette institution du prince cryptée sous forme d’abécédaire illustré ? En quoi aurait-il besoin de faire connaître ses immenses compétences d’homme lettré dans une cour qui est, à juste titre, animée par les lettres et les arts. Le professeur Denis Crouzet, qui préface la publication, reconnaît que « Héroard appartient au second XVIe siècle, au rêve d’une monarchie habitée par l’esprit qui donne vie à l’univers et en redistribue les effets positifs à l’humanité souffrante et divisée des Français pour qu’ils accordent entre eux enfin ». (p. 14) Héroard cherchait-il une promotion supplémentaire, voire envisageait-il un emploi de plus proche conseiller du roi comme le suggère Mme Litaudon ?
La quête d’Héroard dans cet ouvrage occulte quelque peu le contenu, le sens et la portée de ce texte à clé étrange. Il est vrai que le personnage d’Héroard mériterait un réexamen depuis la publication du journal par Madeleine Foisil. Mme Litaudon apporte en dernière partie quelques nouveaux éclairages sur les débuts de carrière mais également sur une orientation pédagogique que Jean Héroard aurait envisagée en dépit des gouverneurs et sous-gouverneurs nommés pour les deux princes, Louis et Gaston d’Orléans.
Cet ouvrage a quasiment disparu des mémoires historiennes. Le travail considérable qui a été fait par Mme Litaudon pour le faire ressurgir, n’épuise pas le sujet. De nombreuses questions persistent notamment sur le contenu et pas seulement sur la lecture symbolique, sur les objectifs de ce texte ainsi que sur la didactique par les emblèmes et les images. D’évidence, cet ouvrage manuscrit n’a pu être mis tel quel entre les mains d’un enfant. D’évidence, sa réception à la cour a été discrète. Interroger le contexte de la cour de France en reconstitution pendant l’enfance et l’éducation de Louis XIII, interroger le genre des Institutions du prince et celui des livres à emblèmes nourriraient le contexte de rédaction de ce texte précieux. On attend avec impatience la publication de la source in-extenso qui serait un moyen d’augmenter le corpus sur les « Institutions du prince ».

Notes

[1Marie-Pierre Litaudon, Les abécédaires de l’enfance : verbe et image. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2014 (Art et société). Marie-Pierre Litaudon et Michel Manson, « Abécédaires ». Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d’enfance et de jeunesse en France / sous la direction de Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot. Paris : Electre-Editions du Cercle de la librairie, 2013.