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Une jeunesse au cœur des rivalités franco-impériales : le duc Charles III, de la cour de Lorraine à la cour de France (1543-1559)

Sylvène Édouard

Comment citer ce texte :
Sylvène Édouard, Une jeunesse au cœur des rivalités franco-impériales : le duc Charles III, de la cour de Lorraine à la cour de France (1543-1559), Paris, Cour de France.fr, 2024 (https://cour-de-france.fr/article2788.html). Article inédit publié le 10 nov. 2024.

Dans l’Europe des princes de la Renaissance, certains princes et nobles furent élevés dans une autre cour que la leur. À la même époque, les sultans ottomans gardaient au palais de Constantinople les fils de leurs vassaux tributaires comme otages princiers pour garantir la fidélité des pères. À la cour de France, puissante et attractive, de nombreux princes étrangers furent parfois aussi les hôtes ou otages du roi de France mais tout en étant traités selon leur rang, recevant une instruction à la fois savante et militaire. Les jeunes nobles, étrangers ou régnicoles, formaient ainsi un ensemble cosmopolite de compagnons, de pages et de garçons d’honneur dans l’entourage des dauphins successifs et de leurs frères et sœurs. Enlevé à sa mère à l’âge de neuf ans, Charles III de Lorraine demeura à la cour de France entre 1552 et 1559. La présence du jeune duc auprès des Enfants de France se comprend dans le contexte immédiat de l’occupation des évêchés de Metz, de Toul et de Verdun par le roi de France Henri II à la suite du traité du 5 octobre 1551 signé avec l’électeur de Saxe, celui de Brandebourg et le landgrave de Hesse. Né le 15 février 1543, à Nancy, Charles fut le premier enfant du duc François de Lorraine (1517-1545) et de Chrétienne de Danemark (1521-1590), nièce de Charles Quint. Après la mort de son père survenue le 12 juin 1545, sa mère et son oncle Nicolas de Lorraine, alors évêque de Metz et de Verdun, exercèrent ensemble la régence et prirent soin d’organiser sa maison pour son entretien et son éducation, tant en Lorraine, dans un premier temps, que plus tard à la cour de France. La formation du jeune duc se situe alors à un moment charnière de la vie politique lorraine depuis la mort du duc François, comme elle est elle-même à la croisée des pratiques pédagogiques du petit âge et de celui de la rhétorique [1]. La présence de Charles à la cour de France, bien que peu documentée [2], témoigne alors des enjeux qui entourèrent la constitution de la maison du jeune duc et sa formation politique. En dépit de relations anciennes et soutenues entre les deux maisons de France et de Lorraine, la première maison du jeune duc fut marquée par la présence d’hommes de l’empereur. Dans sa prime jeunesse lorraine, le jeune duc s’instruisit à l’école de ses parents. Avec le passage à la cour de France, l’entourage néanmoins changea et la formation du duc prit une dimension plus politique.

L’ambigüité des liens du sang : les maisons de France et de Lorraine

L’affaire de l’enlèvement du jeune duc, survenu en avril 1552 sur ordre du roi de France Henri II pour soustraire la Lorraine au pouvoir de l’empereur, peut être comprise à la lumière des parentèles que met en exergue un ouvrage commandé pour Charles III à son départ, à savoir l’Epitomé de Jean d’Aucy, une histoire lignagère du duché de Lorraine [3]. Cette commande du régent Nicolas de Lorraine, bien qu’achevée tardivement en 1557, avait pour vocation d’enseigner au duc la diversité de ses attaches dynastiques et rappeler les liens étroits tissés entre la maison de Lorraine et celles des Valois, d’Anjou, de Bourbon et d’Autriche. Par son père François, éphémère duc de Lorraine, Charles avait en effet hérité du duché de Bar et du duché de Lorraine dont la maison remontait entre autres à Louis II d’Anjou et à saint louis par ses ancêtres Charles de Valois et Marguerite d’Anjou. Par sa grand-mère, Renée de Bourbon-Montpensier, il pouvait se prévaloir de l’ascendance de Robert de Clermont et donc de la maison de Bourbon. Mais il était aussi issu de la maison d’Autriche par sa mère Chrétienne de Danemark, nièce de l’empereur Charles Quint. Partagé entre deux maisons rivales et à la tête d’un duché relevant à la fois du domaine royal français et du Saint-Empire, le jeune duc devint l’otage princier du roi de France qui avait alors pris l’avantage.
Ainsi, en dépit des liens dynastiques forts entre les Valois et les Lorraine, l’intrusion du roi de France dans le duché n’eut rien d’amical en 1552. Celle-ci sanctionnait la politique lorraine de neutralité menée par le duc Antoine, grand-père de Charles III. La situation géographique et politique de la Lorraine, entre royaume de France et Saint-Empire romain germanique, avait nécessité une diplomatie de rapprochements pour ménager les deux puissants voisins qui regardaient avec convoitise ce pays d’entre-deux. Antoine pensa renforcer son autonomie politique en obtenant de Charles Quint l’indépendance du duché le 26 août 1542 après avoir ménagé l’impérial voisin par des mariages : Louise de Lorraine, fille du duc de Guise, s’était unie à Charles II de Croÿ [4] ; Anne, fille d’Antoine, avec René de Chalon [5], prince d’Orange puis, en secondes noces avec Philippe II de Croÿ [6] ; et François, l’héritier du duché, épousa la nièce de l’empereur, Chrétienne de Danemark, en 1540. Ce lien dynastique nouveau venait rompre l’équilibre autrefois en faveur de la France d’autant que Chrétienne, la nouvelle duchesse bientôt veuve en 1545, avait toujours été très proche de sa tante Marie de Hongrie, sa principale conseillère. Les noces furent à l’image de la politique ambivalente du duc Antoine. Elles furent célébrées à Bruxelles, le 10 juillet 1540, et rassemblèrent pendant huit jours les nobles de la cour prestigieuse de la gouvernante Marie de Hongrie [7]. Les plus distingués d’entre ces nobles au service de Charles Quint accompagnèrent les époux à Pont-à-Mousson avec, parmi eux : le fidèle Philippe III de Croÿ [8], 3e duc d’Aerschot, le prince et la princesse d’Orange [9], le comte et la comtesse de Mansfeld [10] et divers seigneurs des Flandres. Le message du duc était assez clair pour être entendu du roi de France auquel sans doute il avait pu reprocher ses menées sur le Barrois mouvant, une tolérance coupable à l’égard de la Réforme et, aussi, le traitement infligé à son beau-frère le connétable de Bourbon… autant de griefs remontant aux années 1520 [11].

Le duc de Lorraine avait toutefois tenu à un certain équilibre dans les relations et le cortège nuptial fut accueilli à Pont-à-Mousson par le camp des partisans français, frères et neveux du duc : le cardinal Jean de Lorraine [12], le duc de Guise [13], le comte de Vaudémont [14], l’archevêque de Reims [15], Louis de Lorraine [16], Claude II de Lorraine [17] et François de Guise [18]. Cette nouvelle escorte conduisit ensuite le couple à Nancy. Malgré la présence du camp français, en force en territoire lorrain, François Ier prit ombrage de cette alliance et exigea une sorte d’hommage pour le duché de Bar, conditionnant la souveraineté sur le Barrois à sa seule grâce puis tout rentra dans l’ordre, les lettres d’hommage étant restituées, par le traité de Crépy du 18 septembre 1544.

L’année précédente, le 15 février 1543, Charles vit le jour à Nancy et cette naissance fut suivie de celles de ses sœurs Renée, en avril 1544 (mariée à Guillaume V de Bavière en 1568), et Dorothée en mai 1545 (mariée au duc Éric de Brunswick en 1575). Le duc François mourut le 11 juin 1545, un mois après la naissance de sa fille Dorothée. La régence revint alors à la duchesse, Chrétienne de Danemark, et au frère du duc défunt, Nicolas de Lorraine, évêque de Metz et de Verdun. La duchesse avait d’abord été réticente à partager cette régence, soutenue en cela par sa tante Marie de Hongrie et son oncle Charles Quint qui s’en ouvrit alors au roi de France, au cardinal de Lorraine et même au duc de Guise. Finalement, une assemblée tenue au château de Deneuvre, sur la Meurthe, imposa la corégence à la duchesse le 6 août 1545.

Les grands seigneurs qui firent escorte au jeune couple cinq ans plus tôt se trouvèrent engagés, pour un certain nombre d’entre eux, dans le conflit qu’Henri II porta ensuite en Lorraine au printemps 1552. La mort prématurée du duc François avait donné au roi de France toutes les craintes de voir la Lorraine dirigée par les parents autrichiens de la duchesse douairière. Cependant, les liens s’étaient maintenus entre la cour de Lorraine et leurs proches parents et voisins de Champagne, dans la seigneurie de Joinville où le duc de Guise, Claude de Lorraine, était devenu un noble français puissant qui n’en demeurait pas moins le cousin du régent et l’oncle du jeune Charles. En dépit des tensions, les liens familiaux furent soutenus pour plaider la cause des régents dans le Barrois, par exemple, en rappelant au duc de Guise qu’ils le font « a raison de la tutelle qu’avons de notre filz et nepveu [19] ». Même si les régents comptent alors sur les Guise pour soutenir la cause du duché de Bar auprès du roi de France, les liens familiaux n’en demeurent pas moins solides. En attestent ces échanges de juillet 1551, alors que la pression française devient plus forte aux frontières, entre le nouveau duc de Guise, François, et ses parents lorrains : tandis que les régents se trouvent à Saint-Mihiel, Chrétienne se réjouit, de son côté, de voir bientôt François et sa nièce Marie Stuart, la reine d’Écosse – « je suis fort joyeuse de ce que la royne descosse et vous serez tost par-deçà pour lenvie que jay des long temps la veoir [20] » -, tout en le remerciant de l’avertir du passage de troupes près de Joinville, et Nicolas de Lorraine remercie le duc de l’invitation qu’il leur a faite de venir au baptême de son enfant à naître à Joinville [21]. Ces bonnes relations furent un atout pour le jeune duc Charles III lorsqu’il fut conduit à la cour de France pour poursuivre son éducation après l’affaire de l’occupation des évêchés de Metz, Toul et Verdun.

Les événements se précipitèrent en effet en mars 1552. Tandis que les électeurs rejoignaient Augsbourg, l’armée du roi de France, sous le commandement d’Anne de Montmorency, se mit en marche en direction de la Lorraine en passant par la Champagne où les places frontières furent organisées pour le ravitaillement. Parmi les hommes de la troupe du roi figuraient le duc de Nevers, François Ier de Clèves, gouverneur de Champagne, le duc d’Aumale Claude de Lorraine, qui avait épousé la fille de Diane de Poitiers en 1547 (Louise de Brézé) et qui était alors colonel de la cavalerie, et Gaspard de Coligny, colonel de l’infanterie et neveu du connétable. Aux frontières de la Lorraine, à ce moment de tension extrême, les armées prenant position, la cour de Lorraine fut prise en étau entre ses deux voisins et parents.

Henri II, ayant investi la place et se trouvant à Nancy, convoqua le 15 avril la duchesse douairière pour l’informer que son fils allait être conduit en France et qu’elle n’exercerait plus sa fonction de régente. La révolution de palais toucha non seulement Chrétienne mais aussi tout l’entourage pro-impérial qui fut congédié. Le gouverneur de Charles III, Montbardon, fut alors remplacé par un certain seigneur de la Brosse-Mailly que Dom Calmet dit avoir été l’ancien gouverneur du duc de Longueville. En vain, le roi tenta-t-il de rassurer Chrétienne du sort réservé à son fils et le 17 avril, celle-ci écrit à sa tante Marie de Hongrie que le roi Henri II « a fait emmener mon fils avec une telle rudesse que, si j’eusse été esclave, ils n’en eussent su faire davantage » et que lui ayant ôté toute autorité « de sorte que je ne saurois plus demeurer ici avec honneur et réputation ; encore plus, je n’aurai plus le moyen de faire service à Votre Majesté, qu’est l’un de mes plus grands regrets [22] ». Le nouveau gouverneur avait quitté Nancy, sous l’escorte du sieur de Bourdillon, avec Charles pour le conduire à Reims où se trouvait le dauphin François. Il n’est plus question ensuite du seigneur de la Brosse-Mailly dans l’entourage du duc à Paris mais il apparaît à plusieurs reprises dans la correspondance du duc François de Guise, du roi et du connétable car, durant cette campagne militaire, un « sieur de la Brosse », gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, faisait le messager entre Metz, Toul, Verdun et Nancy [23]. Le 19 avril, la duchesse douairière quitta Nancy elle aussi avec ses deux filles pour se retirer dans son douaire de Blâmont d’où elle continua à informer sa tante et à intriguer, tant et si bien que le roi de France lui ordonna de quitter la Lorraine le 2 juin.
Charles III avait lors tout juste neuf ans et ne revit pas sa mère avant 1558. Il était encore un bien jeune enfant nourri à la cour de Lorraine et qui apprit sans doute davantage son devoir de duc à la cour de France les années qui suivirent.

Une première jeunesse lorraine avant l’enlèvement

Avant 1552, Charles reçut ses premières leçons en Lorraine. À la mort du duc François, la maison de Charles, alors âgé de deux ans et demi, fut organisée. D’après Dom Calmet, dans son Histoire de Lorraine, « on donna pour Gouverneur au jeune Duc, le Seigneur de Montbardon, Jean du Châtelet, seigneur de Deüilly et de Gerbeviller, le Baron Daguerre, et Hector de Ligniville, Abbé de Saint-Sauveur et Prévôt de Saint-George de Nancy ». Aucune gouvernante n’est mentionnée mais cette fonction était attribuée d’ordinaire jusqu’au passage aux hommes vers 7 ans ou moins. Seule la nourrice, Claudon Edouart, demeure connue dans les comptes de Lorraine conservés aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle [24]. La présence de quatre hommes, en revanche, est plus étonnante par l’absence de distinction des fonctions réelles des uns et des autres. Ils n’étaient pas tous gouverneurs et l’abbé cité était en réalité le précepteur. Leur présence précoce – le duc a moins de 3 ans - peut toutefois s’expliquer par l’importance de l’un des trois personnages.

Hugues de Villelume, seigneur de Montbardon, était un homme de confiance de l’empereur au point qu’il avait représenté ce dernier aux noces d’Anne de Lorraine, fille du duc Antoine, avec le prince de Chalon en août 1540 au château de Bar [25]. Ce « réfugié français » avait été au service du duc de Bourbon, connétable de France jusqu’à la rupture avec François Ier en 1523. Les deux hommes étaient entrés ensuite au service de l’empereur et Montbardon, alors gentilhomme de bouche, se vit confier une mission diplomatique auprès d’Henri VIII d’Angleterre au moment de la paix de Crépy en août 1544. Charles Quint lui avait encore confié la mission de se joindre à ses deux émissaires, d’Andelot et François Bonvalot, pour conseiller la duchesse de Lorraine dans l’affaire de sa régence. Avant d’être nommé gouverneur de Charles III, il le fut également de François, père de ce dernier, mais à quel titre ? La charge de gouverneur pouvait être liée à l’éducation ou renvoyer à une fonction militaire de représentation. Or, de 1550 à 1570, Montbardon fut en effet gouverneur de Blâmont [26]. Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme, le décrit comme « fort sage et honneste homme que l’Empereur luy avoit donné, le connoissant pour tel de longue main, car il l’avoit veu serviteur de M. de Bourbon, et estoit François réfugié [27]. » Ses qualités d’homme de guerre et de cour en firent un bon candidat pour la conduite du jeune duc qui apprendrait, à son contact, les manières d’un bon courtisan, formé au maniement de l’épée, comme l’attestent les gages d’un maître escrimeur [28], et exercé dans le maintien du corps. Mais, au départ du duc pour la cour de France, le gouverneur, trop proche de l’empereur, fut remplacé. Il ne fut question de clore ses gages qu’en 1557, ce qui paraît étonnant puisque celui-ci avait été remplacé par un autre gouverneur au départ pour la France en 1552, en touchant une indemnité de mille écus pour services rendus [29]. Le sieur Jaallon, l’autre précepteur, sortit également de sa charge en 1552 et toucha la même somme que Montbardon.

Au côté de l’homme de Charles Quint, figure, selon Dom Calmet [30], « Jean » du Châtelet, seigneur de Deuilly et Gerbéviller. En réalité, le second gouverneur du duc était Pierre, dit Perrin du Châtelet, frère du précédent (au service du roi de France), chevalier, baron de Deuilly, seigneur du Châtelet et de Gerbéviller. Contrairement à Montbardon, nouveau venu à la cour de Lorraine, le baron de Deuilly avait occupé des postes prestigieux de conseiller d’État (1521), de bailli de Nancy (1541), de sénéchal de Lorraine (1548) avant d’être nommé gouverneur de Charles III jusqu’à sa mort le 23 août 1556. Sa fille Manne avait épousé, en 1551, un autre grand seigneur lorrain, Wari de Savigny, seigneur de Lémont, qui fut aussi le gouverneur de Charles III une fois à Paris.

Vient ensuite Claude Daguerre, baron de Vienne-le-Château, à la stature moins avantageuse en raison de sa fâcheuse réputation liée à un incident survenu à Paris, au Louvre, en juillet 1549. L’affaire fut cause d’un duel qui opposa Daguerre à Jacques de Fontaine, sieur de Fendille [31]. Ce dernier avait réclamé réparation de l’outrage qu’aurait commis Daguerre dans l’antichambre du roi au Louvre, l’accusant d’avoir eu des gestes déplacés et indécents à son endroit. La querelle fut réglée contre l’avis des régents de Charles III qui se voyaient ainsi retirer le droit de choisir le lieu du duel. Celui-ci eut lieu à Sedan chez Robert IV de La Mark en août 1549, selon la volonté d’Henri II. Daguerre en sortit victorieux après avoir protesté de son innocence auprès de son témoin, le duc de Nevers. Daguerre appartenait à une illustre parenté qui avait été distinguée par François Ier, lequel avait requis auprès de lui la présence du jeune François de Lorraine né en 1517 (père de Charles III). Âgé de 15 ans, François quitta Nancy accompagné de gentilshommes et officiers pour le servir dans sa maison. Parmi eux se trouvait Jean Daguerre, baron de Vienne-le-Château, au titre de surintendant de la maison du prince, devenu plus tard le grand maître de la maison du duc François et son chambellan. Quant à Claude Daguerre, fils de Jean Daguerre, gouverneur du jeune duc, il fut nommé maréchal du duché du Bar en 1550.

Enfin, l’abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Sauveur, Hector de Ligniville, devait être le précepteur, engagé dès 1546, auquel se serait adjoint le sieur de Jaalon – ou Jaillon – jusqu’en 1552. Cet Hector de Ligniville appartenait à une famille comtale du Saint-Empire, les seigneurs de Tumejus, dont les illustres représentants furent, de père en fils, voire de frère à frère, chambellans des ducs de Lorraine, de Charles II à Charles IV. Dom Calmet précise, dans sa liste des prévôts de l’église de Saint-Georges, qu’Hector de Ligniville fut également l’aumônier du jeune duc, ce qui correspond bien au profil d’un précepteur lorsque celui-ci est aussi homme d’Église, comme le furent souvent les précepteurs au service des Enfants de France.

L’éducation de Charles, jusqu’à son départ, fut-elle humaniste et donc libérale dans le sens qu’Érasme donnait à ce qualificatif dans son De liberis educandis ? Il est possible de le penser compte tenu des précédents dans sa famille, tant du côté de Marguerite d’Autriche – importante pour la formation de Marie de Hongrie et par conséquent de Chrétienne de Danemark sa petite-nièce – que de celui d’Anne de France, fille de Louis XI, qui avait contribué à l’éducation de Charles de Bourbon, le futur connétable. Par les ouvrages laissés à sa fille Suzanne comme par sa pratique pédagogique, Anne de France fit de la maison de Bourbon l’une « des plus singulières de toute chrétienté pour bien norrir et instruire en bonnes meurs, vertus et devocion, pudicité et toute honnesteté, les enfans des nobles, soient hommes ou femmes. Car c’est une escolle de vertu et de perfection et ou plusieurs nobles désirent leurs enfans estre norriz [32]. »

Sans pouvoir affirmer que Charles eut les mêmes goûts que son père ni qu’il bénéficia des mêmes conditions d’apprentissage, du moins est-il possible d’avancer que la cour de Lorraine brillait suffisamment pour offrir tous les moyens possibles à la meilleure éducation qui fût. Le père, François, amateur de chasse et de musique surtout, avait été entouré d’excellents maîtres de musique, de même qu’il appréciait tout particulièrement l’artisanat élevé au rang d’art, faisant venir à lui des maîtres en la matière. Il est dit également qu’il aimait particulièrement l’histoire, et celle de Lorraine avant tout, versé dans les discours savants dignes d’être entendus, à savoir ceux que la morale humaniste chrétienne recommandait [33]. Sans doute fut-il servi dans son goût par les travaux d’histoire de son héraut d’armes, Edmond du Boullay, qui affectionnait surtout, en raison de sa charge, la connaissance des blasons et des cérémonials. Auteur d’une généalogie des ducs de Lorraine, publiée à Metz en 1547, ainsi que d’autres ouvrages similaires, Du Boullay était jugé par Dom Calmet assez mauvais historien bien qu’« il étoit dans les mêmes principes que le Père Jean d’Aucy ; il fait descendre nos Ducs des Troyens ; il cite pour son garant l’ancien historiographe Hunibaldus, qui fleurissoit du tems de Clovis I et écrivit après le Philosophe Drachus et le vieil historien Waltaldus, douze Livres dits Chroniques et Annales de Troye la Grande. » Et Dom Calmet ajoute plus loin : « J’ai en main le Manuscrit original de la chronique de du Boulay, qui est mutilé au commencement […] Il est dans les mêmes principes que le Père d’Aulcy [34]. »

Chrétienne de Danemark fut plus à même que son défunt mari de reporter sur son fils les ambitions d’une instruction qu’elle-même reçut à la cour de sa tante Marie de Hongrie. Les figures de femmes illustres, et viriles par leur exercice du pouvoir, ont été nombreuses en cette première moitié du siècle, marquant de leur esprit et de leurs exigences les petits princes qui furent confiés à leurs soins : Margaret Beaufort, Anne de France, Louise de Savoie, Marguerite d’Autriche, Marie de Hongrie, Marguerite d’Angoulême… Ces femmes de pouvoir firent école en leur palais. Marguerite d’Autriche avait pris soin d’éduquer et d’instruire ses neveux et nièces à la cour de Bruxelles où elle exerçait, pour son neveu Charles et futur Charles Quint, la fonction de gouvernante des Pays-Bas. Chrétienne de Danemark arriva d’ailleurs à Bruxelles, chez sa grand-tante Marguerite, encore tout bébé, en 1523. Quelques années plus tard, elle retourna à Bruxelles, en 1535, après la mort de son premier époux, François Sforza. Elle fut accueillie par sa tante Marie de Hongrie, qui avait elle-même été nourrie auprès de Marguerite, aux côtés de ses frères et sœurs, à l’hôtel de Bourgogne à Malines.

Cette éducation humaniste s’adaptait avant tout à l’enfant, ses goûts et ses talents, et rejetait les châtiments. L’éducation ne devait pas être vécue comme une contrainte et abhorrée par l’élève. Pour les garçons, les exercices physiques étaient importants avec l’équitation, la danse et le maniement des armes sous la forme de jeux pratiqués entre enfants. La journée d’étude d’un prince de haut rang était rythmée par le lever, les prières, l’habillage, l’office religieux puis les leçons pendant 6 à 8 heures, ponctuées de récréations, adaptées à l’âge et dispensées dans un lieu prévu à cet effet. Certaines informations, rapportées par Émile Duvernoy, permettent de mieux situer, durant cette période, le temps sérieux des études de Charles à partir de 6 ans. Les comptes font en effet mention de « l’escolle et estude » lorsqu’il se trouve à Pont-à-Mousson, entre décembre 1549 et février 1550, puis à Lunéville à la fin de l’année 1550 et durant toute l’année 1551, « en la chambre de la tour du château [35] » où se fait l’étude. Le jeune duc devait bénéficier de la présence de jeunes seigneurs lorrains comme tout prince à l’époque côtoyait dès le plus jeune âge les membres importants de sa noblesse, futurs officiers de son État et de son armée. Aucune mention n’est faite d’un tel entourage et la mémoire des jeunes années du duc souffre de l’absence de toute écriture biographique contrairement à son père auquel le héraut d’armes de Lorraine et historiographe, Edmond du Boullay, avait consacré une histoire [36].

Les études princières étaient assez communes et reposaient d’abord sur les exercices pieux. Les princes ânonnaient les prières et surtout les psaumes, puis passaient assez tôt aux abécédaires, à la lecture et à l’apprentissage du latin en apprenant par cœur des formules concises tirées des Écritures saintes ou des recueils de sentences [37]. Élevés dans la crainte de Dieu, qui fut sans doute le premier précepte enseigné aux jeunes princes, ceux-ci étaient nourris dans la dévotion moderne de l’imitation de Jésus-Christ telle qu’Érasme la recommandait dans l’Institution du prince chrétien de 1516 et, déjà, dans son Manuel du soldat chrétien en 1503. Jusque vers 7 ans, les princes découvraient la grammaire latine grâce aux ouvrages alors répandus dans toutes les classes : l’Ars minor du grammairien Donat et les Distiques de Caton [38]. Entre 1470 et 1550, le recueil de sentences de Caton l’Ancien fut plus de trois cents fois réédité. L’édition établie par Érasme en 1516 fut la plus célèbre. Les humanistes pédagogues privilégièrent ces petits ouvrages contenant des textes courts d’ordre parénétique pour former moralement le jeune élève et lui donner, par la même occasion, des outils simples d’apprentissage de la grammaire en apprenant par cœur les sentences. Charles a-t-il eu, entre les mains, des recueils de sentences, comme celui de Caton, d’Horace, des Sept Sages de Grèce ou encore, certainement, les Fables d’Ésope dans leur version latine ? Il est permis de le penser, de même que l’un des exercices familiers des princes pour s’exercer à la grammaire latine était alors la rédaction de courtes missives adressées en général aux parents. Ces petites lettres de quelques lignes, en lettres chancelières, permettaient de s’exercer à des formules de salutation, à l’emploi de certains mots et de leurs déclinaisons ou encore aux conjugaisons. Puis, tout à l’acquisition des rudiments de la langue, l’enfant enrichissait son vocabulaire en passant à la lecture d’ouvrages plus complexes dès l’âge de 7 ans. S’ajoutaient ainsi aux recueils classiques de sentences, d’apophtegmes, de formules, de conversations et de lieux communs, des colloques et des livres d’histoire. La culture générale intervenait assez tôt dans l’instruction mais sous forme répétitive puisqu’elle se communiquait surtout à travers des recueils des « faits et dits de personnages illustres ». L’histoire enseignée était avant tout celle des hommes et des femmes dignes d’être connus par leurs actes et leurs paroles. Mais, jusqu’à 9 ans, cette connaissance ne servait encore qu’au perfectionnement de la langue. Les études de Charles, une fois à la cour de France, se poursuivirent certainement dans cette perspective de maîtrise du langage, avant de passer plus sérieusement à la rhétorique vers 11 ans, au moment même où la petite cour des Enfants de France rejoignit celle de leurs parents en 1554.

Le duc lorrain à la cour de France : une tradition sous tension

Pour des raisons toujours politiques, qu’une caution familiale rendait plus supportable, les ducs de Lorraine passèrent par la cour de France, d’Antoine à Charles III. Antoine de Lorraine (1489-1544) avait séjourné, jeune homme, à la cour de Louis XII, ainsi que ses frères Claude (futur duc de Guise) et Jean (futur cardinal de Lorraine), où il s’était lié d’amitié avec le jeune comte d’Angoulême, futur François Ier. À 20 ans, tandis que sa mère Philippe de Gueldre gouvernait les duchés, le jeune duc accompagna Louis XII lors de sa campagne d’Italie et participa à la bataille d’Agnadel en 1509. Au service de la cause française, le jeune duc passa ainsi plus de temps dans la troupe militaire des rois de France, comme à Marignan en 1515, qu’à la tête de son duché où les problèmes confessionnels finirent par le rappeler définitivement en 1523. Ces liens très étroits entre les deux maisons furent entretenus par la suite avec l’envoi de François de Lorraine à la cour de France en 1532, sur la demande de François Ier.

Le duc François (1517-1545), père de Charles III, vécut en effet un temps à la cour de France. Né en février 1517 à Nancy, François avait reçu son prénom de son parrain le roi de France, en témoignage des très bonnes relations qu’entretenaient alors les cours de France et de Lorraine. L’entourage du duc François, du temps de sa jeunesse, est mieux connu que celui de son fils trente ans plus tard : sa gouvernante, son gouverneur et précepteur, ainsi que les jeunes seigneurs qui partagèrent ses études et ses jeux comme toute socialisation d’un prince le requérait. Parmi ces derniers figurait déjà un certain Châtelet. Vers 14 ou 15 ans, quittant Nancy pour la cour de France, François fut entouré de gentilshommes pour le servir dans sa maison. À la cour, il devint un intime du dauphin et le roi se montra curieux du jeune homme, l’appelant son fils, comme c’était l’usage entre membres d’une même famille, et fut prodigue de compliments : « disoit publiquement que son Filleul seroit un jour un des plus sages Princes de son tems [39]. » François passa ainsi presque six ans à la cour de France et revint, à 20 ans, en Lorraine, en 1538. Quinze ans plus tard, Henri II traita le jeune Charles avec la même considération, le nommant « son fils [40] » mais dans des conditions bien différentes. Le jeune duc n’était pas libre de retourner en Lorraine selon sa volonté sans pour autant avoir été considéré comme un otage par certains de ses contemporains. Ainsi, l’ambassadeur du roi d’Espagne, Renard, écrit au roi Philippe II, en février 1556 : « Quant audit Sr duc, comme le roy le tient pour son filz e a liberté d’aller et venir où bon luy semblera, que le Sr de vaudemont [Nicolas de Lorraine] son contuteur a consentu sa demeure et norriture en France, comme aussy ont faict ses plus proches parens, qui n’est question de parler qui soit esté en servitude, car il a eu et a liberté [41]. » Signe de sa grande faveur, le roi de France l’aurait même donné en exemple à ses fils, ne cessant « de les engager à imiter le compagnon de leurs exercices et de leurs études [42] ».

Du côté de l’entourage, le duc avait quitté Nancy, en avril 1552, sous l’escorte du sieur de Bourdillon et de son nouveau gouverneur La Brosse-Mailly [43], avec plusieurs gentilshommes issus de familles lorraines illustres. Il a déjà été question plus haut de Pierre du Châtelet, gouverneur du duc, lequel, en raison de « l’occupation continuelle » que sa charge requérait auprès du jeune prince, fut exempté du ban et arrière-ban en mai 1554 [44]. Il mourut à Paris le 23 août 1556 [45]. Venait ensuite le gouverneur Wari Ier de Savigny (1513-1556), seigneur de Lémont, descendant des comtes de Lunéville, qui avait épousé Manne du Châtelet en 1551, la fille de Pierre du Châtelet précédemment cité. Wari de Savigny illustre bien la nature franco-lorraine du service au prince et, par conséquent, l’empreinte française sur le jeune prince. Cet homme d’armes, distingué par le gouvernement de Clermont dans la Meuse, fréquentait la cour de Lorraine et la branche française de la famille, représentée par les Guise. Quels que fussent ses mérites, il se distingua suffisamment pour être honoré de la charge de gouverneur du duc de Lorraine, en 1552, et le demeura jusqu’à sa mort en 1556. À la cour de France, Lémont fut un sujet lorrain dévoué à son duc et au régent Nicolas, un homme suffisamment digne de confiance pour avoir été le porteur des missives au roi de France.

Si les sources restent silencieuses sur La Brosse-Mailly - le gouverneur imposé au duc par le roi de France à son départ de Nancy -, il en est autrement du baron Daguerre. Après le départ de Charles pour la cour de France, le voilà qui apparaît au détour d’une missive militaire, écrite par Antoine d’Estrées au cardinal de Lorraine, qui atteste sa présence au camp de « Teley » en octobre 1552, probablement à Metz. Son absence au côté de Charles III à cette date soulève la question de son maintien dans l’entourage du duc. La question est en partie résolue par la présence, dans l’état des comptes, de l’arrêt du paiement de ses gages en 1557 [46]. L’homme apparaît de nouveau en 1556 lors de son mariage avec Jeanne de Hangest, laquelle est veuve de Philippe de Maillé, dit de Brézé. Il apparaît enfin lors du départ du duc Charles III en 1559. Après son mariage avec Claude de France et le sacre de François II, Charles III avait regagné Nancy. Sur le chemin du retour, alors que Charles voyageait en compagnie du roi François II, le corps de Daguerre fut retrouvé étendu sur le bord du chemin. Autrefois vainqueur de Jacques de Fontaine, voilà qu’il venait de trouver la mort au cours d’un autre duel qui l’avait opposé à Antoine de Lützelbourg, dans le bois de Villers-Cotterêts [47]. Charles, très affecté par la mort de son gouverneur, aurait réclamé vengeance mais le jeune roi, François II, l’en aurait dissuadé en se contentant de bannir le gentilhomme. Ce funeste Antoine de Lützelbourg était cousin au second degré de Wari de Savigny et lui avait succédé, après 1556, au poste de gentilhomme de la chambre du duc. Il est dit du personnage qu’il avait un caractère violent et ambitieux, si bien que la rumeur mit la mort de Wari de Savigny sur le compte de l’ambition de son cousin. En réalité, Wari de Savigny souffrait depuis plusieurs jours de violents maux de reins [48]. Il décéda à Paris le 8 août 1556, précédant de peu son beau-père dans la tombe. Ce cas illustre à la fois la mobilité de certains gouverneurs au cours de leur charge et les rivalités au sein de la maison de Charles III. La maison [49] est, en ce sens, un lieu formateur pour la socialisation, laquelle s’étend alors bien au-delà, au contact des autres enfants de la cour.

Outre l’entourage lorrain du duc, la cour des Enfants comptait en son sein une vingtaine de fils et filles de grands seigneurs. Cette petite cour résidait le plus souvent à Saint-Germain-en-Laye depuis septembre 1548 jusqu’en 1554, date à laquelle les aînés finirent par rejoindre la cour de leurs parents afin d’achever leur éducation. En 1552, le dauphin avait alors presque huit ans, sa sœur Élisabeth six ans et Claude, son autre sœur, cinq ans. Se trouvait également à leurs côtés, Marie Stuart, la petite reine d’Écosse, âgée de dix ans, qui arriva en 1548 en France et occupa la seconde place, après le dauphin, dans l’ordre des préséances. Les Enfants et la reine d’Écosse logeaient au troisième étage du château de Saint-Germain-en-Laye tandis que le reste de la cour occupait les appartements de la basse-cour. L’étiquette était enseignée précocement aux enfants à travers l’établissement des maisons et des serviteurs qui furent environ trois cents. Leur nombre augmenta avec les naissances suivantes et d’autres serviteurs s’agrégèrent à ce premier noyau, issus de l’entourage des garçons et des filles d’honneur. Les parents de ces derniers servaient, en général, le roi et la reine dans leurs maisons respectives, au conseil du roi et dans ses armées. D’autres étaient issus de familles étrangères, comme Louis de Gonzague, le futur duc de Nevers, arrivé en septembre 1549, à l’âge de dix ans avec le rang de garçon d’honneur du dauphin [50]. Dans le contexte de la campagne lorraine de 1552, d’autres enfants étrangers arrivèrent à la cour, comme otages, comme Christophe de Betstein, soit Bassompierre en français, d’après les mémoires de son fils le maréchal [51], aurait été laissé en gage au roi de France par son père François de Betstein, fidèle serviteur de Chrétienne de Danemark, alors qu’il n’avait que cinq ou six ans pour être placé au service du duc d’Orléans, à peine moins âgé de deux ou trois années. Il aurait ensuite loyalement suivi Charles IX et serait devenu « l’ami de cœur » d’Henri de Lorraine, duc de Guise. En revanche, Jean-Casimir, comte palatin, né en 1543, ne fut pas aussi fidèle à la maison de France et, selon Brantôme, se montra bien ingrat en soutenant les protestants français alors qu’« il avoit receu nourriture du feu roy Henry, et M. de Lorraine et luy estoient quasi nourrys ensemble en sa court [52] ».

L’éducation des princes à la cour de France

Quels furent ces exercices et ces études, et qui les prodiguaient ? L’instruction venait de l’entourage princier, celui des hommes accompagnant le duc comme gouverneurs, précepteur et gentilshommes de chambre. Elle venait aussi de la cour en général par une immersion régulière dans l’art de ses intrigues et de son habitus. Enfin, elle était constituée de lectures, d’échanges et d’exercices écrits propres à comprendre les vertus nécessaires au bon gouvernement de soi et des autres.

Être nourri à la cour de France signifiait avant tout, au-delà des considérations matérielles, être instruit d’esprit et de corps en matières savantes et par manières de cour. Certains moments du quotidien et d’autres, plus exceptionnels, partagés avec les autres garçons de la petite cour, forgeaient un habitus varié, du combat à la courtoisie. Le premier moment fort vécu par le jeune duc à la cour de France se produisit en février 1553. La cour fêtait la défaite de l’empereur Charles Quint devant Metz le mois précédent. Sans doute cette guerre fut-elle alors source d’émulations guerrières pour les garçons de la petite cour à Saint-Germain-en-Laye. En effet, ils participèrent à un tournoi avec le dauphin et combattirent à la hache et à l’épée après la défaite de Charles Quint [53]. Peu de temps après, en février, les parents les rejoignirent et des réjouissances martiales furent organisées avec des combats entre les bandes de garçons armés de piques et d’estocs, se terminant par la prise d’un bastion et poursuivies, les autres jours, par d’autres combats singuliers. En temps normal, ces jeux étaient suivis d’un bal, permettant aux jeunes filles de participer à cette vie sociale tout en préparant les corps à la maîtrise de cet art de cour qu’était la danse. Il est possible que le jeune Charles, tout juste âgé de 10 ans, ait modestement participé à ces simulacres mais les sources ne le mentionnent pas. Les autres garçons, les plus remarqués à cette occasion, avaient presque l’âge de suivre le roi à la guerre. Louis de Gonzague, qui n’avait que treize ans, fut remarqué et apprécié par Henri II lors de ces journées [54]. Le prince mantouan, né en 1539, combattait le plus souvent avec Léonor d’Orléans, duc de Longueville, et les frères La Marck. Les fils de Montmorency et du comte de Tende, Philippe Strozzi ainsi que ceux précédemment cités avaient entre douze et seize ans et achevaient quasiment leur éducation. Les enfants plus proches du dauphin François n’avaient, quant à eux, qu’une dizaine d’années et devaient se contenter d’admirer leurs aînés. Se trouvaient parmi eux le duc de Lorraine, Claude de Maillé, Entragues, le fils du maréchal de Brissac et d’autres encore. Avec eux, Charles se forma au maniement des armes – Henri II avait engagé un maître d’armes pour eux dès 1550 -, imita les héros des romans de chevalerie dans le parc du château, fit du cheval, chassa, dansa et apprit ses leçons.

Marie Stuart (1542-1587), reine d’Écosse, avait leur âge et participait, selon son rang, à leurs divertissements. Elle laissa un cahier d’exercices épistolaires qui permet de reconstituer en partie l’école de ces princes [55]. La rédaction de ce cahier se situe entre juillet 1554 et janvier 1555 alors que la petite cour a rejoint celle des grands. Désormais, les Enfants et leurs compagnons suivent la cour dans ses déplacements, de Reims à Compiègne en septembre, de Villers-Cotterêts à Paris en octobre, puis à Saint-Germain jusqu’à la fin de la rédaction de l’exercice en janvier 1555. La vie nomade de la cour n’était pas un frein aux études et chaque Enfant, comme chaque prince, disposait de ses propres ouvrages dans son coffre. Cependant, une bibliothèque avait été également constituée pour les Enfants au château de Saint-Germain. Les ouvrages utilisés par Marie Stuart étaient en général des in-octavo en latin dont le propos répondait aux ambitions pédagogiques du précepteur. D’après les ouvrages conseillés par les humanistes pédagogues jusque dans ces années 1550, une première catégorie relève du genre du guide dans la propédeutique du prince : textes sacrés (les Psaumes et les Proverbes), recueil de sentences morales (Distiques de Caton et Apophtegmes d’Érasme), plans des études (Juan Luis Vivès, Érasme) et institutions du prince (Érasme, Guillaume Budé et Jean Brèche). Ces livres demeuraient en principe durant toute l’instruction du prince. Les recueils de sentences, souvent tirés des faits et paroles mémorables des hommes illustres, marquaient les jeunes esprits des paroles de sagesse, abordant les situations par le moyen de cette parénèse. Il est dit de François de Guise qu’il s’exprimait beaucoup par des sentences, ce dont ses lettres témoignent, et il est fort probable que son petit cousin Charles ait profité des mêmes leçons et les ait conservées durant son séjour à la cour du roi de France. La seconde catégorie d’ouvrages en usage dans l’école du prince recouvre ensuite les contenus plus techniques, tels que les grammaires (Donat), les traités d’épistolographie (Érasme) et de rhétorique (Aristote, Cicéron, Quintilien, Fouquelin). Une troisième catégorie est celle des lieux communs de la culture générale, sous forme de recueils (Érasme), d’encyclopédies (Ravisius Textor) et d’histoires anciennes (Jules César, Tite-Live, Tacite, Quinte Curce, Plutarque) et modernes (chroniques, généalogies). Enfin, une dernière catégorie relève de la philosophie morale pour les plus persévérants (Aristote et Cicéron).

Lorsque Charles arriva à la cour de France, à neuf ans, les autres enfants poursuivaient alors, à cet âge, des études de grammaire latine tout en se forgeant une culture générale de lieux communs tirés des recueils. Les études spécifiques – grammaire, rhétorique, philosophie – se succédaient progressivement, se superposant le plus souvent. La connaissance de l’histoire occupait une place singulière avec les leçons d’histoire de Plutarque compilées dans les Vies parallèles et les Œuvres morales, qui ne furent respectivement publiées en français qu’en 1559 et 1572, par Jacques Amyot, précepteur des futurs François II, Charles IX et Henri III. Cette connaissance était prépondérante dans le savoir du prince car elle se fondait sur un système de preuves faisant autorité et rendant l’argument légitime, de même que devenue l’argument principal d’authenticité dans le discours, elle était aussi nécessaire à la pratique de la rhétorique. Les jeunes princes débutaient, dans cette connaissance, par des recueils. Ils abordaient ainsi l’histoire non pas à travers de grandes fresques et des biographies mais par des exemples assez brefs. Les exempla illustrent bien la nature de cette connaissance qui associe l’image et le précepte, c’est-à-dire la figure historique et ce qui l’a rendue illustre, par ses faits et ses paroles. Le premier accès au genre se faisait donc par les recueils de sentences attribuées aux figures historiques dans le but, toujours, d’élever moralement et non d’exciter la curiosité. Le but de l’histoire, à l’usage des élèves, n’était pas de divertir, en effet, mais d’instruire à travers les vertus des exempla. L’histoire individuelle devait être avant tout un portrait moral. Les institutions du prince regorgeaient d’ailleurs d’exemples tirés de l’histoire, en particulier celle de Guillaume Budé pour le roi François Ier en 1516, ainsi que celle d’Érasme pour le jeune Charles Ier d’Espagne, futur Charles Quint, en 1516 également. Le recueil jugé le plus utile à l’époque pour se forger une culture historique des choses de vertu était le De duplici copia verborum ac rerum d’Érasme publié en 1512. L’avantage de cette édition est qu’elle proposait au jeune public un recueil de lieux communs illustrés par des informations historiques. Puis, à un âge qu’il est malaisé de fixer, des œuvres complètes, non plus compilées, pouvaient être abordées. Les garçons de la cour lisaient en général, dans le texte latin ou plus souvent dans une version française, les Commentaires de la guerre des Gaules de Jules César, dont la première version latine complète ne date que de 1513 et la première traduction française de 1531. Cette dernière rencontra un tel succès qu’elle fut sept fois rééditée jusqu’en 1559. L’éducation des garçons étant alors portée sur l’exemple de figures héroïques, quoique critiquées aussi par leur goût trop prononcé pour la guerre, les Vies parallèles de Plutarque furent aussi beaucoup lues, en particulier la vie d’Alexandre le Grand. Les épopées anciennes, surtout l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, nourrissaient également l’imagination héroïque tout comme les romans de chevalerie. Enfin, les chroniques, dont la part généalogique mêlait histoire et légendes, avaient pour vocation d’édifier dans la connaissance des vertus des ancêtres tout en fixant la ligne mémorielle des ambitions politiques et dynastiques. En témoigne la bibliothèque de François Ier à Blois, dans son état de 1518, laquelle regorgeait de chroniques médiévales de France et d’ailleurs, d’histoires des papes mais aussi de rois de France ainsi que des histoires grecques et romains, puis des romans de chevalerie. L’Épitomé de Jean d’Aucy, commandé par l’oncle régent Nicolas pour l’instruction de Charles, répond parfaitement à l’ambition historiciste des précepteurs des princes : de langue française plutôt que latine, pour être mieux comprise, la galerie de portraits des ducs de Lorraine nourrit à la fois le sentiment d’appartenance à une lignée ancienne (Lothaire) et prestigieuse (depuis Godefroi de Bouillon) ainsi que l’affirmation de la grandeur de la maison jusque dans le royaume céleste (saint Arnoul). Dans sa dédicace, l’auteur du manuscrit encourage la lecture de l’histoire parce qu’il la considère plaisante et récréative, « loccasion de prendre plaisir » tout en étant utile à la connaissance des prédécesseurs à la tête du duché de Lorraine. Jean d’Aucy vante alors l’inclination du jeune duc « totallement adonnée à cougnoistre les haults gestes, et faictz de voz ancesseurs, et progeniteurs, Ducz de Lorraine [56]. » Le manuscrit s’achève sur cet éloge des vertus héritées des ascendants mâles : « lequel desja en ses faictz represente la constance et magnanimité de René d’Anjou, son trisayeul, la prouesse et religion de René de Lorraine 2 du nom, son bisayeul, la bonté et amour de Anthoine, son ayeul, et la sagesse de François son père [57]. »

Dans les années 1550, les enfants profitèrent également de la présence de fins esprits littérateurs et rhéteurs. Pierre de Ronsard, le poète de cour, encensa les qualités littéraires de Marie Stuart et écrivit un éloge pour les noces de Charles et de Claude en 1559. Fouquelin dédicaça sa leçon de rhétorique à Marie et les précepteurs du dauphin et de monseigneur d’Orléans étaient de grands hellénistes du royaume, tels Danès, professant au collège royal, et Jacques Amyot, grand traducteur des œuvres de Plutarque, présent dès 1553 [58]. Jacques Amyot se trouvait donc à la cour des Enfants à l’arrivée de Charles en remplacement de Pierre Danès qui avait pris un congé pour se reposer. À son retour, Pierre Danès aurait non seulement repris la conduite des études du dauphin mais se serait aussi chargé de celles du duc de Lorraine [59]. Quelles que furent les véritables dispositions de Charles, ses portraits firent l’éloge d’une bonne instruction et de sa sagesse [60] :

« Les graces, l’intelligence, la sagesse se développant en lui d’une manière propre à étonner les esprits et à gagner les cœurs, il se concilia sans peine l’estime, l’amitiés, les respects de cette Cour nombreuse et polie. Il étoit véritablement le plus beau Prince de son siècle et faisoit tout avec dignité [61]. »

« Il cultiva son esprit par toutes les belles connoissances, dignes d’une grand Prince ; sachant les langues de l’Europe, l’Histoire, les Familles, les Généalogies, les belles actions des hommes illustres anciens et modernes, les intérêts des princes, éclairé dans toutes les choses utiles à la vie, comme les métaux, les médicamens, les météores. Sa grande expérience dans les affaires l’avoit rendu un des plus grands Politiques de l’Europe, et l’éducation, qu’il avoit reçuë dans la Cour de France, lui avoit procuré la connoissance et l’estime de tous les premiers hommes de son siècle [62]. »

Son instruction semble pourtant avoir été interrompue en 1557, à seulement 14 ans, tandis que lui parvient l’Epitome de Jean d’Aulcy dans lequel l’auteur vante les mérites de son ouvrage, rapide à lire : « vous donner loccasion de prendre ce plaisir, en une heure ou deux, qu’autrement ne pourriez sans y emploier plus de temps, que l’on scait estre voué ailleurs [63]. » Le souci d’épargner le temps du prince revient souvent chez les précepteurs, conscients de devoir occuper le temps des études avec utilité et efficacité. Le but n’était pas de faire du prince un homme savant mais, du moins, un homme de savoir pour gouverner et, à l’époque un prince de guerre. L’interruption des études à 14 ans correspond davantage au cas des autres seigneurs, de moindre rang tout en étant de haute naissance, qui se préparaient à rejoindre les armées du roi, comme ce fut le cas pour Louis de Gonzague, vers quatorze ou quinze ans selon leurs aptitudes. Cet âge est d’autant plus précoce, pour arrêter l’école, qu’il était considéré comme celui de la maturité et le passage à l’art oratoire puis à la philosophie.

Pour Charles III, ce passage fut avant tout marqué par la fin supposée de son école. En effet, la décision de dissoudre le cercle des hommes dédiés à la formation du duc fait suite à la disparition de ses deux gouverneurs en août 1556 : Wari de Savigny et Pierre du Châtelet. Quelques jours plus tard, la question du renvoi du jeune duc en Lorraine était posée. Renard, l’ambassadeur du nouveau roi d’Espagne, Philippe II, écrit le 15 septembre 1556 que « Le roy de France a faict déclairer qui veult ramener le duc de Loraine à Nancy, place principale et plus forte du pays, et le mectre en liberté pour le marier avec sa seconde fille [64] » mais que cette libéralité ne serait qu’un prétexte pour forcer le passage en Lorraine, étendre les frontières du royaume et assurer ainsi la position de Metz. Le projet de mariage avec Claude avait bien été annoncé en avril 1552 au départ du jeune duc. Finalement, le contrat ne fut signé que le 19 janvier 1559 et les noces célébrées quelques jours plus tard. Les fêtes durèrent plus d’une semaine et le duc de Guise reçut ouvertement à sa table en son hôtel parisien. Quelques mois auparavant, Charles avait pu revoir sa mère Chrétienne de Danemark à Péronne, en présence du régent Nicolas et des cardinaux de Granvelle et de Lorraine. Ces retrouvailles furent alors l’occasion d’entamer les premières négociations de paix qui allaient se conclure au Cateau-Cambrésis les 2 et 3 avril 1559. En septembre de la même année, le duc assista au sacre de François II, à Reims, puis regagna enfin Nancy en octobre, avec la duchesse Claude. L’un et l’autre n’avaient que seize et douze ans : un très jeune couple qui entrait en scène sans doute marqué par les leçons françaises du règne d’Henri II, celles d’un pouvoir fort et catholique, et néanmoins contraint à la diplomatie de la neutralité.

Sylvène Édouard
Professeure des Universités en Histoire moderne
Université de Lyon – Jean Moulin Lyon 3
Membre du LARHRA

Notes

[1Sur l’éducation des princes à la Renaissance, voir Sylvène Édouard, Les Devoirs du prince. L’éducation princière à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Monica Ferrari (dir.), Costume educativi nelle corti europee (xiv-xviii secolo), Pavie, Pavia University Press, 2010 ; Paolo Carile (dir.), La formazione del Principe in Europa dal Quattrocento al Seicento. Un tema al crocevia di diverse storia, Rome, Aracne, 2004 ; Nathalie Blancardi, Les petits princes. Enfance à la cour de Savoie (XVe siècle), Cahiers Lausannois d’Histoire Médiévale, 28, Lausanne, 2001.

[2Voir la notice établie par Stefano Simiz dans Ducs de Lorraine, Laurent Jalabert (dir.), Metz, Éditions des Paraiges, 2017, p.63 et ss. Ainsi que Laurent Jalabert et Stefano Simiz (dir.), Charles III, 1545-1608. Prince et souverain de la Renaissance, Nancy, Association d’historiens de l’Est et le CRULH, 2013.

[3Jean d’Aucy, Epitome des gestes des Soixantes trois Ducz de Lorraine, Bibliothèque municipale de Nancy, Ms 1696.

[4Charles II de Croÿ (1522-1551), fils du gouverneur de Hainaut Philippe II de Croÿ, petit-fils de Charles Ier de Croÿ, ancien précepteur de Charles Quint, prince de Chimay à la mort de sa mère en 1539 et duc d’Aerschot en 1549. En 1541, il épouse Louise de Lorraine (1521-1542), fille de Claude de Lorraine, premier duc de Guise, nièce d’Antoine de Lorraine, et meurt sans descendant.

[5René de Chalon (1519-1544), prince d’Orange, comte de Nassau, seigneur de Bréda, grand officier au service de l’empereur, épouse Anne (1522-1568), fille d’Antoine de Lorraine, le 20 août 1540, meurt au siège de Saint-Dizier en 1544 et est inhumé à Bar-le-Duc.

[6Philippe II de Croÿ (1496-1549), gouverneur de Hainaut et premier duc d’Aerschot, fait chevalier de la Toison d’or en 1516 (premier chapitre tenu par Charles Ier d’Espagne) et père de Charles II et de Philippe de Croÿ avec la princesse de Chimay, Anne de Croÿ. Il épouse en secondes noces Anne de Lorraine le 9 juillet 1548.

[7Hugo de Baleicourt (pseudonyme de Charles-Louis Hugo), Traité historique et critique sur l’origine et la généalogie de la maison de Lorraine, avec les chartes servant de preuves, Berlin, Liebpert, 1711, p. 216.

[8Philippe III de Croÿ (1526-1595), fils cadet du gouverneur de Hainaut Philippe II de Croÿ, petit-fils de Charles Ier de Croÿ, ancien précepteur de Charles Quint, et frère de Charles II de Croÿ, duc d’Aerschot et prince de Chimay dont il hérite les titres en 1551.

[9Guillaume de Nassau (1533-1584), prince d’Orange à la mort de René de Chalon son cousin, puissant seigneur des Pays-Bas, élevé à la cour de Marie de Hongrie dès 1544, dans la foi catholique, et au château de Bréda, épouse Anne d’Egmont de Buren en juillet 1551. Durant la guerre qui reprend contre le roi de France cette année-là, il prend ses premiers commandements militaires.

[10Pierre-Ernest Ier (1517-1604), comte de Mansfeld-Vorderot, famille d’origine saxonne, chevalier de la Toison d’or (1546), épouse, en 1542, Marguerite de Brederode, devenant ainsi le gendre de Philippa de La Marck et proche de cette famille. Cette relation le discrédita auprès de Charles Quint qui refusa de payer sa rançon lorsque Henri II le fit prisonnier en 1552 et l’enferma à Vincennes. Il fut réhabilité par Philippe II et participa au siège de Saint-Quentin en 1557.

[11Émile Duvernoy, « Chrétienne de Danemark, duchesse de Lorraine », Mémoires de la Société d’archéologie lorraine, t. lxxiv, 1936, p. 163.

[12Cardinal Jean de Lorraine (1498-1550), frère du duc Antoine et de Renée de Bourbon-Montpensier, proche de François Ier, dévoué à la politique française.

[13Claude de Lorraine (1496-1550), frère du duc Antoine et de Renée de Bourbon-Montpensier, il hérite des possessions françaises à la mort de son père René II en 1508 : seigneur de Joinville et baron d’Elbeuf (1508), premier duc de Guise (1528), duc d’Aumale (1547). Il fut naturalisé français en 1506.

[14Nicolas de Lorraine (1524-1577), fils du duc Antoine et de Renée de Bourbon-Montpensier, évêque de Metz (1543), de Verdun (1544) puis comte de Vaudémont (1548), seigneur de Mercœur (1563) puis duc de Mercœur (1569), régent des duchés de Lorraine et de bar entre 1552 et 1559.

[15Charles de Lorraine (1524-1574), fils de Claude de Lorraine, duc de Guise, et d’Antoinette de Bourbon-Vendôme, fait archevêque de Reims (1538), évêque de Metz en 1550-1551, créé cardinal en 1547.

[16Louis de Lorraine (1527-1578), fils de Claude de Lorraine, duc de Guise, et d’Antoinette de Bourbon-Vendôme, fait évêque de Troyes (1545), cardinal de Guise (1552), évêque d’Albi (1550), archevêque de Sens (1560), évêque de Metz (1568). En 1540, il est présent au mariage de son cousin sans titre ecclésiastique.

[17Claude II (1526-1573), comte d’Aumale, troisième fils de Claude de Lorraine, duc de Guise, et d’Antoinette de Bourbon-Vendôme, combat pour le duc Antoine en 1544 et contre les armées impériales en 1552 mais est fait prisonnier. Il devint un proche d’Henri II, son Grand veneur et gouverneur de Bourgogne. En 1540, il n’est pas encore comte d’Aumale.

[18François de Guise (1519-1563), fils aîné de Claude de Lorraine, duc de Guise, et d’Antoinette de Bourbon-Vendôme, proche d’Henri II depuis l’enfance.

[19Bibliothèque nationale de France [BnF], Manuscrit [Ms] français [fr.] 20467, p. 19 : Chrétienne de Danemark au duc de Guise, de Nancy, le 6 mars 1548.

[20Ibid., p. 21.

[21Ibid., p. 35.

[22Émile Duvernoy, art. cité, p. 381.

[23François de Guise, Mémoires-journaux (1547-1561), Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, Michaud et Poujoulat, tome 6, Lyon-Paris, 1851, p. 73, 76-77, 79 et 89. Jacques de la Brosse apparaît bien, en 1552, dans la maison du roi comme gentilhomme de sa chambre : BnF ms fr. 6606.

[24Émile Duvernoy, art. cité, p. 238.

[25Auguste Digot, Histoire de Lorraine, Tome 4, Nancy, Vagner, 1856, p. 85. Antoine-Albin Rozet et J.-F. Lembey, L’invasion de la France et le siège de Saint-Dizier par Charles Quint en 1544, d’après les dépêches italiennes de Francesco d’Este, de Hieronymo Feruffino, de Camillo Capilupo et de Bernardo Navager, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1910, p. 85.

[26A. Dedenon, Histoire du Blamontois dans les temps modernes, Nancy, Vagner, 1930, p. 10.

[27Brantôme, Œuvres complètes du seigneur de Brantôme, accompagnées de remarques historiques et critiques, tome 5, Paris, Foucault, 1823, p. 320.

[28Jules Veulens en 1551 d’après Émile Duvernoy, art. cité, p. 239.

[29Archives départementales [AD] Meurthe-et-Moselle B 1114 (74 feuillets).

[30Dom Augustin Calmet, Histoire généalogique de la maison du Chatelet, branche puînée de la maison de Lorraine, Nancy, Veuve de Jean-Baptiste Cusson, 1741, p. 73-75.

[31Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine, qui comprend ce qui s’est passé de plus mémorable dans l’Archevêché de Trèves, et dans les Evêchés de Metz, Toul et Verdun, depuis l’entrée de Jules César dans les Gaules, jusqu’à la Cession de la Lorraine, arrivée en 1737 inclusivement, Nancy, A. Leseure, Tome V, 1752, p. 664.

[32Élodie Lequain, « La maison de Bourbon, ’escolle de vertu et de perfection’. Anne de France, Suzanne de Bourbon et Pierre Martin », Médiévales, n° 48, 2005, p. 44.

[33Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine… op. cit., p. 633.

[34Ibid., p. 139-140.

[35Ibid., p. 78, AD Meurthe-et-Moselle, B 6662, fo 83 et 86.

[36D’après Dom Augustin Calmet, dans Bibliothèque lorraine ou Histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine, Nancy, A. Leseure, 1751, p. 139 : La Vie et trépas des deux princes de paix, le bon duc Anthoine et saige duc Françoys […] (Metz, J. Pallier, 1547).

[37Sylvène Édouard, Les Devoirs du prince. L’éducation princière à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2014, « Les leçons du prince », p. 251 et suivantes.

[38Ibid., p. 31-32.

[39Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine… op. cit., p. 633.

[40François de Guise, op. cit., p. 95 : le duc de Guise répondant au régent Nicolas de Lorraine, comte de Vaudémont, écrit « me Roy et monsieur de Lorraine, son fils ».

[41Antoine Perrenot de Granvelle, Papiers d’État du cardinal de Granvelle d’après les manuscrits de la bibliothèque de Besançon, tome IV, Paris, Imprimerie royale, 1843, p. 541.

[42Auguste Digot, Histoire de Lorraine, Tome 4, Nancy, Vagner, 1856, p. 173.

[43Voir note 23.

[44Dom Augustin Calmet, Histoire généalogique… op. cit., p. 75.

[45Épitaphe de Perrin du Chatelet en l’église Saint-Jean-Baptiste de Gerbéviller : « Enterré gist sous cette pierre/ Un vertueux Chevalier nommé Pierre/ Du CHATELET, qui de Nancy bailly/ Fut, et garda équité souveraine./ Depuis fut-il Sénéchal de Lorraine,/ De Charles Duc, excellent jeune Prince,/ Tant au Pays que hors de la Province,/ Fut Gouverneur sans blâme ne reproche./ Prés gist sa femme, ainsi le sort l’ordonne,/ Dame d’effet, et de propre nom BONNE,/ Dite de Sang et de Race BADOCHE./ Et décéda ledit Seigneur le 23./ Jour d’août 1556. »

[46AD Meurthe-et-Moselle B 1114 (74 feuillets).

[47Baleicourt, Hugo de (pseudo de Charles-Louis Hugo), Traité historique et critique sur l’origine et la généalogie de la maison de Lorraine, avec les chartes servant de preuves, Berlin, Liebpert, 1711, p. 222.

[48Louis Ier de Bourbon Condé, Mémoires-journaux, Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France, Michaud et Poujoulat, Tome 6, Paris, 1839, p. 294, Lettre de « Basdoulx » à Louis Ier de Condé, depuis Anet, le 8 août 1556 : « J’ay entendu que le sieur de Lemont de monsieur de Lorraine est habandonné des médecins à Paris, et qu’il n’a uriné depuis huit jours. »

[49AD Meurthe-et-Moselle B 1114 : pour l’année 1557, les gages, par quartier, concernent le gouverneur Daguerre, le précepteur Ligniville, le maître d’hôtel La Roche, un maître de chapelle, des secrétaires, trois médecins, un apothicaire, quinze gentilshommes, douze valets de chambre, un valet des pages, un garde des oiseaux, sept huissiers et portier, un tailleur, un chaussetier, un cordonnier, deux barbiers, vingt-six gens de bouche, quatorze pour l’écurie et cinq laquais.

[50Sylvène Édouard, « Vivre et mourir à l’ombre de Sa Majesté. Louis de Gonzague, futur duc de Nevers, à la petite cour des Enfants de France », C. Bouneau et C. Le Mao (dir.), Jeunesses(s) et élites. Des rapports paradoxaux en Europe de l’Ancien Régime à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 281-293.

[51François de Bassompierre, Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de Bassompierre (1665), texte établi par le marquis de Chantérac, 1870, tome 1, p. 18.

[52Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme, par Ludovic Lalanne, tome 1, « Grands capitaines étrangers », Paris, Jules Renouard, 1864, p. 324.

[53Sylvène Édouard, art. cité, p. 292.

[54Ibid.

[55Marie Stuart, Œuvres littéraires. L’écriture française d’un destin, édition de Sylvène Édouard, Irène Fasel et François Rigolot, Paris, Classiques Garnier, 2021, chapitre 1 « Naissance d’une écriture humaniste ».

[56Jean d’Aucy, op. cit., fol. 1v.

[57Ibid., fol. 52v.

[58Sylvène Édouard, Le Corps d’une reine… op. cit., p. 30 et sq.

[59D’après Génébrard, Oraison de Pierre Danès dans Abrégé de la vie du celebre Pierre Danes …, Paris, 1731, p. 92.

[60Charles Le Pois, Caroli III. Sereniss. Potentiss. Duc Lothar. March. Duc. Calab. Barri. Geuld. &c. Makarismos seu felicitatis, et virtutum egregio Principe dignarum coronae Ex Sapientiae hortis lectae, congestaeque in honorarium eius tumultum, Pont-à-Mousson, 1609, p. 44.45.

[61Jean-Baptiste Wilhelm, le Père, S.J., Histoire abrégée des ducs de Lorraine. Depuis Gérard d’Alsace, jusqu’à François III, Nancy, François Midon, 1735, p. 93-94.

[62Dom Augustin Calmet, Histoire de Lorraine… op. cit., p. 718.

[63Jean d’Aucy, Epitome … op. cit., fol. 1v.

[64Granvelle, op. cit., p. 701.