Brunehilde, Bathilde, Hildegarde, Richilde, Gerberge étaient-elles considérées comme des femmes de pouvoir ? La perception masculine du pouvoir royal féminin et son évolution du VIe au Xe siècle
Emmanuelle Santinelli-Foltz
Comment citer cette publication :
Emmanuelle Santinelli-Foltz, « Brunehilde, Bathilde, Hildegarde, Richilde, Gerberge étaient-elles considérées comme des femmes de pouvoir ? La perception masculine du pouvoir royal féminin et son évolution du VIe au Xe siècle », dans Armel Nayt-Dubois, Emmanuelle Santinelli-Foltz (éd.), Femmes de pouvoir et pouvoir des femmes dans l’Occident médiéval et moderne, Valenciennes, 2009, Presses Universitaires de Valenciennes, p. 61-82. Article réédité sur Cour de France.fr le 1er janvier 2015 (https://cour-de-france.fr/article3637.html).
Page 61 de la première édition
L’objectif de cette communication n’est pas de montrer que ces reines étaient des femmes de pouvoir (d’autres études l’ont fait [1]), mais d’analyser la perception que les hommes de l’époque, ou du moins ceux qui nous ont laissé quelques témoignages, avaient de ces femmes et du pouvoir qu’elles exerçaient, ainsi que l’évolution que cette perception a pu connaître. J’ai choisi cinq reines à partir desquelles aborder cette question, une pour chacun des cinq siècles du haut Moyen Âge (VIe-Xe siècles) :
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- Brunehilde († 613) : épouse (566-575) puis veuve du roi d’Austrasie Sigebert Ier (561-575)
- Bathilde († 680) : épouse (648/651-657) puis veuve du roi de Neustrie-Bourgogne Clovis II (639-657)
- Hildegarde († 783) : 3ème épouse (771-783) de Charlemagne (768-814), après le renvoi de la franque Himiltrude puis de la fille du roi Lombard Didier
- Richilde († après 910) : épouse (870-877) puis veuve du roi et empereur, Charles le Chauve (840-877)
- Gerberge († 969) : épouse (939-954) puis veuve du roi Louis IV d’Outre-Mer (936-954)
À partir des sources narratives et diplomatiques, voire morales, épistolaires et poétiques, écrites pour la plupart par des hommes, contemporains ou de peu postérieurs, qui reprennent très certainement le discours masculin général, je souhaiterais saisir, d’abord, si ces hommes perçoivent ces reines comme des femmes de pouvoir et, si oui, la manière dont ils jugent le fait qu’une femme puisse exercer un pouvoir, si ce n’est le pouvoir ; ensuite, si tous, lorsque l’on dispose de plusieurs points de vue, présentent la même image de telle reine et de son pouvoir et si celle-ci diffère des quelques points de vue féminins parvenus jusqu’à nous ; enfin, si des évolutions sont perceptibles dans la représentation que les hommes se font du pouvoir des femmes au cours des cinq siècles envisagés.
De manière à saisir les évolutions chronologiques, j’aborderai successivement les cinq reines et la manière dont leur pouvoir a été perçu.
Pour l’époque mérovingienne, quelques reines ont plus particulièrement retenu l’attention de leurs contemporains : c’est le cas notamment de Brunehilde et de Bathilde.
Brunehilde, une femme de pouvoir reconnue et redoutée ?
La plus objective des sources contemporaines sur la perception masculine du pouvoir exercé par la reine est certainement la correspondance de Grégoire le Grand, ce qui ne signifie cependant pas que les termes employés n’aient pas été mûrement pesés. Entre 595 et 602, le pape envoie à la reine Brunehilde dix lettres [2]. Elles portent sur
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des questions religieuses, mais leur existence même ainsi que leur contenu révèlent que le pape ne manifeste aucune réticence à s’adresser à une femme, qualifiée de regina Francorum et dont il reconnaît manifestement la potestas. Il s’adresse à elle de la même manière qu’à ses petit-fils. Elle est sa praecellentissima filia, comme ils sont ses pracellentissimi filii. Il loue son gouvernement, comme il salue le leur [3].
La reconnaissance de l’autorité exercée par Brunehilde est aussi perceptible dans certains poèmes de Fortunat [4], vénitien arrivé à la cour de Sigebert en 566 (au moment du mariage du roi avec Brunehilde) avant de s’établir à Poitiers fin 567 - début 568. Dans le poème adressé aux habitants de Tours, à la suite de la désignation de Grégoire comme évêque de leur cité (573), il rappelle l’approbation royale reçue pour cette élection : « À cette nomination, Sigebert tout joyeux et Brunehaut apportent leur suffrage » (l. V, c. 3, p. 17). Il associe donc Brunehilde à un acte qui lie l’évêque au pouvoir royal et lui donne donc une dimension politique. Dans un autre poème plus tardif, à la louange de la famille royale austrasienne, Fortunat évoque « nos rois », les « maîtres » du peuple (l. X, c. 8, p. 81), termes qui englobent, comme le révèle la suite du poème, hommes et femmes, adultes et enfants. Brunehilde se trouve donc associée au pouvoir, comme les autres membres de la famille (son fils Childebert, l’épouse de celui-ci, Faileuba, et leurs deux fils). Le poème la met cependant nettement en avant : si le début semble s’adresser collégialement à l’ensemble du groupe familial,
« que la protection de Dieu vous garde longuement sur le trône et vous fasse tenir longtemps la royauté par le don du ciel. Acquérez encore de nouveaux royaumes, gouvernez ceux que vous possédez et entretenez la richesse en la répartissant avec bonté »,
la suite montre que Fortunat s’adresse, en fait, à Brunehilde dont il fait la détentrice essentielle du pouvoir [5] et l’ancêtre fondateur :
« afin que vous voyiez mûrir, mère brillante de gloire, la moisson dont la fleur monte de votre fils et de sa semence ; de telle manière qu’une telle nouvelle génération illustre, venue d’un fils et de petits-fils éminents, soit donnée à la grand-mère » (l. X, c. 8, p. 82).
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Le style vise certes à la louange. Il n’empêche que, pour les destinataires, que l’auteur ne cherche manifestement pas à provoquer en mettant en scène des situations impensables, l’exercice du pouvoir par une femme ne semble nullement relever de l’utopie. Le poème s’achève néanmoins sur le souhait « que les affaires du roi prospèrent, que grandisse le bonheur des peuples, que le royaume exulte et que la gloire qui est la votre dure longtemps » (p. 82) : moyen de rappeler que, si Brunehilde participe à l’exercice du pouvoir et qu’elle se distingue par sa gloire, le pouvoir n’en appartient pas moins à un homme ?
La principale source de renseignement sur la période reste cependant Grégoire de Tours, guère moins subjectif, qui écrit, à la fin du VIe siècle, Dix livres d’histoires [6]. Il est contemporain de Brunehilde qui n’a probablement pas été étrangère à sa désignation sur le siège épiscopal de Tours [7]. S’il évoque l’origine royale de la reine – elle est la fille du roi des Wisigoths, ce qui la distingue des autres reines, issues de la domesticité -, les grands trésors avec lesquels elle arrive d’Espagne – ressources indispensables pour exercer le pouvoir, dans la mesure où elles permettent de constituer un réseau de fidélités -, ainsi que les festivités organisées en Austrasie pour le mariage royal - occasion de présenter la reine aux Grands et pour elle de nouer des liens – (IV, 17, p. 209-210), il mentionne peu, ensuite, la reine du vivant de son époux Sigebert. Il fait cependant dire à un aristocrate nommé Ursion qui s’adresse à Brunehilde après la mort du roi :
« Éloigne toi de nous, ô femme. Qu’il te suffise d’avoir gouverné le royaume sous ton époux (…) » (VI, 4, p. 11)
Cette harangue suggère, d’une part, la reconnaissance d’un pouvoir non négligeable exercé par la reine aux côtés de son époux, même si les principaux actes de souveraineté était réservé au roi, mais aussi, d’autre part, la désapprobation d’une partie au moins de l’aristocratie dont on distingue cependant mal si elle condamne l’influence de Brunehilde, parce qu’elle est femme (ce que peut suggérer l’apostrophe « ô femme ») et ne respecte pas la hiérarchie au sein du couple qui soumet la femme à son époux, ou parce qu’elle éclipse tout autre influence, notamment aristocratique, une hypothèse n’excluant pas forcément l’autre. Il me paraît cependant significatif que la seule fois où Grégoire
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de Tours mentionne Brunehilde du vivant de Sigebert, cela soit pour préciser qu’elle vient rejoindre, avec ses fils, son époux entré dans Paris (IV, 51, p. 240) : l’auteur associe manifestement la reine et ses fils (héritiers) aux conquêtes réalisées par le roi aux dépens de son frère Chilpéric, et donc à son autorité territoriale [8]. L’autorité de la reine est manifestement reconnue et acceptée, pour autant qu’elle ne dépasse pas les limites de l’acceptable, c’est-à-dire très certainement tant qu’elle reste soumise à l’autorité du mari et n’éclipse pas toute influence aristocratique.
À la mort de Sigebert (575), Brunehilde est d’abord écartée du pouvoir, si l’on suit le récit de Grégoire de Tours, et envoyée en exil à Rouen (V, 1, p. 246-247). Elle parvient néanmoins à regagner l’Austrasie et la cour royale, où elle finit par imposer son autorité. L’auteur rapporte une anecdote qui la montre s’attacher à dissuader des guerriers d’attaquer un de ses fidèles. C’est alors que l’un d’eux, Ursion, après lui avoir reproché d’avoir tenu les rênes du pouvoir du vivant de Sigebert (harangue citée ci-dessus), aurait poursuivi, en affirmant :
« car maintenant, c’est ton fils qui règne ; et si ton royaume est sauvegardé, ce n’est pas grâce à ta protection, mais grâce à la notre » (VI, 4, p. 11).
Il ressort de ces extraits et d’autres que, si la transmission héréditaire de la royauté s’est imposée au profit de la dynastie des Mérovingiens, l’autorité de la reine mère n’est nullement reconnue en cas de minorité de l’héritier. Une partie de l’aristocratie juge qu’il lui appartient, et non à la reine mère, de seconder le jeune roi. Il est cependant possible qu’elle ait remis en cause moins le rôle de la reine mère que la trop forte autorité de Brunehilde, ce qui expliquerait qu’on ait cherché en séparer son fils. C’est implicitement reconnaître que c’est une femme de pouvoir dont certains craignent les choix. Si le récit de Grégoire de Tours révèle des oppositions à l’encontre de la reine et du pouvoir qu’elle exerce, il témoigne aussi de la large marge de manœuvre dont elle a pu bénéficier, sans que les hommes ne s’en offusquent : l’auteur la montre intervenir seule pour réaliser des actes politiques, comme convoquer des abbés (VI, 37, p. 59), imposer ses fidèles sur les sièges épiscopaux (VI, 38, p. 60), donner des ordres à l’armée (VII, 34, p. 112), envoyer des ambassades aux souverains étrangers (IX, 28, p. 220-1), ce qui n’exclut pas le rôle de personnages masculins dans l’entourage de la reine et du jeune roi, attesté aussi lorsque le pouvoir est exercé par un homme. Plusieurs éléments caractérisant la perception du pouvoir exercé par Brunehilde se retrouvent dans les sources qui évoquent Bathilde.
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Bathilde : une reine à la trop forte autorité ?
Les sources contemporaines les moins partisanes sont les diplômes, bien qu’il soit difficile de saisir exactement la marge de manœuvre des scribes qui les rédigeaient. Les actes authentiques sont cependant peu nombreux et incomplets pour Clovis II et Clotaire III, respectivement époux et fils aux côtés desquels a évolué Bathilde, ce qui rend difficile toute analyse. Si Bathilde n’apparaît pas dans les quelques actes (très fragmentaires) de son époux Clovis II († 657), deux diplômes [9], rédigés, entre 658 et 661, au nom de son fils Clotaire III, mineur, l’associent et font apparaître son signum à la suite de celui de Clotaire. Cela révèle, d’abord, que même si l’autorité royale est exercée dans les faits par une femme, elle reste liée à un homme, même incapable de l’assumer, ici du fait de sa minorité. Il est ensuite intéressant de constater que, dans ces diplômes, elle est qualifiée de praecelsa regina (reine très élevée), qualificatif qui apparaît notamment dans la souscription, moyen pour les hommes de la chancellerie royale de reconnaître et de souligner l’autorité effective qu’elle exerce [10].
L’hagiographie le confirme. Les acta sancti Aunemundis, dont la première rédaction remonterait au VIIe siècle, montrent la reine Bathilde, cité avant Clotaire III, exercer la justice, au nom de celui-ci [11], sans que l’hagiographe paraisse contester l’exercice, par une femme, de ce pouvoir habituellement réservé aux hommes. C’est cependant parce que l’autorité de la reine est trop grande et qu’une partie des hommes de l’aristocratie, à commencer par le maire du palais Ebroïn, ne le supporte pas que la reine se trouve écartée du pouvoir et contrainte de se retirer à l’abbaye de Chelles (664-5).
Une source un peu plus tardive, la première continuation de la chronique de Frédégaire, rédigée au début du VIIIe siècle, soit une quarantaine d’années après la mort de Bathilde, permet de saisir une
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évolution quant au rôle à jouer par la reine, mère d’un héritier mineur. Après avoir évoqué en quelques lignes le mariage du roi Clovis II avec Bathilde (peut-être dès 648, au plus tard en 651), son règne paisible et sa mort après 18 ans de règne (657), elle précise que
« les Francs élèvent à la royauté l’aîné de ses fils, Clotaire, pour régner avec sa mère, la reine » [12].
Si l’auteur ne dit rien du rôle de la reine Bathilde du vivant de son époux - mais il n’en dit pas beaucoup plus de celui de Clovis II -, il considère manifestement normal que la succession d’un roi mineur associe la mère de celui-ci au pouvoir, ce qui n’exclut pas tout contrôle masculin, notamment celui du maire du palais.
Cette perception masculine du pouvoir exercé par la reine, très laconique, peut être complétée et comparée avec le point de vue féminin donnée par une moniale de Chelles à la fin du VIIe siècle, dans la vita Bathildis [13]. La vita a certes pour objectif de promouvoir le culte de sainte Bathilde, ce qui l’amène à mettre en avant ses vertus. Elle ne s’en appuie pas moins sur certaines réalités et est amenée à évoquer le pouvoir exercé par Bathilde. Le chapitre 4 met en avant le rôle de Bathilde du vivant de son mari : Pour l’auteure, Bathilde « partageait le pouvoir du roi Clovis ». Dans le partage des responsabilités, il lui revenait, si l’on en croit la vita, la gestion domestique du palais et les affaires religieuses :
« elle était comme une mère pour les grands, une fille pour les prêtres ; excellente mère nourricière pour les jeunes gens et les adolescents, elle était aimable pour tous, chérissant les prêtres comme des pères, les moines comme des frères et les pauvres comme une pieuse nourrice. A chacun de ceux-ci elle distribuait de larges aumônes et veillait à ce que les décisions des princes soient conformes à leur dignité ; Elle exhortait toujours les jeunes au zèle pour la religion et intervenait sans cesse, humblement, auprès du roi en faveur des églises et des pauvres » (c. 4, p. 485-486).
Au total, des responsabilités nullement négligeables qui l’amènent à gérer le trésor et à nouer des liens avec l’aristocratie, de toute génération, laïque et ecclésiastique, et lui donne les moyens d’exercer un véritable pouvoir. L’auteure précise cependant que Bathilde, tout en partageant le pouvoir du roi, « avait soin de [lui] obéir (…) comme à
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son maître » (c. 4, p. 485) : reconnaissance du pouvoir exercé par la reine, mais aussi de la hiérarchie respectée au sein du couple (soumission de l’épouse à son mari). Après la mort du roi, si la vita ne mentionne pas la place particulière de Bathilde aux côtés de son fils Clotaire, elle énumère, aux chapitres 5 à 9, les domaines dans lesquels elle apparaît seule pour maintenir la paix et la concorde entre les trois royaumes mérovingiens (Neustrie, Austrasie, Burgondie), pour interdire la simonie, pour réformer la fiscalité, pour fonder des monastères, pour faire des donations aux communautés religieuses et à la papauté, pour réformer les monastères, pour libérer des esclaves. L’auteure présente donc l’image d’une reine dynamique qui exerce le pouvoir dans des domaines très diversifiés : image qui doit être acceptable pour les lecteurs ou auditeurs masculins et donc s’appuyer sur des réalités, au risque que la vita ne remplisse pas son objectif, ce qui explique que la représentation du pouvoir de Bathilde, tout en étant plus précise, n’est pas fondamentalement différente de celle qu’en font les hommes.
Finalement, l’analyse de la perception masculine du pouvoir de ces 2 reines mérovingiennes montre qu’elles sont reconnues comme des femmes de pouvoir. Chacun considère cependant qu’elles doivent s’éclipser derrière leur mari tant que celui-ci vit : c’est à lui que revient d’exécuter tous les actes de souveraineté, ce qui ne signifie pas qu’elles ne détiennent aucun pouvoir. L’autorité de ces reines s’accroît ensuite, si le roi meurt alors que ses fils sont encore mineurs : on reconnaît, en effet, progressivement, que le veuvage permet à la reine, mère d’un fils, voire d’un petit-fils et même d’un arrière-petit-fils, mineur d’exercer le pouvoir. Brunehilde comme Bathilde, femmes de forte personnalité, ont alors pris une envergure, mal supportée par une partie de l’aristocratie masculine.
Pour les 3 reines suivantes, carolingiennes, le pouvoir qu’elles ont exercé a été perçu quelque peu différemment, du fait de situations familiales différentes et d’une association plus grande de la reine à l’exercice du pouvoir.
Hildegarde, une reine au pouvoir discret ?
Les sources sont particulièrement peu loquaces sur la reine Hildegarde. Elle apparaît dans un nombre non négligeable de sources, mais de manière très discrète. Paul Diacre, auteur à la demande de Charlemagne de l’épitaphe de la reine qu’il a insérée dans ses Gesta episcoporum Mettensium rédigées en 786, la présente comme partageant le pouvoir de Charlemagne. Le genre veut évidemment que l’auteur fasse l’éloge de la défunte, mais il n’exige pas qu’à côté des qualités de
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la reine, il souligne sa participation au pouvoir. Or, l’auteur qualifie Hildegarde de très haute reine, mariée à un roi puissant, choisie parce qu’elle était « digne de tenir en main les sceptres d’or du royaume » [14] : témoignage difficilement acceptable par Charlemagne, et ses contemporains, s’il n’avait comporté une part de vérité. Il précise par ailleurs que la reine a été inhumée à Metz, dans l’oratoire du bienheureux Arnoul dont descendent les rois carolingiens, où reposent déjà deux filles de Pépin III, ainsi que deux filles de Charlemagne [15], moyen de l’inscrire dans la lignée des Pippinides-Carolingiens, qui exerce l’autorité en Austrasie depuis le VIIe siècle, même si ce n’est pas de manière continue, et le pouvoir royal depuis 751.
Pourtant les traces de cette association d’Hildegarde au pouvoir royal dans les autres sources restent beaucoup plus discrètes. Hildegarde apparaît relativement peu associée à Charlemagne dans les diplômes. Elle n’agit conjointement avec lui que dans un seul, mais elle y est parée du titre de regina et sa rédaction, en 774, à Pavie [16], implique la présence de la reine lors de la conquête du royaume des Lombards et témoigne donc, comme on l’avait déjà observé pour Brunehilde, de la volonté du roi d’associer la reine à son autorité territoriale. Cette seule mention ne signifie cependant pas qu’Hildegarde était absente lors de la rédaction des autres actes, ni qu’elle exerçait aucune influence. Pour les scribes, il n’est peut-être pas, tout simplement, nécessaire ou utile de l’enregistrer.
Les Annales royales dont la rédaction est ordonnée par Charlemagne vers 790, donc quelques années après la mort d’Hildegarde, avec compilation des événements pour les années antérieures, sont encore plus discrètes. Elles évoquent la reine à 2 reprises [17]. Une première fois, fin 780, elles précisent que Charlemagne part pour Rome avec sa femme, la reine Hildegarde (p. 56). Nulle allusion à un quelconque pouvoir, mais quand on sait que le voyage a pour but de faire sacrer et couronner ses fils Pépin et Louis, la mention par l’auteur de la participation d’Hildegarde au voyage ne paraît plus aussi anodine : il met en avant son statut de mère des héritiers, sans préciser cependant davantage le pouvoir que cela peut lui procurer. La seconde fois que les Annales
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mentionnent Hildegarde, qualifiée de regina, c’est pour enregistrer sa mort le 2 des calendes de mai, à savoir le 30 avril, 783 (p. 64).
Les Annales Mettenses priores, rédigée au début du IXe siècle, probablement, selon Janet Nelson [18], par Gisèle, sœur de Charlemagne, ne donnent pas de contre point de vue féminin. S’inspirant des annales royales, elles citent Hildegarde dans les deux mêmes occasions [19]. Elles parent cependant Hildegarde de son titre de reine dans les deux cas. Elles soulignent, en outre, que la reine a été inhumée dans la basilique St Arnoul de Metz, mais sans préciser, comme l’avait fait Paul Diacre, qu’elle s’y retrouve aux côtés d’autres membres de la famille.
Deux sources un peu plus tardives, rédigées dans les années 820-830 par des auteurs en contact avec des individus qui ont approché la reine, évoquent encore Hildegarde. La première, la Vie de Charlemagne, que l’on doit à Eginhard, arrivé à la cour en 792 et membre de l’académie palatine, ne mentionne Hildegarde, comme les autres épouses de Charlemagne, qu’une seule fois, au chapitre 18, à l’occasion de la présentation de l’entourage familial du roi (femmes, enfants, mère, sœur). L’auteur se contente de préciser qu’elle est issue de la haute noblesse souabe et que le roi en eut trois fils et autant de filles [20]. Manifestement, pour l’auteur, le rôle de la reine se limite aux alliances qu’elle apporte et aux enfants qu’elle donne. La seconde, la Vie de Sainte Lioba, rédigée par Rodolphe (moine de Fulda, élève de Raban Maur, puis chapelain de Louis le Pieux), qui en achève l’écriture probablement en 838, souligne davantage l’association d’Hildegarde au pouvoir de Charlemagne, mais de manière elliptique. Il faut dire que ce n’est pas là l’objet de la vita qui vise, notamment, à souligner la réputation de la sainte, y compris auprès des rois, ce qui amène l’auteur à évoquer le profond respect que lui témoignait particulièrement Charlemagne. Après avoir vanté l’étendue du pouvoir de celui-ci, mais aussi sa sagesse et son amour de la foi catholique, ce qui rehausse la gloire de la sainte, l’auteur évoque Hildegarde qui appréciait particulièrement Lioba. Si la vita insiste sur les liens spirituels entre les 2 femmes (Hildegarde souhaitait s’inspirer des paroles de la sainte et de son exemple pour progresser dans la vie spirituelle), il n’en qualifie pas moins Hildegarde de reine, alors que l’organisation
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du texte la présente en regard de Charles, moyen d’associer la première au pouvoir du second [21].
Au total, il est difficile, à partir de ces quelques points de vue, souvent allusifs, de se faire une idée précise de la perception réelle du pouvoir d’Hildegarde : perception d’un pouvoir assez réduit ? silence face à un pouvoir réel exercé discrètement à l’ombre du roi ? Janet Nelson propose deux séries d’explications pour justifier le peu d’informations dont on dispose sur l’activité politique d’Hildegarde. La première est liée aux sources : on a davantage de renseignements sur la cour de Charlemagne à partir du milieu des années 780, lorsque celle-ci attire les lettrés [22], donc après la mort d’Hildegarde et alors qu’une autre reine dirige le palais. La seconde résulte de la situation familiale : la reine Bertrade, mère de Charlemagne, est toujours à la cour, ce qui a pu faire (même si on n’a pas de trace de son activité) ombrage à Hildegarde qui connaît, par ailleurs, 9 grossesses en moins de 12 ans de mariage [23], ce qui la met forcément, régulièrement, en retrait de la vie politique. Il convient, en outre, de souligner qu’Hildegarde n’a pas été veuve, ce qui ne lui permet pas de déployer une activité politique au nom d’un fils ou à ses côtés. Elle en est réduite, quelles que soient ses aspirations, comme ses devancières du vivant de leur époux, à s’effacer derrière Charlemagne, ce qui ne signifie pas qu’elle n’ait eu aucun pouvoir.
L’association de Richilde au pouvoir de son royal époux apparaît beaucoup plus nettement dans les sources, signe d’une évolution sensible dans la perception masculine du pouvoir féminin.
Richilde, une reine étroitement associée au pouvoir royal, du vivant de Charles le Chauve
Richilde apparaît assez nettement dans plusieurs types de source, ce qui permet d’avoir une idée plus précise sur la manière dont les contemporains percevaient le pouvoir qu’elle a pu exercé. Si les diplômes la mentionnent plus que les reines précédentes, ils n’enregistrent pas une nette association de la reine au pouvoir royal. Parmi la centaine que l’on doit à Charles le Chauve, alors qu’il est marié à Richilde (entre 870 et 877), aucun ne mentionne un acte réalisé conjointement par les
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époux, alors qu’Ermentrude († 869), première épouse de Charles le Chauve, avait été associée à une donation réalisée au profit de Saint-Germain d’Auxerre [24]. Deux diplômes précisent cependant que le roi agit à la prière de son épouse Richilde, ce qui témoigne de la volonté des scribes, si ce n’est du roi, de souligner l’influence de la reine, même si celle-ci apparaît un peu moindre que celle d’Ermentrude (dix actes mentionnent l’intervention de la première épouse de Charles le Chauve pour quelques 330 diplômes rédigés entre 842 et 869, période de leur vie conjugale). Ces deux actes qui enregistrent un rôle actif de Richilde ne sont pas, en outre, sans intérêt. L’un souligne son statut impérial (imperatrix augusta) [25] et l’autre, dont l’orignal est certes perdu et le contenu connu seulement par une notice qui l’a reproduit peu après, précise que Richilde ambasciavit [26], c’est-à-dire « donne l’ordre de dresser un acte écrit », allusion probable à la délégation du pouvoir reçue par la reine pendant l’absence de Charles le Chauve, parti pour l’Italie (septembre 875-mars 876) [27]. Richilde est, par ailleurs, mentionnée 15 fois, parmi les bénéficiaires des donations pro anima réalisées par Charles le Chauve [28]. Elle y apparaît souvent avec la simple mention de conjux, ce qui n’exclut pas que l’acte témoigne aussi parfois de son statut d’augusta ou de regina. Elle se trouve, surtout, inscrite, dans les anniversaires que Charles le Chauve est le premier roi à fonder en Occident [29], dans une liste qui la situe après Louis le Pieux et Judith – parents de son époux -, Charles le Chauve, Ermentrude - 1ère épouse du roi, défunte -, et avant les enfants du roi, donc intégrée dans la lignée royale, ce qui l’associe, par le biais de la memoria, au pouvoir.
Plusieurs lettres adressées à Richilde par des prélats révèlent, en outre, que les expéditeurs reconnaissaient son autorité. En 876 et 877, le pape Jean VIII lui adresse personnellement deux lettres lui demandant d’intervenir auprès de Charles le Chauve pour que celui-ci vienne
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au secours de Rome, menacée par les sarrasins. S’il ne lui confère le titre d’augusta que dans la deuxième, il lui demande, dans la première, d’imiter en cela Esther intervenue auprès de son mari en faveur du peuple israélien [30]. C’est considérer qu’elle peut être un intermédiaire efficace entre le pape et le roi [31] et donc avoir voix au chapitre dans le domaine politique et militaire, puisque le pape lui demande de faire honorer par le roi l’alliance conclue en 875 en organisant une expédition militaire. Comme l’a déjà souligné Pauline Stafford, l’image d’Ester - l’une des reines bibliques, suffisamment influente auprès du roi pour sauver son peuple (Esth, 5-8) -, proposée en modèle à Richilde laisse supposer, loin de la simple flatterie, un pouvoir réel de la reine [32]. Dans une troisième lettre, antérieure de quelque peu, le pape cherchant à obtenir la miséricorde à l’égard d’un criminel qui s’est amendé par un pèlerinage à Rome, s’adresse à l’empereur et à l’impératrice [33], considérés manifestement comme solidaires de la décision à prendre dans une affaire qui relève de l’autorité royale.
Une lettre, datée des années 872-882, de l’archevêque de Reims, Hincmar (845-882), à Richilde, dont une longue analyse est intégrée, au Xe siècle, par Flodoard dans son histoire de l’église de Reims, témoigne du pouvoir que le prélat reconnaît à Richilde dans l’évêché de Laon et de la relative indépendance à l’égard de Charles le Chauve avec laquelle elle semble agir. Ce sont les abus de pouvoir qu’elle commet, et dont Hincmar la considère comme responsable, qui explique que l’archevêque de Reims s’adresse à elle [34]. Ce dernier rappelle à cette occasion qu’il avait adressé auparavant une lettre au roi pour réparer ce mal, mais que celle-ci était restée sans effet, le roi ne voulant pas attrister la reine. Si les choses ne se posent pas tout à fait en ces termes, il n’en reste pas moins qu’Hincmar se trouve contraint de reconnaître que certaines affaires relèvent directement du pouvoir de Richilde et que Charles le Chauve refuse de s’y immiscer. Le contrôle des monastères - comme celui d’Origny dont il est question là - par
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la reine est un aspect essentiel du queenship, même s’il ne lui est pas réservé, et c’est une sphère d’activité nullement négligeable quand on sait qu’il constitue l’une des bases fondamentales du pouvoir carolingien. Il a permis aux reines, et plus particulièrement celles de la deuxième moitié du IXe siècle, d’asseoir leur pouvoir, du vivant du roi comme après sa mort [35]. Ce pouvoir exercé par les reines par l’intermédiaire des monastères est confirmé, si l’on en croit l’interprétation qu’en fait Simon MacLean, par la lettre que le successeur d’Hincmar, Foulques (883-900), adresse dans les années 890, à Richilde, lettre connue, comme la précédente par Flodoard. Richilde s’y trouve alors toujours parée du titre de reine et impératrice [36] (comme ensuite dans deux chartes de 910 [37]), alors que la mort de Charles le Chauve (877) et l’absence d’héritier l’a pourtant écartée de la cour, preuve qu’elle n’en conserve pas moins un statut particulier. C’est d’ailleurs, comme l’a montré Simon MacLean, du fait de ce statut et du pouvoir que Richilde exerce à partir de monastères, qu’elle encourt des attaques de la part de ses ennemis politiques, ici en l’occurrence de Foulques [38].
Par ailleurs, si le liber rectoribus christianis de Sédulius Scottus est effectivement rédigé en 869, lorsque Charles le Chauve se fait couronner roi de Lotharingie à Metz et qu’il se prépare à épouser Richilde [39], le chapitre 5 qui précise le rôle de la reine [40], peut être considéré comme destiné à la seconde épouse de Charles le Chauve et le reflet de la conception d’un des plus éminents théoriciens du pouvoir du IXe siècle sur les droits et devoirs de la reine. Sédulius commence par y rappeler la hiérarchie à respecter au sein du couple royal (le roi se doit de dominer sa femme, celle-ci d’être soumise à son époux), ainsi que les fonctions traditionnellement dévolues à la reine (gestion de la domesticité et responsabilité des enfants) qui impliquent certaines qualités (chasteté, sagesse, vertus, piété). Il précise cependant ensuite
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que la reine doit aussi être de sages conseils (prudentia consilia) : en effet, des choses utiles et agréables à Dieu ont été réalisées grâce au conseil d’une sage épouse (prudens uxor) et les princes qui apprécient souvent la sagesse de leur épouse, loin de les considérer comme le sexe faible (non sexum fragilem considerantes), écoutent leurs bons conseils. Sédulius termine enfin le poème qui conclut le chapitre en promettant au roi et à la reine une généreuse descendance, s’ils gouvernent comme il faut le peuple (princeps et rectrix populum si rite gubernans) : la reine est mise sur le même plan que le roi et même qualifiée de rectrix. Le bon gouvernement implique donc l’association de la reine à l’exercice du pouvoir.
Si le pouvoir de Richilde peut ainsi être perçu ponctuellement à partir des indices glanés dans les diplômes, les lettres ou les miroirs de prince, il apparaît avec beaucoup plus de netteté dans les Annales de saint-Bertin. Ces annales qui entreprennent, à la suite des annales royales interrompues depuis 829, l’histoire officieuse de la royauté franque et plus particulièrement de Francie occidentale, sont composées, pour les années 861-882, par Hincmar, dont on a déjà analysé une lettre. Hincmar mentionne Richilde dans les notices de 869-870, à l’occasion de son mariage avec Charles le Chauve, puis régulièrement dans celles des années 875-877. L’auteur, après avoir évoqué le remariage du roi, peu après la mort de sa première épouse Ermentrude, précise, que Charles le Chauve négocie le partage de la Lotharingie avec son frère Louis le Germanique (traité de Meersen), puis « ordonnant [à Richilde] de venir le rejoindre à Lestines, [il] répartit, comme il lui plut, la part du royaume qu’il avait reçue » [41]. Richilde est donc associée à la nouvelle autorité exercée par Charles le Chauve sur la partie occidentale de la Lotharingie. Le roi ne pouvait manquer le faire : il avait épousé Richilde, parce qu’elle appartenait à la puissante famille lotharingienne des Bosonides et se trouvait être la nièce de Theutberge, dernière reine de Lotharingie, alors qu’il menait, depuis la mort de son neveu Lothaire II (869), quelques mois auparavant, une politique d’expansion aux dépens de ce royaume [42]. C’était la reine qui devait lui permettre, par le soutien de sa famille et de son réseau de fidélité et par le lien qui l’unissait à la précédente reine, de contrôler cet espace et de légitimer l’autorité qu’il exerçait. Il n’en reste pas moins que l’auteur met aussi l’accent sur la hiérarchie qui existe au sein du couple : Charles le Chauve ordonne, Richilde se conforme.
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Si l’auteur ne mentionne pas le sacre de Richilde comme reine, les raisons qui ont poussé à la consécration d’Ermentrude (première épouse de Charles le Chauve) en 866 [43], comme celles qui ont conduit le roi à épouser Richilde, plaident en faveur d’un sacre qui a suivi de près l’union, mais sur lequel l’auteur (qui condamne la rapidité avec laquelle Charles le Chauve s’est remarié après la mort de sa première épouse Ermentrude) préfère rester silencieux.
Richilde est aussi associée au pouvoir royal à l’occasion du concile de Ponthion (876). Hincmar précise ainsi que les envoyés du pape, venus pour l’occasion, apportent des lettres à l’empereur et à l’impératrice. Des cadeaux sont offerts, de la part du pape, au roi, ainsi qu’à la reine (p. 130). Hincmar montre ainsi le pape reconnaître l’autorité conjointe du roi et de la reine. Si Charles le Chauve a assisté à la plupart du concile, contrairement à Richilde, celle-ci n’en rejoint pas moins, couronnée (précisent les annales), à la fin du concile, l’assemblée pour, debout auprès de l’empereur, participer aux laudes et aux oraisons, avant que le concile ne soit dissout (p. 131). Elle est alors parée du titre d’impératrice, bien que qu’elle ne soit consacrée, par le pape Jean VIII, que l’année suivante, après avoir fait le voyage en Italie avec Charles le Chauve. Pour celui-ci, comme pour Hincmar et probablement la plupart des contemporains, Richilde est associée, à part entière, au pouvoir royal, puis impérial, de Charles le Chauve et il faut le montrer.
Cette association de la reine au pouvoir n’est nullement perçue comme théorique. Hincmar montre Richilde prendre des initiatives en l’absence du roi. En 875, alors que Charles le Chauve est en Italie et que Louis s’apprête à passer à l’offensive, c’est sur l’ordre de la reine Richilde que les grands du royaume de Charles s’engagent par serment à repousser cette attaque [44]. En l’absence du roi, c’est donc Richilde qui paraît aux commandes, ou du moins au dessus des grands et en mesure de leur donner des ordres, y compris sur le plan militaire [45]. Si Hincmar met en avant l’autorité de Richilde, il souligne aussi son incapacité à se faire respecter : les Grands qui se sont engagés par serment à repousser l’attaque, loin de se soucier de défendre le royaume,
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le ravagent tels des ennemis (p. 127). S’agit-il pour l’auteur de souligner implicitement l’incapacité d’une femme à exercer le pouvoir ? Je ne le pense pas : il s’agit plutôt, me semble-t-il, de critiquer simplement Charles le Chauve, parti pour l’Italie, malgré la désapprobation de l’auteur et d’une partie de l’aristocratie [46]. Ce n’est pas la première fois que les Grands secouent l’autorité royale. En outre, Hincmar rapporte qu’en 877, lorsque Charles le Chauve, alors en Italie, apprend que Carloman marche sur lui avec une grande armée, il confie le trésor à Richilde, partie avec lui, qui s’enfuit, pendant qu’il attend en vain des secours (p. 136). Richilde est perçue là encore comme l’auxiliaire du roi, en mesure de sauver le trésor, c’est-à-dire l’ensemble des richesses mobilières qui permet au couple royal de se lier aux aristocrates comme aux communautés religieuses, et donc d’asseoir son pouvoir. Puis, poursuit Hincmar, alors que Charles le Chauve se trouve au seuil de la mort, il envoie chercher Richilde et lui confie le précepte par lequel il transmet le royaume à son fils ainsi qu’ « une épée dite de saint Pierre, par laquelle il lui en donnait l’investiture, et aussi le vêtement royal, la couronne et le bâton d’or et de pierres précieuses » (p. 138). Richilde se trouve donc dépositaire des regalia, c’est-à-dire des ornements symboles de l’autorité royale, que Charles le Chauve l’a chargée de transmettre, après sa mort, à son fils Louis le Bègue, né d’Ermentrude, et ainsi d’assurer la continuité dynastique [47]. Si pour Charles le Chauve, comme pour Hincmar, Richilde est en quelque sorte responsable de la transmission du pouvoir royal, son rôle s’arrête là : n’ayant pas eu de fils, n’étant que la belle-mère de l’héritier de son mari, elle quitte la cour lorsque Louis le Bègue succède au défunt Charles le Chauve et n’apparaît plus dans les Annales, alors qu’elle continue pourtant, comme on l’a vu, à exercer une influence politique, probablement non négligeable.
Au total, les différentes sources analysées révèlent la perception d’une reine étroitement associée au pouvoir royal, du vivant même du roi, assumant exercice de l’autorité en son absence, écarté du pouvoir royal après sa mort, parce sans lien consanguin avec l’héritier, mais pas de tout pouvoir, du fait de son statut de reine et de ses liens avec un réseau de monastères.
La perception d’une association étroite de la reine au pouvoir royal est encore plus nette en ce qui concerne Gerberge, du vivant de son mari comme après.
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Gerberge, épouse et mère étroitement associée au pouvoir
Gerberge apparaît dans 2 types de sources qui permettent d’envisager le pouvoir qu’elle exerce, tel que les contemporains le perçoivent, comme épouse puis comme mère : d’une part, les diplômes de Louis IV (936-954) et de son fils Lothaire (954-986) ; d’autre part, les annales de Flodoard.
Comme pour Richilde, les diplômes ne témoignent pas d’une franche participation au pouvoir de la reine aux côtés du roi, même si Gerberge y apparaît nettement plus associée que ne l’avait été Richilde. Cinq des 44 diplômes de Louis IV précisent qu’ils ont été pris en la présence de Gerberge, à sa requête ou qu’ils ont été confirmés par elle [48]. Gerberge y est cependant toujours qualifiée de conjux ou uxor, sauf dans un acte perdu pour lequel l’éditeur reproduit le texte de la confirmation de Lothaire où elle apparaît avec le titre de regina (n° 47). Elle n’est pas plus qualifiée de reine dans les 4 diplômes qui la prévoient parmi les bénéficiaires des contre-dons spirituels [49]. Si cette discrétion ne signifie pas l’absence de toute influence de Gerberge, elle surprend néanmoins, compte tenu du titre royal, parfois attribué, dans les diplômes, à d’autres reines qui l’ont précédée ou suivie, et dans la mesure où, comme on le montrera ensuite, d’autres sources soulignent son rôle actif du vivant de Louis IV et sa participation à l’exercice du pouvoir à ses côtés. S’agit-il pour les scribes, voire pour le roi, de souligner que même si Gerberge est associée au pouvoir, elle ne l’est qu’en tant qu’épouse et que le premier maître du pouvoir, c’est Louis IV ? Si tel était le cas, cela pourrait aussi confirmer la forte influence exercée par Gerberge et la volonté de réaffirmer l’autorité du roi, par le biais des diplômes. La situation se révèle toute autre, après la mort du roi (954). Gerberge apparaît d’abord plus fréquemment dans les actes de Lothaire – dans près d’un tiers (10 / 31) [50]. Ensuite, elle y est
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toujours qualifiée de regina jusqu’en 961. Après cette année-là, mis à part un acte de 968 (n° 31), où elle est à nouveau parée de ce titre, elle n’y est mentionnée que comme mater, gloriosissima (n° 17) ou dilecta (n° 25 et 26). La période correspond par ailleurs à une diminution de l’intervention de Gerberge : entre 962 et 968, elle n’apparaît plus que dans un quart des actes, alors qu’entre 954 et 961, elle figurait dans près de la moitié d’entre eux. Cette rupture correspond au temps où Lothaire commence à s’émanciper (il n’avait que 13 ans à la mort de son père, il en a 20 en 961), puis où il se marie (en 966, avec Emma) : Gerberge, tout en continuant à jouer un rôle auprès de son fils et à garder la préséance sur sa bru (elle est mentionnée avant elle dans les actes), est désormais reléguée au second plan : Lothaire et les scribes qui rédigent les diplômes montrent ainsi que le détenteur du pouvoir, c’est désormais le jeune roi. Cela sous-entend cependant qu’auparavant, c’était bien Gerberge qui gouvernait.
Les Annales de Flodoard († 966) le confirme, même si la rupture de 961 y apparaît moins nettement [51]. Il faut tout d’abord noter qu’il n’y que peu de notices annuelles qui ne mentionnent pas, à un moment ou un autre, la reine, car Gerberge apparaît bien systématiquement avec ce titre, à l’exception d’une fois [52]. Le titre suffit même parfois à la désigner [53], chacun sachant manifestement que la regina, c’est elle, du vivant de Louis IV, comme après sa mort. Du vivant de Louis IV, l’auteur montre la reine associée au roi, notamment à l’occasion de certains déplacements, qui correspondent toujours à des actes d’autorité (il s’agit d’aller s’imposer, en se montrant, aux populations pour obtenir ou conserver leur fidélité) [54]. Il évoque aussi les actes qu’elle réalise en l’absence de son mari : lorsque celui-ci est prisonnier des Normands, puis d’Hugues le Grand, en 945-6, c’est à elle que l’on s’adresse pour négocier sa libération (p. 99), parce que c’est manifestement elle qui exerce l’autorité, et c’est elle qui se charge de demander des secours à son frère, le roi Otton (p. 101). Flodoard souligne, enfin, les actes réalisés par Gerberge seule, alors que Louis IV n’est pas au loin. En 949, elle va passer Pâques avec son frère Otton au palais d’Aix et en revient avec l’assurance de son secours (p. 122),
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ce qui montre qu’elle était chargée d’une mission diplomatique. En 953, Hugues le Grand envoie des messagers au roi Louis IV et demande une entrevue à la reine Gerberge qui contribue à réconcilier les deux anciens ennemis (p. 135) [55]. Flodoard montre, ensuite, sans ambiguïté qu’après la mort de Louis IV, c’est Gerberge qui négocie la succession de son fils (p. 138) et prend en main l’exercice du pouvoir : après le sacre, c’est la reine Gerberge qui revient à Laon avec le roi, son fils (p. 139), et non le roi qui revient avec sa mère ; de même, en 955, c’est la reine Gerberge qui est reçue honorablement avec son fils le roi Lothaire, à Paris, par Hugues le Grand (p. 140), et non le roi avec sa mère. Ce n’est qu’à partir de 957 que l’auteur inverse l’ordre, lorsque Lothaire se déplace avec sa mère (p. 144). Cette manière de présenter les choses est révélatrice de la perception par l’auteur - et probablement ses contemporains - de la répartition des pouvoirs entre la mère et le fils, ainsi que de son évolution. Jusqu’en 962 au moins, Gerberge n’en reste pas moins associée à la plupart des actes d’autorité de son fils : elle favorise son rapprochement avec son frère Brunon, archevêque de Cologne (a. 959, p. 146), elle l’accompagne dans ses déplacements (à Cologne, a. 959, p. 146 ; en Bourgogne, a. 961, p. 150), lorsqu’il faut faire le siège de Dijon (a. 960, p. 148). Ensuite, si elle n’apparaît pas dans les notices, plus courtes de 963-964 (mais Lothaire non plus), elle est mentionnée en 965 auprès de Lothaire à Laon, puis allant rejoindre son frère Otton à Cologne, avec ses fils (p. 156-157) qui apparaissent à nouveau dans son sillage. Les annales se terminent sur le mariage de Lothaire avec Emma en 966 et les Histoires de Richer, rédigées une trentaine d’années plus tard, qui n’évoquent pas particulièrement les années 966-969 († de Gerberge) ne permettent pas de préciser la perception des relations entre belle-mère et belle-fille et la répartition du pouvoir qui s’opère entre elles.
Conclusion
Que retenir de l’analyse des sources narratives et diplomatiques, voire morales, épistolaires et poétiques, écrites essentiellement par des hommes, témoins et porte-parole des conceptions de leur temps, quant au pouvoir exercé par les reines et la perception qu’en avaient leurs contemporains, et donc de cette approche des rapports entre les sexes à un double niveau : d’abord à partir du regard porté par les auteurs (le plus souvent masculins) sur les reines, ensuite par la perception
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qu’ils ont de la répartition des pouvoirs entre hommes et femmes à l’échelon royal ?
Il en ressort, tout d’abord, une perception différente en fonction des époques, des situations et des personnalités, mais aussi, pour une même reine, d’un auteur à l’autre et d’un type de source à l’autre, ce que témoignent la terminologie utilisée, les modèles proposées, ainsi que la place accordée au rôle et aux actes des uns et des autres. Il en ressort néanmoins deux types de conclusions.
D’une part, on ne constate nulle réticence de la part des hommes à ce qu’une femme exerce l’autorité, y compris royale, et si la reine doit faire face à des oppositions, ce n’est pas parce qu’elle est femme, mais parce que, comme tout souverain, son autorité suscite des oppositions. Il est, notamment, progressivement reconnu qu’il est de son devoir de soutenir son époux, puis ses fils, en participant à l’exercice du pouvoir, et que, comme reine mère, elle exerce le pouvoir, au nom de son fils, si celui-ci est mineur à la mort de son père.
D’autre part, nos auteurs considèrent que les reines ne sont susceptibles d’exercer le pouvoir qu’aux côtés d’un homme, leur mari, leur(s) fils, voire leur petit-fils : du vivant de leur époux, elles apparaissent, jusqu’à la fin du VIIIe siècle dans l’ombre de celui-ci, ce qui ne signifie pas qu’elles n’ont pas pour autant de pouvoir. À partir du IXe s, même si les diplômes restent relativement discrets sur leur rôle (et il faudrait mieux saisir la particularité des actes qui soulignent leur rôle actif), les autres types de sources les montrent davantage associées à l’exercice du pouvoir royal et intervenir donc dans la sphère publique, sans cependant remettre en cause la hiérarchie au sein du couple (soumission de l’épouse au roi). Si à la mort du roi, leur fils est mineur, on reconnaît, à partir du VIIe siècle, que les reines peuvent exercer le pouvoir en son nom, ce qui n’exclut pas, par ailleurs, l’influence de personnages masculins. Le cas de Gerberge au Xe siècle, jamais qualifiée reine dans les diplômes de Louis IV, alors qu’elle l’est régulièrement dans ceux de son fils, Lothaire, semble montrer que, sur le plan juridique, c’est essentiellement lors des minorités que l’on reconnaît le pouvoir d’une reine, ce qui n’exclut pas, là encore, qu’il ne soit pas réel en dehors. Celui de Richilde, au IXe siècle, montre que si le veuvage, sans héritier, réduit considérablement le pouvoir de la reine qui doit quitter la cour, elle n’en conserve pas moins son statut de regina et la capacité d’exercer une autorité de nature politique, notamment à partir de monastères qui lui sont liés.
Ces conclusions ne peuvent cependant pas être considérées comme définitives. Les informations, glanées ici ou là, sur ces quelques femmes à la forte personnalité, ne permettent que d’entrouvrir la fenêtre sur ce qu’elles étaient et la manière de les percevoir. Elles ne sauraient être envisagées comme un tableau achevé de la question.
Notes
[1] Sur les reines en général, voire les reines mérovingiennes ou carolingiennes, P. Stafford, Queens, concubines and dowagers. The king’s wife in the early Middle Ages, 1983, rééd. 1998, Leicester university Press, 1998 ; D. Harrison, The age of abbesses and queens. Gender and political culture in early medieval Europe, Lund, Nordic Academic press, 1998 ; I. Wood, The Merovingian Kingdoms 450-751, Londres-New York, Longman, 1994, p. 121-139 ; J. Nelson, « Les reines carolingiennes », S. Lebecq, A. Dierkens, R. Le Jan, J.M. Sansterre (éd.), Femmes et pouvoirs des femmes à Byzance et en Occident (VIe – XIe siècles), Lille, Centre de Recherche sur l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest, 1999, p. 121-132 ; Sur l’une ou l’autre de ces reines plus particulièrement, J. Nelson, « Queens as Jezebels : the careers of Brunehild and Bathild in Merovingian history », D. Baker éd., Medieval women, Oxford, B. Blackwell, 1978, p. 31-77 ; J.P. Laporte, « La reine Bathilde ou l’ascension sociale d’une esclave », M. Rouche, J. Heuclin (éd.), La femme au Moyen Âge, Maubeuge, 1992, p. 147-169 ; E. Santinelli, « Les reines mérovingiennes ont-elles une politique territoriale ? », R. Soussignan, E. Santinelli (éd.), Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, Revue du Nord, t. 85, n° 351 (juillet/septembre 2003), p. 631-653 ; J. Nelson, « La famille de Charlemagne », A. Dierkens, J.M. Sansterre (éd.), Le souverain à Byzance et en Occident, Revue Byzantion, Bruxelles, 1991, p. 194-212 ; Ead., « Women at the court of Charlemagne. A case of monstrous regiment ? », J.C. Parsons (éd.), Medieval queenship, New York, St Marti’s Press, 1993, p. 43-61; J. Hyam, « Ermentrude and Richildis », Gibson M.T., Nelson J.L. (éd.), Charles the Bald, court and kingdom, Oxford, Variorum, 1990, p. 153-168 ; R. Le Jan, « La reine Gerberge entre Carolingiens et Ottoniens », Ead., Femmes, pouvoir et société dans le haut Moyen Âge, Paris, Picard, 2001, p. 30-38.
[2] Lettres de Grégoire le Grand, éd. P. Ewald, L.M. Hartmann, MGH epistolae I, Berlin, 1891 et L.M. Hartmann, MGH epistolae II, Berlin, 1899 : n° VI, 5 (595), p. 383-384 ; n° VI, 55 (596), p. 430 ; n° VI, 57 (596), p. 431-432) ; n° VIII, 4 (597), p. 5-8 ; n° IX, 212 (599), p. 197 ; n° IX, 213, p 198-200 ; n° XI, 46 (601), p. 318-319 ; n° XI, 48 (601), p. 320-321 ; n° XI, 49 (601), p. 321-322 ; n° XIII, 7 (602), p. 371-373.
[3] Brunehilde exerce alors le pouvoir, au nom, puis aux côtés de ses petits-fils, voir I. Wood, The Merovingian Kingdoms …, op. cit. (n. 1), p. 125-136 et E. Santinelli, « Les reines mérovingiennes … », art. cit. (n. 1), p. 633-636.
[4] Venance Fortunat, Poèmes, éd. et trad. M. Reydellet, 3 t., Paris, Les Belles Lettres, 1994-2004.
[5] Si Childebert est majeur depuis 585, il n’a alors qu’une quinzaine d’années et sa mère qui a exercé, pendant une dizaine d’années, le pouvoir en son nom conserve ensuite une forte autorité et cela jusqu’à la mort de celui-ci en 596, E. Santinelli, Des femmes éplorées ? Les veuves dans la société aristocratique du haut Moyen Âge, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2003, p. 359-360, p. 377-8
[6] Grégoire de Tours, Libri historiarum X, éd. et trad. all. R. Buchner, 2 vol., Berlin, 1956, trad. fr. R. Latouche, Histoire des Francs, rééd. Paris, Les Belles Lettres, 1999 (les pages ensuite indiquées sont celles de la traduction de Robert Latouche).
[7] Cf ci-dessus le poème de Fortunat.
[8] E. Santinelli, « Les reines mérovingiennes … », art. cit. (n. 1), p. 639
[9] Die Urkunden der Merowinger, éd. T. Kölzer, 2 t., Hanovre, 2001, n° 92 (6586659), p. 237-239 ; n° 96 (661), p. 246-248, sur les 6 diplômes authentiques de Clotaire III édités par T. Kölzer, dont 2 sont datés de 660-643 (n° 94 et 95).
[10] On retrouve le même type d’association avec une titulature identique, pour Nanthilde, dans un acte, reconnu authentique, de son fils Clovis II, alors qu’elle se trouve dans une situation équivalente (reine, veuve, mère d’un roi mineur), ibid., n° 72 (639-642), p. 184-186. Quant aux rois, ils s’intitulent seulement rex ou rex Francorum.
[11] Acta sancti Aunemundi, AA SS sept. VII (BHL 506), p. 744-746. Les acta rapportent que lorsque l’évêque Aunemund de Lyon et son frère, préfet de Lyon, sont accusés de trahison, il comparaissent dans une assemblée réunie dans la villa royale de Mareuil, près d’Orléans, en présence de la reine Bathilde et de Clotaire III. Voir J. Nelson, « Queens as Jezebels… », art. cit. (n. 1), p. 63.
[12] Continuations de la chronique de Frédégaire, éd. et trad. angl. J.M. Wallace-Hadrill, The fourth book of Fredegar with its continuations, Oxford, 1960, c. 1, p. 80, éd. reprise et trad. fr. O. Devillers, J. Meyers, Frédégaire, Chronique des temps mérovingiens, Turnhout, Brépols, 2001, p. 203. Je donne cependant une traduction personnelle.
[13] Vita A S. Bathildis, éd. B. Krusch, MGH SRM 2, p. 482-508 (BHL 905).
[14] Paul Diacre, Gesta episcopi Mettensium, éd. G.H. Pertz, MGH SS 2, Hanovre, 1879, p. 266 : (...) Hic regina iacet regi praecelsa potenti / Hildegard Karolo quae bene nupta fuit / (...) Tu sola inventa es, fueris quae digna tenere / multiplicis regni aurea sceptra manu (...).
[15] ibid., p. 265.
[16] MGH diplomatum karolinorum, t. 1, Pépin, Carloman, Charlemagne, éd. E. Mülbacher, Hanovre, 1906, n° 81, p. 115-117 : Charlemagne fait une donation en faveur de Saint-Martin de Tours avec coniux nostra Hildegardis regina
[17] Annales regni Francorum, éd. F. Kurze, MGH SRG in usum scholarum, Hanovre, 1895.
[18] J. Nelson, « la perception du pouvoir chez les historiennes du Moyen Âge », J. Heuclin, M. Rouche (éd.), La femme…, op. cit. (n. 1), 1992, p. 80-82, rééd. angl. « gender and genre in women historians of the earlier Middle Ages », rééd. dans Ead., The frankish world, 750-950, Londres, Hambledon Press, 1996, p. 191-4.
[19] Annales Mettenses priores, éd. B. von Simson, MGH SRG in usum scholarum, Hanovre, 1905, a. 780, p. 68 et a. 783, p. 70.
[20] Eginhard, Vie de Charlemagne, éd. et trad. L. Halphen, Paris, Les Belles Lettres, 1981, c. 18, p. 56-7.
[21] Rodolphe de Fulda, Vita Leoba abbatissae Biscofesheimensis, éd. W. Wattenbach, MGH SS, XV, 1, Hanovre, 1887 (BHL 4845), c. 18, p. 129, éd. et trad. angl. C.H. Talbot, The Anglo-Saxon missionaries in Germany, Sheed & Ward, 1954, p. 220. Pour une analyse de cette vita, voir L.M. Bitel, Women in early medieval Europe, 400-1100, Cambridge, Cambridge university Press, 2002.
[22] J. Nelson, « Women at the court of Charlemagne … », art. cit. (n. 1), p. 53.
[23] Ibid. ; J. Nelson, « La famille de Charlemagne », art. cit. (n. 1), p. 205-206.
[24] Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France, éd. C. Tessier, 3 vol., Paris, Imprimerie Nationale, 1943-1955, n° 307 (867), p. 179-181.
[25] Ibid., n° 433 (877), p. 466
[26] Ibid., n° 416 (875-876), p. 430.
[27] J. Nelson, Charles le Chauve, trad. fr., Paris, Aubier, 1994, p. 260-264
[28] Recueil des actes de Charles II le Chauve, …, op. cit. (n. 24), n° 355 (871), p. 290 ; n° 357 (872), p. 296 ; n° 364 (872), p. 314-315 ; n° 370 (874), p. 325 ; n° 373 (874), p. 331 ; n° 376 (874), p. 340 ; n° 377 (875), p. 341 ; n° 378 (875), p. 345 ; n° 379 (875), p. 349 ; n° 413 (876), p. 426 ; n° 420 (877), p. 437 ; n° 425 (877), p. 451 ; n° 441 (877), p. 489-490 ; n° 444 (877), p. 499 ; n° 460 (876-877), p. 513.
[29] J. Nelson, « La mort de Charles le Chauve », Médiévales, n° 31 (automne 1996), La mort des grands, p. 55-58. Ses prédécesseurs se contentaient de faire des donations au profit, le plus souvent, de leur âme, de celle de leur épouse et de leur descendance (conjugis et prolis).
[30] Johannis VIII papae epistolae, éd. E. Caspar, MGH epistolae, karolini aevi, 5, Berlin, 1928, n° 27, p. 25-26 et n° 33, p. 32-33. Sur le modèle d’Esther fréquemment proposé aux reines, voir les contributions dans ce volume de Sabine Savoye, Giovanna Tondini et Élodie Lequain.
[31] J. Hyam, « Ermentrude et Richilde », art. cit. (n. 1), p. 162.
[32] P. Stafford, Queens …, op. cit. (n. 1), p. 26.
[33] MGH epistolae, karolini aevi, 5, n° 12, p. 11.
[34] Flodoard, Histoire de l’Église de Reims, éd. G. Waitz, MGH SS 13, Hanovre, l. III, c. 27, p. 549. Voir M. Sot, Un historien et son église. Flodoard de Reims, Paris, Fayard, 1993, p. 610 et ¬613-4. Hincmar rappelle que l’évêché de Laon a été placé sous la protection particulière de la reine, pendant la vacance du siège épiscopal et condamne la destitution de l’abbesse régulière d’Origny chassée à l’instigation de la reine au profit d’une novice qui a payé pour obtenir la charge.
[35] S. MacLean, « Queenship, nunneries and royal widowhood in carolingian Europe », Past and Present, n° 178, févr. 2003, p. 3-38.
[36] Flodoard, Histoire …, op. cit. (n. 34), l. IV, c. 5, p. 566-567. Voir l’analyse de M. Sot, Un historien …, …, op. cit. (n. 34), p. 165.
[37] Diplomata reginarum, RHGF, t. 9, n° 3, p. 664-665 ; Cartulaire de l’abbaye de Gorze, éd. A. D’Herbomez, Mettensia II, Paris, C. Klincksieck, 1898, n° 87-88 (910), p. 157-162.
[38] S. MacLean, « Queenship, … », art. cit. (n. 35), p. 3-7 et p. 34-38.
[39] N. Staubach, Rex Christianus. Hofkultur und Herrschaftspropaganda im Reich Karls der Kahlen. Teil II : die Grundlegung der “religion royale”, Köln-Weimar-Wien, Böhlau, 1993 ; A. Dubreucq, Miroirs des princes et littérature parénétique à l’époque carolingienne : la Voie royale, HDR dactylographiée, Paris, 1998, p. 46.
[40] Sédulius Scottus, liber rectoribus christianis, éd. S. Hellman, rééd. Francfort, Minerva, 1966, c. 5, p. 34-37, trad. angl E.G. Doyle, On christian rulers and the poems, Binghamton, State University of New York, 1983, p. 59-61.
[41] Annales de Saint-Bertin, éd. F. Graat, J. Vieillard, S. Clemencet, Paris, 1864, a 870, p. 171 : Carolus Liptinis uxorem suam obviam sibi venire jubens, partem ipsius regni quam accepit, sicut placuit sibi, divisit.
[42] P. Stafford, Queens …, op. cit. (n. 1), p. 39-40 ; J.L. Nelson, Charles le Chauve, op. cit. (n. 27), p. 241-248.
[43] J.L. Nelson, « Early medieval rites of queen-making and the shaping of medieval queenship », dans A. Duggan (éd.), Queens and queenship in medieval Europe, Woodbridge, Boydell, 1997, p. 301-2.
[44] Annales de Saint-Bertin, op. cit. (n. 41), a. 875, p. 127 : ad quem obsistendum primores regni karoli, iubente Richilde regina, sacramento se confirmaverunt.
[45] Charles le Chauve a, semble-t-il, réparti les rôles entre sa femme et son fils, puisqu’Hincmar précise qu’avant de partir pour l’Italie, le roi a envoyé Richilde à Servais et Louis le Bègue en Lotharingie, la première exerçant l’autorité royale en Francie occidentale, le second dans la portion de royaume nouvellement acquise, en première ligne en cas d’attaque de Louis le Germanique ou de ses fils.
[46] J.L.Nelson, « La mort de Charles le Chauve », art. cit. (n. 29), p. 63
[47] Ibid., p. 65
[48] Recueil des actes de Louis IV (936-954), éd. M. Prou, P. Lauer, Paris, C. Klincksieck, 1914, n° 32 (949), p. 76-77 ; n° 33 (949), p. 78-79 ; n° 38 (951), p. 88-90 ; n° 47 (954), p. 103 ; n° 53 (slnd), p. 106-107.
[49] Ibid., n° 22 (944), p. 54-55 ; n° 23 (944), p. 55-57 ; n° 30 (948), p. 72-74 ; n° 34 (950), p. 79-80. Elle n’y est même pas nommée : il y est juste prévu que les religieux doivent prier notamment pour la conjux du roi.
[50] Recueil des actes de Lothaire et de Louis V, rois de France (954-987), éd. L. Halphen, F. Lot, H. d’Arbois de Jubainville, Paris, C. Klincksieck, 1908, n° 3 (955), p. 6-7 ; n° 4 (955), p. 8-10 ; n° 6 (955), p. 13-15 ; n° 11 (958), p. 22-25 ; n° 12 (958), p. 25-27 ; n° 14 (961), p. 29-31 ; n° 17 (962), p. 36-37 ; n° 25 (966), p. 58-62 ; n° 26 (966), p. 62-66 ; n° 31 (968), p. 74-77.
[51] Flodoard, Annales, éd. P. Lauer, Paris, Picard, 1905.
[52] En 951, lorsque le roi qui a confisqué à sa mère, Ogive, l’abbaye Notre-Dame de Laon la donne à sa femme, ibid., p. 132.
[53] Ibid., a. 945, p. 99 ; a. 949, p. 122 ; a. 951, p. 130 ; a. 952, p. 134 ; a. 959, p. 146-147.
[54] Ibid., par exemple, a. 944, p. 90 ; a. 951, p. 130 ; a. 952, p. 133-134. Sur le rôle des voyages royaux, « techniques ritualisées du pouvoir », et la participation des reines de Francie du Xe siècle, notamment Gerberge, voir R.Le Jan, « D’une cour à l’autre : les voyages des reines de Francie au Xe siècle », dans Ead., Femmes, … op. cit. (n. 1), p. 39-52.
[55] Sur le rôle de Gerberge pour conforter la position de Louis IV en favorisant le rapprochement avec son frère Otton, puis avec le duc des Francs, Hugues le Grand, marié à sa sœur Hadwige, voir R. Le Jan, « La reine Gerberge », art. cit. (n. 1), p. 35.