« Ci-gît notre invincible roi… ». Epitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV (3e ensemble)
Henri Duranton (dir.)
Comment citer cette publication :
Henri Duranton (éd.), « Ci-gît notre invincible roi… ». Epitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV (3e ensemble), Paris, Cour de France.fr, 2010. Documents inédits publiés en ligne le 1er mars 2010 (https://cour-de-france.fr/article1394.html).
Epitaphes satiriques sur la mort de Louis XIV, publiés en trois ensembles sur Cour de France.fr :
1er ensemble
2e ensemble
3e ensemble
3e ensemble : Formes diverses
1. Raunié, I, 53-54
Louis, près de mourir, sachant qu’un ravisseur
Ne peut jamais prétendre à l’éternel bonheur
Et tenant dans ses mains tout le bien de la France
Dont il a si longtemps dévoré la substance,
Commençant d’avoir peur,
Fit appeler son confesseur,
Qui, comme on sait, était jésuite.
Voici ce qu’il lui répondit :
“ Vous n’avez qu’à faire un édit
Qui dira que vous êtes quitte.
2. f. fr. 12695, p. 688
Eloge funèbre de Louis XIV. Air : La Faridondaine
Quel prodige surnaturel
En ces lieux lieux vient paraître ?
Que vois-je ? ah ! c’est l’homme immortel
Qui vient cesser de l’être !
Tremblez, Ô peuple de Sion,
La faridondaine, la faridondon ;
Plus d’un malheur je vous prédis,
Biribi,
A la façon de barbari,
Mon ami.
La mort se présente à ses yeux
Sans une autre couronne ;
Je le vois qui fait ses adieux
A sa toute mignonnne ;
Je meurs, dit-il, c’est pour raison, la far.
Vous règnerez à Saint-Denis, biribi, etc.
Il se tourne vers le dauphin
Et lui tient ce langage ;
Mignon, je vous laisse à la fin
Mon charmant héritage ;
Profitez-en, car il est bon, la far.
Depuis la paix tout y fleurit, biribi, etc.
Ensuite il parle à son neveu,
Et lui dit ce qu’il pense :
Je meurs content, puisque dans peu
Vous aurez la régence ;
Mon testament vous en fait don, la far ;
Mon dernier codicile aussi, biribi, etc.
Tellier sans se faire appeler
S’en approche avec zèle :
Si vous voulez, dit-il, aller
A la gloire éternelle,
Laissez-moi la commission, la far.
De remplir vos devoirs ici, biribi, etc.
Le roi répond : je le veux bien,
Nommez aux bénéfices ;
Je vous connais homme de bien
Sans fraudes, sans malices :
Ah ! sire, que vous êtes bon, la far.
Dit le confesseur attendri, biribi, etc.
Louis, voyant sa cour en pleurs,
Lui parle et la console :
Adieu, pour toujours je me meurs ;
Car je perds la parole.
Alors se tut le grand Bourbon, la far.
Laissant bien à penser de lui, biribi, etc.
Français, préparez-vous au deuil,
Je le vois, il expire :
Il entre enfin dans le cercueil,
Ce héros qu’on admire !
Plongez-vous dans l’affliction, la far.
Puisque vous perdez tout en lui, biribi, etc.
Je vois Philippe au parlement
Demander la régence :
Doit-il y paraître content ?
Il n’aura rien je pense ;
Car suivant ma prédiction, la far.
Le testament sera suivi, biribi, etc.
Peuples courez voir en pleurant
L’homme de Diogène ;
La mort dans son char triomphant
A Saint-Denis l’emmène.
Que de filles se souviendront, la far.
D’avoir vu son convoi de nuit, biribi, etc.
Hélas ! fallait-il qu’il mourût,
Ce prince tant aimable ?
Son zèle pour notre salut
Etait inconcevable
Avec la Constitution, la far.
Il nous menait en paradis, biribi, etc.
Sa sagesse et son équité
Brilleront dans l’histoire ;
Par lui le mérite exalté
En publiera la gloire ;
Et du Pérou jusqu’au Japon, la far.
On ne parlera que lui, biribi, etc.
Si vous êtes chargé d’impôts,
Il n’en était point cause ;
Il désirait votre repos ;
Pouvait-il autre chose ?
Vous lui faisiez compassion, la far.
Il songeait plus à vous qu’à lui, biribi, etc.
Vous alliez vivre tous heureux,
Dans une paix profonde ;
Son ardeur à combler vos vœux,
L’aurait rendu féconde.
C’était là son ambition, la far.
Mais voilà votre espoir détruit, biribi, etc.
Il est sensible à vos besoins,
Fait régner l’abondance ;
Il eût rétabli par ses soins
Bientôt la confiance ;
Il y travaillait tout de bon, la far.
Avec Desmarets et Bercy, biribi, etc.
Pour faire circuler l’argent,
Il aimait la dépense ;
Sa parole était du comptant ;
Tout allait bien en France ;
Chacun charmé d’un roi si bon, la far.
Disait partout, vive Louis ! biribi, etc.
Amis, respectez Desmarets,
Son ministre fidèle,
Reconnaissez à ses arrêts
Son mérite et son zèle ;
Et pour la veuve de Scarron, la far.
Ayez bien du respect aussi, biribi, etc.
Croyez le père Le Tellier ;
Suivez son évangile ;
Croyez Fagon dans son métier,
Aussi savant qu’habile ;
Fuyez Quesnel et ses leçons, la far.
Prosternez-vous devant Bissy , biribi, etc.
Passants, ci-gît Louis le Grand
Qui fit plus qu’Alexandre ;
Car il mourut en conquérant,
N’ayant plus rien à prendre.
Hommes, femmes, filles, garçons,
La faridondaine, la faridondon,
Dites de profondis pour lui,
Biribi,
A la façon de barbari, mon ami
3. Sautreau, III, 473
Précis de l’histoire des rois de France qui ont porté le nom de Louis
Sonnet
Louis, premier du nom, fut un roi débonnaire ;
Louis second fut sage, héroïque et clément ;
Louis trois, quoique jeune, était brave et prudent ;
Louis quatre eut le sort favorable et contraire.
Louis cinq fut docile et n’eut point d’adversaire
Louis six, pour l’Eglise, eut un zèle éclatant.
Louis sept, sur les flots, fit pâlir le croissant.
Louis huit eut de Mars le parfait caractère.
Louis neuf fut vaillant, sobre, chaste et pieux.
Louis dix fit punir un ministre odieux.
Louis onze fut grave et zélé politique.
Louis douze eut du peuple et le coeur et la voix.
Louis treize fut juste, intègre et magnifique.
Louis quatorze seul vaut tous les autres rois.
4. f. fr. 12695, p. 693-698
Abrégé de l’histoire de Louis XIV. Air des Pendus
Or, écoutez, mes chers amis,
Le très véritable récit,
L’histoire de notre monarque,
Et vous jugerez si la Parque
A bien ou mal fait de trancher
La trame d’un prince si cher.
Son père, le roi des Français,
Tous les jours faisait des souhaits
Pour que la reine fût enceinte,
Il priait les saints et les saintes ;
Le cardinal priait aussi :
Il a beaucoup mieux réussi.
Au bout de neuf mois, vint au jour
Un petit enfant de l’amour,
Avec des dents longues et belles ;
Lors on consulta son étoile,
Et dès ce temps-là on prédit
Qu’il mangerait grands et petits.
D’abord sur les mamans tétons
Se creva le maître glouton ;
Et leur montrant ses dents cruelles,
Il leur déchira les mamelles ;
Chacune d’elles le quitta,
Puis une louve l’allaita.
Quand il commença de régner
Il aurait dû se faire aimer
Pour démentir la prophétie ;
Elle n’est que trop accomplie,
Car il n’a cessé de ronger
Et nous a fait tous enrager.
Nous lui prétâmes notre argent,
En beaux louis, en écus blancs,
Croyant qu’il serait honnête homme ;
Mais nous savons à présent comme
C’est être fou de se fier
A gens que l’on ne peut coffrer.
Il nous vendit de ces billets
Qu’il disait être bons effets ;
Ils avaient cours dans le commerce,
On en payait touts ses dettes ;
Mais à présent ce beau papier
Ne peut servir qu’à s’essuyer.
Les uns le nomment Louis le Grand
Et d’autres Louis le tyran,
Le banqueroutier et l’auguste,
Et c’est raisonner assez juste :
Car n’eut d’autres raisons jamais,
Qu’il faut, Nous voulons, Il nous plaît.
Ce prince n’avait pas pourtant
Le cœur dur comme un diamant ;
Car il aimait la demoiselle
Lorsqu’il avait jeune cervelle ;
Puis étant devenu barbon
Il prit la veuve de Scarron.
Son confesseur qui le savait
Pour pénitence lui donnait
D’exterminer le janséniste
Dont en poche il avait la liste,
Et chaque péché pardonnait
Pour une lettre de cachet.
En deux mots, voici le portrait
De ce directeur si parfait,
Cet homme qui passe sa vie
De Jésus en la compagnie ;
Mais je crois qu’il le trahit,
Car il a l’air de l’Antéchrist.
O la plaisante invention
Que cette Constitution !
Elle était pleine d’indulgence,
Elle exemptait de pénitence ;
Louis y avait tant de foi
Qu’à tout moment il la baisoit.
Ce prince ayant régné longtemps
Malgré nous et malgré nos dents,
Fut attaqué de maladie
Qui menaçait beaucoup sa vie ;
Il regarda venir la mort
Tout comme fait un esprit fort.
Il composa dedans son lit
Le dernier tome des édits ;
Il régla toute la finance
De ce pauvre peuple de France ;
Tous les billets il décria
Et c’est ainsi q’il s’acquitta.
On fit venir des médecins,
Mais soit qu’ils n’y connussent rien,
Ou que par esprit de prudence
Voulussent en délivrer la France,
Ils l’ont mis dans le monument
A notre grand contentement.
Aussitôt son trépassement,
On l’ouvrit d’un grand ferrement,
On ne lui trouva point d’entrailles,
Son cœur était pierre de tailles ;
Son esprit était très gâté
Et tout le reste gangrené.
Avec la Constitution
Son cœur, enfermé dans un plomb,
Fut envoyé chez les jésuites
Par de beaux traits de politiques,
De droit il leur appartenait
Puisque persone n’en voulait.
Sitôt qu’il fut enseveli,
On le porta dans Saint-Denis
Sans pompe et sans magnificence
Afin d’épargner la dépense,
Car à son fils il n’a laissé
Que de quoi le faire enterrer.
Or prions le doux Jésus-Christ
Qu’il envoie au-devant de lui
Ses anges rangés en bataille ;
Car on assure que le diable,
Le regardant comme son bien,
Doit l’enlever en chemin.
5. f. fr. 12696, p. 19
Réclamation contre les satires publiées sur Louis XIV après sa mort
Quel bruit impétueux, quelle rage effrenée
Travaille à l’instant tous les coeurs !
A peine de Louis la course est terminée,
Ses sujets déchaînés vomissent mille horreurs ;
Des libelles grossiers l’injurieux déluge
Inonde la ville et la cour ;
La halle, critique à son tour,
Aux rimeurs insolents prête un honteux refuge.
Que faut-il pour vous exciter,
Traîtres adulateurs, troupe avide et servile ?
Le sordide intérêt en éloges fertile
N’a-t-il plus rien à vous dicter ?
A l’immortalité vos flatteuses promesses
Désormais ne l’élèvent plus ;
L’écrivain le plus vil attaque ses faiblesses
Et n’ose seulement défendre ses vertus.
Pourquoi vous démentir ? Quelle âme assez altière
Pourrait à ce héros refuser son respect ?
N’eût-on pas dit à son aspect
Qu’il régnait sur la terre entière ?
Vit-on jamais d’exploits plus beaux ?
Au bruit de ses premières armes,
Le Batave, saisi des plus vives alarmes,
Cherche son salut dans les eaux.
Jusqu’où ses ennemis, par de promptes retraites
N’ont-ils élevé sa suprême grandeur ?
Que de talents, que de splendeurs !
Mais c’est trop hasarder : la plus savante plume
Pourrait-elle réduire au gré de l’univers
La matière de son volume
A la mesure de cent vers ?
Sous tant de monuments illustres
Ce monarque, il est vrai, paraît enseveli.
Après avoir brillé pendant plus de dix lustres,
A la fin l’étoile a pâli.
Hochstet et Ramilly, Turin et Barcelone,
L’hiver le plus affreux, l’usure au front d’airain,
Tant de malheurs ensemble ébranlèrent le trône,
Sans ébranler le souverain.
Tous ces événements sinistres,
Jusqu’aux injures des saisons,
Tous les égarements des chefs et des ministres
Sont pour le condamner d’implacables raisons.
Les bouillantes ardeurs de sa tendre jeunesse
Sont un crime à lui seul : rien ne peut l’excuser ;
De ses ans prolongés la constante sagesse
Est un modèle à mépriser.
César fut adultère, et jadis Alexandre
N’écouta que la vanité ;
L’un et l’autre mit tout en cendre :
Ont-ils moins les honneurs de la postérité ?
La mort imprévue et facile
De leurs sanglants efforts interrompit le cours.
Dans le sein de la paix, d’un œil ferme et tranquille
Louis compte ses derniers jours.
Non que de ses vainqueurs la profane arrogance
Lui fit avec mépris insulter le trépas ;
Soumis à l’Eternel, il vit sans résistance
Cet instant qu’il ne craignait pas.
Pourquoi donc, insensés, par les traits les plus lâches
Jusque dans le tombeau troublez-vous son sommeil ?
Il avait ses défauts ; le soleil a ses taches,
Mais il est toujours le soleil.
Malgré tous vos serments, un coupable caprice
Vous soustrait aux devoirs promis ;
Rendez-lui du moins la justice
Que lui rendent ses ennemis.
Elève de ce roi, dans ta noble carrière,
Régent, tu répondras à nos ardents souhaits ;
Tu voudras maintenir les biens qu’il nous a faits,
Et réparer les maux qu’il nous a laissés faire.
De tes soins quel sera le prix ?
Tu verras sur ces grands théâtres
Des fourbes dans tes idolâtres,
Des ingrats dans tes favoris.
6. f. fr. 12695, p. 675
Tristes et lugubres objets
[1],
J’ai vu la Bastille et Vincennes,
Le Châtelet, Bicêtre et mille prisons pleines [2]
De braves citoyens, de fidèles sujets.
J’ai vu la liberté ravie,
De la droite raison la règle peu suivie,
J’ai vu le peuple gémissant
Dans un rigoureux esclavage.
J’ai vu le soldat rugissant
Crever de faim, de soif, de dépit et de rage [3].
J’ai vu les sages contredits,
Leurs remontrances inutiles.
J’ai vu des magistrats vexer toutes les villes [4]
Par de criants impôts et d’injustes édits.
J’ai vu sous l’habit d’une femme [5]
Un démon nous faire la loi ;
Elle sacrifia son Dieu, sa foi, son âme
Pour séduire l’esprit d’un trop crédule roi.
J’ai vu cet homme épouvantable [6],
Ce barbare ennemi de tout le genre humain,
Exercer dans Paris, les armes à la main,
Une police abominable.
J’ai vu les traitants impunis ;
J’ai vu des gens d’honneur persécutés, bannis ;
J’ai vu même l’erreur en tous lieux triomphante,
La vérité bannie et la foi chancelante.
J’ai vu Port Royal démoli.
J’ai vu l’action la plus noire
Qui puisse jamais arriver,
Toute l’eau de la mer ne pourrait la laver,
Et nos derniers neveux auront peine à le croire :
J’ai vu dans ce séjour par la grâce habité,
Des sacrilèges, des profanes,
Remuer, tourmenter les mânes
Des corps marqués du sceau de l’immortalité [7].
Ce n’est pas tout encor : j’ai vu la prélature
Se vendre et devenir le prix de l’imposture ;
J’ai vu les dignités en proie aux ignorants ;
J’ai vu des gens de rien tenir les premiers rangs ;
J’ai vu de saints prélats devenir la victime
Du feu divin qui les anime.
temps ! ô mœurs ! j’ai vu dans ce siècle maudit
Ce cardinal [8], l’ornement de la France,
Plus grand encor ; plus saint qu’on ne le dit
Ressentir les effets d’une horrible vengeance.
J’ai vu l’hypocrite honoré,
J’ai vu, c’est dire tout, le Jésuite adoré ;
J’ai vu ces maux sous le règne funeste
D’un prince que jadis la colère céleste
Accorda par vengeance à nos désirs ardents.
J’ai vu ces maux, et je n’ai pas vingt ans !
7. f. fr. 12695, p. 685-688
Les derniers moments de Louis XIV
Or apprenez, peuple français,
La mort du plus grand de nos rois,
Oh reguingué ! oh lon lan là !
Je vais conter la manière
Dont il a fini sa carrière.
D’un mal très dangereux atteint
Il appela son médecin [9] ;
Mais las ! pour ce pauvre monarque
Mieux eût valu mander la Parque.
Cet Ésope malencontreux,
Cet Esculape monstrueux,
Pour conserver si chère tête,
Fit assembler mainte autre bête.
De leur homicide sabbat
Patience est le résultat
Cependant du malheureux sire
Le mal à chaque instant empire.
Sentant donc son mal aggraver,
Sa conscience il veut laver ;
Et pour la nettoyer bien vite
L’humble Le Tellier le visite.
Sire, dit il, premièrement
Ne devez vous rien ? — Non vraiment.
Desmarets, qui bien me seconde [10],
Dit qu’il a payé tout le monde.
Des amours de la Montespan [11]
Mon cœur, mais en vain, se repent ;
Toujours, malgré sa repentance,
Je sens remords de conscience.
Rassurez vous, dit le Docteur,
Cela n’est rien sur mon honneur ;
Ne l’avez vous pas bien payée ? —
Oui. — La faute est donc pardonnée.
Mais, dit le roi, pour Maintenon,
Dois-je l’épouser tout de bon ? [12]—
Non certes, répondit le Père,
Jamais vous ne la fîtes mère. —
Donnez moi l’absolution ? —
Ah ! de la Constitution,
Dit le faux saint, rendez moi maître,
Et ce prélat [13] envoyez paître ;
Sans cela point de paradis.
Et, de par Dieu, je vous le dis,
Sire, pour une bagatelle,
Ne perdez la gloire éternelle. —
Hé bien, reprit le grand Bourbon,
Soit, mon père, j’y consens donc.
Taillez, rognez ; à votre zèle
Je remets la sainte querelle.
Aux bénéfices même encor [14]
Vous nommerez après ma mort ;
Donnez les à votre ordinaire
A gens d’une vie exemplaire.
Lors harangua d’un soin égal
Tous les princes du sang royal,
Même le Dauphin en personne,
Et Maintenon la toute bonne.
Je meurs, dit il, car tout prend fin.
Vous prince, parlant au Dauphin [15],
Vivez, imitez votre père,
Régnez en paix, jamais en guerre.
Vous, monsieur le duc d’Orleans [16],
Pour mon fils régentez céans ;
Desmarets je vous recommande,
Homme de probité très grande.
Et vous, cher objet de mes vœux,
Je vous fais mes derniers adieux ;
Louis vous regrette, mignonne,
Bien plus qu’il ne fait sa couronne.
Vous tous, princes petits et grands,
Soyez unis en tous les temps.
Vous êtes tous parents, je pense ;
Vivez en bonne intelligence. —
A temps se tut le potentat,
Ayant si bien réglé l’état
Qu’on dirait, vu son indigence,
Qu’en ce jour il a pris naissance.
Deux ou trois jours après cela
Un empirique le traita [17] ;
Mais que l’heure ou non soit venue,
Comme bourreau, médecin tue.
Or voilà notre bon roi mort !
Priez donc pour lui Dieu bien fort,
Qu’il lui fasse miséricorde,
Et place à son âme il accorde.
Mais priez le aussi, d’un grand cœur ;
Qu’au médecin, au confesseur
Il donne pour leur récompense
Dedans l’enfer pleine indulgence.
Toujours cependant sous son nom
L’on publie édits sans façon,
Oh reguingué ! oh lon lan la !
Mais s’il n’en avait rendu d’autres,
Il serait au rang des apôtres.
8. f. fr. 12695, p. 737-740
Les adieux de Louis XIV
Enfin Louis le Grand est mort,
La Parque a fait un noble effort,
Oh reguingué ! oh lon lan là !
Elle vient de trancher sa vie.
Toute l’Europe en est ravie.
Sentant son heure s’approcher ;
Les grands il envoya chercher,
Puis après, sans cérémonie,
Dit ces mots à la compagnie :
Je vais rejoindre mes parents,
Qui m’attendent depuis longtemps.
Je voudrais avant ce voyage
Détruire ici leur héritage.
Adieu, reine de Maintenon,
Autrefois veuve de Scarron,
Vos conseils et votre prudence
Mériteraient bien la régence.
Recevez mes embrassements,
Dauphin, mais dans fort peu dc temps
Je vous attends sur le rivage ;
Philippe aura soin du voyage [18].
Adieu, mon neveu d’Orléans,
Vous avez de si grands talents
Pour succéder à ma couronne
Que déjà je vous l’abandonne.
Pardonnez moi, ma belle sœur [19] ;
Vous avez encor sur le cœur
D’une bâtarde l’alliance ;
N’est elle pas du sang de France ?
Adieu, duchesse de Berry [20],
Il vous faudrait un bon mari
Pour soutenir votre dépense ;
Prenez parti dans la finance.
Adieu, nouveaux princes du sang [21]
Que je fis à la Montespan ;
Mais étais-je seul à les faire ?
N’auriez vous point eu plus d’un père ?
Trois dauphins vous ont éprouvés,
Pour votre gloire est ce assez,
Sinon voici le quatrième ;
Agissez avec lui de même.
Tâchez de conserver le nom,
Le glorieux nom de Bourbon.
Prenez garde qu’un téméraire
De d’Antin ne vous fasse frères [22]
Pour vous j’ai renversé les lois ;
C’est le privilège des rois.
J’en jouissais en assurance
Plus qu’aucun autre roi de France.
Et pour vous, prince de Condé [23],
Vous n’êtes qu’un prince hasardé,
Henri Quatre, mon cher grand père,
Connaissait bien tout ce mystère.
Vous, bossu prince de Conti [24],
Du même endroit êtes sorti.
Admirez la haute naissance
De ces princes du sang de France.
Adieu, docile parlement,
A qui j’ai donné fort souvent,
Pour récompenser ses suffrages,
Tant d’augmentation de gages.
J’aurais mal fait pour mes projets
De faire pendre Desmarets.
Mon neveu, ne vous en défaites
Tant qu’il restera quelques dettes.
Dévot clergé, prélats françois
Soyez toujours soumis aux rois,
Aux dépens de vos consciences ;
Vous en aurez la récompense.
Très sainte Constitution,
Que je crois sans restriction,
Je ne sais pourtant qui l’a faite
Du pape ou du diable en cachette.
Adieu, jansénisme maudit [25].
Desmarets, qu’on fasse un édit
Pour en purger toute la terre ;
Je vais le porter à saint Pierre.
Père Tellier, ne craignez rien.
Je vous le dis, tout ira bien.
Votre doctrine est trop commode
Pour n’être pas toujours de mode.
Je meurs, je vas en paradis,
Vous me l’avez toujours promis,
Oh reguingué ! oh lon lan là !
Saint Ignace [26] est en sentinelle,
Je l’entends et vois qu’il m’appelle.
9. Arsenal 2930, p. 121-129
Quel prodige surnaturel
En ces lieux va paraître ?
Que vois-je ? l’homme immortel
Qui veut cesser de l’être.
Tremblez, ô peuple de Sion !
La faridondaine, la faridondon,
Plus d’un malheur je vous prédis, biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.
La mort se présente à ses yeux
Sous une autre couronne,
Je le vois qui fait ses adieux
A sa toute mignonne.
Je meurs, dit il, c’est pour raison !
Vous serez reine à Saint Denis.
Il se tourne vers le Dauphin
Et lui tient ce langage :
Mignon, je vous laisse à la fin
Un charmant héritage ;
Profitez en, car il est bon,
Depuis la paix tout y fleurit.
Ensuite il parle à son neveu
Et lui dit ce qu’il pense :
Je meurs content, puisque dans peu
Vous aurez la régence.
Mon testament vous en fait don,
Mon dernier codicille aussi [27]
Tellier, sans se faire appeler,
S’en approche avec zèle.
Si vous voulez, dit il, aller
A la gloire éternelle,
Laissez moi la commission
De remplir vos devoirs ici.
Le roi répond : je le veux bien,
Nommez aux bénéfices,
Je vous connais homme de bien
Sans fraude et sans malices.
Ah ! sire, que vous êtes bon,
Dit le confesseur attendri.
Voyant toute la cour en pleurs,
Il parle et la console,
Adieu pour toujours, je me meurs,
Car je perds la parole.
Alors se tait le grand Bourbon,
Laissant bien à penser de lui.
Français, préparez vous au deuil.
Je le vois, il expire.
Il entre enfin dans le cercueil
En héros qu’on admire.
Plongez vous dans
l’affliction,
Puisque vous perdez tout en lui.
Je vois Philippe au Parlement
Demander la régence [28].
Dût il y paraître charmant,
Il n’aura rien, je pense,
Car, suivant ma prédiction,
Le testament sera suivi [29].
Peuples, courez voir, en pleurant,
L’homme de Diogène ;
La mort, en son char triomphant,
A Saint Denis l’emmène.
Que de filles se souviendront [30],
D’avoir vu son convoi de nuit !
Hélas ! fallait il qu’il mourût,
Ce prince tant aimable ?
Son zèle pour notre salut
Était inconcevable.
Avec la Constitution
Il nous menait en paradis.
Sa sagesse et son équité
Brilleront dans l’histoire.
Par lui le mérite exalté
En publiera la gloire ;
Et du Pérou jusqu’au Japon
On ne parlera que de lui.
Si vous êtes chargés d’impôts,
Il n’en était point cause.
Il désirait votre repos,
Pouvait il autre chose ?
Vous lui faisiez compassion,
Il songeait plus à vous qu’à lui.
Vous alliez vivre très heureux
Dans une paix profonde.
Son ardeur à combler vos vœux
L’aurait rendue féconde.
C’était là son ambition ;
Mais voilà votre espoir détruit.
Il eût, sensible à vos besoins,
Fait régner l’abondance.
Il eût rétabli par ses soins
Bientôt la confiance.
Il y travaillait tout de bon,
La faridondaine, la faridondon,
Avec Desmarets et Bercy [31], biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.
10. f. fr. 12695, p. 672/P
La mort de Louis XIV
Cet homme qu’une indigne et basse flatterie
Sur un piédestal criminel
Expose à tous les yeux comme étant immortel [32],
Et pour qui, sans la peur d’un trait de raillerie,
La courtisane idolâtrie
Aurait fait dresser un autel.
Cet homme, dis-je, insatiable
Vient de mourir insolvable,
Et son peuple affligé, indigent, malheureux,
N’a de tous ses exploits qu’un souvenir affreux.
Ah ! si vingt ans plus tôt la Parque
L’eût mis du noir Caron dans la plaintive barque,
Nous en gémirions moins, et si par son ciseau
Elle eût coupé le fil de sa trop longue vie,
Alors lui même, sans envie,
Jouirait parmi nous d’un glorieux tombeau.
Mais en disciple trop crédule
On le vit jusqu’à son déclin
Respecter d’Ariston [33] l’hypocrite férule,
Et tel que le grand Constantin
Qui, vainqueur de l’arianisme,
D’un Eusèbe [34] arien donna dans le sophisme,
Cet homme qui dompta les enfants de Calvin [35],
Mourut, par le même destin,
Entre les bras du molinisme [36] ;
Enfin si de la mort par un indigne effroi,
Ce prince pour Tellier eut une entière foi,
Cet homme si grand par lui même
Se laissa gouverner par ce fin conducteur,
Et soumit son pouvoir suprême
Aux intérêts cachés d’un si fier séducteur [37].
11. f. fr. 12695, p. 683
Le deuil de Louis XIV
Il est donc mort ce grand Bourbon,
Regretté de la Maintenon,
De Le Tellier et de Fagon.
Vous ses sujets, la larme à l’œil,
Regardez ce prince au cercueil,
Et de sa mort portez le deuil.
Il nous laisse à tous en mourant
De quoi pleurer amèrement,
Puisqu’il nous laisse sans argent.
Mais cherchez, vous en trouverez
Dans la bourse de Desmarets
Et de gens comme Bourvalais [38].
Faites de généreux efforts
Pour enfoncer leurs coffres forts,
Suspendez au gibet leurs corps.
Que Desmarets soit écorché
Et par menus morceaux tranché ;
Personne n’en sera fâché.
Mettez Le Tellier in pace,
Que Fagon soit récompensé,
Il a le royaume sauvé.
Sans cet ignorant médecin
Qui de Louis fut l’assassin,
Nos maux auraient duré sans fin.
Or prions tous le Roi des rois
Que jamais l’empire français
Ne tombe sous de dures lois
Que le Régent doux et bénin
Inspire à son petit cousin
D’être juste, paisible, humain ;
Et pour qu’il pratique cela,
Qu’aucun enfant de Loyola
N’approche de ce prince là.
12. f. fr. 12695, p. 672
Saint Pierre et Louis XIV
Louis, voulant entrer au ciel avec les saints,
S’en vient droit à saint Pierre et fait la révérence.
Bonjour, lui dit le saint, as-tu fait pénitence
Des crimes et des vols dont ton peuple se plaint ?
Les jésuites pour moi commencent à la faire,
Mon neveu s’y prend bien pour venger mes forfaits.
Là-bas, hélas ! mon Dieu, j’avais tout à souhaits :
Baiser, manger, voler, c’était ma seule affaire.
Tu veux le paradis ? dit le saint en colère.
Oui, car mourant j’obtins bonne absolution ;
De plus voici sur moi la Constitution
Que j’offre au Tout-Puissant de la part du Saint-Père. —
Tout beau, pauvre abusé, le repos règne ici,
Clément et Le Tellier brouilleraient le ciel même ;
Tu fus toute la vie dans une erreur extrême,
Il faut auparavant expliquer tout ici.
13. f. fr. 12695, p. 691
Louis XIV aux Enfers
Sur les bords de l’Achéron,
L’invincible monarque
Criait fièrement à Caron :
Hé ! qu’on prépare la barque.
Ne parlez pas si haut, Bourbon,
La faridondaine, la faridondon,
Ici vous serez obéi, biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.
Votre nom m’est assez connu,
Dit le pilote sombre,
Entrez, votre tour est venu,
Je vais passer votre ombre ;
Venez vous combattre Pluton ?
Parlez, vous serez obéi, biribi.
Était ce votre intention
De laisser à la France,
Avec la Constitution,
Le repos, l’abondance ?
Pauvre Louis, ah ! voyez donc
Comme vous avez réussi, biribi.
Puis donc que tu connais mon nom [39]
Dit Louis téméraire,
Garde pour un autre sermon
Qui pourrait me déplaire ;
Je t’offre mon affection.
Caron lui dit, un grand merci, biribi
A la façon de barbari, mon ami.
Oses tu bien railler un roi ?
Dit Louis en colère,
Qui, quoique mort, donne la loi
Aux deux bouts de la terre.
J’y règne dans les cœurs, dit on,
La faridondaine, la faridondon,
Caron lui dit : Tout comme ici, biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.
14. f. fr. 9352, f°225v-229v
La Scaronnade
Je suis, de par le Dieu Pluton,
Vers toi député, moi, Scarron [40].
Notre beau basané monarque
Vient d’être instruit par une Parque
De ta venue en ce canton,
Et cette carogne, dit on,
Fut celle qui fit la filasse
De ta trop durable carcasse.
Enfin les bords de l’Achéron
Te possèdent, maître Bourbon.
Parbleu, tu ne te pressais guère
De vouloir dénicher de terre ;
Tu ne voulais de requiem
Qu’à l’âge de Mathusalem ;
Tu ne voulais quitter ton trône
Non plus que ta vieille matrone ;
Et quoique tu fusses réduit
A n’avoir ni sou ni crédit,
Quoique ton peuple, à la besace,
Te maudît et toute ta race,
Blâmant tes vices, tes excès, Ta confiance en Desmarets,
Ton Pontchartrain, cette pécore [41],
Voisin [42], ton chancelier encore,
Ton Esculape de nabot,
Et Pelletier, ce fier sot [43] ;
En un mot tout ton ministère ;
Ta fureur de faire la guerre,
Ton luxe avec ton peu de foi,
En voulant tout avoir pour toi,
Gênant même ta conscience
Par une fade complaisance
A récompenser un flatteur
Qu’approuvait ton noir directeur ;
Ne gouvernant plus par toi même,
Laissant l’autorité suprême
Entre les mains d’une guenon,
Je veux dire la Maintenon.
Tu la connais !… oh ! oh ! la garce ?
Ne va pas faire la grimace.
Dans ce climat d’obscurité
On dit toujours la vérité ;
Et dans ce ténébreux empire
Un Scarron est autant qu’un Sire.
Vraiment nous avons un bon roi ;
Trois juges font ici la loi,
Eaque, Minos, Rhadamante ;
Ils ont une charge éminente,
Et jugent en dernier ressort
Tous ceux que leur envoie la mort.
Lorsque tu régnais à baguette,
Et qu’en te faisant la courbette,
Je présentais des vers vernis
Ou quelques autres pots pourris,
J’encensais ta sotte figure ;
Et ma femme, ta créature,
T’a par ma foi souvent donné
De mon encensoir par le nez ;
Elle a si bien fait, la vilaine,
Qu’elle était prête d’être reine ;
Sans ton Conti, sans ton Dauphin,
Elle le devenait enfin.
J’en ai ri avec la Dauphine
Dans la maison de Proserpine,
Où j’ai trouvé le grand Colbert [44].
A propos de cet homme vert,
On dit que ce royaume sombre
Porte du respect à son ombre,
Et qu’il travaille avec Plutus
A nos infernaux revenus.
Un jour que j’étais à sa suite,
Me promenant près du Cocyte,
Il me dit d’un ton goguenard,
Esprit Scarron, défunt cornard,
Il me revient qu’en notre France
Tout va tomber en décadence ;
Que mon neveu, le contrôleur [45],
Devient de plus en plus voleur ;
Qu’avec un nombre de canailles
Il impose tailles sur tailles,
Mille abominables détours
Qu’il sait inventer tous les jours ;
Qu’il peut espérer la potence
Si jamais vient une vengeance,
Car je sais de très bonne part
Que dans un complot, lui douzième,
A réussi pour le Dixième [46],
Lequel a mis sur le grabat
Tous les sujets du pauvre État.
Depuis que, sans miséricorde,
Avec gens de sac et de corde
Que le public nomme intendants ;
Des maltôtiers et des traitants,
Il a su mettre dans sa bourse
L’argent du public sans ressource,
Et réduit aux derniers abois
Tout le pauvre peuple français.
Je t’en dirais bien davantage,
Mais mon devoir ailleurs m’engage.
J’en sais bien plus présentement
Que n’en marque mon testament [47],
De plus un tel discours t’ennuie,
Et ta face en paraît rougie.
Mais ne parlons plus de Colbert,
Et parcourons un peu l’enfer.
Vois tu là, dans l’ardente braise,
Ton pauvre directeur La Chaise [48],
Pour t’avoir remis tant de fois
Le crime favori des rois.
Peut être serait il un ange
Sans la guimpe de Fontange [49],
Sans ta marquise de Biran [50],
Sans ta futile Montespan,
Et sans ta prude La Vallière [51],
Il n’aurait pas chaud le bon père.
Enfin son sort est arrêté :
Il ne boira jamais de thé.
Connais tu bien ce fantôme
Qui fut jadis ton économe,
Ton grippe sou, ton fin matois ?
C’est ton brûle maison Louvois [52] ;
Il est entre les Euménides,
Exécutrices fort rigides
De la vengeance des humains.
De son bras de fer, de ses mains
Chacune tour à tour l’étrille ;
L’une le bat, l’autre l’houspille,
Tant mieux ! il l’a bien mérité
Pour t’avoir sans cesse excité
A toujours soutenir la guerre,
Et à troubler toute la terre,
A traiter comme des goujats
Tous les nobles de tes États [53].
Et bien, feu Louis, que t’en semble ?
Viens et suis moi au petit train,
Je vais te montrer Mazarin ;
Connais toi dans cette Éminence.
Il est avec son Excellence
Monseigneur le consul Minos,
Qui parle de toi, mon héros.
Ce juge sévère et habile
Est des plus sujets à la bile,
Et les nièces du cardinal [54]
Font ici souvent bacchanal.
Ils ont su tous deux ta venue,
C’est la cause de l’entrevue
Du Toscan et du sénateur ;
Ils sont tous deux bien en chaleur.
Je sais, par longue expérience,
Que le premier prend ta défense,
Et ce subtil Italien
Te prône pour homme de bien.
Il dit qu’étant sous sa conduite,
Il a, bien mieux qu’aucun jésuite,
Réglé tes inclinations
Par ses sages instructions.
S’il a commis quelque bassesse,
Dit il, ce n’est que par faiblesse
Et par les conseils séducteurs
De tous ses ministres flatteurs.
Je sais qu’il aimait la justice
Et surtout la bonne police,
Et que pour le bien des mortels
Il a défendu les duels.
Par une sainte fantaisie
Il a purgé de l’hérésie
Ses États, plus il établit
De quoi payer maint bel esprit,
Item maintes académies
De tous arts amplement fournies ;
Encor fit il des bâtiments
Pour tous les guerriers indigents :
C’est là que le pauvre invalide
Le reste de ses jours réside.
De plus, par un chaste désir,
Le monastère de Saint Cyr,
Pour empêcher maint demoiselle
De s’instruire à la bagatelle ;
Et si dans sa belle saison
Avait d’époux démangeaison,
Alors la dame fondatrice
Cherchait à pourvoir sa novice ;
Et mon Louis, toujours dévot
(Après en avoir pris son lot),
Pour l’acquit de sa conscience,
Lui donnait homme de finance.
Voilà mot pour mot ses caquets,
Pour soutenir tes intérêts.
Nous verrons bientôt si ton juge
Approuvera tout ce grabuge.
En attendant ton jugement,
Prépare bien ton argument ;
Il te faut soutenir ta thèse
Sans conte bleu et sans fadaise ;
Céans on ne fait pas sa cour
Par l’éloquence et par détour.
Quoique ce pays soit des songes,
On n’y souffre pas de mensonges
On dit tout franc, par ci, par là,
J’ai fait ceci, j’ai fait cela,
Je m’en repens au fond de l’âme.
Mais gare une éternelle flamme
Et le sort fatal d’Ixion [55],
Malgré ton absolution.
15. f. fr. 12695, p. 658-659
Les exploits de Louis XIV
Violer la nature aux dépens d’une armée ,
Transporter sur les monts la Seine courroucée ,
Forcer l’homme timide à devenir soldat,
Donner droit aux traitants d’élire un magistrat ,
Abolir la noblesse, en faire de nouvelle ,
Traiter le droit des gens de pure bagatelle,
Enfreindre les traités sans honneur et sans foi,
Croire que l’univers n’est créé que pour soi,
Morguer avec mépris tous les rois de la terre,
D’un long règne passer plus des deux tiers en guerre,
D’avides maltôtiers protéger les rigueurs ,
De ministres cruels ignorer les fureurs ,
Se livrer tout entier aux traîtres loyolistes,
Pis que de mécroyants traiter les rigoristes,
A mille honnêtes gens ravir la liberté,
Réduire tout son peuple à la mendicité,
Des bras d’un tendre époux enlever une femme ,
Confondre dans son sang le fruit de cette flamme,
De métaux recherchés se dresser un autel,
Enchaîner les humains aux pieds de l’Immortel,
Au milieu de la paix faire aux hommes la guerre,
Par le fer et le feu en dépeupler la terre,
Accabler sous le poids du rang et de l’honneur
Des monstres d’un amour dont frémit la pudeur,
Avilir tout pour eux, dignités et naissance,
Voilà tout ce qu’a fait le héros de la France.
16. f. fr. 12695, p. 661
La figure de la place des Victoires
Quand je vous vois, en l’air poser cette couronne,
Sur le chef de Louis, ne sais à quel propos :
Si c’est pour nous railler, ha ! je vous le pardonne.
Mais qu’a-t-il fait, parlez, ce monsieur le héros ?
Il foula ses sujets sans épargner personne,
Se laissa gouverner par l’antique Scarronne,
A tous les gens de bien préfera des cagots,
A des fripons, des fats, confia ses affaires,
Par de honteuses paix finit d’injustes guerres,
Et donna pour Bourbons de petits Montespans.
Pour cela vous voulez le couronner de gloire ?
Mais non, je m’abusais, je vous vois en suspens ;
Cadedis ! haut le bras, madame la Victoire !
17. f. fr. 12695, p. 663-664
Médaille de Louis XIV
Au milieu des grandeurs vaincre sa vanité,
Être un parfait miroir de la Divinité,
Du seul bruit de son nom renverser des murailles,
Suspendre pour la paix le cours de ses batailles,
Mêler à ses travaux d’héroïques plaisirs,
Sur la règle des lois mesurer ses désirs,
Étouffer les erreurs et les tenir esclaves,
Captiver les duels par de justes entraves [56],
Et de la vérité fidèle partisan,
Renverser le désir de l’adroit courtisan,
Même à ses ennemis arracher des louanges,
De fierté, de douceur faire d’heureux mélanges,
Se tenir toujours loin de toute extrémité,
De ses puissants États bannir l’iniquité,
Déconcerter lui seul les plus fins politiques,
Connaître leurs détours et leurs routes obliques,
Être le ferme appui de la religion,
Ennemi du faux zèle et de la passion ;
A parer les autels employer sa dépense,
Attirer par ses vœux le bonheur de la France,
Soulager l’indigent dans sa mendicité,
Des captifs pour la foi payer la liberté,
Établir avec soin les plus sages maximes,
Protéger l’innocent et réprimer les crimes,
Dépeupler chaque jour l’empire du démon,
N’aimer que les vertus qui sont dans Maintenon,
Mourir en vrai héros, en chrétien, en monarque,
Du trône, sans frayeur, voir approcher la Parque,
Voilà du grand Louis les mémorables faits !
Ne mérite t il pas nos pleurs et nos regrets ?
18. f. fr. 12695, p. 664-665
Revers de la médaille
S’élever des autels, pousser sa vanité
Jusqu’à prendre le nom de la Divinité,
Au mépris des traités surprendre des murailles,
Livrer en pleine paix de perfides batailles,
Forcer les éléments à servir ses plaisirs,
Sans respecter les lois contenter ses désirs,
Traiter ses ennemis comme de vils esclaves,
Leur mettre sans raison des fers et des entraves,
Être l’unique dieu du fade courtisan,
Abandonner son peuple au cruel partisan,
Croire par ces beaux faits mériter des louanges,
Du pur sang des Bourbons faire d’affreux mélanges,
Et pour pousser l’erreur jusqu’à l’extrémité,
N’aimer que les enfants de son iniquité ;
Avoir pour confesseurs de rusés politiques
Qui mènent les esprits par des routes obliques,
Se jouer hardiment de la religion,
Ne s’en servir jamais que pour sa passion ;
Continuer le cours d’une affreuse dépense,
Sans pitié, sans égard pour l’état de la France :
Réduire ses sujets à la mendicité ;
A ceux qui se plaignaient ôter la liberté,
Contraindre les esprits à suivre des maximes
Qui peuvent en vertu transformer tous les crimes ;
Construire un testament, ouvrage du démon,
Ou du moins de Voisin, ou de la Maintenon ;
Mourir en fils d’Ignace et non pas en monarque,
Croire qu’un lâche vœu pourra fléchir la Parque,
Voilà du grand Louis les mémorables faits :
Ne mérite t il pas nos pleurs et nos regrets ?
19. f. fr. 12695, p. 657
Jamais Louis d’Henri Quatre
Ne fut le petit-fils.
Lui-même allait combattre
Ses fiers ennemis.
Louis bornait ses conquêtes,
A Trianon,
A conter des sornettes
A la Scarron.
20. f. fr. 12695, p. 673
Il fit tout par argent, beaucoup par artifice ,
Très peu par la valeur et rien par la justice
21. f. fr. 12695, p. 607
Vous auriez pu, grand roi,
Suivre Jésus et sa loi
Sans tant aimer sa Compagnie ;
On ne la connaît pas aux cieux.
Si du monde on l’avait bannie,
Vous et chacun en seriez mieux.
22. f. fr. 12696, p. 22
Détracteurs de Louis XIV
Vous, cœurs ingrats, à qui Louis
A prodigué ses récompenses,
Pendant sa belle vie vous étiez éblouis ;
A présent qu’il ne peut savoir vos impudences ;
De mille traits affreux vous ternissez sa gloire,
Par vos coups redoublés vous souillez sa mémoire.
Hélas ! le sage Ésope a prévu l’avenir.
Votre portrait est dans ses fables ,
Et je vous y renvoie pour vous punir
De vos morsures épouvantables.
Il fut un fier lion pendant sa digne vie,
Devant qui loup, bœuf, cheval plie
Mais tous à sa mort lui donnèrent coup de dent,
Devenus forts de sa faiblesse.
L’âne y rua d’un air très imprudent.
Je remarque en vous deux même bassesse.
23. f. fr. 12695, p. 721
Les ennemis de Noailles
Paissez, ne craignez plus le loup,
Disait à son troupeau Noailles ;
Un chasseur les écarte tous.
Paissez en paix, chères ouailles ;
Pour renverser nos ennemis
Il ne vous en coûte qu’un Louis.
Le Tellier triomphait déjà,
Le mal allait prendre racine,
Rome chantait Alleluia
Sans un coup de la médecine
Contre Maréchal et Fagon
Qui perd la Constitution.
L’Inquisition de Goa [57]
Allait être établie en France,
Et l’on avait nommé déjà
Dans un conseil de conscience
Pontchartrain grand inquisiteur
Et d’Argenson exécuteur [58].
D’Argenson ne se mêle plus
Que de l’emploi qui le concerne
De corriger quelques abus,
De faire abaisser les lanternes [59]
Adieu donc tout votre crédit,
Cailly [60], Tisserand et Champy [61].
Pour établir l’ordre partout
Le régent de tout côté lorgne,
Et dans la marine surtout
Il ne veut point de compte borgne.
Pontchartrain en est a quia [62]
De quel œil verra t il cela ?
24. f. fr. 12695, p. 599
Le supplice de la Constitution
La Constitution a fait mourir le roi ,
C’est Fagon qui l’accuse, et Baudin en fait foi.
Il faut de nouveaux supplices,
La punir et tous ses complices.
A quatre chevaux, autrefois,
Fut tiré l’assassin du meilleur de nos rois ;
Mais Louis ne veut pas qu’on venge ainsi ses mânes.
Or puisque quarante ignorants ,
Une jaquette noire et deux rouges soutanes
De cette meurtrière ont été les garants,
Soit dit qu’elle sera par eux, comme autant d’ânes,
Écartelée à belles dents.
25. f. fr. 12695, p. 651
Le tombeau de Louis XIV
Au tyran de la France élevez un tombeau,
Sur la mauvaise foi fondez son mausolée,
Qu’il s’élève au-dessus armé du noir flambeau
Dont il brûla jadis l’Europe désolée,
Qu’il y foule à ses pieds un peuple gémissant
Que pour vertus, au coin d’un marbre teint de sang,
Le désespoir, la mort, la fureur et la faim
Y voilent leur pasteur de lambeaux funéraires.
Qu’avec la volupté les amours adultères
S’empressent d’y graver ses crimes sur l’airain,
Et que la Haine y trace en hideux caractères,
Ce titre affreux : Ci-gît le fléau des humains.
26. Arsenal 2930, p. 75-83
Mort de Louis XIV. Air : Pour passer doucement la vie.
Ce puissant roi et prince illustre,
Entreprenant, audacieux,
Est mort dans son septième lustre
Tant pis, tant mieux.
Peut-être que la Providence
Ne l’a laissé régner si vieux
Que pour dompter notre indolence.
Tant pis, tant mieux.
Princes et grands que leur naissance
Rend fiers, hautains et glorieux
Tremblaient, rampant sous sa puissance.
Tant pis, tant mieux.
Savants comme gens inutiles,
Traités d’un air injurieux,
Fuyaient la cour, ornaient la ville.
Tant pis, tant mieux.
Il a pourtant porté la guerre,
Presque toujours victorieux.
Sa mort rend le calme à la terre.
Tant pis, tant mieux.
Il a foudroyé l’hérésie
Et sous ce voile spécieux
Il a semé l’hypocrisie.
Tant pis, tant mieux.
Les faux dévots, fiers de son Louvre,
En bannissaient les vrais pieux.
Dieu pour le punir les découvre.
Tant pis, tant mieux.
La France par lui gouvernée
S’est fait partout des envieux.
Croyant l’accroître, il l’a ruinée.
Tant pis, tant mieux.
Les édits mis au jour sans nombre,
La plupart, édits odieux,
Seront muets et mis à l’ombre.
Tant pis, tant mieux.
Sous son règne la France en proie
Aux maltôtiers pernicieux
Leur voit rendre gorge avec joie.
Tant pis, tant mieux.
Leurs vols qui nous mettaient en risque
De languir, tous ignominieux,
Grossiraient les trésors du fisque.
Tant pis, tant mieux.
Les impôts et vols détestables
Inventés par des furieux
Deviendront doux et plus traitables.
Tant pis, tant mieux.
Nos anciennes lois renversées
Réclamaient le secours des dieux.
Nos oppressions sont passées.
Tant pis, tant mieux.
L’illustre auteur de la misère
Était élevé jusqu’aux cieux.
Depuis sa mort tout le contraire.
Tant pis, tant mieux.
L’excès de sa magnificence
Éblouissait les faibles yeux
Ornait et désolait la France.
Tant pis, tant mieux.
Il n’a pas été sanguinaire
Comme quelques-uns de ses aïeux.
C’est qu’on n’a cherché qu’à lui plaire.
Tant pis, tant mieux.
Sa mort, d’un testament suivie,
Rejeté comme captieux,
Aurait fait regretter sa vie.
Tant pis, tant mieux.
Il nous laisse un roi de bas âge,
Occasion aux factieux,
Mais il nous donne un régent sage.
Tant pis, tant mieux.
Dieu nous donne un prince économe,
Spirituel, judicieux,
Qui rétablira le royaume.
Tant pis, tant mieux.
Il soulagera les provinces,
Aimera les gens studieux,
Soutiendra les droits de nos princes.
Tant pis, tant mieux.
Nous allons voir sous la Régence
La France enfin d’un air joyeux
Redevenir encor la France.
Tant pis, tant mieux.
Louis dans sa jeunesse extrême
Instruit d’exemples précieux
Ne laisse de son règne attendre
Que des tant mieux.
Le refrain de ce vaudeville,
Trouvé peut-être ennuyeux,
Fera retentir par la ville
Tant pis, tant mieux.
Si quelque part ce tant pis blesse
Un politique sérieux,
Je consens qu’il l’ôte et ne laisse
Que des tant mieux.
La cour que je ne connais guère
Est un pays mystérieux,
Ce n’est pas où les cœurs sincères
S’aiment le mieux.
Qui voudra la suivre la suive,
Jamais je n’en fus envieux.
Je vis, et pourvu que je vive,
Je dis tant mieux.
Qui trouve quelqu’amis fidèles
Dans ce séjour si fastueux,
S’il y répond avec zèle
Tant pis, tant mieux.
La plus vertueuse maîtresse
Dans ces palais délicieux
Souvent n’est pas une tigresse.
Tant pis, tant mieux.
Mai j’aperçois que j’importune
Par mes vingt-neuf rimes en ieux.
Si je n’en eusse pas fait une,
C’eût été mieux.
27. f. fr. 12695, p. 690
Enfin ce grand jour est venu
Que nous avons tant attendu
Pour Louis chantons pour libera
Alleluia,
Alleluia, Alleluia, Alleluia,
Le Tellier et ses adhérents,
Ces gens, de bien cruels tyrans,
Vont ailleurs tenir leur sabbat.
Alleluia.
Des lâches Rohan et Bissy,
Qui le pape ont si bien servi,
Jamais on ne se souviendra.
Alleluia.
Le nonce va, plein de chagrin,
Reporter au prélat romain
Son torchecul plein de caca
Alleluia.
Par l’avis du prélat vanté,
A qui tout allait être ôté,
Désormais tout on donnera.
Alleluia.
Dedans Saint-Cyr la Maintenon [63]
Va se renfermer, ce dit-on,
Mais sa cassette on videra
Alleluia
Les traitants vont être chassés.
Quand on les aura bien taxés,
S’ils ne payent, on les pendra.
Alleluia.
Desmarets avec son Bercy
Si vox populi, vox Dei,
A la potence dansera.
Alleluia.
La Pauvre caisse des emprunts,
Que l’on met au rang des défunts,
Dedans peu ressuscitera.
Alleluia.
Malgré ces cruels partisans
En paix le pauvre paysan
S’il a semé recueillera.
Alleluia.
Enfin le grand duc d’Orléans [64]
N’aime que les honnêtes gens.
Oh, le bon régent que voilà !
Alleluia.
Les jésuites, les maltôtiers
Auront le sort des écoliers :
Le Régent les étrillera.
Alleluia [65].
Adieu, la Constitution
Elle est à l’extrême-onction
La vérité triomphera.
Alleluia.
Le Tellier n’en est pas content
Encore moins le pape Clément
Noailles les consolera.
Alleluia.
Par Philippe mises au crochet
Seront les lettres de cachet
D’Argenson n’aime pas cela.
Alleluia.
Il faut chanter une chanson
Sur cette Constitution
Et les démons de Loyola.
Alleluia.
Par leur bulle Unigenitus
Ils disent que c’est un abus
Que la grâce efficatia.
Alleluia.
Ils veulent tromper le Très-Haut
En prenant la grâce au défaut
Et qu’aucun mal il n’y a pas.
Alleluia.
Ils semblent tous se faire honneur
Tâchant d’attraper le Seigneur.
A son tour il les attrapera.
Alleluia.
Car au grand jour du jugement
Il enverra tous ces méchants
En enfer et chacun criera
Alleluia.
Ils ne cherchent qu’à faire mal
A notre illustre cardinal
Mais sa grâce triomphera.
Alleluia.
Il est vrai qu’ils suivent Augustin
Dans sa foi de Pélagien
Mais non son Catholica.
Alleluia.
Tous ces compagnons de Jésus
Mériteraient d’être pendus
Ainsi tout comme le papa.
Alleluia.
Que chacun prie le roi des cieux
Que le janséniste en tous lieux
Vainque ces hérétiques-là.
Alleluia.
28. f. fr. 15234, f°24r
Faire la guerre sans combattre
Piller la veuve et l’orphelin
C’est être fils de Mazarin
Et non petit-fils d’Henri Quatre.
29. f. fr. 12695, p. 653-656
Le Pater
Louis qui faisait autrefois
Trembler les princes et les rois
Dans sa vaste puissance
Nous faisait avec complaisance
L’appeler Pater noster.
Qu’est devenu ce nom fameux,
Ce nom même glorieux,
Sous qui tremblait toute la terre
Hélas, pour la paix ou la guerre ?
A peine sait-on aujoud’hui Qui est
Tes alliés et tes amis,
Tes rivaux et tes ennemis,
S’applaudissent de ton désastre
Et te regardent comme un astre
Eclipsé de la terre In coelis.
Tes pauvres malheureux sujets
Voient tes ambitieux projets
En murmurant au fond de l’âme
Et chacun à l’envi te blâme
Au lieu de dire ton nom Sanctificetur.
On attend impatiemment
La fin de ton règne accablant
On en déteste la durée
Et le plus timoré
Hait et méprise justement Nomen tuum.
Quand on parle d’un malboroug
On voudrait servir sous son joug
Pour éviter ton dur empire,
Tout un peuple après lui soupire
En désirant très ardemment Adveniat.
L’on voit avec étonnement
Ton ridicule entêtement
Pour une vieille édentée
Que les démons ont empruntée
Pour Regnum tuum.
Cette mégère d’enfer
Qui nous rend ton règne de fer
T’a su si bien mettre à la chaîne
Que tout ce que veut cette reine
Tu lui dis lâchement Fiat.
Ce vieux singe du démon
Dispose de tout sous ton nom
Et comblée de sa victoire
Sans se soucier de ta gloire
[ ? ] jusqu’à Voluntas tua.
Elle te rend si odieux
Par ses conseils pernicieux
Qu’on trouvera dans ton histoire
Qu’elle a terni toute ta gloire
Et t’a fait mépriser Sicut in coelo et in terra.
Tous les jours mille et un gueux
Deviennent fiers et glorieux
A la faveur de cette idole
Et soutenus de sa parole
Volent impunément Panem nostrum quotidianum.
L’on n’entend parler que d’impôts
Levés par ses cruels suppôts
Qui, jamais lassés de rapine,
Crient à cette Proserpine Da nobis.
Tes généraux si mal choisis,
Tes maréchaux mous et transis
Sont du choix de cette femme
Qui par une conduite infâme
Nous deshonorent Hodie.
Ouvre tes yeux à ton malheur
Devient sensible à ton honneur
Défais-toi de cette sorcière,
Renvoie-lui sa condition première,
Renvoie-là à ses dindons, Et dimitte nobis.
Ote la capitation,
Fais cesser toute exaction
Nous te rendrons tous notre zèle,
Nous t’aimerons d’un cœur fidèle
Prends seulement sur toi Debita nostra.
Fais-toi bien moins craindre qu’aimer,
Ne te laisse pas tant charmer
Par une flatterie,
Sers le vrai Dieu sans mômerie,
Il t’aimera Sicut et nos.
Sois plus fidèle à tes traités,
N’attente plus aux libertés
De mille nations diverses.
Pour lors nous te dirons Dimittimus
Soulage ton peuple accablé
Qui de ses vœux t’a comblé
Tu trouveras dans ses prières
Qui donnent de la terreur Debitoribus nostris.
Règne sur toi-même, il est temps ;
Tu feras moins de mécontents ;
Choisis des ministres sincères
Et de ton peuple sois le père.
Sed libera nos a malo. Amen
30. f. fr. 12695, p. 690
La Scarron a dit à Madot
Mettez dans vos louanges
Que Louis s’en va tout de go
Coucher avec les anges.
Le Tellier est sa caution
La faridondaine, la faridondon,
Pour le flanquer en paradis, biribi,
A la façon de barbari, mon ami.
Il fit son quatrième vœu
Etant en défaillance.
Tellier dit : vous tromperez Dieu
Avec notre nuance ;
D’Ignace emportez le cordon,
La faridondaine, la faridondon,
Car on n’en voudra plus, ici, biribi,
A la façon de barbari, mon ami.
31. f. fr. 13655, p. 144
Le Roi
Que je voie le Dauphin.
Apportez-moi mes lunettes.
Enfant, tu seras bien fin
Si tu peux payer mes dettes.
32. f. fr. 13656, p. 75
Louis le Grand aime la gloire
Il a commandé son histoire
Pour immortaliser son nom.
De quoi sera-t-elle remplie ?
Des noces de la Maintenon,
De la fin de la monarchie.
33. f. fr. 13656, p. 76
L’on peut sans être satirique
Dire que ce règne est comique
Gouverné par cette catin
Il va toujours de pis en pis
Si l’on n’en mourrait pas de faim
L’on en pourrait mourir de rire.
34. f. fr. 15018, f°150v-160v
Sur la place des Victoires
Quand Louis autrefois toujours victorieux
Domptait ses ennemis, à toutes heures, en tous lieux,
L’illustre Daubusson pour le combler de gloire
De ses faits à l’airain conservait la mémoire.
Il mit la renommée au dos de ce guerrier
Qui semble le vouloir couronner de lauriers.
L’attitude ambiguë où l’artiste l’a mise
Convient bien maintenant à la France soumise,
Car à voir la couronne on ne peut deviner
Si la déesse l’ôte ou veut la lui donner.
35. f. fr. 12796, f°7v-12r
Dialogue entre le roi Louis XIV et saint Pierre
Enfin le monarque des Gaules
Pour la première fois rend ses peuples contents :
Il est mort, accablé par ses crimes et ses ans,
Et pour faire oublier les plus horribles rôles
Qu’il joua pendant si longtemps
De cinq ou six belles paroles
Il régala les assistants
Puis, sans se corriger de son humeur hautaine,
De Paradis il prit droit le chemin,
Croyant en ce lieu-là comme en cour souveraine
Se montrer le fouet à la main.
Il est vrai que la Renommée
Avait porté là-haut tous ses faits éclatants ;
On y connaissait ses talents.
Mais trouvant la porte fermée,
Ouvrez donc, bonhomme, ouvrez ;
C’est le grand Dieudonné,
Cria-t-il de loin à saint Pierre.
Ce bienheureux portier paraissant étonné,
Dit : « La demande est un peu fière,
Puis, regardant par le sacré guichet :
Hé quoi ! c’est vous, grand personnage ?
Vous voilà pris au trébuchet.
Vous croyez sans doute, à votre âge,
Vous excuser d’un sort si commun aux mortels,
Ne pas faire comme les autres,
Et comme demi-Dieu mériter des autels ?
Vous voilà cependant des nôtres.
Des nôtres ? non, j’en suis fâché,
Car je serais bien empêché
De vous faire ouvrir cette porte ;
Des saints la célèbre cohorte
M’a commandé pour vous de tenir l’huis bien clos.
Ne pouviez-vous pas éviter leur colère ?
Vivre en roi très chrétien et du peuple le père ?
Comment, répond Louis, je suis mort en héros !
Mais vous vécûtes trop en homme.
Bon, bon, contes que tout cela :
Lisez les papiers que voilà
Dont aussi bien le poids m’assomme ;
Ils contiennent en abrégé
Les sublimes vertus qui composent ma vie
Dont chaque feuille est bien remplie,
Et le tout fort bien arrangé
Par Le Tellier de sa sainte industrie.
C’est un grand homme, celui-là.
Voici de plus, lettres de Loyola
Afin que sans nulle remise
Et sans examens superflus
Je jouisse bientôt des honneurs qui sont dus
A moi, fils aîné de l’Eglise.
Ma foi, dit le sacré portier,
Vous traitez trop mal votre mère
Pour que… quelle imposture ! Ah ! sur ce grand mystère
Ecoutez parler Le Tellier.
C’est pour cette mère et sa gloire
Qu’on a vu combattre Louis ;
Il éternise sa mémoire
Par les faits les plus inouïs ;
Exils, trahisons, injustices,
Oppressions, fraudes, artifices,
Je n’ai rien épargné pour l’extirpation
Du malheureux parti contraire à son caprice,
Le tout pour la religion.
Même certains prélats que l’on croit saints en France,
Noailles, c’est tout dire, a senti les effets
De ma plus terrible vengeance.
Halte-là, dit saint Pierre, avec tant d’arrogance
Osez-vous raconter ces horribles forfaits ?
Quoi donc, ai-je mal fait ? dit Louis à l’Apôtre.
S’il est ainsi, de ce dangereux pas
A me tirer j’ai prévu mieux qu’un autre :
Car me voyant aux portes du trépas,
Je mandai Le Tellier, et dis à ce bon père :
Si j’ai fait quelques maux, c’est suivant vos conseils ;
J’en charge vous et vos pareils.
Tirez-vous-en, c’est votre affaire.
Que dites-vous du compliment ?
Il vous disculpe assurément,
Dit saint Pierre en fermant sa petite ouverture,
Mais restez là patiemment.
Encore un mot, je vous conjure ;
De Rome j’aurai des pardons ;
En ce lieu j’ai quelques patrons.
Souffrez donc que je les implore ;
Loyola… Ozez-vous en parler encore ?
Oubliez, croyez-moi, et lui et ses enfants.
Jésus dans ses appartements
Ne voit point cette compagnie,
Heureux mortels, si comme de ces lieux
Elle était pour jamais de la terre bannie !
Ces dangereux serpents, ces monstres odieux,
Ces hardis suppôts de l’Envie
Faisaient auprès de vous tout le mal et nul bien ;
Leur père ne peut rien ici.
A d’autres… Saint Denis… Qui, cet homme sans tête
Pour conseil, affaire et conquête ?
De ses pareils vous voyez tous les jours.
La prophétie est toute prête
Comme là-bas ils vous nuiront toujours
Geneviève par son secours
Tirera du moins des éternelles flammes.
Pour votre honneur ne parlez point des femmes ;
Ce sont elles qui font ici votre procès.
A moi qui les aimai jusqu’au dernier excès ?
Dieu, quel retour ! en saint Mathieu j’espère.
Il fut patron des maltôtiers ;
J’ai eu pour ses pareils une amitié de père,
Peut-être en faveur du métier…
Vous pouvez sûrement l’ôter de votre liste ;
Ce Mathieu d’insigne voleur
Devenu grand évangéliste,
N’a pour vos favoris qu’une implacable horreur ;
Et les feux et les tourments… Ah ! quelle inadvertance,
Interrompit Louis d’un air fier et moqueur.
De tous ces petits saints méprisons l’assistance ;
Mon cousin, moon patron, et mon prédécesseur
Doit rassurer mon espérance.
Vous connaissez saint Louis ; dites-lui, je vous prie,
Qu’un certain roi de grand renom,
Un de ses patrons, un Bourbon,
De lui parler a grande envie.
Pour celui-là, dit le portier sacré,
En qualité de roi vous ne l’imitez guère ;
Mais vous serez bientôt entré
S’il se mêle de vos affaires ;
Il a du pouvoir en ces lieux ;
Dans peu de temps je vous l’envoie.
A ce discours le héros plein de joie
Crut bientôt être au rang des dieux,
Et tout d’un coup voyant paraître
Ce saint qui, selon lui, devait bien le connaître,
Cher cousin, lui dit-il, je vous demande un rang
Parmi les bienheureux et la troupe céleste ;
Accordez-le moi sans conteste.
Vous ne voudriez pas qu’un roi de votre sang…
De mon sang, interrompit le bienheureux monarque,
Je n’en vois en vous nulle marque.
Mais je peux me tromper ; dites-moi sans façon
Votre nom et votre aventure.
Seriez-vous celui et si bête et si bon,
Le valet de la prélature,
Le treizième de mon nom
Interrompt saint Louis, instruit de ces secrets,
Le bon roi, votre père ? Oh ! vous rêvez, bonhomme,
Si vous lui donnez là un nom qu’il n’eût jamais.
Il épousa Dame Anne et fut roi, je le sais ;
Pour votre père, non : je vous crois gentilhomme
Si tous mes mémoires sont vrais.
Mais du sang des Bourbons ? A d’autres !
Les peuples de ces lieux s’abusent-ils ainsi ?
Vous avez pu tromper les vôtres ;
Ils se doutaient de tout, on en est sûr ici.
Entre nous, donc, trève de cousinage.
Si vous aviez été plus sage,
J’étais votre patron, j’aurais pu vous servir.
Mais qu’avez-vous fait qu’asservir
Vos timides sujets sous la loi la plus dure ?
De leurs biens, de leur sang vous faire une pâture ?
Régner en tyran, non en roi,
Sans parole, sans bonne foi ?
Jusqu’au dernier moment soutenir l’imposture ?
Inspirer de l’horreur même pour votre nom ?
Commencer en David, finir en Salomon ?
Finissant cette apologie,
D’un air courroucé ce grand saint
Quitta son prétendu cousin
Sans attendre de répartie.
En vain ce roi d’un ton soumis
S’excusant sur son ignorance
De son grand patron saint Louis
Tâcha d’attirer la clémence :
Il ferma la porte aux verroux.
Lui dit pourtant d’un ton fort doux :
En tout vous avez cru Le Tellier, ce fin père,
Il inpirait le mal, vous suiviez ses conseils ;
Il se perd, vous et vos pareils ;
Tirez-vous-en, c’est votre affaire.
36. f. fr. 12796, f° 12
Parodie d’une scène de Cinna, pour Mgr le duc d’Orléans, la veille de la mort du roi.
Louis mort, nous n’avons plus qu’un père au lieu d’un maître :
D’un doux gouvernement l’heureux temps va renaître
Et vous vous montrerez digne sang de nos rois
Si vous rétablissez l’usage de nos lois.
Prenez l’occasion pendant qu’elle est propice :
Un prince de cinq ans sera longtemps novice
Profitez de ce temps que vous offrent les dieux
Pour détruire à jamais un pouvoir odieux,
Ce pouvoir arbitraire, injuste, tyrannique,
Qui fait depuis longtemps la misère publique
Et qui dans ses excès se croyant tout permis
Nous a par cent forfaits en esclaves asservis.
37. f. fr. 12796, f°19r-20v
1
Venez, peuples fidèles,
Entendre réciter
De très tristes nouvelles
Que je vais raconter
Depuis peu arrivées
Dans la ville de Versailles
Vous serez attristés
D’y voir des funérailles.
2
Dieu par sa providence
Fit régner Louis le Grand
En justice et prudence
Soixante et treize ans.
L’inexorable mort
D’un seul coup de sa lance
Trouble, mais c’est à tort
Le bonheur de la France.
3
Ce roi incomparable
Dans ce fâcheux moment
D’un génie admirable
Dit au Duc d’Orléans
D’avoir soin du Dauphin
Dans son jeune et bas âge
Et pour son soutien
Mettre tout en usage.
4
Adieu, Dauphin que j’aime,
Adieu mon petit-fils,
Tenez le diadème
Que je laisse aujourd’hui
Mon neveu près de vous
En tiendra la balance
Et fera contre tous
Votre entière assurance.
5
Mon fils le roi d’Espagne,
Philippe Cinq du nom,
Votre aimable compagne,
Princesse de renom,
Recevez mes adieux
Ayez-les agréables
Accordez-moi vos vœux
Pieux et charitables.
6
Adieu, duc d’Orléans,
Duc de Condé, adieu,
Je vous dis à présent
Que je quitte ce lieu.
Le prince de Conti
Et son épouse aimable
Recevront aujourd’hui
Mes adieux favorables.
7
Adieu, duc du Maine,
Et de Toulouse aussi,
Au suprême domaine
Je vais, je vous le dis.
Faites à mon Dieu des vœux
Pour moi tout pleins de flamme :
Qu’il veuille bien dans les cieux
Y recevoir mon âme.
8
Princesses de ma cour
Adieu présentement.
Priez à votre tour
Mon Dieu dévotement.
Qu’il m’accorde en ce jour
Par sa miséricorde
Son céleste séjour
Et ici la concorde.
9
Empereur doux et sage,
Je vous fais mes adieux
Sans en dire davantage
Dans ces terrestres lieux.
Prince de l’Austrasie
Et aussi votre femme,
Mes adieux je vous dis.
Priez Dieu pour mon âme.
10
Vous qui dessous les princes
Tenez tout en état
Dans les villes et provinces,
Fidèles magistrats,
Rendez à mon Dauphin
Toute l’obéissance,
Priez pour moi sans fin,
C’est là mon espérance.
38. f. fr. 12796, f°24v
Pleurez, pleurez, Français, la mort de Mazarin.
Son règne rougirait de celui où nous sommes.
Il était bien plus doux, il était plus humain.
Pernicieux conseils, qu’injustes sont nos lois
Qui nous font regretter le plus méchant des hommes
Et nous forcent d’haïr le plus grand de nos rois !
39. f. fr. 12796, f°27r
Emblème
234 donnera Louis ;
245 le soustraira ;
partant ici coexistera.
Esprits savants et déliés
On vous donne jusqu’à carême
Pour deviner cet emblême
Si par sept ne multipliez.
234 | Louis 2 | 245 | 11 |
7 | 7 | 7 | 7 |
1638 | Lois 14 | 1715 | 77 ans |
Année de sa naissance | Son nom | Sa mort | son âge |
40. f. fr. 12796, f°27r
Le Louis d’or valant deux fois 7 ou 14 #
Et les écus blancs dix fois 7 ou 3 # 10s
Quand les louis d’or furent à 14#
Il n’y eut plus de Louis 14 ou XIV
41. f. fr. 12695, p. 669
Notre grand roi Louis, de ce nom deux fois sept
Descendit de Bourbon, nom composé de sept,
Nous fut donné de Dieu dans le mois nommé sept ;
Le cours de sa vie fut de onze fois sept.
Ses fils et petits-fils furent au nombre de sept ;
La Parque ourdit sa vie même au mois nommé sept.
Comptez présentement il y a sept fois sept,
Multipliez-les tous chacun par sept fois sept ;
Plantez-les sur leurs pieds en forme de potence,
Il s’en faudra beaucoup pour qu’il y en ait assez
Pour venger tous nos maux et délivrer la France
Des chiens d’agioteurs et autres maltôtiers.
42. f. fr. 12796, f°33
Epigramme sur Madame de Maintenon
Que l’Eternel est grand et que sa main puissante
A comblé de succès mes vœux et mes travaux !
Je naquis Demoiselle et je devins servante ;
Je lavais la vaisselle et frottais les bureaux.
A mes premiers amants je ne fus point ingrate
Et les laissai jouir de mes plus doux transports.
A la fin j’épousai ce fameux cul de jatte
Qui vivait de ses vers comme moi de mon corps.
Mais avec le temps vieille et veuve devenue
Lorsqu’un héros me crut encor propre au plaisir,
Il me parla d’amour, je fis la Magdelaine
Et lui peignis le Diable au fort de ses désirs
Il eut peur de l’Enfer, le lâche : il me fit reine.
43. f. fr. 12796, f°37v-40v
Dialogue entre deux paysans
Colin
Palsambleu, compar Lucas,
Boute-moi là tout ton tracas
Et vian nous en au cabaret.
Je te veux dire un biau secret.
Morgué, j’avons des nouvelles
Qui ne sont my bagatelles.
Lucas
Quoy, c’est toy, compar Colin,
Ah, tu t’y prans de bon matin.
Que savois-tu donc de si biau ?
Colin
Haga, vite, pren ton capiau.
Je défilerons le chapelet
Quand je serons au cabaret.
Nan dit que nostre bon sire
Est crevé ; il n’an faut pas rire
Et ce qui fait compassion
Qu’il n’eut point l’absolution.
Lucas
Tu parlé comme un échalot
Et pourquoy donc tout cela ?
Son curé n’y etoit donc point ?
Colin
Il samble que tu as bian du soin.
Bon ; nan dit que le bon Père,
Tout écumant de colère
De le voir presque tripassé
En devint si fort embarrassé
Qu’il dit les mots de travers,
Les boutant trestout à l’anvair.
Lucas
Il ignoroit donc san metier ?
Colin
T’es un pauvre arbalétrier.
Quoy ? ce bon Père Tellier
a-t-il jamais su confesser ?
et n’an dit que le Jan Sinius
l’avoits si tellement confus,
ly baillant tant de tristesse
qu’il ne savoit pas dire la messe.
Lucas
Mais parlons de notre bon sire.
Colin
Ha, maintenant on peut tout dire.
Lucas
Sais-tu de quoy il est mouru ?
Colin
Nan dit qu’il avoit le scourbu.
Lucas
Puisqu’il est mouru de biau jeu,
Morgué, je n’en ons pas de deuil.
Car ma foi il avoit mangé
Jusqu’à nostre asne et ses pagniez.
Eh ! laissons là notre bon Roy ;
Comme nan dit, chacun pour soy.
Colin
Hé, te vela bian essouflé,
J’en suis à peine à la moquié.
Lucas
Dis donc, puisque tu veu dire.
Colin
Acoute, toy, tu vas bian rire.
Nan dit que Monsieu Fagon
L’a fait ouvrir comme un cochon
Devant ces Messieurs médecins
Qui auront sarvi d’assassins ;
Et puis qu’en tirant ses boyaux
Ils en avoient empli des siaux
Pour le donner à Notre Dame.
Lucas
Le Bon Dieu veuye avoir son ame.
Colin
Et ce qui est ancor pu pis,
C’est que le traînant dans Paris
Dame, je say stila, on me l’a dit ;
Trestous croient, il a chié au lit.
Lucas
Il est donc bian peu regretté ?
Colin
Est-ce que t’an a jamais douté ?
Jusqu’à là que le Parlement
A déchiré son testament
Disant que tout etoit gâté
S’il avoit quelqu’autorité.
Mais pour nostre contentement
J’avons, Dieu merci, un regent
Qui voit clair comme un écureil
Et qui depuis n’a fromé l’œil
Pour nous décharger tout de bon
De taille et capitation.
Il de l’esprit en diable ;
Il est doux, il est affable,
Et dans Paris nan dit enfin
Que c’est un autre Miché Morin.
Lucas
Qu’est stila donc qu’est note Regent ?
Colin
C’est Monsieu le Duc d’Orléans.
Ha, nan dit qu’il veut tout faire,
Ly mesme sera son secretaire
Et qu’il ne veut point de ces gens
Dont les gros appointemens
Reduisent tout note village
A n’avoir que du fromage.
Il veut que je soyons traitez
Comme des gens de qualité.
Lucas
Dame, c’est donc moult grand parsonage
Si tout ce que tu dis est vérité,
J’ai grand envie de boire à sa santé.
Colin
Tatidié, n’a-t-y pas fait ouvrir la cage
A tous les pauvres collecteurs
Qu’on tenait tous comme déserteurs ?
Enfin nan dit que je serons
Ny pu, ni moins que des poissons
Dans l’iau, n’ayant d’autre affaire
Que de caresser note minagère.
Lucas
Que fera donc la Maintenon ?
Colin
Nan dit que la vieille guenon
S’est fait boutter à Saint Cyr
Pour pleurer tout le plésir
Qu’alle goutoit avec tant d’apas ;
Pendant que j’étions bian las
De voir hausser notre taillon
Pour ly bailler des cotillons.
Lucas
Et le seigneur Desmarets ?
Nan dit qu’on fait de biaux aprêts
Et que ce sera pour ly chance
S’il ne marche à la potence,
Le promenant dans tout Paris
En chantant le De profondis.
Nan dit que Monsieu le Regent
A découvert en un moment
Tous ses tours de passe passe.
Lucas
Allons, vide donc ta tasse.
Colin
Morgué, laisse-moi dégoiser
car j’ay peur de rien oublier.
Lucas
Que fait note bon cardinal ?
Colin
Nan dit que maugré son rival
monsieu le Duc d’Orléans
l’aime comme un de ses enfans
et qu’en fit il ly a promis
qu’il iroit à confesse à ly,
boutant à sa disposition
toute la Constitution.
Lucas
La, compar, quel changement !
Colin
Voici revenir le bon tems
Où j’allons boire à note aise
Et le cu dessus nos chaises
Et je chanterons sans fasson
Levez donc votre cotillon.
Lucas
Diable, il semble qu’il tianne
Le lapin dans la garanne.
Pour moy, je remets mes ébats
Quand je verrons que ce trépas
Changera véritablement
L’état de ce gouvernement,
Et que ce Regent si vanté
Nous fera boire à sa santé.
44. f. fr. 12796, f° 61v
Paris, jure par ta foi,
Que Philippe est ton roi,
Et que Louis ne fut qu’un régent
Qui nous fouetta jusqu’au sang.
45. Arsenal 2930, p. 129-132
Pour faire circuler l’argent
Il aimait la dépense
Sa parole était du comptant
Tout allait bien en France
Chacun charmé d’un roi si bon
La faridon…
Disait partout : vive Louis
Biribi
A la façon de barbari
Mon ami
Amis, respectez Desmarets
Son ministre fidèle,
Reconnaissez à ses arrêts
Son mérite et son zèle,
Et pour la veuve de Scarron
La faridon
Ayez bien du respect aussi
Bibiri…
Croyez le Père Le Tellier,
Croyez son évangile ;
Croyez Fagon dans son métier
Aussi savant qu’habile ;
Fuyez Quesnel et ses leçons
La faridon
Prosternez-vous devant Bissy
Biribi…
46. f. fr. 12696, p. 273
Extrait d’une lettre du roi Louis XIV au pape qui s’est trouvée dans les papiers de M. le chancelier Voysin après sa mort, le… fév. 1717
J’engage ma foi royale et mon honneur pour assurer Sa Sainteté que je lui abandonnerai tout ce qui sera nécessaire des libertés de l’Eglise gallicane et des prééminences de ma couronne pour la Constitution que je lui demande très instamment.
47. f. fr. 12695, p. 670
Sur le père Le Tellier
Le révérend père tricorne
En passant disait d’un air morne :
Il est donc mort, Ludovicus ?
Nous voilà pas mal fichus
Si nous en avons tous fait des nôtres,
Si nous en avons fichus d’autres
On va nous rendre dent pour dent.
Je n’en suis que trop convaincu
Car je sais bien dès à présent
Que nous en avons dans le cu.
48. f. fr. 12695, p. 672L
Dialogue des jésuites sur la mort de Louis XIV
Les révérends pères tricornes
Disaient l’autre jour d’un air morne :
Il est donc mort, Ludovicus ?
Ne nous voilà pas mal tondus.
Notre théologie pleine de fiction
Ne nous est plus d’aucun mérite.
Que deviendra la Constitution ?
Torchez-vous en le cul, jésuites.
Un autre qui voyait la Constitution
Débile, touchant presque à son heure dernière :
Ma chère enfant, ma consolation,
Qu’allez-vous devenir ? Je vais chez la beurrière.
Pourquoi, père ingrat, m’avoir donné le jour ?
Je me vois aujourd’hui en tous lieux diffamée.
Vous me flattiez en vain du céleste séjour ;
On me brûle, et ma gloire est réduite en fumée.
49. f. fr. 12796, f° 71r-73r
Sur l’air : Prenez-moi pour jardinier
1
Tout promet un autre sort
Depuis que Louis est mort :
Heureux qui vivra,
Heureux qui verra
Le fruit de la Régence.
Siècle d’or elle enfantera
Au désir de la France, lan la.
2
Dans le siècle de Louis
La justice était à prix :
Mais dans celui-là
Thémis jugera
Au poids du sanctuaire
Et la vertu qu’on employera
vivra de son salaire, lon la.
3
La vérité dans son jour
Paraîtra lors à la cour :
On l’écoutera,
Elle y restera
Sous un Régent si sage
A Bicêtre on confinera
Tous nos flatteurs à gage, lon la.
4
Exempts de taxes et d’impôts
Nous vivrons dans le repos :
Qui régentera
Se contentera
De son propre domaine
Et le bon prince évitera
Toute dépense vaine, lon la.
5
A rendre le peuples heureux
Il bornera tous ses vœux.
Pour cet effet-là
Il rétablira
La bonne foi bannie
Et l’Etat il acquittera
Par son économie, lon la.
6
Les sciences et les beaux-arts
Fleuriront de toutes parts :
Il protégera,
Il avancera
Le mérite sublime
et la valeur n’accordera
qu’aux personnes d’estime, lon la.
7
Le luxe des partisans
Qui les rendait arrogants
Aboli sera :
On leur coupera
Les dix ongles crochus
Et rendre gorge on fera
A touts ces sangues, lon la.
8
L’Europe avec nous en paix
Ne la troublera jamais :
Chaque potentat
Qui verra cet Etat
Fleurir sous la Régence,
Craignant d’avoir échec et mat
Maintiendra l’alliance, lon la.
9
Les amours, les jeux, les ris
Règneront dans Paris :
Qui les troublera
S’en repentira.
Aux meurtres plus de grâce
Puisque les sceaux l’on confiera
A gens de bonne race, lon la.
10
D’Argenson et ses exempts
Ne feront plus les tyrans :
Chacun parlera
Comme il lui plaira
Sans craindre la Bastille,
Et le Prince éclairé dira :
Laissez parler la ville, lon la.
11
Desmarets et ses pareils
N’auront plus voix aux conseils :
Le fils du papa
Et tout Loyola
Sortiront de France.
Sans quoi toujours elle sera
En trouble et sans finances, lon la.
12
Ciel, daigne exaucer mes vœux ;
Fait-nous voir ce siècle heureux :
Mille alleluia
Que l’on chantera
A ton honneur et gloire
Seront pour les huit bons prélats
Des signes de victoire, lon la.
50. Arsenal 2964, f° 83
Imprécations contre le roi
Lâche dissipateur des biens de tes sujets,
Toi qui comptes les jours par les maux que tu fais,
Esclave d’un ministre et d’une femme avare,
Louis, apprends le sort que Ie ciel te prépare.
Si tu fus quelque temps l’objet de notre amour,
Tes vices n’étaient pas encor dans tout leur jour.
Tu verras chaque instant ralentir notre zèle,
Et souffler dans nos coeurs une flamme rebelle.
Dcs guerres sans succès désolant tes États,
Tu fus sans généraux, tu seras sans soldats.
Toi, que l’on appelait l’arbitre de la terre,
Par de honteux traités tu termines la guerre.
Parmi ces histrions qui règnent avec toi,
Qui pourra désormais reconnaître son Roi ?
Tes trésors sont ouverts à leurs folles dépenses,
Ils pillent tes sujets, épuisent tes finances,
Moins pour renouveler tes ennuyeux plaisirs,
Que pour mieux assouvir leurs infâmes désirs.
Ton État aux abois, Louis, est ton ouvragc ;
Mais crains de voir bientôt sur toi fondre l’orage.
Des maux contagieux empoisonnent les airs,
Tes campagnes bientôt deviendront des déserts ;
La désolation règne en toutes les villes.
Tu ne trouveras plus des âmes assez viles
Pour oser célébrer tes prétendus exploits,
Et c’est pour t’abhorrer qu’il reste des Français ;
Aujourd’hui on t’élève en vain une statue,
A ta mort je la vois par le peuple abattue.
Bourrelé de remords tu descends au tombeau.
La superstition, dont le pâle flambeau
Rallume dans ton coeur une peur mal éteinte
Te suit, t’ouvre l’enfer, seul objet de ta crainte.
Tout t’abandonne enfin, flatteurs, maîtresse, enfants :
Un tyran à la mort n’a plus de courtisans.
Notes
[1] - Cette satire violente qui circula dans Paris, peu après la mort de Louis XIV, fut attribuée au jeune Arouet, et lui valut d’être enfermé la Bastille, où il resta onze mois. Dans une de ses lettres, il s’explique ainsi à ce sujet : “ Comme je n’avais pas vingt ans alors, plusieurs personnes crurent que j’avais mis par là mon cachet à cet indigne ouvrage ; on ne me fit pas l’honneur de croire que je puisse avoir assez de prudence pour me déguiser. L’auteur de cette misérable satire ne contribua pas peu à la faire courir sous mon nom, afin de mieux cacher le sien. Quelques-uns m’imputèrent cette pièce par malignité, pour me décrier et pour me perdre ; quelques autres qui l’admiraient bonnement me l’attribuèrent pour m’en faire honneur ; ainsi un ouvrage que je n’avais point fait, et même que je n’avais point encore vu alors, m’attira de tous côtés des malédictions et des louanges. Heureusement ma justification est venue, quoique un peu tard, celui qui m’avait calomnié et qui avait causé ma disgrâce m’a signé lui même, les larmes aux yeux, le désaveu de sa calomnie. ” Le véritable auteur était Antoine Louis Lebrun (1680 1743), écrivain assez peu connu et auteur d’opéras qui ne trouvèrent jamais de musiciens.
[2] - L’usage des lettres de cachet, en vertu desquelles la police enlevait un citoyen pour le transporter dans une maison de force où il était détenu sans jugement, aussi longtemps qu’on le jugeait à propos, avait singulièrement multiplié le nombre des prisonniers. “ Le Régent, dit Saint¬-Simon, leur rendit à tous pleine liberté, excepté ceux qu’il connut être arrêtés pour crime effectif et affaires d’Etat, et se fit donner des bénédictions infinies pour cet acte de justice et d’humanité. ”
[3] - Durant la guerre de la succession d’Espagne, les troupes ne furent le plus souvent ni payées, ni même nourries. On vit des officiers subalternes vendre leur dernière chemise pour vivre, des soldats échanger leurs justaucorps et leurs armes pour un morceau de pain. Les combattants de Mal¬plaquet, au moment de livrer bataille, manquaient de pain depuis un jour entier.
[4] - Les intendants, qui jouissaient dans les provinces d’un pouvoir illimité, en abusèrent surtout en matière financière.
[5] - Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon (1635¬-1719). Petite fille d’Agrippa d’Aubigné, elle avait été con¬vertie à grand-peine au catholicisme. Veuve du poète Scar¬ron, elle fut chargé de l’éducation des enfants du roi et de Mme de Montespan, et vers 1684, un mariage secret l’unit à Louis XIV. Ses contemporains l’ont assez mal jugée, et lui ont attribué gratuitement une influence désastreuse dans les affaires de l’État. M. Th. Lavallée, son dernier biographe, a dit avec raison : “ Elle n’eut pas de grandes vues, elle n’inspira pas de grandes choses, elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de la religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de cir-constances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple ; et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées. ”
[6] - Marc René de Voyer d’Argenson (1652 1721) succéda à La Reynie, comme lieutenant général de police, en 1697. Il avait bien le physique de l’emploi : un visage affreux, une perruque noire, des sourcils renfrognés, un langage rude et menaçant. Le peuple de Paris, qui le redoutait fort, l’ap¬pelait le Damné.
[7] - Un arrêt du Conseil (1710) ordonna la destruction des bâtiments de Port Royal des Champs, dont les religieuses avaient été précédemment expulsées. La suppression de l’église rendit nécessaire l’exhumation des morts qui reposaient dans le cimetière, et ouvrit un théâtre à d’horribles scènes. On mit d’abord à l’abri les corps de qualité ; quant aux autres on les traita sans respect ni décence. “ Là vallée sainte par excellence, dit Sainte Beuve, n’offrit plus, durant les mois de novembre et décembre 1711, que la vue d’un immense charnier livré à la pioche et aux quolibets des fossoyeurs. Des chasseurs qui traversèrent alors le vallon, ont raconté qu’ils furent obligés d’écarter avec le bout de leurs fusils des chiens acharnés à des lambeaux. ”
[8] - Louis Antoine de Noailles (1651 1729), fut appelé à l’archevêché de Paris par l’influence de Mmé de Maintenon. Il contribua à la suppression de Port Royal, et eut avec les jésuites de nombreux démêlés. En 1714, Louis XIV, irrité de son opposition à la bulle Unigenitus, lui défendit de reparaître à la cour. “ Ce cardinal, dit Voltaire, plein de vertu et de science, le plus doux des hommes, le plus ami de la paix, protégeait quelques jansénistes sans l’être, et aimait peu les jésuites sans leur nuire et sans les craindre. ” (Siècle de Louis XIV)
[9] - Fagon, premier médecin du roi. Saint Simon le rend responsable de la mort de Louis XIV, dont il ne vit point l’état, et qu’il s’obstina à soigner contrairement à son tempérament.
[10] - Nicolas Desmarets (1650 1721), fut nommé contrôleur général des finances en 1708. “ Zélé, laborieux, intelligent, dit Voltaire, il ne put réparer les maux de la guerre. ”
[11] - Françoise Athénaïs de Rochechouart Mortemart, femme de Louis de Gondrin, marquis de Montespan, dame d’honneur de la reine, et maîtresse du roi (1641 1707). Elle eut de Louis XIV huit enfants, dont deux moururent au berceau.
[12] - Des témoignages autorisés permettent de croire qu’un mariage secret unit Louis XIV et Mme de Maintenon ; mais il n’a subsisté de ce fait aucune preuve matérielle.
[13] - Le cardinal de Noailles, alors exilé, et dont Louis XIV avait demandé le rappel, pendant sa maladie.
[14] - La feuille des bénéfices ecclésiastiques était administrée par Le Tellier, qui présentait à la nomination royale les candidats aux bénéfices vacants. “ Il exclut autant qu’il lui fut possible, nous dit Saint Simon, tout homme connu et de nom, et ne voulut que des va nu pieds et des valets à tout faire, gens obscurs, à mille lieues d’obtenir ce qu’on leur donnait, et qui se dévouaient sans réserve aux volontés du confesseur. ”
[15] - Louis XV, alors âgé de cinq ans, héritier du trône par la mort de son aïeul, le grand Dauphin, et de son père, le duc de Bourgogne.
[16] - Philippe d’Orédans (1674 1723). Louis XIV lui laissait par son testament la régence, pendant la minorité de Louis XV, mais avec de telles restrictions qu’elle devenait purement nominale. Le parlement réuni en lit de justice cassa le testament du feu roi, et accorda au Régent le pouvoir royal tout entier.
[17] - “ Un empirique de Marseille, nommé Lebrun, se présenta avec un élixir qu’il annonçait comme un remède sûr contre la gangrène, qui faisait beaucoup de progrès à la jambe du roi. Les médecins n’espérant plus rien de son état, lui laissèrent prendre quelques gouttes de cet élixir qui parut le ranimer ; mais il retomba bientôt. ” (Duclos, Mémoires secrets.)
[18] - La malveillance publique avait accusé Philippe d’Orléans d’avoir empoisonné le duc de Bourgogne et sa femme, et le croyait capable d’en user de même à l’égard du jeune Louis XV, pour s’emparer de la couronne. Ces suppositions injurieuses ne résistent pas à l’examen impartial des faits.
[19] - Élisabeth Charlotte d’Orléans, seconde femme de Monsieur et mère du Régent. Elle ne voulait pas du mariage de son fils avec Mlle de Blois, fille illégitime de Louis XIV et de Mme de Montespan, et, lorsqu’elle apprit que le futur Régent, endoctriné par Dubois, se laissait marier sans mot dire, elle lui appliqua un vigoureux soufflet. M. G. Brunet a publié deux volumes des lettres de cette princesse qui nous présentent un tableau peu flatté de la cour du grand roi.
[20] - Marie Louise Elisabeth d’Orléans, fille cadette du Régent célèbre par les désordres de sa vie, était veuve de Charles de France, duc de Berry, troisième fils du grand Dauphin. Lors de la mort du duc arrivée en 1714 Louis XIV paya les cinq cent mille livres de dettes que les deux époux avaient contractées depuis leur mariage.
[21] - Les bâtards de Louis XIV et de Mme de Montespan avaient été légitimés dès 1673, et mis au rang des princes du sang en 1714.
[22] - Louis de Pardaillan de Gondrin, premier duc d’Antin (1665 1736), seul enfant légitime de Mme de Montespan, se trouvait être le demi frère des bâtards légitimés. Sa mère, devenue maîtresse de Louis XIV, ne voulut rien faire pour lui, mais l’habileté de courtisan qu’il déploya toujours lui permit d’arriver aux plus hautes fonctions de l’Etat.
[23] - Louis Henri de Bourbon (1692 l740), que l’on appela Monsieur le Duc. Le chef de la branche des Condé, Louis de Bourbon, était frère d’Antoine de Bourbon, père de Henri IV.
[24] - Louis Armand de Bourbon (1695 1727), devenu prince de Conti en 1709, à la mort de son père.
[25] - “ On avait tellement fait peur au roi de l’enfer, qu’il croyait que tous ceux qui n’avaient pas été instruits par les jésuites étaient damnés, et qu’il craignait d’être damné en les fréquentant. Quand on voulait perdre quelqu’un, il suffisait de dire : Il est huguenot ou janséniste, alors son affaire était faite. ” (Lettres de la duchesse d’Orléans, princesse Palatine).
[26] - Ignace de Loyola, fondateur de l’institut des Jésuites.
[27] - Le testament de Louis XIV instituait un Conseil de régence pour régler toutes les affaires de l’État ; le duc d’Orléans en avait la présidence, mais ne pouvait seul et de sa propre autorité prendre aucune décision, deux bâ¬tards légitimés, le duc du Maine et le comte de Toulouse, figuraient dans ce conseil. La garde et éducation de Louis XV étaient spécialement confiés au duc du Maine, qui avait sous ses ordres tous les officiers de la maison du roi. Le premier codicille de Louis XIV donnait au duc de Villeroy le commandement des troupes de la maison du roi jusqu’à l’établissement définitif de la régence ; le second nommait l’abbé Fleury précepteur et le p. Le Tellier con¬fesseur de Louis XV.
[28] - “ Le 2 septembre 1715, M. le duc d’Orléans a demandé au Parlement la régence qui lui appartenait par le droit de sa naissance ; il a dit que le roi la lui avait accordée dans les derniers jours de sa maladie, et qu’il lui avait dit qu’elle lui appartenait d’autant plus qu’il était l’héritier de la couronne si le jeune roi venait à mourir. ” (Journal de Mathieu Marais.)
[29] - Le chansonnier ne fut point prophète, et sa prédiction ne se réalisa pas, le parlement cassa le testament de Louis XIV et déféra la régence pleine et entière à Philippe d’Orléans.
[30] - La mort de Louis XIV causa peu de regrets à la cour, et le peuple de Paris témoigna une joie scandaleuse. “ Le jour où son corps fut porté à Saint Denis, dit Duclos, l’affluence fut prodigieuse dans la plaine. On y vendait toutes sortes de mets et de rafraîchissements. On voyait, de toutes parts, le peuple danser, chanter, boire, se livrer à une joie scandaleuse, et plusieurs eurent l’indignité de vomir des injures en voyant passer le char qui renfermait le corps. ”
[31] - “ Bercy, gendre de Desmarets, avait été sous lui intendant des finances, il avait eu toute sa confiance et conséquemment la principale autorité dans ce ministère. Il faut avouer qu’il la méritait par son esprit et sa capacité. ” (Saint-Simon, Notes sur Dangeau.)
[32] - Le monument de la place des Victoires, élevé en l’honneur de Louis XIV par le duc de La Feuillade, portait l’inscription : Viro immortali (cf. infra le poème Place des Victoires)
[33] - Le p. Le Tellier.
[34] — Pamphile Eusèbe, évêque de Césarée. Son orthodoxie a été contestée, parce qu’il chercha une conciliation impossible entre les erreurs d’Arius et les croyances de saint Athanase. Il jouit d’une grande faveur auprès de Constantin, et obtint de ce prince le rappel d’Arius exilé.
[35] — Par la révocation de l’édit de Nantes (1685) et les mesures tyranniques qui en furent la conséquence, Louis XIV essaya de détruire le protestantisme en France.
[36] - Les molinistes acceptaient la doctrine sur la Grâce, professée par le jésuite espagnol Louis Molina et combattue par l’évêque d’Ypres, Jansénius, et par ses disciples.
[37] - “ Il avait à venger ses injures particulières. Les jansénistes avaient fait condamner à Rome un de ses livres sur les cérémonies chinoises ; il était mal personnellement avec le cardinal de Noailles. ” (Voltaire, Siècle de Lovis XIV.)
[38] - Célèbre traitant qui avait fait dans les dernières années du règne de Louis XIV une fortune scandaleuse
[39] Le couplet ne figure que dans f. fr. 12695
[40] - Poète satirique (I6I0 I660), créateur du genre burlesque en France. De ses nombreux ouvrages on connaît surtout le Roman comique et le Virgile travesti ; ses plus beaux vers sont ceux qu’il composa pour son épitaphe :
Celuy qui cy maintenant dort
Fit plus de pitié que d’envie,
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.
Passant, ne fais icy de bruit
Et garde bien qu’il ne s’éveille,
Car voicy la première nuit
Que le pauvre Scarron sommeille.
[41] - Jérôme Phélippeaux, comte de Pontchartrain (1674-1747), secrétaire d’État, fils du chancelier Louis Phélippeaux et père du célèbre Maurepas. Il était renommé pour son humeur désagréable. (Cf. infra le poème La disgrâce de Pontchartrain)
[42] - Daniel François Voisin (1655 1717), secrétaire d’État de la guerre en 1709 et chancelier en 1714. Il ne connut jamais, suivant l’expression de Voltaire, que l’autorité du roi et de Mme de Maintenon.
[43] - Claude Le Pelletier (1630-1711), contrôleur général des finances, à la mort de Colbert.
[44] - Jean Baptiste Colbert (1619-1683), l’un des plus grands ministres de l’ancienne monarchie. Il ne dut son avancement qu’à son mérite, rétablit l’ordre dans les finances dilapidées par Mazarin, et fut le protecteur du commerce, de l’agriculture et de tous les arts.
[45] - Nicolas Desmarets, neveu de Colbert, avait succédé en 1708 à Chamillart, comme contrôleur général des finances.
[46] - L’impôt du dixième (établi en 1710 et supprimé en 1718) se percevait sur tous les biens fonds, charges, emplois et commissions d’épée, de robe et de finances, ainsi que sur les rentes de l’Hôtel de Ville.
[47] - Allusion au Testament politique de Colbert, ouvrage apocryphe composé par Sandras de Courtilz.
[48] - Le p. de la Chaise, jésuite (1624-1709), confesseur du roi. On cite une belle parole de Louis XIV à son endroit : “ Je lui disais, quelquefois, vous êtes trop doux. — Ce n’est pas moi qui suis trop doux, me répondait il, c’est vous, sire, qui êtes trop dur. ” Son successeur, Le Tellier, le fit regretter.
[49] - Marie Angélique Scoraille de Roussille, duchesse de Fontanges (1621 1686). Son éclatante beauté inspira une vive passion à Louis XIV.
[50] - Mlle de Laval, fille d’honneur de la Dauphine, fut mariée par Louis XIV avec M. de Roquelaure, marquis de Biran, qui à cette occasion fut créé duc à brevet. “ On prétend, dit Mme de Caylus, qu’elle avait plu au roi ; je ne sais ce qui en est. ” Saint Simon, moins circonspect, affirme que Louis XIV était fort épris d’elle.
[51] - Francoise Louise de la Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière (1644 1710) fille d’honneur de la duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre, et maîtresse de Louis XIV, passa les trente six dernières années de sa vie aux Carmélites, dans les pratiques de la plus rigoureuse piété. Elle avait eu du roi deux enfants qui furent légitimés.
[52] - François Michel Le Tellier, marquis de Louvois (1639 169I), secrétaire d’État de la guerre en 1666, déploya dans ces fonctions la plus haute capacité, et ses réformes militaires eurent pour résultat de donner à nos armées une grande supériorité. Mais l’influence extrême qu’il avait prise sur Louis XIV, lui permit d’engager le roi dans une succession de guerres qui, prospères d’abord, devaient aboutir à des revers désastreux. A ce point de vue l’on a pu dire avec raison qu’il fut le mauvais génie du Roi.
[53] - L’historien Vittorio Siri l’appelle le plus grand et le plus brutal des commis. Il établit dans l’armée l’ordre du tableau qui réglait l’avancement des officiers d’après leur ancienneté Cette mesure désastreuse pour la noblesse, jusqu’alors en possession de toutes les dignités militaires, eut pour résultat de pousser en avant les roturiers qui végétaient auparavant dans les emplois subalternes.
[54] - Mazarin avait sept nièces : deux d’entre elles, Olympe et Marie Mancini avaient inspiré de l’affection à Louis XIV, celle ci fut peut être même devenue sa femme sans les obstacles apportés par le cardinal à ce mariage. Olympe épousa le prince Eugène de Savoie Carignan, et fut la mère du plus redoutable adversaire du Grand Roi.
[55] - D’après la mythologie antique, Ixion, roi des Lapithes, fut précipité dans le Tartare par Jupiter, et attaché sur une roue qui tournait sans cesse.
[56] - Louis XIV imitant l’exemple de Richelieu, se montra d’une sévérité extrême dans sa législation sur le duel. Non seulement il maintint la peine de mort établie par le cardinal (1626), mais il édicta qu’un décret de prise de corps pouvait être décerné contre les duellistes, d’après la seule notoriété publique (1670), qu’un procès serait fait au cadavre même des victimes, et leurs biens confisqués au profit des hôpitaux (1711).
[57] - Les Portugais avaient établi l’Inquisition dans leurs possessions de l’Inde, et la ville de Goa dut une atroce renommée aux supplices dont elle fut le théâtre.
[58] - En l’année 1714, Saint Simon écrit : “ Nous voici parvenus à l’époque des premiers coups d’État en faveur de la Constitution et de la persécution qui a fait tant de milliers de confesseurs et quelques martyrs, dépeuplé les écoles et les places, introduit l’ignorance, le fanatisme et le dérèglement, couronné les vices, mis toutes les communautés dans la dernière confusion, le désordre partout, établi la plus arbitraire et la plus barbare inquisition. ”
[59] - Ce fut La Reynie, nommé lieutenant général de police en 1667, qui plaça des lanternes dans les rues de Paris.
[60] - Commissaire du Châtelet, favori de d’Argenson. (M.)
[61] - Exempts de police. (M.)
[62] - “ Les mémoires pleuvaient contre lui, il ne passait pas pour avoir les mains nettes. La marine entière, qu’il s’était complu à désespérer, criait alors sans crainte et sans ménagement. ” (Saint-Simon)
[63] - Le couplet ne se trouve que dans f. fr. 12695
[64] - Le couplet ne se trouve que dans f. fr. 12695.
[65] - Fin de la copie dans f. fr. 12695.