Savoir politique et « mystères de l’État ». Le sens caché des Mémoires de Louis XIV
Ran Halévi
Ran Halévi, Savoir politique et « mystères de l’État ». Le sens caché des Mémoires de Louis XIV, dans Histoire, économie & société, 2000, n° 4, p. 451-468.
Extrait de l’article
Le plus long règne de l’Ancien Régime n’a pas été très fécond dans le domaine de la pensée politique. Louis XIV n’eut ni un Bodin, ni un Loyseau, ni un Le Bret pour parer des prestiges du savoir le demi-siècle de son gouvernement personnel. Le complexe appareil de légitimité qui incarnait son pouvoir souverain, cette « religion de la seconde majesté » dont parlait Bossuet, se lit aujourd’hui, et se donne à déchiffrer, moins dans les traités philosophiques que dans les représentations du « roi de guerre » et la liturgie parlante des monuments, des jardins, des fêtes, des panégyriques et des œuvres d’art, objets d’élaborations méticuleuses et de grandioses réalisations.
Cette apparente « dépolitisation » du langage de la souveraineté, sous un règne par ailleurs si éminemment politique, représente plus qu’une simple curiosité. Elle traduit un secret infléchissement - une rupture silencieuse - dans l’histoire de l’idéologie absolutiste.