La sacralité de la royauté mérovingienne
Régine Le Jan
Régine Le Jan, "La sacralité de la royauté mérovingienne", dans Annales, 58e année 2003/6.
Extrait de l’article
" Suivant l’usage des Francs, Pépin fut élu roi, oint par la main de l’archevêque Boniface de sainte mémoire et élevé au trône par les Francs à Soissons. Quant à Childéric, que l’on appelait faussement roi, il fut tonsuré et envoyé dans un monastère." Ce passage célèbre des Annales royales des Francs, texte rédigé à la cour carolingienne dans les années 790, ne diffère guère d’un autre récit, la continuation de la chronique de Frédégaire, écrit peu après les événements, selon lequel « l’éminent Pépin fut élevé au trône et à la dignité royale avec la reine Bertrade, par la consécration des évêques et la soumission des Grands, comme l’ordre l’exige de toute antiquité ».
Le premier roi carolingien a donc été élu et élevé au trône par les Francs, selon la coutume, et oint sur le modèle de la royauté davidienne. On considère traditionnellement que l’événement a fondé la royauté sacrale en France, à l’origine de la royauté de droit divin des Capétiens, et l’on admet que le premier souverain carolingien a eu besoin du sacre, jusqu’alors inconnu des Francs, pour légitimer un pouvoir qui ne l’était pas par nature. Une telle affirmation repose sur trois postulats au moins : que la légitimité sacrale mérovingienne ne se fondait pas dans le sacré chrétien, que le sacre carolingien a transformé la nature du pouvoir royal franc et que, dans le contexte chrétien, la royauté avait besoin de la médiation cléricale pour être légitime.