Religion du souverain, souverain de la religion : l’invention de saint Napoléon
Vincent Petit
Petit, Vincent, « Religion du souverain, souverain de la religion : l’invention de saint Napoléon », Revue historique, 2012/3 (n° 663), p. 643-658.
Extrait de l’article
Le Concordat de 1801 a été salué en son temps comme l’acte constitutif du rétablissement du catholicisme en France après la période révolutionnaire, mais moins comme son instrumentalisation par la puissance publique, dans la continuité du régalisme d’Ancien Régime et de la Constitution civile du clergé. Il exige des ecclésiastiques un serment d’obéissance au gouvernement, et non plus seulement à la Constitution ou aux lois. De même, si dans son article 16, il stipule que « Sa Sainteté [le pape] reconnaît dans Le Premier Consul de la République française, les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d’elle l’ancien gouvernement », il faut en conclure qu’est restauré l’ensemble des rites de majesté, des prières vouées au souverain, comme celles qui ont lieu à la fin de l’office, et des règles de préséance qui lui sont reconnues. Les articles organiques, ajoutés unilatéralement par le Gouvernement français, infléchissent davantage la convention du 26 messidor an IX vers le régalisme en soumettant à autorisation toute communication avec Rome et en se portant garant des « libertés, franchises et coutumes de l’Église gallicane ». En dessinant une Église uniforme (une liturgie et un catéchisme unique pour tout le pays, article 39), l’État assigne la religion au service d’un projet social et politique au nom de l’utilité dont il se veut le garant.