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Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains

Sarah Gensburger

Gensburger, Sarah, « Contributions historiennes au renouveau de la sociologie de l’État. Regards croisés franco-américains », Revue française de sociologie, 2011/3 (Vol. 52), p. 579-602.

Extrait de l’article

Dans l’Hexagone comme outre-Atlantique, l’intérêt des historiens pour l’État est relativement récent. En 1990, encore, Rosanvallon déplorait le fait que l’État demeurait un « non-objet historique », tandis que, quatre ans plus tôt, pour Leuchtenburg, alors président de l’Organization of American historians, l’État restait un domaine à conquérir, une « new frontier », pour sa discipline (1986, p. 589). Le « retour aux acteurs » a, depuis, conduit les historiens à rencontrer l’État (Revel, 1995 ; Guéry, 1997 ; Boucheron, 1998 ; Chatriot, 2006). Aux États-Unis, « social and cultural historiansfollowed their stories inside city hall [and] State houses » (Balogh, 2003, p. 458). En France, et pour ne prendre que l’exemple de l’histoire moderne, au demeurant pionnière sur cette thématique, la focale s’est, de même, peu à peu déplacée : de l’attention aux facteurs de la formation des États (Tilly, 1975, 1990) à celle aux simples « sujets » du roi (Te Brake, 1998 ; Gorski, 2001).

Si, dans les deux pays, ces travaux aboutissent à des reformulations théoriques majeures, ils connaissent cependant des institutionnalisations différenciées : au sein de la discipline historique, d’une part, dans les relations qu’ils entretiennent avec la sociologie et la science politique, de l’autre. Dans l’Hexagone, l’intérêt des historiens du contemporain pour cette thématique a été encouragé par la création de comités d’histoire dont la fin des années 1980 a vu la multiplication, à l’image du Comité d’histoire économique et financière instauré en 1986 par le ministère de l’Économie, des Finances et du Budget (Margairaz, 1991). À la même époque, des financements publics permettent la conduite d’un important programme européen sur la « Genèse de l’État moderne », consacrant le rôle central de l’histoire moderne dans le développement de recherches historiennes sur l’État (Descimon et Guéry, 1989 ; Schaub, 1996 ; Genet, 1997). Peut-être du fait de cette césure entre historiens aux périodes de spécialisation différentes et malgré un certain nombre de réflexions historiographiques sur ce qui prend peu à peu la forme d’une « histoire de l’État » (Fridenson, 2000 ; Chatriot, 2006), cette dernière n’a toutefois pas connu de véritable institutionnalisation. Cet état de fait va de pair avec la faiblesse du dialogue de ces travaux historiens avec ceux produits par la sociologie et la science politique, à l’image du peu de place que les historiens donnent aux recherches qui s’inscrivent dans la mouvance de la socio-histoire (Quennouëlle, 2002). À cet égard, les publications les plus récentes marquent une rupture. Ce n’est pas, alors, la sociologie de l’État proprement dite, mais l’analyse des politiques publiques qui est mobilisée. Tandis que, désormais, cette dernière cherche elle-même à opérer un retour au concept d’État, elle est vue ici, et donc de manière paradoxale, comme un moyen de renouveler l’approche historienne en la matière (Capuano, 2009 ; Delalande, 2009).

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