La méthode prosopographique et l’histoire des élites dans l’Antiquité tardive
Vincent Puech
Puech, Vincent, « La méthode prosopographique et l’histoire des élites dans l’Antiquité tardive », Revue historique, 2012/1 (n° 661), p. 155-168.
Extrait de l’article
Le terme de prosopographie vient du grec prosôpon, la personne, l’individu. La méthode prosopographique consiste au départ à dresser des fiches individuelles concernant un groupe humain à déterminer. Elle commence donc comme une enquête policière : il s’agit de consigner une somme de détails, qui peuvent paraître de prime abord insignifiants, mais qui sont susceptibles de devenir par la suite des indices. La mise en œuvre de cette méthode suppose une condition préalable : la possibilité de repérer des individus dans la documentation. Ce premier point est loin d’être évident, car il faut qu’un individu puisse être clairement distingué d’un autre. La présence d’un seul qualificatif pour désigner une personne est en général insuffisante pour s’assurer de son identité, qu’il s’agisse d’un prénom, d’un nom, d’une profession. Cette identification devient plus assurée à partir de deux qualificatifs, mais elle dépend en fait de la taille et de la composition du groupe social considéré. Du point de vue historique, cette méthode est prioritairement applicable si les individus disposent d’un nom de famille. Dans la société romaine de la République et du Haut-Empire, elle est favorisée par l’existence des trois noms du citoyen romain, prénom, nom gentilice, surnom. Dans l’Antiquité tardive, ces tria nomina s’effacent progressivement dans notre documentation, sauf dans quelques rares cas, en particulier celui des consuls. À défaut de la présence d’au moins deux noms, on peut recourir à la mention d’une fonction quelconque dans la société. Mais on voit bien là encore que la pertinence de la méthode dépend de la définition du groupe étudié.