Accueil / Historiographie et méthodologie / Les entretiens > Entretien avec Joël Cornette

Entretien avec Joël Cornette

Joël Cornette, Stanis Perez, Caroline zum Kolk

Comment citer cet entretien :
Joël Cornette, Stanis Perez, Caroline zum Kolk, Entretien avec Joël Cornette, Paris, Cour de France.fr, 2011. Interview publiée en ligne le 1er mai 2011 (https://cour-de-france.fr/article1910.html).

Joël Cornette est professeur d’histoire moderne à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, directeur de la collection "Epoques" chez Champ Vallon et des treize volumes de l’Histoire de France aux éditions Belin (2009-2011). Ses recherches et publications portent sur la France de l’Ancien Régime, plus particulièrement sur l’histoire politique au XVIIe siècle et sur la Bretagne. Son dernier livre, Henri IV à Saint-Denis. De l’abjuration à la profanation, est paru en 2010 chez Belin.

Jeunesse et formation

C. zum Kolk : Monsieur Cornette, commençons cet entretien avec votre parcours personnel. Vous êtes né à Brest en 1949, votre enfance a été donc marquée par les années cinquante...
Joël Cornette : Oui, les années cinquante, l’après-guerre donc... Brest a été une ville traumatisée par la Seconde Guerre mondiale, une ville en grande partie détruite. J’ai vécu ce que l’on appelait les « baraques » dans une cité en reconstruction, une ville provisoire, une ville fragile. J’ai même connu des queues pour l’alimentation… Brest a été l’une des villes les plus tardivement « libérées » de cette difficulté simplement alimentaire. Voilà ce que fut le début des années 50 pour moi ; c’était encore assez difficile. Je viens d’un milieu plutôt « modeste », sans faire de misérabilisme. J’ai connu ce passé là et j’en garde une mémoire vive.
C. zum Kolk : Votre père a travaillé à l’Arsenal ?
Joël Cornette : Mon père a été ouvrier toute sa vie à l’Arsenal de Brest. C’est par l’école que je suis devenu historien, puisque dans ma famille on était assez éloigné des préoccupations qui sont les miennes aujourd’hui. Comme on dit, je suis un produit de la « méritocratie républicaine ». J’ai fait l’école à Brest, puis le lycée. C’est dans l’effervescence de 1968 que j’ai passé le bac, mais j’ignorais tout des structures universitaires. En juillet, cette année-là, j’ai rencontré dans la rue un de mes anciens professeurs de français (je l’avais eu en première). Il me demande : « qu’est-ce que vous allez faire maintenant » ? Je réponds : « Je compte aller à l’université, j’aime bien l’histoire ». Et il me dit : « est-ce que vous savez qu’il existe des classes préparatoires » ? Je ne le savais pas. J’étais plutôt bon en français, en philo et j’avais encore bien des hésitations sur la voie à prendre. Donc, je me suis inscrit, grâce à cette rencontre étonnante, dans la rue, aux classes préparatoires à Brest, au lycée Kerichen, en lettres supérieures.
S. Perez : Comment se fait-il qu’à l’époque vous avez eu cet intérêt pour l’histoire ?
Joël Cornette : Cela reste un peu un mystère pour moi car il n’y avait pas de livres à la maison. Je pense que c’est venu de la rencontre d’un professeur en Seconde qui avait la réputation d’être très sévère. Il faisait des interrogations écrites toutes les semaines et je me souviens que la première interrogation, mes petits copains disaient : « Mais qu’as-tu répondu ? ». Ils trouvaient très bizarre ce que j’avais répondu, mais il s’est avéré que j’ai eu une excellente note (et eux non), et que cela a continué.
Je ne sais pas si c’est le point de départ mais en tous cas, il y avait déjà là peut-être une fibre historienne qui s’est révélée, réveillée. Je précise aussi que ma mère était secrétaire de cinéma, le cinéma Celtic, qui était à l’époque le plus grand cinéma de Brest. J’aimais beaucoup les films historiques. C’était l’époque des péplums, des films de cape et d’épée, d’Artagnan avec Jean Marais… Et je crois que cet imaginaire et cet univers romanesque du cinéma ont été un point d’intérêt qui s’est associé à ce qu’évoquait le professeur d’histoire. Le résultat a été mon goût de plus en plus prononcé pour l’histoire, qui s’est confirmé et amplifié en hypokhâgne et en khâgne.
Il n’y avait pas de classes de khâgne à Brest. J’avais présenté un dossier au lycée Henri IV de Paris, mais ce lieu me faisait plutôt peur car j’étais un peu le « plouc », le « breton crotté ». Donc j’ai pensé que Bordeaux, où il y avait des classes préparatoires, était une bonne transition entre Brest et la grande ville. Et je crois avoir bien fait. Je me suis ainsi retrouvé à Bordeaux au lycée Camille Jullian. La première année, j’ai été admissible à l’ENSET, ce qui m’a permis d’avoir une bourse, donc de pouvoir continuer. En même temps, l’été, je faisais le guide pour des voyages organisés un peu partout en Europe, ce qui est aussi une connexion à l’histoire. J’ai ainsi fait l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la Suisse… Ce qui me permettait d’accompagner financièrement mes études.
C. zum Kolk : Et des images.
Joël Cornette : Cette découverte d’une partie de l’Europe a fortifié évidemment mon goût de l’histoire et des lieux de mémoire. Il y a là finalement beaucoup d’éléments de cohérence historienne... À Bordeaux, j’ai fait deux années de khâgne et la deuxième année, j’ai été reçu à Normale Sup, à Saint-Cloud, où j’ai même été reçu premier.
C. zum Kolk : Est-ce que c’était un environnement stimulant ?
Joël Cornette : Beaucoup, parce que là, j’ai été tout de suite très fasciné par les grands historiens : Pierre Goubert, Robert Mandrou, Le Roy Ladurie. C’était la grande période des thèses d’histoire régionale, les années 1960-1970, qui m’ont extrêmement impressionné. Et d’ailleurs, à St-Cloud, il fallait choisir un patron et j’ai choisi Le Roy Ladurie, tout simplement en raison du plaisir que j’avais éprouvé à la lecture des Paysans de Languedoc [1]. J’ai trouvé ce livre tellement éblouissant ! Ce fut ma première prise de conscience non seulement de la richesse de contenu de l’histoire, mais aussi de la manière de l’écrire, ce qui est indissociable pour moi. L’histoire n’est pas simplement une science humaine, c’est aussi une manière de communication d’une connaissance, d’une transmission de savoir. Et Le Roy Ladurie, je crois, faisait précisément coïncider les deux dans sa thèse, c’est-à-dire une recherche vraiment impressionnante, indissociable d’une manière de transmettre, séduisante, avec des fulgurances d’écriture et de pensée…
Un peu tremblant, j’avoue, je suis donc allé le voir en lui demandant d’être mon patron. À ma grande surprise, il a décroché son téléphone et a appelé François Furet, ce qui était un peu inattendu. Furet organisait à l’époque une équipe de jeunes chercheurs pour entreprendre une étude statistique du contenu des cahiers de doléances de 1789. Il y avait là une équipe d’une dizaine de chercheurs que j’ai intégré. J’ai choisi comme sujet d’étude la sénéchaussée de Ploërmel, en étudiant les 430 cahiers de doléances de cette sénéchaussée, avec un collègue de Normal-Sup, Jean-Michel Bertrand.
Ensuite, j’ai continué avec Le Roy Ladurie, qui a dirigé ce qu’à l’époque on appelait une thèse de troisième cycle. Grâce au « caïman » d’histoire médiévale de Saint-Cloud, Jean-Louis Biget, j’ai été mis en contact avec un médecin d’Albi, le docteur Amalric, qui, chez un brocanteur, avait trouvé un registre imposant, énorme, un in-folio comportant la transcription de 2 800 lettres d’un négociant gaillacois devenu Bordelais à la veille de la Révolution :un certain Benoit Lacombe.
S. Perez : Vous lui consacrez une thèse…
Joël Cornette : Oui, ce fut le sujet de ma thèse de 3e cycle. Benoît Lacombe était un petit négociant de Gaillac qui devient commissionnaire à Bordeaux et qui traverse la Révolution, le Consulat, l’Empire et le début de la Restauration. Il vécut de 1759 à 1819, et les 2.800 lettres parcourent la période 1780-1819, ce qui fait tout l’intérêt de ce registre. C’était intéressant de voir comment la Révolution était vécue « de l’intérieur », en quelque sorte, par un bourgeois. J’étais encore dans l’illusion « marxiste » d’une bourgeoisie qui monte et qui réussit, grâce à la Révolution. Et, chose étonnante, j’ai trouvé un bourgeois plutôt « mal dans sa bourgeoisie », mélancolique et qui a vécu très douloureusement cette période (il le dit d’ailleurs). C’était intéressant : la source a contribué à dynamiter tous mes schémas pré-conçus et à m’apprendre la liberté de l’historien.
Si je suis devenu historien, je pense que ce fut grâce à cette découverte : à cette confrontation du théorique, des schémas, au vécu, au « réel », et le rapport de la personne avec son temps et les désagréments, les désillusions par rapport aux structures de pouvoir. C’est pour ça que la troisième partie du livre s’appelle « Mélancolie », un terme qui revient souvent dans le titre de mes livres, comme La Mélancolie du pouvoir [2], consacrée à Omer Talon, avocat général au temps de la Fronde, une autre période quelque peu traumatique pour ceux qui l’ont vécue. Sur Benoît Lacombe, j’ai écrit un livre qui est devenu « Un révolutionnaire ordinaire » [3], puisque je l’ai suivi à Bordeaux, à Gaillac (en pleine Révolution), et il avait tout pour être dans un schéma social attendu, mais dans la réalité, ce n’était pas vraiment cela. Je pense que le livre le montre assez bien. Ce n’est pas à moi de le dire, en tous les cas, ce fut un des résultats de cette recherche.
S. Perez : Une déconstruction des schémas grâce aux sources ?
Joël Cornette : Oui. Les documents ne disaient pas ce que je m’attendais à ce qu’ils disent... Et je pense que ce processus de déconstruction a continué avec d’autres : Omer Talon, Jean Conan, le marquis de Pontcallec.
C. zum Kolk : Lorsqu’on regarde vos ouvrages, on y trouve trois sortes de publications : des études qui s’adressent aux chercheurs, d’autres destinés aux étudiants et enfin ceux qui visent le grand public. Vous apparaissez comme un « passeur de mémoire », car il existe des relations importantes entre les trois.
Joël Cornette : Tout cela effectivement va ensemble. Quand vous dites « passeur de mémoire », c’est ça, l’unité. Je pense que notre devoir d’historien, c’est avant tout de transmettre des expériences vécues du passé. Donc, je me sens avant tout professeur. Et du reste, c’est mon métier. Avant-hier, j’étais à Loudéac, j’ai parlé du marquis de Pontcallec devant trois cents personnes, ce que j’aime bien. Ce n’est pas du tout par égocentrisme mais parce que c’est très intéressant de communiquer le plaisir du passé par la fiction d’un récit, par un exposé, par un livre, ou par un article dans une revue. C’est une des choses qui me fait avancer.

Du sens des images

C. zum Kolk : Vous utilisez souvent des sources venant d’horizons très divers (l’architecture, la peinture), et même des objets, que vous traitez dans quelques uns de vos livres et articles [4]. Comment est-ce venu ? Est-ce une influence de l’école des Annales qui prônait l’interdisciplinarité ?
Joël Cornette : Je ne sais pas, mais je ne crois pas vraiment à ce que certains appellent « l’école des Annales ». Il y a des historiens qui m’ont, je l’ai dit, extrêmement impressionné : Pierre Goubert, François Lebrun, Emmanuel Le Roy Ladurie et, plus près de nous, je pense à Peter Burke, ce qui rejoint la cour, dans la mesure où il a travaillé sur les images de Louis XIV, notamment à Versailles [5]. L’image est importante pour moi.
Je parlais de mon expérience au cinéma, ce début de « déclic » pour l’histoire. En fait, ce rapport à l’image continue. Ainsi, j’ai été, en 2010, commissaire de l’exposition « Henri IV à Saint-Denis », dans les chapelles de la crypte de la basilique de Saint-Denis, ce qui m’a conduit – ce fut une expérience passionnante - à réfléchir sur une mise en scène, une mise en représentation des images destinées à un public, à réfléchir aussi au moyen de rendre toute cette histoire complexe de la fin des guerres de Religion accessible à un large public. Et dans mon dernier livre, sur Henri IV à Saint-Denis [6], il y a plus de quatre-vingt illustrations qui sont traitées comme des documents, qui font partie de l’analyse. C’est une source qui va de soi, mais cela n’est pas nécessairement évident pour les historiens, parce que l’image est souvent traitée comme simple illustration, comme une annexe, alors que, pour moi, l’image est fondamentale comme source.
S. Perez : Quelle est la différence entre votre manière de traiter l’image et la manière dont on la traitait auparavant ?
Joël Cornette : L’image porte en elle-même un sens. La manière dont Henri IV s’est construit, en doublant les événements par une campagne de propagande et de publicité politique, par des gravures, le démontre. Quand il est entré à Paris en 1594, il s’est « allié » avec un imprimeur de la rue Saint- Jacques et il a fait diffuser trois gravures le représentant dans les trois moments essentiels de son entrée parisienne, c’est-à-dire l’entrée dans la ville, son passage à Notre-Dame et le départ des Espagnols de la capitale. Il a voulu que ces images soient diffusées pour que l’événement ponctuel, éphémère, soit pérennisé et devienne, en quelque sorte, une structure visuelle de sa propre légitimité. Voilà un exemple précis d’un document qui n’est pas une simple illustration mais une source à part entière, et qui participe à la fabrication de son pouvoir.
C. zum Kolk : À un moment donné, les relations entre l’histoire de l’art et l’histoire étaient un peu tendues…
Joël Cornette : Et cette tension continue ! Les historiens de l’art ont peut-être une vision un peu « sacrale » de l’image. L’image a un rôle important esthétiquement, alors que pour l’historien, l’esthétique ne fait pas obligatoirement partie de l’analyse. Cela peut paraître choquant, et cela explique la difficulté actuelle de la thématique du CAPES qui est « le Prince et les Arts ». La bibliographie publiée par la revue Historiens-Géographes a été réalisée par des historiens d’art, ce qui a provoqué des problèmes, et une certaine tension. On a proposé avec Patrick Boucheron et Annie Duprat, non pas une contre-bibliographie, mais une bibliographie où l’histoire était importante. Les frontières sont encore étanches… On pensait pouvoir créer un dialogue, et on s’aperçoit que le dialogue est difficile.
C. zum Kolk : Est-ce dû au fait qu’en France, les études universitaires concernent une seule discipline, alors que dans d’autres pays, on étudie deux matières ?
Joël Cornette : Sans doute. Actuellement, dans les universités, en histoire, il n’y a pratiquement pas de chaire en histoire de l’art. Je l’intègre dans l’enseignement de l’histoire, mais ça ne fait pas l’objet d’un cursus en tant que tel. Il y a une difficulté d’ordre épistémologique : comment traiter une œuvre d’art en histoire ? Il n’y a pas encore de « discours de la méthode ». Quelques grands historiens ont pourtant pleinement réussi : Georges Duby, par exemple, traite de l’art de façon plus que convaincante, de même Michel Pastoureau, ou encore Gérard Sabatier et Annie Duprat pour la période moderne. Mais cela ne forme pas une cohérence suffisamment grande pour que l’art fasse vraiment et naturellement partie de l’histoire.

Les individus face à l’État

S. Perez : En regardant la liste de vos ouvrages et de sujets que vous avez traité, on a l’impression que vous êtes d’abord très occupé par l’histoire régionale, économique, les finances… À partir des années 1984-85, on commence à voir émerger des études sur l’Etat au XVIIe siècle. Vous quittez progressivement le 18e pour aller vers le 17e siècle...
Joël Cornette : Ça tient peut-être à des conjonctures. L’une des raisons, c’est le rapport entre l’enseignement, la recherche et l’écriture. J’ai été pendant dix ans, de 1985 à 1995, maître de conférences à Paris I, et j’avais souvent la responsabilité de la question de CAPES et d’agrégation. L’une qui est tombée, au début des années 1990, était « Guerre et paix en Europe au 17e s. » J’ai traité cette question, j’en ai fait un cours, et le thème de ce cours est devenu un objet de recherche d’où est sorti un livre.
C. zum Kolk : Le Roi de guerre [7]
Joël Cornette : Le Roi de guerre, effectivement, en 1993. Voilà l’une des raisons. Ce livre est important dans mon histoire et, en même temps, je pense qu’il fait bien la transition avec le 18e siècle, Benoît Lacombe, l’approche régionale, et cette concentration sur l’Etat « central ».
C. zum Kolk : On a l’impression que vos avez une approche de l’État assez particulière. Ce n’est pas l’État en tant que tel qui vous intéresse.
Joël Cornette : Ce n’est pas, en tous les cas, la théorie de l’État, c’est plutôt un État « humanisé », incarné. Ce qui m’intéresse, c’est la manière dont l’Etat, qui est invisible, que personne n’a jamais vu, interfère sur la personne, sur l’individu. Cela peut être le roi, et le roi de guerre joue sur ce plan. Car le roi de guerre, c’est un individu : Henri IV, Louis XIII et surtout Louis XIV. Et ensuite, comment l’Etat interfère dans les itinéraires individuels. Je pense à Omer Talon, avocat général au Parlement de Paris [8]… Là, on est très proche de l’Etat parce que c’est un homme double : à la fois le représentant du roi au parlement et le représentant des parlementaires auprès du roi. Cette situation quelque peu inconfortable, en pleine période de crise (la Fronde), m’a permis de voir comment cette structure très lourde de l’autorité interagit sur la personne.
Dans Le Roi de guerre, j’étais surtout resté au niveau des représentations, de l’apparat, de l’apparence de la souveraineté dont la guerre est l’un des vecteurs les plus puissants. Tandis qu’avec Omer Talon, c’était déjà une sorte d’humanisation de l’Etat, à partir du vécu de quelqu’un qui pratique l’Etat. On approche aussi de la Cour puisque Omer Talon - c’est pour cela que j’ai appelé « la mélancolie du pouvoir » -, a vu de très près l’attitude des grands nobles (les Condé), et il en a été extrêmement amer. Dans son testament moral destiné à son fils, écrit en 1652, à la fin de sa vie, il donne quelques clés du comportement dans le monde, avec la rigidité, la rigueur, telle qu’on l’imagine au niveau du magistrat néo stoïcien qu’il a voulu être par rapport à l’hypocrisie de la Cour qu’il a vu fonctionner au moment de la Fronde. Avec cette espèce de fascination pour la noblesse, pour la société curiale dans laquelle beaucoup de jeunes magistrats ont été pris, comme des mouches face à une lampe trop aveuglante.
S. Perez : Est-ce que derrière la mélancolie du pouvoir, il y a la mélancolie de l’historien ?
Joël Cornette : Je ne crois pas. Si j’étais mélancolique, j’arrêterai. Non, pas du tout, mais en même temps l’analyse des sociétés peut conduire à un certain désenchantement. Ce sont des expériences de vie, des confrontations à des événements et cela ne produit pas toujours un enthousiasme débordant. C’est vrai que la période que j’étudie, le « sombre XVIIe siècle », n’est pas nécessairement une période joyeuse non plus. Mais, je ne pense pas être, moi, mélancolique, sinon, encore une fois, j’arrêterai ! Je reviens ici, en somme, au point de départ de notre entretien : la communication. Un historien est avant tout un « communicant » et c’est, d’une certaine manière, l’unité de toutes mes activités (recherche, enseignement, édition, vulgarisation), qui sont toutes liées à la transmission du passé. Un devoir de mémoire en quelque sorte… À ce sujet, il faut parler de la revue L’Histoire, qui est pour moi extrêmement importante. Elle a un tirage de près de quatre-vingt mille exemplaires. Quand je dis cela, ce n’est pas pour défendre une entreprise mercantile, c’est le fait que l’Histoire est un des seuls éléments - il y a aussi Historia, mais ce n’est pas tout à fait le même public qui est visé - qui peut permettre d’établir la liaison entre un grand public et la recherche vraiment fondamentale, la recherche de pointe. La revue L’Histoire, c’est la médiatrice qui permet de communiquer, et en même temps d’être dans le vent des thématiques [actuelles, comme] sur l’esclavage, sur la repentance, sur l’Algérie, sur la shoah. C’est important pour le paysage français. La revue est restée sur cette ligne éditoriale et joue un rôle très important de relais, elle est lue dans les bibliothèques, elle est lue par les étudiants et un public assez large. Je suis très content d’écrire beaucoup de choses dans cette revue (notamment des comptes rendus) parce que cela permet de vulgariser, dans le bon sens du terme, pas dans le sens de vulgaire, de rendre compte des recherches des autres. Je défends toujours l’histoire traditionnelle, construite à partir de sources, et même si on le trouve sur Internet, le Mercure françois reste le Mercure françois.
C. zum Kolk : Un sujet récurrent est la Bretagne, qui apparait dans plusieurs de vos ouvrages, dont celui sur Jean Conan [9].
Joël Cornette : J’ai découvert Jean Conan avec un groupe d’historiens, de linguistes spécialistes de la Bretagne qui ont exhumé les mémoires d’un soldat de la Révolution qui était tisserand et marin. Il a écrit au soir de sa vie, vers 1830, des mémoires en vers, sept mille vers extraordinaires, racontant une sorte de saga où il transforme, dans une alchimie étonnante, la réalité de sa vie en une espèce de destin plus ou moins mythologique. Il a fallu discerner le vrai du travestissement. Ce fut extrêmement passionnant. Travail collectif de linguistes, de littéraires, d’historiens, et j’ai fait en quelque sorte la biographie historienne de Jean Conan et j’en garde un très bon souvenir. C’est en effet la partie bretonne de mon itinéraire. Je ne suis pas « bretonnant » car je suis Brestois, et Brest est la ville de l’Etat « central » et « français ». Justement, c’est intéressant que je m’intéresse à l’Etat venant d’une ville bretonne qui est la plus étatique qui soit. Brest est une sorte…
C. zum Kolk : … de colonie royale ?
Joël Cornette : Oui, de colonie royale. C’est exactement ça. Mais je m’aperçois, maintenant, que je peux avoir un regard rétrospectif sur ce que j’ai fait, qu’il y a les deux : il y a, en quelque sorte, une jambe à Paris, et un pied en Bretagne. Il y a chez moi le Breton et puis le Parisien, l’Etat central et local. Et l’intérêt pour moi, c’est de naviguer, de voir les deux aspects. Cela a commencé avec la maîtrise (sur les cahiers de doléances de la sénéchaussée de Ploërmel), et tout au long de mon cursus, j’ai toujours gardé une part bretonne de ce que j’ai fait, avec Jean Conan ou, plus récemment, le marquis de Pontcallec [10], le procès qui a lieu dans la Bretagne de la Régence. Et ensuite l’Histoire de la Bretagne [11], en deux volumes, qui est parue en 2005, et en 2008 en livre de poche.
C. zum Kolk : On voit dans les statistiques que c’est en Bretagne qu’on a le taux de réussite scolaire le plus élevé de France. La Bretagne a aussi un rapport au livre et à la lecture tout à fait particulier comparé à d’autres régions de France. Y a-t-il un lien entre ce phénomène et votre parcours ?
Joël Cornette : Oui, sans doute. Je suis moi-même de cette Bretagne lisante et écrivante. J’ai réussi, encore une fois, par et grâce à l’école. Et le fait de conserver une partie de moi historien de la Bretagne, c’est une sorte de reconnaissance de cette réussite qui vient d’un lieu peut-être plus scolarisé que d’autres, et qui m’a permis, moi, fils d’ouvrier de l’Arsenal (je le redis sans misérabilisme), de réussir. L’école a court-circuité tous les obstacles qui pouvaient s’opposer à ce que je suis devenu.
S. Perez : Vous avez utilisé le terme de « méritocratie ».
Joël Cornette : Qui n’est pas péjoratif. C’est l’école de la République… d’ailleurs, je suis enseignant !
C. zum Kolk : Pensez-vous que cet « ascenseur social » par l’école marche encore aujourd’hui ?
Joël Cornette : Non, beaucoup moins. Si j’avais dix-huit ans aujourd’hui, est-ce que je pourrais entreprendre tout ce que j’ai fait à l’époque ? Je ne le crois pas. Je vois bien les difficultés des étudiants aujourd’hui, le mal que l’on a à les faire progresser. Il y avait une conjoncture positive dans les années 70, à la fois d’enthousiasme, de foi. C’était les « Trente glorieuses »… A présent, on retrouve la mélancolie, mais ce n’est plus la mienne.
C. zum Kolk : Une mélancolie sociale…
Joël Cornette : Voilà, c’est plutôt, en effet, une mélancolie sociale. Les critères d’aujourd’hui, l’argent, l’instabilité, l’incertitude. Et il y a aussi le clic d’Internet qui donne l’illusion que tout est accessible… Je ne voudrais pas avoir l’air misérabiliste en disant cela, mais à mon époque, il n’y avait pas de clic permettant d’avoir directement la réponse à la question posée. Le travail, quantitatif et qualitatif, était important pour réussir. Aujourd’hui, les étudiants ont l’illusion qu’on peut réussir sans ce travail. Je ne critique pas l’Internet, mais c’est cela qui devient essentiel, et faire lire un livre, faire lire une thèse, c’est devenu quasiment impossible. Je vous disais que l’un de mes premiers plaisirs d’historien avait été de lire Les Paysans de Languedoc intégralement. Faire lire aujourd’hui une thèse à un étudiant, c’est un défi pratiquement impossible à relever. Comme si on avait changé de civilisation, rendant plus difficile le travail intellectuel qui est quand même resté le même.
S. Perez : Est-ce le système universitaire qui n’aide pas ?
Joël Cornette : Il aide. Mais c’est l’effort individuel qui souvent fait défaut. On a l’impression qu’on est aidé par toutes ces machines à écran qui font qu’on est capable d’écrire une dissertation, de faire du copier-coller. Le rapport au travail intellectuel n’est plus du tout le même de ce qu’il était il y a une ou deux générations. C’est vraiment un souci. Cela n’empêche pas l’excellence de l’école historique française et la présence des jeunes historiens tout à fait inventifs. On parlait d’une promotion globale… j’ai eu la chance d’avoir été dans un système qui permettait de réussir par l’école. Or, cela devient beaucoup plus problématique aujourd’hui.

Versailles et la cour

S. Perez : Pour revenir à vos travaux : quand rencontrez-vous Louis XIV et sa cour ?
Joël Cornette : Pas tellement la cour, peut-être davantage la découverte de Versailles. Quand je suis venu à Saint-Cloud, je suis allé à Versailles évidemment, et cette découverte a rendu palpable ce que j’avais lu dans les livres. Ce lieu, très impressionnant et fait pour impressionner, m’a sûrement marqué. La date, je ne sais pas. Cela a été un moment d’incarnation. Je reste fasciné par ce lieu que j’ai visité, que j’ai fait visiter et j’ai consacré beaucoup d’heures à le décrypter. Je me suis rendu compte qu’il y avait des sources textuelles monumentales autour de Versailles, sans même parler de Saint-Simon ou de La Palatine par exemple. La manière de parler de la Palatine c’est une sorte de rapport extrêmement cru, direct, immédiat et off the record, comme on dirait aujourd’hui – différent en tous cas de Saint-Simon. Elle se permet de dire des choses que d’autres, dont Saint-Simon, ne peuvent se permettre car elle a à la fois la liberté de ton, le décalage, par ses origines étrangères et, en même temps, elle est au cœur du système, qu’elle vit (et subit) de l’intérieur, en quelque sorte. C’est là un exemple de sources très connues et inépuisables. Et, du reste, des lettres de la Palatine, il y en a encore beaucoup à découvrir.
En même temps, je n’ai jamais fait de travail central sur la cour. La cour a toujours été un territoire, pas en marge, mais pas au centre. Même mon Roi de guerre, c’est une cour à partir des représentations, des images du roi qui part à la guerre, qui quitte Versailles, même si Versailles peut aussi, d’une certaine manière, être considéré comme un « temple de la guerre », notamment par ses programmes iconographiques.
C. zum Kolk : Mais tous vos travaux touchent la cour à un moment donné : Omer Talon…
Joël Cornette : Omer Talon ressent violemment l’hypocrisie, le changement de comportement nécessaire dès qu’on s’approche de ce lieu sacré. Et même avec Pontcallec et le régent, on est proche de la cour. Pontcallec ne comprend pas que lui, soldat du roi, voit son honneur détruit par sa condamnation. Pour lui, c’est un déni de ce qu’il est, de l’aristocratie bretonne, du sang qu’il a versé sur le champ de bataille au début de la guerre de Succession d’Espagne… Cette espèce de don et de contre-don a été bafouée par ce lieu de pouvoir proche de la cour, qui est incarné par le Régent. C’est un peu une inversion en quelque sorte. Je retrouve ce référentiel.
S. Perez : Le fait de laisser la cour de côté, est-ce que ce ne sont pas les effets de la méritocratie républicaine qui rejette, consciemment ou inconsciemment, l’aristocratie monarchique ?
Joël Cornette : Non, je ne crois pas. Je peux l’étudier si on me propose un dossier. Et l’historien doit être en empathie avec son sujet. Il n’y a évidemment pas de racisme anti-courtisan. Mais je ne me suis jamais attaqué au cœur de l’Etat royal.
C. zum Kolk : La cour de France a donné le ton à plusieurs reprises à l’échelle européenne, mais ce pays n’a pas développé des « court studies » comme courant de recherche.
Joël Cornette : Il y a une raison historique et historiographique. Il y a peut-être, en effet, en quelque sorte ce que j’appellerai une intimidation éliasienne : en France, la société de cour a été quelque peu « pétrifiée » par le travail d’Elias. Elias a tellement formalisé la cour, l’a tellement transformé en une espèce de modèle ou paradigme très cohérent, très séduisant, que cela a contribué à atténuer le désir de découvrir autre chose. En lisant Elias, on a l’impression que beaucoup a été dit. En conséquence, on prend la cour, soit par l’anecdote, c’est-à-dire par les témoignages de la vie quotidienne (on a mille sources pour le faire), soit on a un modèle anthropologique tellement dominant qu’entre les deux, c’est extrêmement difficile de trouver une voie autonome et originale. Le seul qui ait fait le lien entre les deux, c’est peut-être Le Roy Ladurie avec son Saint-Simon [12]. On a à la fois le critère de quelqu’un qui vit la cour de l’intérieur au quotidien, y compris sur le plan anecdotique, et en même temps son système, avec ses Mémoires qui forment une sorte de Versailles de papier, permettant une étude anthropologique comme celle que Le Roy Ladurie a mené. À ma connaissance (en France, en tout cas) c’est la seule étude entre ces deux extrêmes qui seraient la vie quotidienne et l’anecdote d’un côté, et le modèle anthropologique éliasien de l’autre.
C. zum Kolk : Dans d’autres pays, on a abordé la cour sous des angles différents. L’Angleterre s’est beaucoup attachée à l’étude du rôle de la cour dans la formation du système monarchique. En Italie, on a davantage une approche culturelle, s’intéressant à l’art, au mécénat. En Allemagne, on aime la théorie, les schémas sociologiques et anthropologiques, et on a organisé beaucoup de colloques internationaux… Comment voyez-vous la situation en France ?
Joël Cornette : On a aussi des études importantes : je pense à Mathieu Da Vinha sur les valets [13], à Gérard Sabatier dans sa thèse sur Versailles, et qui a aussi abordé les systèmes palatiaux dans des articles qui ont été publiés par Champ Vallon [14]. Mais, paradoxalement, personne ne s’est vraiment emparé du système palatial dans son ensemble, de la cour sociologiquement parlant. Da Vinha a étudié les valets ; c’est un point de vue, c’est un élément. Newton, c’est une géographie palatiale [15]. C’est intéressant, mais ça devient presque de l’entomologie topographique. Cela donne beaucoup de choses en ordre dispersé, mais personne n’est allé au centre, à l’exception peut être, encore une fois, de Le Roy Ladurie, avec Saint-Simon. Ça tient aussi aux archives.
C. zum Kolk : Un groupe de chercheurs a tenté de mettre en place une théorie pour l’étude de la cour en tant qu’ensemble sociologique, politique et culturel [16]. Ils ont finalement abandonné ce projet.
Joël Cornette : Je pense qu’il est difficile de réaliser une étude exhaustive de la cour. En plus, cette cour a toujours été, en quelque sorte, conjoncturelle. Versailles n’a pas cessé d’être à géométrie variable même au temps de Louis XIV. C’est délicat de concevoir une étude historique structurelle en quelque sorte de cet organisme en perpétuelle métamorphose. Et puis tous ces grands aristocrates présents en ce lieu, c’est déjà immense en soi - « un pays » dit-on alors - : chaque famille aristocratique, c’est un réseau, une nébuleuse… La thèse de Jean Duma, précisément sur la nébuleuse des Bourbon-Penthièvre [17], c’est juste un élément de la cour. Comment concevoir intellectuellement quelque chose qui rendrait cohérent toute cette infinité de réseaux qui se retrouvent, se recoupent, se recroisent, dans ce centre, autour du roi ?
C. zum Kolk : Il y a une époque où l’on pouvait aborder Louis XIV sans regarder la cour et où on a travaillé sur la noblesse sans prendre en compte son existence à la cour. Depuis un certain temps, la cour commence à être réintégrée dans les recherches. Avez-vous une explication à ce phénomène ?
Joël Cornette : Ca pourrait être la fin du grand paradigme historiographique de l’école des Annales. Je pense que l’école des Annales, pendant très longtemps (enfin si tant est qu’elle ait existé), a relégué un peu le politique, et donc la cour, non pas dans les oubliettes de l’histoire, mais dans quelque chose qui paraissait secondaire par rapport aux grandes masses [thématiques / sujets ?] démographico-économico-idéologiques. Moi-même, au début de ma carrière, je parlais de « la » bourgeoisie, des grands ensembles, des nappes sociales et économiques. Or, aujourd’hui, cela fait longtemps que Pierre Nora l’a dit, il y a un « éclatement de l’histoire », une « histoire en miettes », qui, paradoxalement, a permis de justifier des sujets nouveaux, des regards obliques. La cour fait partie de cet éclatement de l’histoire permettant de revenir paradoxalement au centre. Je pense aux travaux de Katia Béguin sur Chantilly [18] : c’est bien la cour, même s’il s’agit d’une contre-cour. Il y a là une sorte de modèle historiographique, dans un domaine qui est limité, puisque Chantilly n’équivaut pas aux six mille personnes qui sont à Versailles. Je pense que ce livre s’impose par sa cohérence parce qu’il permet, à partir d’une famille, à partir d’un lieu, à partir d’une sociabilité, d’une vie intellectuelle originale de construire une sorte de modèle historiographique. Mais peut-on transposer ce qui a été fait à Chantilly sur Versailles ? Je ne le crois pas. Mais il y a des cours satellites, et elles commencent à être mieux étudiées. Toute la dernière partie du livre de Katia Béguin est précisément consacrée à ce petit Versailles, ce « petit Versailles tolérant » comme elle le définit.
S. Perez : Pensez-vous que ce renouveau est aussi le résultat d’une plus grande ouverture vers l’étranger ? Peut-on parler d’une internationalisation de la recherche sur les cours ?
Joël Cornette : Je n’ai pas tellement d’expérience de collaborations internationales (sauf au début des années 2000, dans le cadre d’un échange très intéressant avec Saint-Pétersbourg, précisément sur la cour [19]), mais j’ai toujours été frappé par le peu de perméabilité des discours nationaux. Ça se passe dans une bonne entente en général, mais chacun a son discours. Il y a très peu de convergence. Une des seules études qui abordent la cour de façon comparative, c’est Jeroen Duindam, qui étudie les Habsbourg de Vienne et Versailles [20]. C’est très intéressant pour les dépenses, pour les charges, pour les finances, on a là des points d’accord et de désaccord, et c’est assez stimulant. Mais c’est l’une des seules études réellement comparatives qui aient été menées. Elle a déjà un certain âge, et elle n’a pas été suivie, à ma connaissance, d’aucune autre étude. Et on reste là dans un problème franco-français.
On n’a pas abordé jusqu’à présent le problème de l’édition. Or dans ma carrière, l’activité éditoriale est de plus en plus importante et, en en parlant, je ne m’éloigne pas du tout du sujet. En effet, je suis très frappé sur la difficulté en France de traduire les études étrangères. On a un problème de méconnaissance, c’est aussi bête que ça, à moins d’être bilingue, trilingue ou multilingue. Vous savez que le monolinguisme est assez généralisé et on manque d’informations sur ce qui se fait ailleurs. Je pense qu’il y aurait un vrai travail de communication avant même de penser à des recherches nouvelles, qu’on sache en français ce qui se fait ailleurs. Or, les éditeurs ne font pas ce travail nécessaire de transmission ; j’ai un mal de chien à faire traduire la moindre étude et j’avoue que c’est un travail de traducteur et d’historien.
S. Perez : Qu’on ne se contente pas de faire une traduction littérale.
Joël Cornette : On a une traduction, mais, par exemple, face au mot « officier », il faut être historien pour bien savoir de quoi il s’agit. On le trouve souvent traduit par « fonctionnaire », ce qui est un contre sens… Presque tous les éditeurs sont confrontés à ce problème. Et donc le résultat, c’est que la France est l’un des pays du monde où le taux de traduction est extrêmement bas. En plus, on se heurte au marché du livre qui est un marché extrêmement déprimé, c’est un problème économique, au-delà même de la volonté intellectuelle de concevoir une synthèse, une analyse.

Les éditions scientifiques

C. zum Kolk : Comment se fait-il d’ailleurs que vous soyez rentré dans le monde de l’édition ? Vous dirigez plusieurs collections.
Joël Cornette : Ça a commencé avec la publication de ma thèse, de ma première thèse parce que je pense que j’ai écrit l’équivalent de « plusieurs thèses »… Mais la première était Benoit Lacombe : un révolutionnaire ordinaire. Et là, c’était un jeune éditeur, Patrick Beaune, qui se lançait depuis trois ans dans l’édition, à Seyssel, une édition régionale (c’est assez rare pour le souligner), Champ Vallon. Il voulait créer une collection d’histoire. Par une amie, Michèle Zéraffa, j’ai été en contact avec lui et il a accepté de publier mon livre. En même temps, il m’a demandé d’assumer la direction d’une collection de publications de recherche, ce que j’ai accepté. Et cette collaboration dure depuis vingt-cinq ans. On a publié près de quatre-vingt titres, dont celui de Stanis Perez sur le corps de Louis XIV [21]. Et je pense que la collection fonctionne très bien puisqu’on a publié des auteurs importants. J’ai eu la chance de bénéficier de manuscrits qui sont maintenant devenus des classiques. Je pense par exemple aux Guerriers de Dieu de Denis Crouzet [22], je pense aussi à Katia Béguin sur les Condé, et il y en a eu beaucoup d’autres. Et cela continue, puisque je reçois beaucoup de manuscrits.
C’est d’autant plus important que la fenêtre de publication possible pour les jeunes chercheurs se réduit. Il n’y a pratiquement plus de maison d’édition qui accepte de publier des recherches récentes, à l’exception notable et remarquable des Presses Universitaires de Rennes. C’est un devoir de communication. J’ai insisté au début sur le fait que l’enseignement, c’est d’abord de la communication ; l’édition en fait partie.
En ce qui concerne les manuels (j’ai écrit deux manuels chez Hachette [23]) ils sont à leur 6e édition. Je les réécris tous les deux ans et j’ajoute ce que j’appelle une sorte d’état des lieux de la recherche (ce qui a permis d’intégrer votre livre sur la santé de Louis XIV). Actuellement, j’édite chez Belin l’Histoire de France, en treize volumes [24].
C. zum Kolk : J’ai regardé quelques interviews que vous avez donnés à ce sujet. On sent que vous avez envie de donner la voix à des historiens d’une génération nouvelle.
Joël Cornette : La génération des trente-cinquante ans, puisque l’histoire, c’est quand même un métier… il faut de la bouteille comme on dit. La génération Le Roy Ladurie, Goubert, c’était les années 70, je pense qu’il y a un renouvellement vraiment réel des problématiques, des enjeux, des regards, des méthodes. Cette Histoire de France était précisément l’occasion de donner à cette génération l’occasion de s’exprimer en toute liberté.
S. Perez : Chaque volume comporte beaucoup d’illustrations.
Joël Cornette : Oui, absolument. C’est grâce à Belin (et plus particulièrement à Marie-Claude Brossollet). L’éditeur a joué pleinement le jeu, au-delà même de ce que j’avais imaginé. Chaque volume a environ deux cents illustrations et une centaine de cartes. L’image est traitée comme une source : il y a un commentaire extrêmement précis de chaque illustration.
C. zum Kolk : Quel pourrait être la place de l’Internet dans l’édition scientifique ?
Joël Cornette : Cela peut paraître archaïque mais je défends d’abord la planète Gutenberg. Sans Gutenberg, pas de Réforme, pas de Luther, je ne vais pas refaire l’histoire, mais si on perd cet outil et ce fil fondamental qu’est le livre, aussi important que les premiers outils de l’homo habilis… L’Internet n’est pas seulement un progrès. Je parle des étudiants qui ne savent plus travailler, du clic qui permet de faire un copier-coller et de s’illusionner et de se croire historien…
Il ne faut pas opposer Internet au livre et garder à ce dernier sa légitimité. C’est formidable d’avoir dans les mains cet objet physique, palpable. On peut mesurer sa taille, sa dimension, c’est adapté comme un outil à la main, adapté à notre morphologie.
Avec Internet, on bascule dans un autre monde. Je vois Internet comme une espèce de puits sans fond, c’est très riche, c’est une vraie galaxie, fascinante, attirante, mais c’est un autre univers, un gouffre sans fond, dans lequel on peut tout mettre. C’est, en somme, beaucoup d’énergie pour quelque chose dont on mesure mal l’effet.
S. Perez : Ne s’agit-il pas d’une réaction de bibliophile ?
Joël Cornette : Non, parce que je suis aussi, naturellement, un utilisateur d’Internet. Et j’ose même dire que mon Henri IV à Saint-Denis est, d’une certaine manière, mon premier « livre Internet ». J’ai analysé une grande partie des sources primaires imprimées par ce biais. Sur Internet, on a, en effet, par exemple, le Mercure françois intégralement qu’on peut feuilleter et étudier à loisir [25]. On a aussi de multiples documents originaux (pamphlets, mémoires) qui n’existent pas à la BnF ou qui sont pratiquement inaccessibles. Avant, j’allais lire le Mercure françois à la BnF ou à la Mazarine, où il faut prendre de multiples précautions, avec le crayon de papier, le serpentin, etc. Or, là, c’est formidable : tout est immédiatement disponible, accessible, à toute heure du jour et de la nuit. Je l’assume complètement, dans la mesure où ce livre est, évidemment, totalement sérieux. Ce n’est pas du copier-coller, je n’ai pas repris des passages d’autres livres sur Henri IV. Et je suis aussi allé à Saint-Denis aux archives municipales, évidemment. Je crois qu’il faut reconnaître que la mine que représente Internet contribue à renouveler complètement notre capacité de travail, notre manière même de travailler, notre métier d’historien.

Henri IV, Louis XIV et l’histoire au travail

S. Perez : Revenons à Henri IV. Comment vous positionnez-vous par rapport à cette figure, et par rapport à ce contexte d’une France coupée en deux pour des questions religieuses ? Quelle conclusion en tirer pour la France de 2010 ?
Joël Cornette : Je suis fasciné, comme beaucoup, par Henri IV. On parlait tout à l’heure pour Louis XIV de la difficulté de trouver l’homme qui se cache derrière la représentation. Henri IV, c’est presque l’inverse. Ce qui apparaît avant tout, c’est l’humanité, la vivacité, la brutalité (mais positive) et le caractère direct de ses réactions. On a l’impression qu’il n’y a pas d’interférences dans ce qu’il fait et ce qu’il dit, aussi bien dans ses discours au Parlement, dans ses lettres à Gabrielle d’Estrées et même dans son rapport aux Français par l’intervention de Sully (le fameux « pâturage et labourage… »), malgré la part de mythe que véhicule cette renaissance économique. C’est une vraie politique sociale. C’est, d’une certaine manière, le roi le plus humain dans la série des rois de France.
Est-ce qu’il a une leçon pour aujourd’hui ? En tout cas, les politiques ont vu en lui un exemple, je pense à François Bayrou qui a fait une biographie d’Henri IV, qui d’ailleurs n’est pas mauvaise du tout. Il est évident qu’Henri IV interpelle le présent.
La commémoration de l’édit de Nantes, de 1598, a provoqué un renouvellement intéressant de l’historiographie à ce moment là, sur la tolérance, sur la concorde, sur la politique de l’Etat, sur la violence même. C’est vrai qu’Henri IV a réussi à restaurer – je ne suis évidemment pas monarchiste en disant cela ! - la monarchie, sur une sorte de tas de ruines. Tout à l’heure, je faisais un cours de CAPES sur l’image du roi. Henri III, pour beaucoup de contemporains, c’est un monstre, un diable, emporté par la grande vague tyrannicide qui submerge la monarchie des Valois. Or, avec Henri IV, on remet les compteurs à zéro et c’est reparti avec le panache blanc, l’écharpe blanche (je pense à la belle étude de Denise Turrel sur ce blanc identitaire dont s’est emparé le premier de Bourbons). C’est lui qui re-fabrique, qui « re-tricote » du social, du politique, du consensuel, en refondant, en resacralisant l’Etat.
Dès qu’on approche du dossier Henri IV, on ne peut être que fasciné à la fois par l’ampleur de la crise et le fait qu’elle ait été résolue. Un tel exemple rejaillit sur le présent. Sans tomber dans la notion d’ « homme providentiel », il y a eu avec Henri IV la rencontre d’un moment électrochoc et d’une personne, et une coïncidence entre les deux. Est-ce une caractéristique de l’histoire, de l’histoire de France ? Je pense à De Gaulle. Il y a des moments où il y a des rencontres étonnantes entre un individu et une époque...
C. zum Kolk : Henri IV a la réputation d’être le plus débonnaire et « social » des rois de France, mais ne faut-il pas regarder d’où vient cette belle réputation ? Je pense à l’œuvre de réécriture de l’histoire qui commence avec lui et qui se poursuit sous Richelieu, en attribuant au Bourbon le beau rôle et aux derniers Valois la mauvaise part...
Joël Cornette : Tout à fait, et d’autant plus que la mort brutale du roi sous le couteau de Ravaillac a permis une reconstruction imaginaire tendant à gommer toutes les images négatives (de son vivant, Henri IV était loin de faire l’unanimité, notamment à la fin de son règne !).
S. Perez : Est-ce qu’on a encore quelque chose de neuf à dire des rois de France ?
Joël Cornette : Oui, absolument. Evidemment. Par exemple, pour Louis XIV, quelle est la personne qui se cache derrière le roi ? Vous-même, vous avez approché le corps biologique, le « corps corpuscule » du roi, et son affrontement avec les effets des représentations. Il reste encore beaucoup à découvrir, au-delà de la « fabrication » de Louis XIV, pour reprendre le terme très pertinent de Peter Burke.
Après tout, Louis XIV, c’est un corps biologique, c’est un être vivant comme vous et moi qui a ses humeurs, des pensées, des réactions. Et d’ailleurs, en vous lisant on s’aperçoit qu’un des seuls moments où il est peut-être lui-même, c’est quand il a des cauchemars la nuit, et quand le médecin rapporte qu’il fait des rêves, qu’il a des sueurs, des cris… C’est une toute petite fenêtre de vie réelle qui apparaît dans une construction extraordinaire qui est le cœur de la cour : le roi en représentation. Peut-être le premier prisonnier de ce système qu’il a mis en place…
Il y a sûrement quelque chose à rechercher dans cette personne qui se cache derrière ce personnage, ce qui est le cas de tous les personnages historiques. Il y a une gisement de recherche qui s’offre encore : ce serait, en quelque sorte, la seconde vie de tous les personnages historiques. Moi-même, j’ai consacré quelques chapitres de mon dernier livre à l’image, aux images, aux représentations d’Henri IV après sa mort. Et dans mon livre sur Pontcallec, il y a une grande partie qui s’intéresse à la mémoire de Pontcallec, à la fabrication d’un saint laïque, à partir de la décapitation en 1720 et qui passe, notamment, par la transmission orale de chants populaires en breton, les gwerziou. Toute vie de personnage historique est ainsi redoublée, rejouée après sa mort par les imaginaires qui se mettent en place. Ai-je besoin de parler de Catherine de Médicis, de l’image « noire », puis « grise » et aujourd’hui « rose » de la reine ?
C. zum Kolk : Cela concerne aussi l’histoire telle qu’elle se fait aujourd’hui. L’historiographie récente de Louis XIV et de Versailles fait partie de vos objets d’étude [26].
Joël Cornette : Oui, et c’est pour cela que j’ai du mal à être théoricien parce que cela a tendance à figer le vivant, alors que ce qui est très frappant dans la recherche historique, c’est la pluralité des regards et l’évolution même pour chaque sujet des thématiques, en fonction des chercheurs, des corpus et des archives. Mon regard historiographique, c’est montrer la métamorphose de l’histoire qui est un peu une matière « plastique ». C’est quelque chose qui se modifie sans arrêt et une de mes fonctions est de rendre compte de ces métamorphoses. C’est pourquoi je remets mes manuels tous les deux ou trois ans sur le métier : je supprime quelques titres anciens, j’en ajoute des nouveaux pour bien montrer que l’histoire est une matière en perpétuelle évolution et métamorphose.
De même l’Histoire de France, publiée chez Belin ; j’ai tenu à ce que dans chaque chapitre, il y ait l’ « atelier de l’historien » où l’on est au-delà du décor, où l’on voit apparaître les sources, l’historiographie, les regards, les histoires de l’Histoire.
C. zum Kolk : Donc le contraire d’une histoire commémorative qui tente véhiculer des valeurs et de forger une « identité nationale » ?
Joël Cornette : Je pense être dans une posture contraire à celle de Lavisse. Je ne vais pas me comparer à Lavisse évidemment, mais je pense qu’on est dans une toute autre perspective. Pour Lavisse, l’histoire, c’est une science patriotique, c’état un matériel de fabrique d’un bon républicain mais un Républicain offensif, capable de faire la guerre, capable de s’identifier à une nation, capable de se fortifier par la connaissance de son passé, y compris un passé retravaillé, re-fabriqué. Ca ne veut pas dire qu’aujourd’hui l’histoire n’est pas elle-même fabriquée, mais je pense que cette option d’une histoire « nationale », elle ne tient plus la route, comme le débat sur la nation. Ce n’est pas ce que je recherche, tout en étant à l’origine d’une Histoire de France qui n’est pas nationale, qui ne brandit pas les drapeaux… la France éternelle, Jeanne d’Arc, etc. Qui, au contraire, déconstruit chaque période, pas pour dire que l’histoire n’existe pas, mais tout au contraire, pour montrer que c’est un magnifique et fascinant laboratoire de comportement, d’expérience et d’expérimentation politique. Quand on lit Lavisse, Colbert, c’est l’archétype du parfait ministre. Aujourd’hui, on préfère voir, à la suite des travaux de Daniel Dessert [27], le Colbert grenouilleur, « magouilleur », c’est peut-être proche des affaires fisco-financières d’aujourd’hui. On écrit toujours l’histoire pour le présent, notre présent.
S. Perez : Qu’apporte l’histoire moderne à la compréhension du monde contemporain ? Et plus précisément à la politique contemporaine de la France parce qu’il y a une formule qui revient souvent : on dit du président que c’est un « monarque républicain ». Que les chefs d’Etat n’ont pas quitté les palais, les dorures, le décor Louis XVI ou Louis XV, depuis l’Ancien régime. Comment vous positionnez-vous en tant que moderniste ?
Joël Cornette : L’étrangeté. C’est un mot que Braudel reprenait souvent. Il ne s’agit pas de dire que l’histoire moderne, c’est une sorte d’expérience pour comprendre le présent. C’est un répertoire d’étrangetés sociales, politiques, culturelles qui nous permet de relativiser nos temps présents et donc de donner plus de profondeur.
Un homme, c’est biologiquement à toute époque à peu près la même chose, mais aux 16e et 17e s. tout est différent : la manière de penser Dieu, de voir le monde, la peur des intempéries, la fragilité, la croyance aux sorcières... On est dans un ensemble de civilisation tellement étrange pour nous que ce n’est pas une expérience qui a [beaucoup] à dire sur notre histoire démocratique. Il y a une césure fondamentale qui est 1789, et il ne s’agit pas de transposer le passé et de dire que Sarkozy est un peu Louis XIV. J’ai peur que ça ne produise pas beaucoup de sens, qu’intellectuellement ce soit séduisant, mais ça ne va pas très loin. Même si un PDG a aussi une cour, et que les tours de La Défense, on pourrait les comparer aux cercles de la cour et à l’étagement des pouvoirs… c’est plutôt humain. Là, l’histoire moderne a beaucoup de choses à dire. Mais on ne peut pas comparer terme à terme des périodes. Dans l’histoire de France, les Lumières et 1789 ont fonctionné comme une coupure essentielle dans la vision du monde.
C. zum Kolk : Quelle est la place de l’histoire dans notre société actuelle ?
Joël Cornette : À l’heure d’Internet, en 2010 ? Dans cette société d’immédiateté, d’argent-roi, de réussite immédiate ? C’est un vrai souci. Est-ce que le passé, sa lenteur, a encore une place dans … C’est l’éphémère qui est érigé en civilisation, je ne sais pas si je m’exprime bien – C’est la place de l’histoire qui est remise en question, aussi par ceux qui nous gouvernent, avec le discours sur la Princesse de Clèves, la disparition ou la relégation de l’histoire en Terminale…. On a quand même un ensemble assez cohérent qui fait qu’on veut nous dire que l’histoire, ça ne sert à rien. Et ça, c’est grave. L’histoire n’est pas mesurable en termes d’argent ou de subprimes. On est dans quelque chose qui n’est pas mesurable en terme quantitatif, en termes de rentabilité immédiate. C’est un vrai souci que ceux qui nous gouvernent ne semblent pas l’avoir vraiment compris.
Je reviens à l’histoire fondamentale qui est une question de temps, chronos logos : c’est bien un « discours sur le temps ». Et le discours sur le temps doit prendre son temps. Je crains qu’en 2010, le temps ne soit plus quelque chose de rentable, qui rapporte de l’argent. Donc, il faut faire très vite. C’est un choc par rapport aux nappes de passé, aux nappes de temps dont nous sommes les gestionnaires.
C. zum Kolk : Pourtant, il y a un vrai désir d’histoire. Le marché du livre d’histoire se porte plutôt bien, surtout quand un titre traite de sujets délaissés auparavant comme l’histoire des femmes…
Joël Cornette : Et même l’histoire de la Bretagne. Je reçois toujours des lettres de lecteurs qui me remercient d’avoir écrit l’Histoire de la Bretagne parce que c’était une histoire (leur histoire) qu’ils ignoraient complètement, qui avait été recouverte par l’histoire franco-française, par la cour justement. Or, avec l’Histoire de la Bretagne, ils découvrent une chronologie, des ducs qu’ils ignoraient, des événements, des sociétés, des comportements, des cultures et pour eux, c’est une découverte inattendue.
Soyons donc tout de même un peu optimiste même si le constat d’aujourd’hui est un peu amer. L’histoire n’a pas de fin. Il peut y avoir un renouvellement, une demande sociale, et qui fera que l’histoire retrouvera sa place fondatrice par rapport à la société, au besoin de la société de connaître son passé pour mieux comprendre et maîtriser son présent, donc son avenir.
C. zum Kolk : Monsieur Cornette, nous vous remercions pour cet entretien.

Notes

[1Emmanuel Le Roy Ladurie, Les Paysans de Languedoc, Paris, La Haye, Mouton, 1966.

[2La Mélancolie du pouvoir. Omer Talon et le procès de la raison d’État, Fayard, 1998.

[3Un révolutionnaire ordinaire. Benoît Lacombe, négociant (1759-1819), préface Emmanuel Le Roy Ladurie, Seyssel, Champ Vallon, 1986.

[4Voir entre autres Palais et Pouvoir. De Constantinople à Versailles (co-direction avec Marie-France Auzépy), Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2003 ; « Louis XIV en souverain combattant : guerre imaginée et métamorphose de l’État royal », dans Philippe Buton (dir.), La Guerre imaginée. L’historien et l’image, Paris, Séli Arslan, 2002, p. 81-108 ; « L’image pour faire croire. Trois lectures d’une gravure de propagande luthérienne », dans Histoire, Images, Imaginaires (fin XVe siècle-début XXe siècle), vol. présenté par Michèle Ménard et Annie Duprat, Université du Maine, 1998, p. 197-222 ; Des images dans l’histoire (co-direction, avec Marie-France Auzépy), Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2008 ; Le Repas des paysans des frères Le Nain, Paris, Armand Colin, 2008.

[5Voir entre autres Peter Burke, The fabrication of Louis XIV, New Haven, Yale university press, 1994 ; traduction : Louis XIV. Les stratégies de la gloire, Paris, Seuil, 1995, et The fortunes of the « Courtier » : the European reception of Castiglione’s « Cortegiano », Cambridge, Malden, 1995.

[6Henri IV à Saint-Denis, de l’abjuration à la profanation, Paris, Belin, 2010.

[7Le Roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Payot, 1993, réédition en édition de poche, Payot, 2000.

[8Ouvrage cité, note 2.

[9Les Aventures de Jean Conan. Avanturio ar citoien Jean Conan a Voengamb, Morlaix, éditions Skol Vreizh, 1990.

[10Le Marquis et le Régent. Une conspiration à l’aube des Lumières, avec la collaboration d’Éva Guillorel et de l’association Dastum, Tallandier, 2008. Ce livre est accompagné d’un CD comportant seize versions de la gwerz du marquis de Pontcallec (Gwerz Marv Pontkalleg) dont une partie est issue du collectage réalisé dans les années 1950 par Donatien Laurent.

[11Histoire de la Bretagne et des Bretons, 2 vol., Paris, Seuil, 2005 ; réed. Points Seuil, 2008.

[12Emmanuel Le Roy Ladurie, Saint-Simon ou Le système de la Cour, avec la collaboration de Jean-François Fitou, Paris, Fayard, 1997.

[13Mathieu Da Vinha, Les Valets de chambre de Louis XIV, Paris, Perrin, 2004 ; rééd. Perrin, coll. Tempus, 2009.

[14Gérard Sabatier, Le prince et les arts : Stratégies figuratives de la monarchie française de la Renaissance à l’âge baroque, Seyssel, Champ Vallon, 2010.

[15William R. Newton, L’Espace du roi. La Cour de France au château de Versailles, 1682-1789, Paris, Fayard, 2000 et La Petite Cour – Services et serviteurs à la cour de Versailles au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2006.

[16R. Butz, J. Hirschbiegel, D. Willoweit (éd.), Hof und Theorie. Annäherungen an ein historisches Phänomen, Wien, Cologne, Weimar, Böhlau, 2004.

[17Jean Duma, Les Bourbon-Penthièvre (1678-1793) : Une nébuleuse aristocratique au XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 1995.

[18Katia Beguin, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999.

[19The Russian Imperial Court and Europe. Dialogues of Cultures. Selected conference materials, 18-20 octobre 2005, Saint-Pétersbourg, The State Hermitage Publishers, 2007.

[20Jeroen Duindam, Vienna and Versailles : the courts of Europe’s major dynastic rivals, 1550-1780, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

[21Stanis Perez, La Santé de Louis XIV. Une biohistoire du roi-soleil, Seyssel, Champ Vallon, 2007. Ed. en livre de poche par Perrin, coll. Tempus, 2010.

[22Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), Seyssel, Champ Vallon, 1990 ; rééd. en 2005.

[23Absolutisme et Lumières, 1652-1783. Histoire de la France, Hachette Supérieur, Carré Histoire, 5e édition revue et augmentée, 2008 [1992] et L’Affirmation de l’État absolu. 1492-1652. Histoire de la France, Hachette Supérieur, Carré Histoire, 6e édition revue et augmentée, 2009 [1993].

[24Joël Cornette, Jean-Louis Biget et Henry Rousso (dir.), Histoire de France, 13 vol., Belin, 2009-2011.

[25Mercure françois, mis en ligne par le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (GRIHL) sous la direction de Cécile Soudan : http://mercurefrancois.ehess.fr/.

[26« L’histoire au travail. Le nouveau ‘Siècle de Louis XIV’ : un bilan historiographique depuis vingt ans (1980-2000) », dans Histoire, économie & société, année 2000, volume 19, numéro 4, pp. 561 - 605.

[27Daniel Dessert, Le royaume de Monsieur Colbert : 1661-1683, Paris, Perrin, 2007.