Trois lettres inédites de Marguerite de Valois conservées à la Bibliothèque Nationale de Russie
Vladimir Chichkine (éd.)
Comment citer cette publication :
Vladimir Chichkine (éd.), « Trois lettres inédites de Marguerite de Valois conservées à la Bibliothèque Nationale de Russie », dans Histoire et archives, n 2, juillet-décembre 1997, p. 141-150. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 2 octobre 2011 (https://cour-de-france.fr/article2109.html).
Le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de Russie à Saint- Pétersbourg conserve quarante-deux lettres de Marguerite de Valois, reine de France et de Navarre, première épouse de Henri IV. Leur publication a été faite en 1886 par Philippe Lauzun et fut par la suite, considérée comme complète [1]. En réalité, trois d’entre elles demeurent inédites. Ces lettres autographes font partie de la célèbre collection de Pierre P. Dubrovski, qui fut secrétaire et traducteur à l’ambassade russe à Paris de 1778 à 1792. Au début de la Révolution, il put acquérir plus de onze mille documents originaux, principalement français, dont les dates vont du XlIIe au XVIIIe siècles, ainsi que bon nombre de livres manuscrits. L’ensemble fut emporté par lui en Russie à son retour, puis vendue par ses soins à l’empereur Alexandre 1er, déposé en 1805 à la Bibliothèque publique impériale (où Dubrowski fut nommé conservateur des manuscrits), aujourd’hui Bibliothèque nationale de Russie [2].
Il n’y a plus de doute aujourd’hui, comme l’a établi A. Lublinskaya [3] que toutes ces lettres de Marguerite de Valois firent partie sous l’Ancien Régime de la collection des présidents au Parlement de Paris, les Harlay ; ensuite, la majeure partie d’entre elles fut léguée en 1755 à l’abbaye Saint-Germain des Prés par leur dernier propriétaire, le garde des sceaux G.-L. de Chauvelin, qui en avait hérité des Harlay. Enfin, sous la Révolution, grâce au concours du dernier bibliothécaire du roi, Anne-Louis d’Ormesson de Noyseau, possédé du désir de sauvegarder, face aux menaces et incertitudes de l’époque, le trésor que constituait la bibliothèque de l’abbaye, ces lettres de Marguerite parvinrent aux mains de Pierre Dubrovski.
Il y a tout lieu de croire, par ailleurs, que quatre autres lettres de la reine Marguerite (publiées par Ph. Lauzun) transitèrent un temps dans la collection Godefroy, conservée à la Bibliothèque de l’Institut de France [4]. II est en effet porté sur elles des annotations et des analyses d’une main du XVIIe siècle, dont nous formons l’hypothèse qu’elle est celle de Denis II Godefroy (1615-1681). Denis Godefroy fut un temps bibliothécaire du procureur général au Parlement Achille de Harlay, et il eut certainement l’occasion d’enrichir sa propre collection. F. Gébelin a établi dès 1914 le lien qu’il y a entre les documents de la collection Godefroy et ceux de la collection du fonds Harlay (ms. fr. 15540-15584) de la Bibliothèque nationale ; il a prouvé que les lettres possèdent les mêmes critères externes : elles comportent, dans la marge du haut, une annotation qui en donne le résumé, et y figure aussi l’indication « Orig. » et le signe de Jupiter. Selon Gébelin, personne d’autre que leur bibliothécaire Denis Godefroy n’était habilité à y porter ces inscriptions. Or, sur une des lettres de Marguerite de Valois de la bibliothèque de Saint-Pétersbourg, ms. aut. 57, n° 34, se retrouve une annotation analogue. Elle est dépourvue, il est vrai, de l’indication « Orig. » mais elle comporte, par contre, le signe de Jupiter et la lettre « R » [5]. Les trois autres lettres ne présentent que de brèves annotations, mais elles sont de la même écriture que celle de la première lettre « Marguerite roine de Navarre » (ms aut. 57, n° 26) et « La roine Marguerite » (ms. aut. 57, n° 32 et 33). Enfin, la collection Dubrovski comprend une importante quantité de lettres d’autres personnages des XVe au XVIIe siècles, sur lesquelles se retrouvent des annotations identiques, et dont l’écriture et la présentation ne diffèrent pas de celles que présentent les lettres de Marguerite de Valois. Tout ceci porte à croire que les quatre lettres sont passées aux mains de D. Godefroy et firent partie de sa collection. On ne sait, néanmoins, ni quand ni dans quelles circonstances le diplomate russe acquit partie de la collection Godefroy [6].
L’importante collection d’autographes français de Pierre Dubrowski demeure peu connue des historiens en raison de l’absence de tout catalogue imprimé. Ce n’est qu’en 1993 que l’historien Tamara P. Voronova en publia un premier catalogue qui en couvre partiellement la matière, et pour les documents du XVe siècle uniquement, dans son Catalogue de lettres d’hommes d’Etat et d’hommes politiques de la France au XVe siècle conservées dans la collection P. P. Dubrovski [7]. Pour le XVIe siècle, quelques recueils de documents choisis avaient été publiés quelque temps auparavant, sous la direction du professeur A.-D. Lublinskaya, publication présentant des documents concernant la première période des guerres de religion [8].
Une simple comparaison entre le nombre de lettres conservées - en ne prenant toujours en considération que ce fonds de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés - pour cette période, à la Bibliothèque nationale de France, et le nombre de celles que possède la Bibliothèque nationale de Russie dit éloquemment le rapport numérique entre elles : on compte approximativement quatre-vingt cinq documents dans la première, et mille trois cents dans la seconde, ceci pour la période 1559-1568. On relève, respectivement, pour la période 1569-1599. cinq mille et trois mille documents dans ces deux dépôts.
Le premier visiteur étranger de la bibliothèque publique impériale de Saint- Pétersbourg fut le comte Hector de la Ferriire. Il fut envoyé deux ans en mission, en 1863 et 1864, dans le dessein de relever et de copier les lettres de la reine Catherine de Médicis, en vue de leur future publication. Il élargit, par la suite, son projet et donna un état des documents, parmi lesquels se trouvèrent des lettres de Marguerite de Valois. Il en publia une, mais on y remarque des inexactitudes (ms. aut. 57, n° 1) [9].
Quelques années plus tard, en 1872, un autre érudit, Gustave Bertrand, vint également travailler à Saint-Pétersbourg, envoyé en mission par le Ministère de l’Instruction publique. II y établit des catalogues des manuscrits français conservés dans la bibliothèque impériale. Mais, tout en donnant une idée de la richesse du fonds manuscrit, son catalogue d’autographes abonde en fautes et en erreurs. Par la suite, en 1874, à partir de la collection Dubrovski, il publia la majeure partie des lettres de Marguerite de Valois, duchesse de Savoie, soeur du roi de France Henri II, notamment les lettres dont il put déchiffrer l’écriture [10]. Il y inclut à tort une lettre de Marguerite de Valois, reine de Navarre, épouse de Henri de Bourbon, en tentant, en note, de conifer une première erreur qui l’avait attribuée à Marguerite de France, fille de François Ier [11].
Ce fut un historien régional, le gascon Philippe Lauzun, qui fut le véritable découvreur de la correspondance de Marguerite de Valois conservée à Saint- Pétersbourg [12]. Il obtint, à titre exceptionnel, que le registre in-folio qui conserve ces lettres de la reine de Navarre soit envoyé en prêt de la Bibliothèque impériale à la Bibliothèque nationale à Paris, il y fît ta copie des trente-huit lettres qui y sont conservées ; et il publia en 1886 les Lettres inédites de Marguerite de Valois tirées de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg (1579 - 1606) [13]. Cette publication est d’excellente tenue, la transcription des lettres en est faite avec exactitude, la datation y est presque toujours correcte et le commentaire d’accompagnement est de bonne qualité. Cependant, comme il supposa que les lettres étaient écrites par des secrétaires de la reine, il ne reproduisit pas les notes relatives aux fonds d’archives ni les adresses portées au verso, alors qu’en réalité, elles ne sont que pour cinq d’entre elles de la main de secrétaires [14]. Une comparaison soigneuse de l’écriture de Marguerite, présente dans des lettres d’années et de lieux différents, enlève tout doute quant à l’authenticité de ces lettres, et c’est bien ta même écriture que l’on retrouve en fac- similé, dans un recueil d’autographes publié dans le premier tiers du XIXe siècle [15]. On note, en passant, la ressemblance de l’écriture de Marguerite avec celle de sa mère Catherine de Médicis.
Dans son édition, rare aujourd’hui, Ph. Lauzun ne put inclure une des lettres de la reine de Navarre (ms. aut. 57, n° 19), qui se trouvait alors présentée à une exposition d’autographes de la Bibliothèque impériale et ne put, de ce chef, être envoyée en France. Elle est donc inclue dans cette présente édition (n° 2).
Les lettres de Marguerite de Valois tombèrent ensuite dans un oubli de près de cent ans. L’année de la sortie du film de Patrick Chéreau, La reine Margot, l’intérêt se porta de nouveau sur le personnage de la reine. Une de ses biographes fut alors Eliane Viennot. Mais elle alla jusqu’à en mettre en doute l’existence même de la correspondance de Saint-Pétersbourg alors qu’elle donne un état de ses sources bibliographiques, fait explicable sans doute par l’absence de catalogue de la Bibliothèque nationale de Russie [16]. Quant à l’historien Jean Castarède, il eut à coeur de venir en 1992 travailler dans ce dépôt en vue de la biographie de la reine Margot qu’il préparait ; mais, négligeant comme E. Viennot un travail de bibliographie dans les revues françaises locales, il alla jusqu’à affirmer qu’une petite partie seulement des lettres de la reine était publiée [17]. Ainsi cite-t-il dans son ouvrage, une des lettres de Marguerite au « président de Chartres M. Chouaine » (Jean Chouaine, contrôleur général de la maison de Marguerite), qu’il prend pour une lettre inédite ; il indique encore dans une note qu’entre autres destinataires de la reine te trouve son frère cadet, François, duc d’Alençon (sur la foi d’une note correspondante de l’inventaire de la В.N de Russie, mais qu’il ne pouvait vérifier), alors qu’en réalité la lettre en question est adressée au roi Henri III, frère aine de Marguerite. Cette lettre inédite est également publiée dans ce présent article (№ 3) [18].
La première lettre publiée ici est celle qui est à l’origine de cette présente étude. Il s’agissait à priori d’une lettre non datée, non attribuée, sans adresse ni lieu ni signature. Elle est conservée dans un registre consernant la correspondance des ducs de Savoie, ou nous l’avons remarquée en 1996 [19]. Après examen, il nous apparut qu’elle était de la plume de la reine de Navarre. L’écriture, en effet, est la même que cette des autres lettres autographes du manuscrit 57 de la B.N. de Russie ; la signature monogramme est également identique à celles de neuf autres lettres qui la présentent, parmi les trente-huit lettres qu’a publiées Lauzun. Le contenu, un message au roi Henri III, pour l’informer de la conférence religieuse et politique qui te tint en décembre 1579 à Mazères témoigne de la pensée politique de Marguerite de Valois. Nota publions donc cette lettre en respectant sa graphie aussi fantaisiste que celle de sa mère Catherine de Médicis.
Voyons à présent quel est le contexte historique de ces trois lettres, tant dans la vie de Marguerite de Valois que dans celle du roi de Navarre et de la politique française. Les deux premières ont en effet une dimension historique. Elles te situent au moment de la préparation et du commencement de la septième guerre de religion, dite guerre des Amoureux. Après la conclusion de la paix à Bergerac le 17 septembre 1577 puis la signature de celle de Nérac par Catherine de Médicis an nom de Henri III, le 18 février 1579, lors de son voyage dans le sud de la France, une accalmie temporaire s’établit dans la lutte entre catholiques et huguenots. La reine mère remit, par ce voyage, son épouse au roi de Navarre ; le roi quant à lui, espérait par ce geste avoir en Marguerite un garant naturel de la paix et un pouvoir de régularisation politique. A Nérac, Catherine avait consenti aux huguenots quatorze villes de sûreté supplémentaires, mais cette concession se heurta immédiatement à la résistance des chefs catholiques, qui tentèrent d’imposer à Henri III leur volonté de faire échouer ce plan. Parmi eux se comptait le maréchal de Biron, promu lieutenant général de Guyenne à la place de Villars, et qui de ce chef entra en conflit d’autorité presque immédiatement avec le gouverneur de la province, le roi de Navarre, particulièrement chatouilleux quant à ses biens patrimoniaux de Périgord et de Limousin. En juin 1579, lors de la conférence de Montauban, les huguenots, poussés à bout par l’implacabilité de Вiron, face à la menace de se voir privés de leurs villes de sûreté, et enhardis par les hésitations du roi de France, en appelèrent aux armes. Henri III et sa mère prirent alors la décision de convoquer une autre conférence à Mazères en pays de Foix [20], en vue de pacifier les esprits et de régulariser la situation en Guyenne et Languedoc. Les représentants étaient, pour les protestants, Henri de Navarre, et pour les catholiques, le gouverneur du Languedoc Henri de Montmorency-Damville [21]. Le roi était représenté par M. de Rambouillet [22] et la reine mère par l’abbé de Gadagne [23]. D’après l’Histoire de la guerre civile en Languedoc, « On ne prit aucune bonne résolution en cette conférence » [24]. C’est à cette occasion que Marguerite écrivit la première des trois lettres.
L’échec de cette conférence ne fit qu’aggraver la situation, malgré la efforts de Rambouillet qui poursuivit les négociations durant les dix premiers jours de janvier 1580, cherchant à persuader le roi de Navarre de ne pas réagir aux provocations de Biron.
Ce sont les noms des deux conciliateurs cités dans la lettre de Marguerite qui en ont permis la datation. Le dépari de l’abbé pour Paris s’effectua avant le 5 janvier 1580 ; Marguerite le mentionne comme étant déjà parti, pour poursuivre en disant que « M. de Ranbouillet partira bientôt », c’est-à-dire à une date postérieure au 10 janvier puisqu’on sait que ce jour-là, il poursuivait ses négociations avec le roi de Navarre. Puis, dans une lettre postérieure, datée du 14 janvier et adressée à Henri III, Henri de Navarre ne parle plus de Rambouillet, ce qui laisse à supposer que ce dernier était parti pour Paris. [25] Ainsi cette première lettre se trouve datee entre les 5 et 14 janvier 1580.
Avant de partir, Rambouillet s’était adressé encore une fois à la reine de Navarre et la prier instamment de faire tout son possible auprès du roi son mari pour maintenir la paix. Mais cela était hors de son pouvoir. Elle ne pouvait que constater, comme elle le dit dans ses Mémoires, que « le roi mon mari et M. le maréchal de Biron [étaient devenus] tant ennemis, que, quoi que je pusse faire pour les maintenir bien ensemble, je ne pus empêcher qu’ils ne vinssent à une extrême méfiance et haine » [26]. Elle ne put aider le colonel général de l’infanterie Philippe Strozzi, arrivé le 3 mars à Nérac, dans la reprise des négociations dont le roi le chargea en février, et qui échouèrent également. Lui non plus ne parvint pas a réconcilier Henri de Navarre et Biron et il quitta Nérac le 21 avril sur cet échec [27]. Son départ date donc des alentours du 20 avril la deuxième lettre de Marguerite, qui dit à sa mère l’envoyer par les soins de Strozzi. Ce message résonne encore comme une justification, Marguerite n’étant pas parvenue, selon les volontés de sa mere et de son frère, à conjurer le nouveau conflit armé qui éclata et fut connu sous le nom de seconde guerre des Amoureux. Elle fut même accusée d’en avoir été l’inspiratrice, par la liaison amoureuse qu’elle commençait alors avec le vicomte de Turenne. Cette version a pu paraître assez convaincante pour expliquer le refroidissement qui s’établit entre Marguerite, d’une part, et le roi et la reine mère, de l’autre, mais elle s’expliquerait autant par l’échec des espoirs qu’ils avaient placés sur elle [28].
La dernière lettre est datée du 10 mai. La guerre est alors déclarée. Marguerite reste à Nérac, tandis que Henri de Navarre part pour Lectoure et Montauban, avec pour objectif, la prise de Cahors, ville qui est du domaine de sa femme et retenue contre toute justice. La population refuse de pactiser avec les réformés. Marguerite, dans sa lettre, plaide auprès du roi de France en faveur d’un de ses messagers en Italie, probablement, comme le suggérerait son nom, Italien lui-même. Cette lettre rentre dans un domaine plus privé et ne laisse comprendre que le fait que Marguerite entretenait des relations en Italie.
J’adresse mes sincères remerciements à Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek pour l’aide qu’elle m’a apportée par ses conseils, les reprises et corrections de la rédaction en français de cette étude et les bons services qu’elle m’a rendus. Elle m’a ainsi permis de rendre ces lettres de Marguerite de Valois à la communauté internationale des historiens [29].
Vladimir V. Chichikine
Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg [30]
1. Marguerite de Valois à Henri III, janvier 1580
Nérac. Lettre autographe. Coll. Dubrovski Ms. Aut. 48, № 32
Monsigneur, vous antanderes par le sieur de Gadagne si particulieremant tout ce qui s’est jusques isi fait a Maseres par le Roi mon mari et Monsieur de Monmoransi [31] que d’user par cete lettre de redite ne vous ceroit qu’inportunite esperant ausi que Monsieur de Ranboullet [32] partira bientost lequel vous portera une plus certene resolution de toutes choses et particulierement de la daipaiche de Revignan [33] a quoi le Roi mon mari n’a peu regarder isi pour i estre venu an poste sans aucun de son conseil par luy. Monsigneur, il ne faudere de vous escrire anplemant de tout ce que je pansere vous devoir estre represante pour mon servise auquel je ne manquere james d’afection ni de fidelite ce que je vous suplie tres humblemant me faire cet honneur de croire le sieur de Gadagne s’ans retourne a mon grant regret sans avoir peu rien faire pour la reconsiliation de Monsieur le marechal de Biron [34] qui estoit la prinsipalle cause de son voiage ancore que je m’i sois anploiee an tout ce que j’ai peu comme je fere toute ma vie an tout ce qui sera de votre servis et de vos conmandemans comme la plus tres humble et fidele de toutes vos servantes
Marguerite [35]
2. Marguerite de Valois à Catherine de Médicis, avril 1580
Nérac. Lettre autographe. Ms. Aut. 57, № 19
Madame, je vous ai par Monsieur de Strose [36] escrit si particulieremant qui ne me reste que de vous suplier tres humblemant n’accroitre mes malheurs de celuy de les longnemant [37] de vos bonne grases avec lesqueles ancores espere je surmonter touxtes mes infortunes au milieu de que les ma vie sera plustost esbranlee que la voulonte de vous demeurer perpetuelemant
Vostre tres humble et tres obeissante servante, fille et sugete
Marguerite
Au verso : A la Royne Madame et mere.
Mention d’une main anonyme du XVle siècle : La Royne de Navare. Pour Mr du Plessis.
3. Marguerite de Valois à Henri III [38] , 10 mai 1580
Nérac. Original. Signature autographe. Ms. Aut 56, n° 38.
Monseigneur, il y a environ deux ans que Jehan Paule qui est a moy s’en allant еn Italie pour quelques affaires dont je l’avois chargé, vous luy feistes cest honneur de luy accorder a ma tres humble requeste qu’il serait payé de son voyage d’aultant qu’il estoit besoin d’y faire de grands frais, et a ceste cause luy en fut expedié ung mandement au tresorier de vostre espargne lequel a cause que lesdit Jehan Paule estoit presse de partir suivant le commandement que je luy en a vois faict, ne luy a esté encores acquicté tellement qu’il fut contrainct de faire le voiage a ses propres despens et parce [39], Monseigneur, que lesdit Jehan Paule s’en va presentement a Paris et qu’il desire que vostre bon plaisir feust de l’en vouloir faire dresser pour se rembourser de sesdit frays et pour luy donner aussy moyen de subvenir a ceulx qui luy convient faire en un autre second voiage qu’il s’en va faire en Italye. J’ay bien osé vous supplier tres humblement, Monseigneur, de vouloir commander qu’il en soit payé affin que le don qu’il vous a pleu luy faire en ma faveur ne luy demeure innutile ains qu’il se puisse ressentir de vostre liberalite. Je ne vous feray ceste lettre plus longue si ce n’est pour prier Dieu, Monseigneur, qu’il vous donne en santé tres heureuse et longue vie. Escript a Nerac ce Xe jour de may 1580.
Vostre tres humble et tres obeissante servante, seur et sujete
Marguerite
Notes
[1] Philippe Lauzun, Lettres inédites de Marguerite de Valois tirées de la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg (1579-1606), dans Archives historiques de la Gascogne, 1886, fasc. XI, Préface.
[2] . P. Voronova, Pierre Dubrovski (1754-1816) and the Saint-Germain manuscripts, dans The Book Collector, winter 1978, p. 469-478 ; P. Z. Thompson, Biography of a library : the Western European manuscript collection of Peter P. Dubrovski in Leningrad, dans The Journal of Library History, t 19, n° 4, automne 1984, p. 477-503.
[3] Alexandra D. Lublinskaya, Documents pour servir à l’histoire des guerres civiles en France (1561-1563), Moscou, Leningrad, 1962, p. 3-10.
[4] Fr. Gébelin, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de l’Institut. Collection Godefroy, Paris, 1914.
[5] Cette annotation a été publiée par Ph. Lauzun, op. cit., mais sans aucun commentaire, p. 40- 41.
[6] Le fait que plusieurs letters de Marguerite de Valois consevées à la B.N. de Russie aient appartenu à la famille Godefroy est indirectement confirmé par les données du Catalogue de Fr. Gébelin, p. 285, № 261 – Lettres originals du règne de Henri III, tome III : « Manquent plusieurs letters, don’t il ne reste que les addresses … de Marguerite de Navarre à Catherine de Médicis » (fol. 4) ; p. 705 № 541 (Mélanges) « Manquent le contenu d’une chemise intitulée Lettres de la Reyne Marguerite » (fol. 311).
[7] Publié à Saint-Pétersbourg, 1993.
[8] Documents…, publ. sous la direction de A. Lublinskaya (127 documents).
[9] Comte H. de La Ferrière, Deux années de mission à Saint-Péterbourg, Paris, 1867, p. 32-34. Ph. Lauzun a corrigé l’erreur et reproduit le texte exact, Lettres inédites…, № 30, p. 32-33.
[10] Ces letters continues dans Ms. Aut.46, firent reliées en un volume par les soins de P. Dubrovski sous le titre Lettres originales de Marguerite de France Duchesse de Savoye.
[11] Revue des Sociétés savants, 5e série, t.IV, 1873, p.471-472 (Ms.Aut.46, №23).
[12] Ph. Lauzun (1847-1920) publia encore l’Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne, d’après ses livres de comptes (1578-1586), Paris, 1902.
[13] Registre relié par P. Dubrovski, Lettres autographes de Marguerite reine de Navarre (Ms Aut. 57). Pour la publication de Ph. Lauzun, voir note 1.
[14] Ph. Lauzun, Lettres inédites, préface. Les notes, relatives aux archives, portées au verso, sont en règle générale les mêmes « A la Reine Madame et mere », « Au Roi Monsigneur et frere », « A Monsieur de Villeroi ». Sur deux letters sont encore presents deux cachets de la reine : sur Ms Aut. 57, № 33, sceau du cachet, et sur Ms Aut. 57, № 39, sceau sur papier. Au verso des letters sont répétées les notes relatives aux archives du XVI siècle « La Royne de Navarre » et « Lettre de la Royne de Navarre ». Le recto des letters comporte une annotation du XVIIe siècle.
[15] Isographie des hommes célèbres ou Collection de fac-similés de letters autographes, Paris, 1828-1830, t. I.
[16] E. Viennot, Marguerite de Valois. Histoire d’une femme, histoire d’un mythe, Paris, 1993, p. 452.
[17] J. Castarède, La triple vie de la reine Margot, Paris, 1992, p. 136 et 254. Cette lettre est publiée par Lauzun, op.cit., p. 40-41 (Ms.Aut. 57, № 34).
[18] Lettre restée inédite et inconnue de Lauzun, puisque reliée dans un autre registre (Ms. Aut. 56, Recueil de lettres originals des Rois, Reines, Princes et Princesses de Navarre).
[19] Registre relié par Dubrovski, Recueil de lettres originals des Ducs, Princes et Princesses de Savoye (Ms. Aut. 48, № 32).
[20] Ariège. La conference se tint au château du 10 au 20 décembre 1579.
[21] Le maréchal fit, selon Jules Berger de Xivrey, Recueil des lettres missives de Henri IV, Paris, 1843, t. I, p.254-255, trois rencontres avec Henri de Navarre, les 14, 18 et 19 décembre, et il informa Catherine de ses négociations et de leur resultants dans des letters des 18 décembre et 5 et 8 janvier 1580 « Lettres et depeches originales du Connetable de Montmorency et de ses descendants », B.N. de Russie, Ms. Aut. 103, № 1, 54 et 55. Voir aussi une letter du 8 décembre 1579 dans Jean Loutchitzky éd., Documents inédits pour servir à l’histoire de la Réforme et de la Ligue, Kiev, 1875, p.133. Il faisait savoir en particulier qu’il soulevait la question avec Rambouillet et l’abbé de Gadagne du sort des territories conquis par le roi de Navarre, lequel refusait de prendre une quelconque decision sans avoir reçu l’approbation préalable des deputes des églises huguenotes, et rendait compte de l’échec de la conference.
[22] Nicolas d’Angennes sieur de Rambouillet faisait alors partie de la suite de Catherine de Médicis et fut envoyé en automne 1579 à Nérac pour négocier avec le roi de Navarre, à la suite d’incidets armés, cf. E. de Barthélemy, Correspondance inédite d’Armand de Gontaut-Biron, Bordeaux, 1879, p. 119 (B.N. de Russie, Ms. Aut. 78, № 1). Sur son rôle à Mazères, voir Lettre du duc de Montmorency à Catherine de Médicis du 5 janvier 1580, B.N. de Russie. Ms. Aut. 103, № 54.
[23] L’abbé Jean-Baptiste Gadagne fut agent diplomatique pour le compte de Catherine de Médicis. Il l’accompagna dans son voyage dans les provinces méridionales de 1578. Selon une lettre du maréchal de Biron à Henri III, du 30 octobre 1579, il arriva en Guyenne fin octobre de cette année (E. de Barthèlemy, Correspondance..., p. 121, et B.N. de Russie, Ms. Aut. 78, №72 ; la lettre de Biron à Catherine portant la date 5 janvier se trouve dans Correspondance..., p. 126, et B.N. de Russie, Ms. Aut. 78, №76. Le duc d’Anjou fait également mention de luy dans des letters inédites, à tire d’intermédiaire lors de négociations avec la reine mère, de mars 1580, B.N. de Russie, Ms. Aut. 36/2, « Lettres originals de François d’Alençon ». Gadagne sera de nouveau envoyé en mission en Navarre en 1586, cf. H. Omont, Catalogue general des manuscrits français, t. I, № 15573, p. 88-89.
[24] J. Berger de Xivrey, éd., Recueil, t. I, p. 254-255.
[25] Lettre du 5 janvier, cité note XX lettre du 10 janvier 1580, J. Guadet éd., Recueil des lettres missives de Henri IV, t. VIII. Supplément, Paris, 1872, p. 152 (B.N. de Russie, Ms. Aut. 54, №37).
[26] Yves Casaux, Mémoires de Marguerite de Valois « La reine Margot », éd. établie par Sylvie Rosenker, éd. Ombres, Toulouse, 1994, p. 147.
[27] Philippe Strozzi (1541-1582), fils du maréchal Piero Strozzi, colonel général de l’infanterie, fut envoyé en février 1580 poursuivre l’oeuvre de l’abbé Gadagne et de M. De Rambouillet, cf. E. de Barthélemy, Correspondance… de Gontaut-Biron, p. 152, Lettre de Biron au roi, du 9 avril 1580, et Ph. Lauzun, op. cit., p. 13.
[28] Sur la guerre et les négociations, voir Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 269-273.
[29] Le première traduction russe des Mémoires a été faite par Sophie Plechkova, sous le titre Mémoires de Marguerite de Valois, Moscou, 1995.
[30] Texte français revu et adapté par Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek.
[31] Henri I duc de Montmorency, maréchal de France et gouverneur de Languedoc fut un des premiers à reconnaître Henri IV comme roi de France.
[32] Nicolas d’Angennes, Sr de Rambouillet, ambassadeur en Angleterre en 1566, concourut à la réconciliation de Henri III et de Henri de Navarre en 1589.
[33] Sr de Revignan (Ravignan), Pierre de Mesme, premier président du Conseil de Henri de Navarre à Pau, fut envoyé en janvier 1580 négocier avec Henri III. Voir J. Guadet, Recueil des letters missives de Henri IV, t. VIII, p. 152.
[34] Armand de Gontaut, baron de Biron, maréchal de France fut lieutenant général de Guyenne en 1578-1580. Il fut également l’un des premiers à reconnaître Henri IV. A l’époque dont ii est question, il était en conflit avec le gouverneur de Guyenne, ce dont il faisait part à Henri III et à Catherine de Médicis, cf. E. de Barthélemy, Correspondance...de Gontaut-Biron, p. 121-127.
[35] Signature et monogramme.
[36] Il s’agit de Philippe Strozzi.
[37] Lire : éloignement.
[38] Cette lettre figure à l’inventaire des manuscrits de la B.N. de Russie comme adressée à François d’Alençon. Elle ne comporte pas d’adresse au dos.
[39] Un mot rayé : « que ».