De la noblesse à la notabilité. La formation des notables sous l’Ancien Régime et la crise de la Monarchie absolue
Wolfgang Mager
Wolfgang Mager, "De la noblesse à la notabilité. La formation des notables sous l’Ancien Régime et la crise de la Monarchie absolue", dans Histoire, économie & société, année 1993, volume 12, numéro 4, p. 487 - 506.
Extrait de l’article
Je commencerai mon exposé par quelques observations de Necker, tirées d’un ouvrage que l’ancien directeur général des finances rédigea après sa retraite définitive des affaires. Il s’agit du traité De la Révolution française, publié en 1796, dans lequel l’auteur donne un aperçu de la composition de la noblesse française sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. Necker, d’origine genevoise, installé dès sa jeunesse à Paris, où il réussit dans la carrière de banquier, connaissait très bien la noblesse française. Pourtant, étranger, et de surcroît protestant et roturier, il ne sut jamais s’intégrer complètement dans la société des nobles, ce qui fait de lui un observateur d’autant plus lucide et perspicace.
Necker relève dans la noblesse française trois groupes distincts :
1° la « haute noblesse », qu’il qualifie aussi de « première noblesse », « principale noblesse de France », ou encore de « grandes familles », « grands seigneurs », « grande noblesse », ou appelle, tout simplement, « les grands ». Il entend par cette fraction de la noblesse les successeurs des grands seigneurs que Richelieu avait appelés à la cour ;
2° la « noblesse pauvre », c’est-à-dire les gentilshommes de la noblesse de race peu nantis, condamnés à rester en province, étant hors d’état de financer un séjour à la cour. Selon Necker, la noblesse de cour qui possédait de riches propriétés et de magnifiques châteaux, touchait de confortables pensions et des gratifications royales, et se vantait de ses manières fines et cultivées, « se moquoit... de la rudesse campagnarde du petit nombre de seigneurs qui vivoient encore dans leurs terres » ;
3° la « noblesse moderne » ou « nouvelle noblesse », c’est-à-dire les nobles dont le titre de noblesse remonte aux deux siècles précédents. Necker les appelle aussi « familles anoblies », « nouveaux anoblis » ou simplement « anoblis ». Il s’agissait des nobles, dit-il, dont l’appartenance au second ordre provenait de l’achat d’une charge anoblissante, de l’exercice de la charge de capitoul ou d’échevin, de lettres de no-blesse, ou encore d’un service d’officier d’armée pendant un certain nombre d’années