Deuxième partie : L’époque des dissensions
Jacqueline Vons
Jacqueline Vons, Le médecin, les institutions, le roi. Médecine et politique aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, Cour de France.fr, 2012. Ouvrage numérisé inédit mis en ligne le 1er avril 2012 dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France (XVIe-XVIIe siècles)", https://cour-de-france.fr/article2342.html.
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I. Consultations et expertises
Au tournant du siècle, la façade unitaire constituée par les docteurs-régents de la Faculté de Médecine de Paris, qui étaient également médecins du roi et membres du Collège des lecteurs royaux se lézarda rapidement. Tout d’abord le roi choisit ses médecins en-dehors du cercle parisien et favorisa la recherche de thérapies nouvelles, alors que la faculté de Paris se montra dans l’ensemble plus modérée ou plus timorée, selon le point de vue que l’on adopte. Certes, l’opposition doctrinale entre Paris et Montpellier trouva un exutoire dans la société en opposant les progressistes, ouverts aux nouvelles thérapies, à ceux pour qui la parole de Galien prenait valeur de dogme, mais cela ne suffit pas à expliquer l’assaut de diatribes, de pamphlets et de disputes qui marquèrent la première moitié du XVIIe siècle. Qu’il s’agît de l’antimoine, du quinquina, de la circulation du sang ou des vaisseaux découverts par Pecquet, thérapie et physiologie se trouvaient en fait alors dans une période critique ; le choix devait se faire entre la remise en cause des traditions et le saut dans l’innovation, dans l’inconnu. Les choix des rois étaient probablement dictés par le souci de l’efficacité, mais ce fut aussi l’occasion pour eux d’affirmer leur volonté d’ingérence dans le domaine de la santé et à terme de le règlementer. Certes, pendant tout le XVIe siècle la faculté de médecine put se considérer exclue de certaines cérémonies liées au règne, elle n’était pas invitée par exemple à assister à l’embaumement ni aux autopsies des membres de la famille royale. C’était le premier médecin du roi qui présidait à la cérémonie, des chirurgiens attachés à la cour ou externes procédaient à l’ouverture du corps en présence des médecins ordinaires du roi ou de médecins appelés de Paris. Ils apposaient leur signature sur le procès-verbal de l’examen post mortem [1]. La situation changea au décès de Louis XIII, parce que deux médecins de la Faculté, appelés comme consultants lors de la maladie du roi, avaient assisté à l’ouverture du corps. Le compte-rendu est transcrit dans les Commentaires : « Voilà ce qu’ont observé scrupuleusement le doyen de la Faculté de médecine, Michel Delavigne et René Moreau, docteur médecin et professeur royal, qui tous deux, pendant l’espace de vingt-six jours, ont avec les médecins susnommés donné leurs soins au roi très-chrétien, appelés de Paris comme consultants le lundi 20 avril de l’an du Seigneur 1643 » [2]. L’usage de convoquer la faculté de médecine à l’examen post mortem semble d’être imposé au moment du décès de Louis XIV en 1715. En revanche, une des prérogatives des docteurs régents de Paris était d’intervenir dans des domaines relevant de la santé et de l’hygiène publiques. En novembre 1525 par exemple, l’assemblée des docteurs donne pouvoir à quatre de ses membres d’examiner la demande émanant de bouchers parisiens pour savoir si la vente de viandes avariées sur les étals de tenanciers et autres chercuitier en langue vulgaire, présente un danger pour la santé [3]. Le 24 janvier 1553, le doyen C. Balduin, assisté des docteurs régents Du Monceau, Fernel et Houllier, fait inscrire dans les Commentaires les résultats de leurs délibérations concernant un mémoire qui leur a été remis par Thierry du Mont, conseiller du roi Henri II et maître des requêtes ; par son intermédiaire, le roi voulait s’informer des problèmes de salubrité posés par le cimetière de la Trinité et de l’éventualité de son transfert en-dehors des murs de la ville. Il demandait une réponse rédigée en français et scellée. Le rapport des médecins montre clairement les risques présentés par ce cimetière où l’on enterre les morts de l’Hôtel-Dieu, dans un quartier autrefois désert, mais maintenant très peuplé et où a été édifiée une maison pour les petits enfants orphelins, et conclut en conseillant le transfert du cimetière sur l’île Maquerelle, en aval de Paris [4]. En 1599, c’est encore sur l’ordre du roi qu’une mission d’expertise particulièrement délicate est confiée au premier médecin Michel Marescot [5], docteur-régent de la faculté
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de médecine de Paris. Henri IV plaisantait volontiers en affirmant que sa santé robuste ne nécessitait pas de médecin à temps plein, mais qu’il voulait être tenu informé des événements et du climat à Paris : « Un Médecin qui paroît occupé de sa profession, et qui va d’un endroit à un autre pour maladie, n’est guere suspect » [6]. Mais après la révocation de l’édit de Nantes, l’affaire Marthe Brossier, « prétendue possédée », risquait de jeter à nouveau le trouble dans Paris ; déjà convaincue de fraude à Orléans, puis à Angers par l’évêque Charles Miron, Marthe avait été amenée par son père au monastère de Sainte- Geneviève. Deux examens publics eurent lieu, sous la conduite du cardinal de Gondi, évêque de Paris et en présence de docteurs en théologie et de cinq médecins de la Faculté, Riolan fils, Jean Duret, Jean Hautin, Nicolas Ellain et Michel Marescot. Lors de la séance d’exorcisme organisée par les capucins le 1er avril, Marescot arrêta les mouvements désordonnés de la possédée et conclut à une simulation, contre l’avis des Ligueurs et des exorcistes. Cette affaire inquiéta le roi, alors à Fontenaibleau, et lui fit craindre un retour possible des guerres civiles ; il demanda au Parlement de remettre la possédée entre les mains de magistrats et de la tenir enfermée pendant quarante jours. « Pendant ce temps furent employés pour la considérer les sieurs de la Rivière, premier médecin du Roi, André du Laurent, aussi premier médecin de la Reine, Pierre Laffilé, Doyen du Collège de médecine, Albert le Févre, Marescot, Ellain, Haultin, Lusson, Piètre, Renard, Héroard, Cousinot, d’Amboise, Paulmier, tous de meme ordre et faculté. Lesquels tous baillèrent attestation par escrit de n’avoir rien reconnu que de très-naturel dans cette fille » [7]. Le roi se fit ensuite approuver par le pape et demanda à Marescot de rédiger un rapport justifiant la décision du Parlement, ce fut le Discours véritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, prétendue démoniaque, publié en juillet 1599 à Paris, chez Mamert Patisson imprimeur ordinaire du Roy ; Bérulle lui répliqua par son Traité des énergumènes, publié la même année à Troyes.
L’affaire Marthe Brossier est l’une des rares manifestations de consultations communes entre médecins du roi issus de Montpellier et les docteurs régents de Paris, peut-être parce qu’elle mettait en péril l’équilibre religieux instable du royaume et que l’intervention royale fut jugée nécessaire par les uns et les autres, peut-être aussi parce qu’elle n’entrait pas dans le champ des querelles doctrinales ou statutaires entre corps médicaux constitués et illicites. À cette époque, la faculté de Paris prétend encore exercer un droit de regard et de censure sur toutes les publications qui traitent de médecine. Depuis 1536, elle bénéficie d’un privilège exclusif d’imprimatur qui doit être délivré par trois de ses membres avant qu’un imprimeur-libraire parisien puisse composer et mettre en vente tout livre médical écrit par un médecin parisien ou étranger « sus peine de la confiscation de la marchandise et plus griefve, comme plaira à la court d’ordonner » [8], et depuis lors, elle ne se fait faute de recourir à cette clause de l’arrêt pris par le Parlement pour soutenir sa lutte contre les illicites et les empiriques (contra empiricos et omnes illicite practiquantes). Les Commentaires sont ainsi émaillés de critiques et débats internes à la faculté, portant sur l’hétérodoxie médicale de tel ou tel ouvrage ou sur des atteintes à la dignité du corps médical [9]. Ainsi, le 22 mai 1579, Michel Marescot avait été désigné pour examiner et juger la doctrine professée par Roch le Baillif, dit empirique, dans le procès que la faculté intenta à ce dernier [10]. L’arrivée de médecins « paracelsiens » à la cour ne fit qu’accroître les différends avec la faculté de médecine de Paris ; le roi intervint personnellement dans des conflits de doctrines et de pratiques médicales. Les enjeux de cette lutte ont été très bien étudiés dans l’ouvrage de Didier Kahn [11] ; il suffit d’en rappeler ici les principaux épisodes qui mettent en péril l’autonomie de la faculté sur le plan doctrinal. En 1603, Joseph Du Chesne (Quercetanus), sieur de la Violette, médecin calviniste et alchimiste au service de François de Valois depuis 1576, devenu médecin par quartier du roi Henri IV, établi à Paris depuis 1596, publiait le De priscorum
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Philosophorum ueræ medicinæ materia, où il définissait les principes de la médecine chimique, contre la médecine galénique. Quatre Consilia étaient dédiés à plusieurs médecins célèbres, le premier à La Rivière, premier médecin du roi, le second à André Du Laurens, le troisième à divers médecins de la faculté de Paris (Jean Hautin, Michel Marescot, Jean Martin, Jean Riolan l’aîné, Jean Duret, Simon Piètre, Pierre Seguin, Jacques d’Amboise, Antoine Quicheboeuf et Pierre Ponçon), le dernier enfin à quatre médecins de l’Université de Montpellier. L’assemblée des docteurs régents de la faculté de Paris décida néanmoins de faire expertiser ce livre dangereux, écrit par un calviniste, défenseur de thèses que l’Université combattait depuis près d’un quart de siècle, et confia cette mission à Jean Duret et à Jean Riolan l’aîné. Ce dernier rendit son rapport le 9 septembre sous le titre Apologia pro Hippocratis et Galeni medicina adversus Quercetani librum ; l’assemblée des docteurs régents condamna le livre en particulier et la médecine spagyrique en général [12]. Duchesne s’était lié d’amitié avec Théodore Turquet de Mayerne, autre médecin du roi, également paracelsien ; ce dernier répliqua en 1603 par une Apologia in qua videre est, inviolatis Hippocratis et Galeni legibus, remedia chymice preparata tuto usurpare posse, dans laquelle il défendait sa formation médicale acquise à Montpellier et sa pratique héritée des préceptes d’Hippocrate, et en appelait à l’arbitrage du roi et de son médecin André Du Laurens. Nouvel examen, nouveau rapport de Jean Riolan le 5 décembre 1603, suivi d’une nouvelle censure : Ad famosam Turqueti Apologiam Responsio : acessit censura Scholæ Parisiensis [13]. Du Chesne répliqua par un petit livre, Ad veritatem Hermeticæ Medicinæ ex Hippocratis Veterumque decretis […] stabiliendam, adversus cuiusdam Anonymi phantasmata Responsio au début de 1604. Le livre fut censuré et proscrit par la Faculté de Médecine le 18 avril 1604. Ce fut au tour de Jean Riolan le Jeune de prendre la plume, contre Du Chesne et Turquet de Mayerne, et contre deux Orléanais qui avaient pris leur défense, le médecin Ismaël Harvet et le chirurgien Guillaume Baucinet, une plume qui témoigne suffisamment de la vitalité et de l’acrimonie de ces disputes [14]. Le 10 juin 1604, la Faculté interdit à Turquet de Mayerne, en dépit de son titre de médecin du roi, d’exercer la médecine à Paris. Le roi intervint personnellement en octobre 1607 pour obliger la Faculté à revenir sur ses décisions. Cela ne se fit pas aisément. Le 18 octobre 1607, le doyen Nicolas Jabot convoqua l’assemblée des docteurs-régents qui, sous la conduite de Simon Piètre le Jeune et de Jean Riolan le Jeune, refusèrent que Turquet de Mayerne et Du Chesne puissent à nouveau consulter avec les docteurs de la faculté de médecine de Paris. L’affaire ne fut réglée qu’en janvier 1609, après l’intervention d’André Du Laurens, et sur la promesse de rétractation des deux accusés (apparemment restée lettre morte) [15].
Dans cette affaire, un des principaux opposants au paracelsisme et au roi fut donc Simon Piètre dit le Jeune (1565- 1618). Il était le fils d’Anne Sanguin et d’un autre Simon Piètre, dit l’Aîné [16]. Simon Piètre le Jeune fit ses études à la Faculté de Médecine de Paris et fut déclaré bachelier en 1585, licencié le 15 mai 1586 [17], docteur quelques mois plus tard. Il avait épousé en 1586 Geneviève Marescot, fille de Michel Marescot. C’était un homme savant et éloquent selon ses contemporains, qui fut loué par Guy Patin dans ses Lettres, et qui se fit remarquer par le nombre et la virulence des polémiques qu’il eut avec d’autres médecins. En 1593, il eut un échange vif d’opuscules avec André du Laurens à propos de l’anastomose des vaisseaux du cœur chez l’embryon [18]. L’année suivante, en 1594, il succéda à Étienne Gourmelen au Collège des lecteurs royaux en médecine et prononça alors un discours en l’honneur du Roi, Rege Regioque suo munere. Contrairement à l’habitude professorale de dicter les cours, il était réputé pour ne dicter que de courts passages d’auteurs qu’il expliquait et commentait ensuite de vive voix. Il se démit de ses fonctions en 1607 en faveur de Claude Charles, son gendre et son confrère, sans qu’on puisse avec certitude établir un lien entre cette démission et le refus d’obéissance au roi dans l’affaire des médecins
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spagyriques. Devenu l’un des médecins les plus riches de son temps, il continua à exercer la médecine jusqu’à sa mort. Auteur de plusieurs traités de médecine restés manuscrits, empreints de galénisme, Simon Piètre mourut le 24 juin 1618, des suites d’une fièvre pourprée [sans doute le typhus exanthématique] contractée chez un malade ; il fut un des premiers catholiques à refuser d’être enterré dans l’église, pour des raisons d’hygiène et fut inhumé dans le cimetière de St Étienne du Mont [19].
II. Des érudits curieux de nouveautés
Il serait cependant injuste d’étendre à l’ensemble des docteurs de la faculté de Paris les prises de position tranchées et les écrits péremptoires d’un Jean Riolan, d’un Simon Piètre ou encore d’un Guy Patin ; en dépit de blâmes et de tracasseries judiciaires, certains persistent à consulter avec des chirurgiens ou avec des médecins spagyriques [20], d’autres tentent de concilier l’enseignement galénique et les nouvelles thérapies, d’autres encore allient connaissance érudite du passé et curiosité pour le monde moderne. À cette dernière catégorie appartiennent nombre de docteurs régents parisiens qui sont également lecteurs royaux. Leur Collège s’institutionnalise progressivement au cours du XVIIe siècle et devient une forme de récompense prestigieuse. Les changements de titulaires se succèdent cependant à un rythme rapide, soit que certains aient préféré le service du roi (en principe mieux rétribué), soit qu’ils aient été attirés par d’autres institutions nouvellement créées (Académies et Sociétés royales par exemple). Les premiers médecins du Roi ne semblent pas avoir brigué pour eux la charge de professeur royal, qu’ils n’auraient pu assurer étant donné les astreintes du service royal. André du Laurens, premier médecin d’Henri IV, sollicita la chaire nouvellement créée d’anatomie, pharmacie et botanique pour Pierre Ponçon, puis pour Jean Riolan. Lorsque Jacques Cousinot fut nommé premier médecin de Louis XIV en 1643, il demanda le transfert de sa chaire au nom de Jean Chartier, un des médecins servants du roi. Plusieurs exemples montrent que très vite l’enseignement au sein du Collège n’a plus semblé compatible avec l’exercice de la médecine, qu’il s’agisse de clientèle privée ou du service du roi. La santé du roi et de ses proches, la fréquence des déplacements, les guerres nécessitaient un encadrement médical de plus en plus lourd, de plus en plus important. Le nombre de médecins ne cessa de croître dans les comptes des maisons du roi, sans compter les médecins consultants qui tendaient à devenir permanents. Cela pourrait expliquer en partie la fréquence et la rapidité des démissions que l’on observe au Collège ; à part quelques exceptions notoires (Jean Riolan par exemple), des titulaires nouvellement nommés restent en poste quelques années à peine, voire quelques mois seulement. Aux tracas et aux fatigues des visites et des soins aux particuliers devaient s’ajouter des soucis de santé personnels qui exigeaient une réduction d’activité. Goujet mentionne à plusieurs reprises la complexion délicate des médecins, les accidents vasculaires et cérébraux auxquels ils sont exposés, leur tempérament sujet à la mélancolie, aggravé par leur assiduité à l’étude et aux travaux intellectuels.
Les démissions en faveur d’un médecin nommément désigné par le titulaire en partance existent toujours sur le plan familial, mais elles se font aussi par affinité, ou en vendant la charge, ce qui est nouveau. Ainsi Riolan démissionna en faveur de Guy Patin ; Blacuod [Blackwood] alla trouver Claude Charles, encore en poste, et le pria de lui faire obtenir sa chaire, dit pudiquement Goujet [21], pour désigner ce qui semble bien avoir été une tractation financière. Claude Charles, né en 1576, destiné par sa famille à la magistrature, avait exercé pendant quelque temps le métier d’avocat et s’était imposé par sa maîtrise en littératures et langues anciennes et par sa connaissance des belles-lettres et de la philosophie. À vingt-huit ans, il abandonna le monde de la chicane et entama des études de médecine à Paris où il se distingua
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rapidement par la fluidité et l’aisance de sa parole et de ses discours en latin ; René Chartier, dans son Discours de Paranymphe, rapporte qu’il prononça un éloge de la médecine qui l’égala au dieu Apollon [22] ! Les titres de ses thèses pour le baccalauréat (1604 et 1605) et pour la licence (1606) témoignent de la même érudition, où grec et latin sont monstrueusement juxtaposés avec une égale sérénité [23]. Nommé docteur peu de temps après, il fut doyen de la faculté de médecine en 1608-09 et 1610-11 ; c’est à ce titre qu’il s’opposa à Jean Héroard, premier médecin de Louis XIII, qui avait reçu par lettres patentes l’intendance de la médecine et de la pharmacie pour l’ensemble du royaume ; Claude Charles fit promulguer par décret l’obligation de publier chaque année l’annuaire des médecins autorisés à exercer à Paris et de le distribuer chez les apothicaires, et avait déjà, en 1608, interdit aux médecins de Paris de consulter avec des médecins étrangers, hormis le premier médecin du roi et celui de la reine [24]. Il se lia avec Jean Riolan et appuya ses demandes en vue de la construction d’un théâtre anatomique. Il avait épousé Geneviève Piètre, fille de Simon Piètre le Jeune, dont il eut quatorze enfants. Le 17 septembre 1607, Simon Piètre se démit de ses fonctions de professeur royal en sa faveur ; Claude Charles obtint ses lettres patentes le lendemain, mais sa prestation de serment (et donc probablement aussi son entrée officielle en fonction) n’eut lieu que le 18 août 1608, entre les mains du Cardinal du Perron, Grand Aumônier de France [25]. Il semble que ses leçons aient eu une large audience, puisqu’il les poursuivit jusqu’en 1623 ; il demanda alors à démissionner de cette charge, en faveur de Blakwood, alléguant la fatigue et les soucis de ses consultations privées et de sa fonction de médecin ordinaire du roi Louis XIII, ou tout au moins de médecin consultant, aux côtés de Bouvard et de Seguin. Selon ses biographes, il mourut d’une espèce de mélancolie le 21 juin 1631, âgé de cinquante-cinq ans et fut enterré dans l’église de Saint Méry. Son épitaphe due à sa veuve (Geneviève Piètre ne mourra qu’en 1669) et à ses enfants énumérait, selon l’usage, ses titres et ses mérites [26]. On lui attribue un traité sur la syphilis, De lue uenerea, une compilation de 74 pages qui serait le cours dicté au Collège [27]. Son successeur au Collège, Henri Blacuod [Blackwood], était d’origine écossaise, mais né à Paris, fils d’un autre Henri Blackwood, également docteur en médecine de la faculté de Paris ; il fut reçu bachelier en 1608, licencié le 24 mai 1610, docteur la même année [28]. Personnage très discret, réputé pour l’élégance de ses manières et l’étendue de son savoir, il ne garda pas longtemps la chaire qu’il avait sollicitée, et s’en démit à la fin de 1626 ou au début de 1627, pour raison de santé et de caractère. Ensuite, il joua probablement un rôle diplomatique, il alla à Rome où il fut accueilli par le pape Urbain VIII qu’il avait soigné autrefois à Paris, quand ce dernier était encore nonce ; il séjourna à Venise, revint à Paris, et mourut à Rouen le 16 septembre 1634 ; il aurait rédigé un Commentaire sur les Pronostics d’Hippocrate en 1625 [29].
Si le roi restait le signataire officiel des nominations, les procédures en sont toutefois peu connues ; une remarque curieuse de Goujet concernant l’élection de Philippe Chartier au Collège Royal semble indiquer qu’en présence de plusieurs candidats, un concours était organisé, comme l’avait proposé Ramus, ou sur le modèle des nominations aux chaires de l’Université de Montpellier, payées sur la cassette royale directement (à la différence des docteurs de la faculté de médecine de Paris) [30]. La prise de décision pouvait aussi être le fait d’autres puissants du royaume. Lorsqu’en 1612, le Cardinal du Perron apprit que la chaire de chirurgie était vacante depuis 1605 et qu’un reliquat de six cents livres destinées aux lecteurs du roi était laissé aux mains des Receveurs Généraux de Paris, il fit « revivre » la chaire et y nomma son médecin personnel, Étienne de Lafont [31]. En 1627, le Cardinal de la Rochefoucauld fit nommer son protégé Jean Bérault ; en 1632, Alphonse de Richelieu, grand aumônier de France, fit nommer René
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Moreau sur la chaire de Denys Bazin mort en septembre de la même année. Beaucoup de ces médecins furent chargés de missions diplomatiques autant que médicales.
La chaire que Blakwood laissait libre fut donnée à Jean Bérault (1584 ?-1647), grâce à la protection du cardinal de la Rochefoucault. C’était une récompense que ce Parisinus, né dans les années 1580, avait méritée après plus de vingt ans de pratique médicale et de travaux érudits. Versé dans les langues anciennes et dans les belles-lettres, il avait donné des cours de philosophie au Collège de Calvi de 1602 à 1604, sous la direction de Guillaume Duval, avant de commencer des études de médecine à Paris ; licencié en mai 1618, docteur en 1619, il présida plusieurs thèses et devint docteur-régent [32]. C’est un des rares professeurs de médecine dont les cours prononcés au Collège aient été imprimés et conservés, et qui montrent que la vie de l’établissement n’était pas coupée de la vie politique. L’enseignement n’excluait pas les occasions de témoigner publiquement reconnaissance et fidélité au roi. Ainsi, en novembre 1527, Jean Bérault prononça un discours de remerciement adressé au Cardinal et consacré à l’éloge du roi tout en retraçant brièvement son cursus professionnel et universitaire, rappelant en particulier qu’il avait été en 1616 procureur de la Nation française à l’Université de Paris [33] ; en 1628, il prononça un Panégyrique de Louis XIII victorieux des Anglais et de La Rochelle et en fit imprimer le texte en même temps qu’une poésie en latin sur le même sujet [34]. Mais en 1631 Jean Bérault dut se démettre de sa chaire à la suite d’une hémiplégie et d’une aphasie qui le laissèrent affaibli physiquement. Il consacra alors son temps à des travaux de traduction commentée (Erasme, Plaute, Théophraste, Juste Lipse…), écrivit et réussit à prononcer un Discours adressé à Michel Le Mâle, abbé des Roches, chanoine de l’église de Paris, pour le remercier d’avoir contribué de ses deniers à la restauration de la Faculté de Médecine de Paris en 1643, et mourut en mars 1647. Son successeur fut Denys Bazin, nommé le 26 novembre 1631. Ce jeune Parisien, fils et petit-fils de médecins parisiens, bachelier en 1628, licencié et docteur en 1630, dut probablement au succès remporté par ses thèses ce poste qu’il occupa moins d’un an, car il mourut le 5 septembre 1632 [35].
Son successeur fut René Moreau, un des hommes les plus curieux de son époque. Né à Montreuil-Bellay, dans le Saumurois, fils de Mathieu Moreau, médecin du Duc d’Alençon et docteur en médecine de l’université d’Angers, René Moreau vint étudier la médecine à Paris et eut pour maîtres Simon Piètre et Claude Charles. En 1616, il prononça les discours de Paranymphes de la faculté de théologie et de celle de médecine. Il soutint sa première thèse en 1617 et les deux autres en 1618 [36] ; il fut reçu licencié en mai 1618 et docteur le 29 novembre de la même année. En 1618, il fut nommé médecin consultant à l’Hôtel-Dieu [37]. Il épousa la fille de Philippe Piètre (un des frères de Simon Piètre) [38], et partagea les opinions du clan Piètre-Riolan dans la lutte contre l’antimoine. Doyen de la faculté de médecine de Paris en 1630 et en 1631 [39], il fut invité par les magistrats au Châtelet pour consulter à propos de la maladie pestilentielle qui régnait alors à Paris et y présenta le 10 septembre 1631 un Mémoire sur les causes de cette maladie et les remèdes à y apporter [40]. Nommé Professeur royal de médecine et de chirurgie, après la mort de Denis Bazin, il reçut les lettres de provision le 9 septembre 1632, prêta serment le 22 mars 1633 et prononça son discours d’installation le 21 avril [41] : le panégyrique du roi en est une pièce obligée, comme dans tout discours d’installation, mais l’épître dédicatoire au cardinal de Lyon, Alphonse de Richelieu, alors grand aumônier de France [42], nous apprend que la nomination de René Moreau fut l’œuvre de ce frère du cardinal Louis-Armand de Richelieu qui soutenait lui, ouvertement, l’entreprise de Renaudot. Hasard ou politique de balance entre divers courants de pensée ? Si René Moreau adressa au même cardinal Louis-Armand de Richelieu le livre qui lui avait été commandité et payé par la Faculté pendant le conflit avec
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Renaudot en 1641, Défense de la Faculté de Médecine de Paris, contre son calomniateur [43], ce fut à Alphonse de Richelieu et à ses amis médecins qu’il dédia ses ouvrages érudits constitués essentiellement par des biographies et des éditions et traductions d’ouvrages auteurs modernes tel Pierre Brissot [44] et Jacques Du Bois [45], ou d’ouvrages anciens de l’École de Salerne [46] et d’Hippocrate [47]. S’il fut appelé en consultation auprès de Louis XIII dans sa dernière maladie et s’il participa à son autopsie, il ne semble pas avoir fait partie de la maison du roi, en dépit des titres qui lui sont attribués dans un billet d’invitation à ses obsèques le 19 octobre 1656 [48]. Guy Patin rend plusieurs fois hommage aux qualités morales et intellectuelles de ce médecin érudit [49]. Il possédait une bibliothèque magnifique (entre autres un exemplaire des Œuvres de Mondeville), que ses fils, également docteurs de la faculté de médecine de Paris et professeurs royaux, vendirent à bas prix après sa mort [50] ; lié avec beaucoup de savants de son époque, dont Gabriel Naudé, il travailla également sur le terrain en herborisant en Pologne et au Danemark. Si l’on peut considérer ses éditions savantes comme le support des leçons données au Collège et à la faculté de médecine [51], l’intérêt de René Moreau pour la « médecine pratique » (régimes de santé, diététique, introduction de médicaments nouveaux) mérite d’être signalé. Il s’intéressa en particulier au chocolat, produit exotique récemment importé du Mexique et qui fut très rapidement un phénomène de mode à Paris et dans toute l’Europe. Les médecins le recommandèrent, les Jésuites considérèrent que le chocolat préparé avec de l’eau ne rompait pas le jeûne. René Moreau traduisit en français le traité écrit en 1531 par le médecin et chirurgien andalou Antoine Colmenero [52]. Certes, ce que l’on regroupait sous le terme général d’hygiène faisait partie du cursus en médecine de la Faculté de Paris, mais les fonctions de médecin consultant que Moreau exerça à l’Hôtel-Dieu et la fréquentation des malades durent l’encourager dans cette voie ; ce fut en tant que praticien qu’il correspondit avec des médecins étrangers, tel Thomas Bartholin [53], et qu’il s’inscrivit ainsi dans la mouvance européenne des Consilia médicaux traitant de cas concrets, de descriptions cliniques (phtisie, angine) et d’opérations manuelles (laryngotomie) dont témoigne encore le projet d’écriture d’une Chirurgia, demeurée à l’état manuscrit. Par ailleurs, René Moreau se consacra à un genre littéraire particulier, les Vies d’auteurs médicaux, placées avant l’édition de leurs œuvres, dont on connaît le succès aux XVIIe et XVIIIe siècles en Europe ; le procédé permettait d’ancrer une doctrine médicale générale dans le cours singulier d’une biographie, ce qui les distinguait les Vitæ du genre du Tombeau ou Tumulus, recueil de pièces en l’honneur d’amis disparus [54].
Éditeur, traducteur de textes latins et espagnols, auteur, praticien, amateur de beaux livres, René Moreau apparaît comme une figure injustement négligée par les historiens. J’ajouterais l’humour à ces qualités, du moins dans sa jeunesse. Il est rare en effet que l’histoire ait gardé trace de facéties qui nous font pénétrer dans un monde de « carabins », amis de la plaisanterie érudite, très éloignée de la dignité professorale que les biographes attribuent à ces docteurs souvent jeunes encore. En effet, en 1614, âgé de vingt-sept ans, René Moreau publia un poème latin en distiques élégiaques, l’Anticalotta, qui répondait, selon les règles de la rhétorique universitaire de la dispute, au poème Calotta publié trois ans plus tôt par Jean Morel (1539- 1631), Principal du Collège de Reims, qui fut le maître entre autres de Bérulle. La question était importante : porter la calotte était-il salutaire ou non ? À travers le jeu des arguments historiques, ethnographiques et médicaux, le jeune Moreau se présentait en défenseur d’une forme d’hygiène moderne, opposée au confort traditionnel de la calotte fourrée réclamée par les vieillards (Jean Morel avait alors soixante-dix ans) [55] .
Par ailleurs, une chaire de médecine du Collège était restée vacante depuis la mort de Martin Akakia en 1605, et les Receveurs Généraux de Paris disposaient donc d’une réserve d’argent de 600 livres [56]. Le
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Cardinal du Perron remit cette chaire en circulation et y fit nommer en 1612 son médecin personnel, Étienne de Lafont. Personnage peu connu, peu cité, d’origine auvergnate selon Goujet, Étienne de Lafont aurait fait des études littéraires et philosophiques dans sa patrie et aurait commencé des études de médecine à Montpellier avant de s’inscrire à la faculté de médecine de Paris où il se fit connaître par son éloquence et son érudition. Il soutint ses thèses de baccalauréat en 1605, fut licencié en 1606, puis docteur [57]. La même année, il devint médecin personnel du Cardinal Le Perron. Il ne resta que cinq ans au Collège et démissionna en 1617 pour des raisons de santé. Il mourut l’année suivante et fut inhumé à Saint-Gervais.
Il fut remplacé la même année par René Chartier. Originaire du Vendômois, René Chartier (1572-1654), fils d’un marchand de Montoire, avait commencé par étudier les belles lettres, la philosophie et la théologie, et s’était fait connaître en composant quelques pièces latines en vers, des tragédies ainsi qu’une pastorale sur la conversion de Henri IV [58]. Après avoir enseigné les belles-lettres à Angers, il se rendit à Bordeaux pour étudier les mathématiques, puis à Bayonne, où il professa la rhétorique ; il semble que son séjour dans cette ville et ses nombreuses excursions dans les montagnes à la recherche des plantes médicinales soient pour beaucoup dans sa décision de venir à Paris poursuivre des études de médecine. En mai 1606, il fut chargé de prononcer les Paranymphes de cinq licenciés [59], en 1607, il soutint ses thèses en tant que bachelier et fut déclaré licencié le 19 mai 1608 [60]. Il soutint sa thèse des vespéries le 5 août 1608, et fut reçu docteur le 26 août ; l’année suivante, il devint docteur régent chargé des cours pour les apothicaires. Il avait épousé en janvier 1608 (donc avant d’être licencié, fait assez rare, mais sans doute lié à son âge : il avait déjà 36 ans) Françoise Boursier, fille de Martin Boursier, barbier-chirurgien, et de Louise Boursier née Bourgeois, sage-femme de la reine Marie de Médicis [61]. Le contrat de mariage en date du 18 janvier 1608 stipule que les parents Boursier fourniront une dot de 6000 livres (somme assez élevée pour l’époque) et s’engagent à lui faire obtenir une charge de médecin ordinaire du roi [62]. Le 16 juin 1609, il reçut ses lettres de provision pour être conseiller et médecin ordinaire par quartiers du roi Louis XIII et prêta serment entre les mains du premier médecin Pierre Milon le 10 septembre 1609 [63]. Les circonstances de cette nomination ne sont pas claires. R. Chartier versa à la veuve du médecin Maurice Joyau qu’il remplaçait une somme de 4200 livres ; un des griefs mis en avant par ses fils lors du procès qu’ils lui intenteront en 1638 après la mort de Françoise Boursier, fut d’avoir utilisé la dot de leur mère à cette fin [64]. En 1612, il fut nommé médecin des Dames de France, filles de Henri IV et sœurs du roi. Le 9 avril 1635, il obtint la survivance de sa charge pour son fils Jean, moyennant le paiement d’une somme de 12000 livres tournois et l’assurance de rester lui-même en poste jusqu’au dit paiement ; la résignation eut lieu le 13 avril 1639, mais René Chartier garda ses titres jusqu’à sa mort [65].
Il entra en fonctions comme professeur royal de chirurgie en 1617, après la démission d’Étienne de Lafont. Il n’y resta que six ans et démissionna en 1623, en faveur de Jacques Cousinot. Selon Goujet, Éloy et la plupart de ses biographes, il n’aurait pu continuer à assurer son enseignement, en raison des nombreux déplacements que la place de médecin des Dames de France exigeait de lui ; il avait accompagné Élisabeth en Espagne lorsqu’elle épousa le futur Philippe IV en 1615, et Henriette-Marie en Angleterre lors de son mariage avec Charles Ier ; un brevet signé par Louis XIII en date du 26 mai 1625 lui octroie une pension de 2000 livres par an au titre de médecin de la reine d’Angleterre, titre qu’il garda au retour de la reine en 1644. Resté veuf en 1631, René Chartier épousa le 18 mai 1634 Marie Lenoir, fille d’un avocat au Parlement, qui apporta 12000 livres de dot, dont 4000 pour la communauté, et une clause particulière en cas de décès de Marie, qui lui octroyait une somme de dix mille livres correspondant aux frais déjà engagés
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pour sa grande édition bilingue des œuvres complètes de Galien et d’Hippocrate. Il mourut le 29 octobre 1654, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, d’une apoplexie qui le surprit à cheval, selon Patin. Il consacra sa vie et son argent à son entreprise éditoriale qui le mena au bord de la misère. Pendant près de cinquante ans, il prêta des fonds aux libraires parisiens (Hubert Hunot, Pierre de Forges) soit pour se constituer une rente soit pour les aider à acquérir du matériel ou du papier. En 1638, ses fils Jean et Louis-Théandre l’accuseront encore d’avoir acheté une imprimerie avec les deniers de la communauté depuis le décès de leur mère ; l’inventaire fait après la mort de Chartier révèle des quantités incroyables de rames de papier entreposées dans la maison familiale, alors que lui-même était vêtu comme un gueux selon les priseurs [66]. Sans doute, ni les gages de médecin de roi, ni ceux de professeur du roi, 600 livres, versés en quatre termes égaux, n’étaient-ils payés régulièrement [67].
Comme d’autres lecteurs royaux, René Chartier a édité de nombreux ouvrages, par exemple la Medicina universa de Pardoux (Perdulcis), il a préfacé de nouvelles éditions des traités de Houllier et de Martin [68], mais il reste une figure exceptionnelle par le travail gigantesque qu’il entreprit dès 1630 : une édition complète bilingue (grec-latin) des œuvres d’Hippocrate et de Galien. On peut se demander dans quelle mesure l’entreprise de restauration des pères de la médecine occidentale ne fut pas un ultime sursaut de défense et de protection d’une doxa qui se fissurait alors que l’anatomie, la physiologie et la thérapie même étaient en pleine mutation. On peut aussi s’étonner que ce travail immense, mais tourné vers le passé, ait d’abord reçu l’appui du roi et du cardinal de Richelieu, avant même d’être proposé aux médecins de la faculté et du Collège. En effet, en 1530, René Chartier est médecin du roi, et à ce titre, se trouve auprès de Louis XIII malade et alité à Lyon ; c’est alors que le Cardinal engage Chartier à commencer (dare primordium) la grande œuvre et lui promet une aide matérielle. Quel est le but de cet immense ouvrage ? L’édition complète et corrigée des textes fondateurs de la médecine est un service à rendre aux futurs médecins, mais le livre sera aussi un joyau pour la bibliothèque du roi. L’entreprise éditoriale s’inscrit dans un contexte politique, elle doit servir les intérêts du roi autant que la médecine. Dans cette perspective, elle « s’inscrit dans une démarche universaliste et encyclopédique que l’on peut mettre en relation avec le contexte historique de l’Europe savante du XVIIe siècle » [69]. Chartier fait appel à la bibliothèque du roi et aux fonds d’amis érudits parisiens, il écrit aux bibliothèques en Italie, en Angleterre, en Allemagne, à Paris, il collationne manuscrits inédits et éditions anciennes dans les deux langues en vue de l’immense travail qu’il présente d’abord à l’occasion d’un symposium medicum où l’on retrouve René Moreau, Denis Guérin, Michel de la Vigne, Jacques Cousinot, avant de soumettre son ouvrage à l’approbation des docteurs régents de la faculté de médecine en 1539 [70]. Il mourut avant d’avoir terminé l’œuvre, dont il édita à ses frais les dix premiers volumes [71].
Pourtant, ce travail d’érudition n’a pas empêché ses contemporains, et malheureusement, la plupart des biographes ultérieurs, de tenir en piètre considération son auteur. Guy Patin, qui ne l’aimait guère, ne lui épargna ni sarcasmes ni méchancetés. Envie, jalousie professionnelle ? On ne sait. Mais il ne faut pas exclure le fait que les opinions avancées d’un des fils au moins de René Chartier, opinions très critiquées par la doxa de la faculté de médecine de Paris, aient pu contribuer à isoler la famille Chartier du monde médical bien-pensant, et ceci d’autant plus qu’elle bénéficiait de la faveur royale. Jean et Philippe Chartier se montrèrent en effet partisans déclarés de l’antimoine [72].
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III. L’anatomie au cœur des querelles entre médecins et chirurgiens.
Daté du 8 décembre 1593, un édit d’Henri IV créait une cinquième régence à l’Université de Médecine de Montpellier pour la démonstration de l’anatomie de l’homme et des plantes ; elle fut attribuée à Maître Richer de Belleval en décembre 1593 et enregistrée au livre des privilèges. Pierre Richer de Belleval (1595-1623) avait la charge d’enseigner l’anatomie pendant l’hiver et d’expliquer les plantes, tant étrangères que domestiques, pendant le printemps et l’été. Il obtint d’Henri IV la création du Jardin des Plantes, dont il fut le premier administrateur. En août 1595, Henri IV lui adjoignit par édit un dissecteur anatomiste royal en l’Université qui fut Barthélémy Cabrol. Les deux charges étaient payées directement sur la cassette royale, comme les autres postes d’enseignement à l’Université de Montpellier. En 1597, la chaire d’anatomie et de botanique fut complétée par une régence de pharmacie et de chirurgie [73].
En 1595, Henri de Monantheuil (1536-1606), professeur royal de mathématique, ancien doyen de la faculté de médecine, adressait au roi Henri IV un Discours où, dans la lignée de Ramus, il défendait des projets destinés à améliorer les conditions de vie et d’enseignement des professeurs du collège royal, avec la création d’un jardin des plantes, des démonstrateurs d’anatomie, une chapelle, l’adjonction de la bibliothèque royale [74]. Henri IV augmenta les subventions accordées aux professeurs, et sur les conseils de son premier médecin André du Laurens, fonda une nouvelle chaire d’enseignement au Collège parisien sur le modèle de celle créée à l’Université de Montpellier, mais plus complexe dans son intitulé, puisqu’elle réunissait trois disciplines, l’anatomie, la botanique et la pharmacie, toutes trois à la marge de l’enseignement plus théorique de la Faculté, toutes trois inscrites dans une lutte séculaire entre corps professionnels distincts, mais en même temps ouvertes sur le renouvellement des connaissances et des pratiques. Le premier titulaire de cette chaire est peu connu, ce fut Pierre Ponçon, originaire d’Antibes, venu étudier la médecine à la Faculté de Paris. Fait bachelier en 1593, il obtint la licence en 1595 [75]. Il mourut jeune, en juillet 1603, épuisé par ses cours et ses consultations, disent ses biographes. L’année suivante, André du Laurens fit nommer Jean Riolan sur cette même chaire [76]. La volonté royale de favoriser des cours publics d’anatomie au sein de l’Université peut être interprétée comme une tentative de mettre fin aux relations conflictuelles entre médecins, chirurgiens et barbiers de Paris pendant tout le XVIe siècle [77]. Jacques Houllier, doyen de la faculté de médecine de Paris en 1547, avait inscrit dans les Commentaires les devoirs des barbiers envers la Faculté, et avait précisé les conditions auxquelles seraient soumis le paiement des droits d’inscription aux leçons et le déroulement des dissections ; les noms des barbiers en règle seraient inscrits sur les registres de la faculté, on les préviendrait des horaires des séances de dissection, il leur était interdit de suivre d’autres leçons que celles des docteurs-régents de la faculté de médecine de Paris ou de docteurs approuvés par elle ; en échange, la faculté accédait à leur demande d’appellation de barbiers-chirurgiens à condition que leur admission à la maîtrise fût sanctionnée par des épreuves auxquelles deux docteurs de la faculté devaient participer [78]. Néanmoins, les incidents n’étaient pas rares lors des démonstrations anatomiques. Le 15 mars 1555, François Brigard, récemment élu professeur ordinaire [79], avait vu le barbier-chirurgien qu’il avait choisi pour pratiquer la dissection dans les écoles (anatome in scholis) pris à partie et chassé par des étudiants en armes [80].
Par ailleurs, le Collège des chirurgiens de Paris rappelait avec constance la lettre d’octroy qui lui avait été accordée par François Ier en janvier 1544 et confirmée ensuite par lettres patentes d’Henri II, de Charles IX et d’Henri III [81]. La lettre de 1544 reconnaissait l’utilité de l’art de la chirurgie et accordait aux « Professeurs, Bacheliers, Licenciez et Maistres en iceluy Art de Cyrurgie » les mêmes « privilèges, franchises, libertez, immunitez et exemptions dont les Escoliers, Docteurs, Regens et autres Gradués et
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Suppostz de nostrediste Université ont accoutumé de joyr et user », à charge pour eux de se tenir tous les premiers lundis du mois dans l’église paroissiale de St Côme et St Damien, de 10 heures à midi, « pour visiter et donner conseil en l’honneur de Dieu, et sans rien en prendre, les pauvres malades » de Paris et des provinces du royaume. La lettre stipulait également qu’aucun écolier ne serait admis au Collège de Chirurgie s’il n’était d’abord grammairien et instruit en la langue latine, pour répondre aux examens dirigés par les prévôts et maîtres chirurgiens de Paris [82]. C’était reconnaître officiellement le double statut des chirurgiens de robe longue : une corporation professionnelle soumise à l’autorité du prévôt mais organisée selon le modèle universitaire, avec un enseignement théorique et pratique (anatomie et chirurgie), des épreuves et des grades. Dans les faits, la situation était plus complexe ; les Commentaires font état des griefs accumulés contre les chirurgiens de la communauté de Saint-Côme toujours considérés comme des scolastici de la faculté de médecine et non comme des licenciés ou maîtres constituant une cinquième Faculté. En tant que disciples des médecins, les chirurgiens étaient tenus d’assister aux cours des maîtres-régents, de payer les droits d’immatriculation, de prêter serment ; en échange ils bénéficiaient des privilèges accordés par l’Alma Mater. Forts de leurs droits octroyés par le roi, les chirurgiens firent preuve d’insubordination… Le 9 décembre 1551, le doyen Jean du Hamel exposa longuement en assemblée les raisons qui justifiaient l’exclusion des chirurgiens de l’Université et le décidaient à porter l’affaire devant la justicet [83] ; le 13 février 1552 un arrêt du Parlement imposait la présence de quatre docteurs en médecine aux examens de maîtrise en chirurgie [84].
L’intérêt qu’Henri III marqua pour la chirurgie et pour les chirurgiens relança les débats. En 1474, il créait la première chaire de chirurgie au Collège des lecteurs royaux pour Martin Akakia ; en janvier 1576 il donnait des lettres patentes qui confirmaient les chirurgiens dans leurs privilèges en tant que membres de l’Université ; le 10 janvier 1577, une lettre de déclaration fait suite à une nouvelle demande de la part des chirurgiens : non seulement la lettre confirme leurs privilèges, mais elle les autorise à faire « lectures publicques tant en notre dicte Université que ailleurs où bon leur semblera, de leur dict art ou science de Chirurgie, faire demonstrations anatomiques, bandages ou des simples, ou toutes autres concernant leur art, sans qu’ilz y puissent estre troublez ny empeschez tant par nos Suppostz de ladicte Université que aultres, auxquels nous avons tres expressément deffendu et deffendons par ces presentes de les y troubler ny empescher.. » [85]. Ces lettres comme les précédentes restèrent sans effet ; les chirurgiens en appelèrent au pape et obtinrent le 11 janvier 1579 un indult signé par Grégoire XIII autorisant les chirurgiens licenciés, maîtres et professeurs à recevoir la bénédiction du chancelier de l’Université de Paris ; il resta également lettre morte [86].
Plusieurs révisions des statuts de la faculté se succédèrent sans apporter de changement notable dans les relations entre chirurgiens et docteurs régents [87]. La réglementation de la démonstration anatomique et de l’obtention légale des cadavres ne subit pas de changement : « Tous les ans les lecteurs ordinaires de l’École feront au moins deux Anatomies, dans la saison convenable, aux écoles des Médecins, et seront préférés à tous autres dans l’obtention des cadavres du magistrat. Les magistrats seront priés de n’accorder à personne de cadavre à disséquer, que sur la demande du Doyen ; et celui-ci observera d’en faire donner d’abord aux professeurs ordinaires de l’École, pour être disséqués publiquement, ensuite aux Professeurs royaux de Médecine, si quelques-uns d’entre eux veulent démontrer publiquement l’Anatomie, ensuite aux autres docteurs ou au défaut de ceux-ci aux chirurgiens qui voudront les disséquer publiquement ou en particulier » [88]. Le protocole de la dissection reste identique : l’enseignement théorique de l’ostéologie doit précéder la démonstration anatomique, l’annonce de la dissection est faite en latin à l’avance, les
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barbiers fournissent le dissecteur ou sector, un archidiacre ou demonstrator est nommé par décret à partir de 1576 [89], les chirurgiens sont les derniers à bénéficier des corps nécessaires à la démonstration.
Reste un point essentiel : où pratiquer l’anatomie ? Les Commentaires signalent des dissections faites in scholis, mais ne mentionnent pas d’amphithéâtre permanent au cours du XVIe siècle ; en 1604, sous le Décanat de François Duport, le premier théâtre anatomique fut construit, « en quinze jours », précise Hazon [90], sous la direction de Monantheuil et Marescot, commissaires nommés par la faculté, mais il ne fut jugé ni assez grand, ni assez solide ; il fut détruit lors d’un incendie. La nécessité de construire un amphithéâtre pour enseigner l’anatomie aux écoliers, sur le modèle de ceux construits par plusieurs universités en Europe dès la deuxième moitié du XVIe siècle [91], était défendue par plusieurs lecteurs royaux, docteurs-régents de la faculté, parmi lesquels Riolan fils et Claude Charles. La faculté présenta une requête en vue d’obtenir un terrain contigu au petit jardin botanique de la rue des Rats et attenant aux écoles, terrain alors occupé par son propriétaire, Julien Évan, qui y avait entrepris des travaux de construction. Le 18 juin 1608, elle obtint du roi Henri IV des lettres patentes qui contraignaient Évan à vendre sa maison à la faculté, et exigeaient du doyen le remboursement des dépenses et frais déjà supportés par l’ancien propriétaire tant pour l’acquisition du terrain que pour les travaux. Évan fit opposition mais fut débouté. Il restait à trouver l’argent nécessaire pour rembourser l’ancien propriétaire ; la faculté n’était pas riche, elle dut emprunter. Une expertise des lieux fut faite par des gens de métier pour estimer l’indemnité à laquelle Évan avait droit ; on vérifia également l’état des petites maisons attenantes appartenant à la faculté : les fondements de l’une d’elles, donnée en location au docteur-régent Nicolas Marchant, avaient été ébranlés par les ouvriers d’Évan, un mur mitoyen « ez danger de cheoir d’heure a aultre » devait être repris et consolidé. Réunis en bureau le 28 juin 1608, les docteurs régents donnèrent procuration à Guillaume Lusson et à Nicolas Jabot d’emprunter « deniers à constitution de rente ». Le doyen emprunta 3000 livres à l’un de ses docteurs-régents, Barthélémy Pardoux (Perdulcis), qui louait une des maisons depuis 1560, et transcrivit toutes les transactions dans les Commentaires de la faculté [92]. Des plans furent dressés pour la construction du théâtre anatomique qui serait « l’ornement des écoles de médecine » (theatrum anatomicum futurum scholarum ornamentum) [93]. Le 6 novembre 1614, le nouveau doyen Le Vignon recopiait dans les Commentaires une supplique au Parlement déposée par Jean Riolan le Jeune et Claude Charles en vue d’obliger la faculté à financer la construction de l’amphithéâtre sur ses réserves [94] ; le 9 décembre 1614, l’assemblée des docteurs rendait un blâme envers les auteurs de cette supplique et les avertissait de s’abstenir de ce genre d’actions (ab ejusmodi libellis supplicibus abstinerent) s’ils ne voulaient pas entrer en litige contre l’autorité de la Faculté [95]. En janvier 1617, le Parlement ordonna d’affecter des fonds de la faculté à un amphithéâtre qui serait construit sur la partie du jardin attenant à la rue de la Bûcherie ; en septembre 1617, la faculté céda sur le fond mais obtint de rester dans ses murs [96]. Les travaux commencèrent en octobre 1617 ; l’amphithéâtre était construit « à jour », c’est à dire avec des ouvertures fermées par un treillis, sans vitres [97]. Terminé en 1620, il dut être réparé douze ans plus tard. Tel quel, il semblait cependant répondre aux vœux de l’anatomiste Jean Riolan, si on en croit la description de « l’amphithéâtre idéal » qu’il dresse dans le premier livre de son Anthropographia publiée en 1526. Reprenant les idées de Pierre de la Ramée, il se dit partisan convaincu des mérites de l’exercice anatomique et des pratiques d’herborisation, plus utiles à la formation des jeunes médecins que l’usage des controverses. Une série de préceptes définit alors les conditions idéales pour faire de bonnes anatomies : dans un lieu sain, qui ne soit pas exposé au soleil de midi, il convient d’édifier un théâtre de préférence de forme ronde (car cette figure contient davantage de spectateurs), ouvert à tous vents pour
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dissiper les vapeurs et les puanteurs et pour faire entrer la lumière ; les matériaux seront choisis pour durer (la pierre) ou par souci d’économie (le bois). Le confort des spectateurs sera assuré par une couverture qui les protègera des intempéries. Au centre, sera dressée une table sur laquelle on couchera le corps, visible de tous côtés. La hauteur et l’espacement des gradins seront calculés de sorte que tous puissent voir sans gêner ni être gênés. C’est sur ce modèle idéal, que l’amphithéâtre de la faculté de Paris fut édifié « aux dépens des médecins seulement » précise l’auteur [98].
Aux raisons scientifiques qui persuadent les médecins de la nécessité de la dissection pour comprendre et enseigner l’anatomie du corps humain, s’ajoute la volonté de s’opposer aux chirurgiens qui continuent à se prévaloir d’une meilleure connaissance du corps ; en juillet 1611, Louis XIII leur donne des lettres patentes Portant confirmation des Privileges Statuts du College Royal des Professeurs en la Faculté de Chirurgie, faisant partie du Corps de l’Université de Paris [99]. Le 14 février 1612, Charles Guillemeau, « aspirans et etudiant en chirurgie » [100], brigue le titre de docteur en chirurgie, avant d’entreprendre des études de médecine ; Séverin Pineau enseigne l’anatomie de la femme et défend des pratiques obstétricales hardies à son époque (par exemple la symphisiotomie), François Thévenin enseigne l’art de la lithotomie aux écoliers et étudiants du Collège de chirurgie ; tous deux sont des chirurgiens appartenant à la maison du roi et reçoivent une subvention, en tant que professeurs du « Collège Royal de Chirurgie », soutenus dans leur action par le premier médecin du roi Jean Héroard [101] ; des barbiers, Jacques de Marque, Nicolas Habicot, se détachent de la faculté de médecine et demandent leur affiliation au Collège de Chirurgie, mais les premières tentatives de rapprochement entre les deux corps échouent [102].
Le 26 février 1615, un arrêt du Parlement de Paris sur la requête du prévôt du Collège de chirurgie homologua le contrat par lequel les chirurgiens avaient acquis le 8 du même mois un terrain de la « Fabrique de Saint-Cosme » pour y édifier un amphithéâtre, pour la visite des malades et pour les « maistres du Collège pour y faire les lectures et anatomies démonstratives et autres actes de chirurgie » [103]. Lors de la construction de l’amphithéâtre, de forme carrée, de trois toises et demie de côté, complété par une galerie, les chirurgiens firent déposer dans les fondations trois médailles honorant les protecteurs (Henri IV, Marie de Médicis, Louis XIII) de la « faculté de chirurgie » [104]. Inauguré en novembre 1616, cet amphithéâtre, d’une capacité de 100 à 200 personnes, avait été édifié grâce aux deniers de la communauté, chaque chirurgien devant apporter un minimum de 300 livres tournois à l’entreprise [105]. Quant au nouvel amphithéâtre de la faculté de médecine, dont la rotonde était ornée d’un coq, insigne d’Esculape, il ne fut inauguré qu’en 1620 dans un climat toujours hostile et marqué par des luttes, procès et arrêts divers, pour la délivrance des corps. Ainsi, le mois de décembre 1620 est marqué dans les Commentaires par un épisode rocambolesque de cadavre de femme réclamé par la faculté en vertu de son droit de priorité, mais portée au logis du médecin du roi Delorme, sans qu’il y fût autorisé, en vue d’une démonstration publique. Un huissier mandaté au logis de Delorme afin d’emporter le corps pour la démonstration dans les écoles de médecine se voit répondre que le dit corps a déjà été délivré aux écoles, aux soins du doyen Gabriel Hardouin. Le 20 décembre enfin, la démonstration a lieu sous la présidence du docteur Charles Le Clerc, interpres et moderator, en présence d’une foule nombreuse d’étudiants et d’auditeurs [106]. En mars 1622, la faculté adresse une supplique aux messieurs du Parlement pour se plaindre d’un acte criminel opéré par les chirurgiens, en dépit de la défense faite au Prévôt de Paris et à son lieutenant criminel d’emporter un cadavre sans l’autorisation du doyen de la faculté de médecine ; un huissier a donc fait saisir un corps qui avait été emporté sans cette autorisation rue des Cordeliers et l’a ramené aux écoles. Des individus, armés d’épées et de bâtons, ont forcé la porte
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des écoles, ont battu, spolié et blessé avec grande effusion de sang quantité d’escholiers en médecine qui assistaient à une dissection faite et commentée par Jean Riolan ( J. Riolano dissectante et interpretante) ; Ils ont outragé le docteur, et ont enlevé le corps avec tumulte et grande violence [107]. Il faudra attendre la deuxième moitié du dix-septième siècle pour que l’enseignement et la démonstration de l’anatomie humaine soient imposés par le roi, dans des locaux du Jardin des Plantes, échappant ainsi à la tutelle de la faculté de médecine et de l’Université [108].
IV. Une figure d’exception : Jean Riolan le Jeune
Le nom de Jean Riolan le Jeune (1577-1657) est indissociable de l’histoire du monde médical parisien dans la première moitié du XVIIe siècle. La postérité a lissé l’image de celui qui signera certains de ses écrits sous le pseudonyme transparent d’« un vieux docteur de Paris », et en a fait le parangon de l’attitude intransigeante et passéiste qui régnait à la Faculté de Paris. Certes, il y bénéficiait d’appuis certains : son père et son oncle y étaient docteurs-régents et avaient favorisé ses études, voire les débuts de sa carrière [109]. Son père, également prénommé Jean, originaire d’Amiens, avait épousé Anne Piètre, fille de Simon Piètre. Docteur en médecine en 1574, ce Jean Riolan l’Aîné (1539- 1606) avait été doyen en 1586 et 1587 ; s’il partageait avec son beau-père Simon Piètre le goût des belles-lettres et de la philosophie, il emboîta le pas à son beau-frère, Simon Piètre le Jeune, dans les luttes contre les chirurgiens et les médecins chimistes, où il se fit remarquer par la virulence de ses attaques [110].
Jean Riolan le Jeune, né à Paris en 1577, suivit les traces de son père et son oncle. Il présenta ses thèses en 1602 et 1603 et fut reçu licencié le 31 mai 1604 [111]. La même année, il fut nommé docteur par son oncle Simon Piètre, et professeur royal d’anatomie et de pharmacie, en succession de Ponçon, grâce à l’intervention d’André du Laurens auprès du roi Henri IV ; Riolan tiendra gré au médecin du roi d’avoir reconnu ses mérites en anatomie, discipline à laquelle il consacrera toutes ses recherches [112]. Mais la pharmacie ? La création d’une chaire à double orientation reflétait bien la faveur dont ces deux disciplines jouissaient auprès d’Henri IV et de ses médecins. Dans le contexte des luttes entre la médecine spagyrique et la faculté de médecine de Paris, le choix de Riolan paraît à première vue surprenant ; mais les découvertes récentes faites par Adeline Gasnier dans le Laurus palmaria de Pierre Le Paulmier et dans les Commentaires manuscrits de la faculté permettent d’invalider ce jugement hâtif. Riolan, en tant que professeur royal, chargé des cours de pharmacie entre 1605 et 1607, aurait commencé à lire et à enseigner des théories contraires à la doxa de l’école de Paris, et plus particulièrement des Commentaires de Libavius ; une ou plusieurs censures furent déposées contre lui et en novembre 1607, un décret le priva de ses émoluments pendant deux ans. Les pages contenant ce décret furent supprimées des Commentaires de la faculté, et en juillet 1609, le décret fut abrogé… avant le procès en appel que Pierre Le Paulmier intenta à la Faculté et au principal censeur de son livre, Lapis philosophicus dogmaticorum. Ce censeur était Jean Riolan et l’avocat de la faculté se nommait Simon Piètre [113]. Retour dans le giron du galénisme ? Népotisme et langue de bois ? Quoi qu’il en soit, l’affaire Le Paulmier montre la difficulté des médecins de cette époque, fussent-ils galéniques de formation et de doctrine, à tracer une ligne de partage ; sans être paracelsiens, beaucoup étaient intéressés par la chimie et par l’expérimentation que cette dernière impliquait. La pharmacie avait devant elle un champ nouveau : découvrir et analyser non seulement le rôle des métaux mais aussi les propriétés chimiques des plantes, indigènes et exotiques (le tabac, le quinquina…). L’herborisation au programme des études de médecine ne pouvait plus se contenter du petit jardin des écoles. Déjà soumise au roi Henri IV en 1595 par Monantheuil, une requête en vue de
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l’établissement d’un jardin des Plantes dans l’Université de Paris fut présentée par Jean Riolan à deux reprises, en 1513 et en 1518 [114].
L’histoire a cependant retenu de lui ses positions rigoristes, ses jugements et ses condamnations sans appel. Il est vrai que Riolan écrivait, qu’il écrivait beaucoup. Contre les médecins chimistes Du Chesne et Turquet de Mayerne, contre Jacques Tissot et le chirurgien Nicolas Habicot dans l’affaire du géant Theutobocus, contre le médecin Jacques Duval qui avait écrit un ouvrage sur un hermaphrodite de Rouen, contre les médecins et l’Université de Montpellier, contre Théophraste Renaudot, contre William Harvey et son traité De motu cordis... Mais en même temps, il dictait ses cours, il pratiquait des dissections, il écrivait encore des traités d’anatomie, d’ostéologie, d’anthropographie, etc. Sans entrer dans le détail de chacune de ces querelles, il faut reconnaître qu’elles sont animées par le même souci opiniâtre de maintenir intactes des bases d’un savoir que l’on prétendait intangible.
À peine était-il sorti de la querelle avec les médecins spagyriques [115], qu’il s’inquiéta en 1613 pour un opuscule de 60 pages, publié par Nicolas Habicot, chirurgien bien connu de Paris, et dédié au roi par l’entremise de son premier médecin Jean Héroard, avec pour titre la Gigantostéologie ou Discours des os d’un Géant. L’affaire paraît mineure à première vue. Quelques mois auparavant, le chirurgien Pierre Mazuyer avait apporté à Paris quelques ossements découverts dans une tombe du Dauphiné, et les avait attribués à un géant de neuf pieds, qui aurait été le chef teuton Theutobochus, défait par Marius en 105 av. J. C. Jacques Tissot en publia l’histoire, en assurant qu’elle était véridique, sous le titre Discours véritable de la vie, mort et des os du géant Theutobocus. Il s’ensuivit une querelle sur l’existence et la taille des géants, qui opposa historiens, médecins et chirurgiens, de 1613 à 1618 [116]. Face au chirurgien Habicot, qui soutenait Mazuyer et Tissot, Riolan publia d’abord une Gigantomachie, puis en 1618, une Gigantologie, où il conclut raisonnablement à une imposture [117]. Il s’opposa ensuite au médecin Jacques Duval de Rouen sur la question de l’hermaphrodisme. En 1612, Jacques Duval avait publié l’histoire du procès d’un hermaphrodite de Rouen à qui il avait sauvé la vie grâce à un examen médical audacieux par le toucher, Des hermaphrodits, accouchemens des femmes, et traitement qui est requis pour les relever en santé, et bien élever leurs enfans ; deux ans plus tard, Jean Riolan publia un pamphlet, un Discours sur les hermaphrodites où il est demonstré contre l’opinion commune qu’il n’y a pas de vrais hermaphrodites, où il détournait le problème, mettait à l’écart la réalité vécue, jugée indécente, pour revenir à une discussion sur les mots [118].
Mais parallèlement aux pamphlets, Riolan faisait paraître ses premiers ouvrages scientifiques et mettait la main aux dissections. C’est une des contradictions les plus étonnantes du personnage : le respect des autorités anciennes, le conservatisme de la pensée, alliés à une pratique assidue de la dissection et à une véritable passion pour l’anatomie et plus particulièrement pour l’ostéologie, ceci jusqu’à un âge avancé :
« Néanmoins, bien que mon âge ait passé 50 ans, en ayant soixante et sept, ie ne laisse point de m’adonner continuellement aux estudes tant de l’Anatomie que de la Medecine, soit en écrivant, soit en enseignant, soit en pratiquant : car ie trouve encore en cet âge mon corps, aussi bien que mon esprit, infatigable, ayant tous les deux la mesme inclination et gayeté de cœur au travail, que Dieu par sa grace m’avoit donnée en ma ieunesse. Mesmement i’ay encore l’esprit et la main assez habiles pour les Opérations de l’Anatomie, que ie les ay eu autrefois [119]. »
En 1605, il avait publié ses réflexions sur deux jumelles nées à huit mois, qu’il avait eu l’occasion de disséquer [120] ; en 1607 parut sa Schola anatomica novis et raris observationibus illustrata, qu’il ne cessa de compléter et d’enrichir ; en 1613, il publia une Anatome corporis humani ; en 1614, une Osteologia,
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accompagnée de différents petits traités, d’inspiration galénique évidente, en même temps qu’une critique des anatomistes modernes et un éloge de Galien avec les commentaires de Jacques Du Bois [121]. En 1618, il publia une Anthropographia (plusieurs fois rééditée) [122], et en 1648 un Encheiridion anatomicum, sorte de manuel que les étudiants pourraient consulter au cours de la dissection :
« [J’ai écrit à la haste cet Abbrégé] afin que les Escholiers de Medecine s’en pussent servir en la dissection prochaine que i’ay resolu de faire et montrer publiquement, suivant ma coustume, aussi tos que sera venue la froidure de l’hiver, propre à cette opération anatomique, que nous attendons encore auiourd’hui le 24 fevrier [1649] que j’escrys ceci [123] . »
En fait, le manuel a aussi un but polémique, clairement énoncé : il faut que les médecins connaissent l’anatomie, par la pratique personnelle de la dissection, pour éviter d’être discrédités et accusés d’ignorance lors de consultations avec des chirurgiens et pour renouveler l’arsenal thérapeutique :
« Je ne suis pas du nombre de ceux qui souhaitent et ont besoin d’un dissecteur plus habile qu’eux pour rechercher dans le corps humain les pensées anatomiques conçues par la subtilité de l’esprit…J’ai ponctuellement et véritablement exposé les muscles de tout le corps et déclaré la méthode de les disséquer et de connaître leur situation naturelle. De plus j’ai ajouté une ostéologie nouvelle, inouïe, inconnue, mais très nécessaire à l’art… Ces parties de l’anatomie sont tellement nécessaires à un médecin qui veut tenir son rang conserver sa dignité et montrer son savoir dans les consultations et conseils de chirurgiens que, s’il les ignore, il est obligé d’acquiescer à leurs opinions et jugements ; car de tous les remèdes de chirurgie de pharmacie et de diète que les chirurgiens ont proposés par un long discours, ils ne laissent aux médecins que la seule faculté de prescrire de leur propre main la purgation et la saignée. De sorte que les chirurgiens seront dorénavant avec nous si on les laisse faire, les consulteurs des choses de la medecine, les qualificateurs des maladies, et les directeurs des cures. Je rougis de honte de rapporter et de voir le mépris qu’ils font des médecins étant remplis d’ignorance, de ce qu’ils savant l’anatomie, de laquelle ils se vantent d’être les vrais possesseurs et professeurs [124]. »
Même discours dans l’Anthropographie, où il justifie la nécessité pour un médecin de disséquer personnellement :
« Qu’on dise maintenant tant qu’on voudra que j’exerce une publique escorcherie, que je faicts le chirurgien et que je faicts tort à ma profession dont les docteurs ne doivent apprendre l’anatomie que dans les livres et ne sont tenus de l’enseigner que dans les harangues publiques. Quoi ! Peut-on bien dire que je fais une publique boucherie des corps pour ce que je les disseque de mes propres mains, qui est une action indigne d’un medecin, au dire de mes censeurs, et qui n’appartient qu’au chirurgien ? J’avoue bien qu’il y a en ceci plus de profit pour mes spectateurs que d’honneur pour moi. Comment peut-on jamais devenir bon anatomiste sans s’y exercer de l’œil et de la main ? [125]. »
Mais cet éloge de la dissection et du rôle de l’anatomiste, qui n’est pas sans rappeler celui que Vésale mettait au début du De humani corporis fabrica, cinquante ans plus tôt, inverse de manière fondamentale les rapports entre médecins et chirurgiens : là où Vésale décriait une perte de savoir due à l’incurie et à la négligence des médecins qui se détournaient de l’art manuel, Riolan ne voit que l’outrecuidance des chirurgiens qui tentent de prendre le pas sur les médecins universitaires. Aussi, sous le couvert d’un pseudonyme qui ne devait tromper personne, un « vieux docteur de la Faculté de Paris », Riolan s’en prend aux modernes qui ne partagent ni ses idées ni ses jugements. Dans le cinquième chapitre de l’Anthropographia, consacré à un rapide panorama des anatomistes modernes, peu échappent à son ironie
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ou à ses calomnies, visant aussi bien les erreurs de contenu que « l’impolitesse » du langage : Vésale est accusé d’avoir fait rédiger son ouvrage par un latiniste et Paré d’avoir acheté le sien à d’autres, Fuchs et Colombo d’avoir plagié le peu de bon de Vésale, Spiegel et Bauhin de s’être abondamment inspirés de ses propres ouvrages, tandis que du Laurens, qui l’a fait nommer professeur cependant, ne mérite que blâmes pour ses nombreuses erreurs [126].
Nommé premier médecin de Marie de Médicis en 1632, Jean Riolan suivit la reine-mère en exil et l’accompagna jusqu’à sa mort en 1642 à Cologne [127] ; lui-même dira que cette charge fut « laborieuse », parce qu’elle requérait sa présence continuelle, la reine-mère étant « valétudinaire », et qu’il ne put s’exercer à l’anatomie pratique tant qu’il fut à son service [128]. Il mourut en mars 1557, probablement à la suite d’une rétention d’urine [129].
Il est certain que Riolan fut un anatomiste de talent, et qu’il découvrit des structures anatomiques qui n’avaient pas été montrées avant lui (le crémaster, l’arcade dite de Riolan le long de la paroi du colon), mais ses positions rigides sont probablement la cause de ce qu’il n’a pas voulu ou pu voir, entraîné par son refus des nouveautés ; plusieurs opuscules anatomiques, Traité sur les veines lactées, Traité sur la circulation du sang, Traité de l’anatomie pneumatique, sont des critiques adressées nommément à Pecquet, à Bartholin, à Harvey, qu’il confond (volontairement) avec les empiriques et autres chimériques :
« Le temps, disait Tacite (et nous pouvons encore le dire avec lui) sont rarement assez heureux pour permettre à un chacun d’avoir les sentiments tels que bon lui semble et de dire hardiment ce qui lui vient dans la pensée ; mais nous pouvons dire aujourd’hui que notre siècle est trop rempli de ce bonheur, puisqu’il est permis à chacun, sans que les lois y pourvoient, de mettre au jour toutes les nouvelles opinions énoncées et pernicieuses que son caprice lui fournit. Aussi voyons-nous que l’ancienne et véritable médecine se corrompt et se pervertit entièrement tant par l’introduction de nouveaux monstres d’opinions chimériques que par l’exhibition de mille sortes de médicaments venimeux inventés par tous les hommes impunément. Un chacun invente à présent et fait la médecine comme il le veut et l’entend ; maintenant ce n’est plus la médecine qui guérit les malades ; mais tout ce qui semble avoir gueri est medecine [130]. »
Dans cette extraordinaire profusion d’écrits, il est facile aujourd’hui de relever les erreurs et les entêtements doctrinaux de celui que Guy Patin excusait en vertu de son tempérament « tétrique » [131]. L’existence du Jardin Royal allait donner à Louis XIV l’occasion d’intervenir non seulement dans l’institution, mais encore dans le contenu de l’enseignement médical en officialisant l’enseignement et la démonstration anatomiques de la théorie de Harvey en-dehors des institutions universitaires traditionnelles. Le Collège Royal, dans la mesure où il n’avait pu se détacher suffisamment de l’emprise de la faculté de médecine, allait nécessairement se ressentir de la perte de prestige de celle-ci et de la lente érosion de son pouvoir au cours du XVIIe siècle.
Notes
[1] Voir par exemple le rapport d’autopsie de Charles IX signé par ses médecins (Mazille, Vaterre, Gaudin, Vigor) Lefevre, Piètre, Brigard, Lafillé, Duret) et par ses chirurgiens (Paré, d’Amboise, Du Bois, Portal, Eustache, Dionneau, Lambert, Cointret, Guillemeau), celui d’Henri III signé par les médecins Lefevre, Dortoman (sic), Regnard, Heroard et par les chirurgiens qui l’ont embaumé (Portail, Lavernot, d’Amboise, Vavdelon, Legendre) , ou celui d’Henri IV signé par ses médecins Delorme, Regnard et Héroard, des médecins consultants (Lemaître, Falaiseau, Turquet de Mayerne, Hubert, Miré, Carré, Aubry, Yvelin, Seguin) et des chirurgiens de la maison du roi (Martel, Pigray, Guillemeau et Regnaud) et consultants (Delanoué, bachelier, Robillard…). Voir LUNEL (2008), VONS ET SAINT-MARTIN (2009), LE FLOCH-PRIGENT, BONNICHON ET PARIENTE (2009).
[2] Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1642-1643, f°173 : copie du rapport d’autopsie. Les titres des assistants faisant partie des maisons médicales royales sont précisés dans le procès-verbal : Bouvart (premier médecin du roi), Seguin (premier médecin de la reine régente), Vaultier (premier médecin de la feue reine mère), Bruyner (premier médecin du duc d’Orléans), Chicot et Conrade (médecins alors en quartier), Pierre Yvelin (médecin de la reine régente), Jean de Nogent (médecin servant le duc d’Orléans), Baptiste Bontemps (premier chirurgien et valet de chambre du roi), Nicholas Pescheval (premier chirurgien de la reine régente), Mathieu Colart (premier chirurgien du duc d’Orléans), Antoine Regnault, Pierre Lycot et Alexandre le Roy (chirurgiens servant le roi), à qui s’étaient joints Sébastien Colin, chirurgien de robe longue et Jacques le Large, maître chirurgien à Paris. Voir LUNEL (2008) et (2009).
[3] Ms BIU Santé, Commentarii IV, 1525, f° 179r. Cf. CONCASTY (1964), p. XCV.
[4] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1552 (1553), f° 275r-277r. Cf. CONCASTY (1964), p. 540-541. Le transfert dans l’île n’eut cependant pas lieu.
[5] Michel Marescot (1539-1605), orphelin de bonne heure, fut envoyé par son frère Guillaume, son tuteur, à Paris. Après une maîtrise ès arts obtenue en 1557, il commença par enseigner la philosophie au Collège de Bourgogne et suivit les cours de Jacques Du Bois avant de prendre ses grades à la faculté de médecine de Paris. Bachelier en 1564, il fut élu recteur de l’université le 16 décembre de la même année. Licencié en 1566, docteur le 17 octobre de la même année, il présida ensuite plusieurs thèses et démonstrations anatomiques, et donna des cours aux barbiers-chirurgiens. En 1588, il fut élu doyen de la Faculté de Médecine. Il obtint des lettres de noblesse en mars 1596, enregistrées à la Cour des Comptes le 22 avril 1597. Il fut nommé médecin ordinaire d’Henri IV en 1595, puis son premier médecin.
[6] HAZON (1778), p. 68.
[7] Voir THOU (1652), p. 9. Le récit des événements est suivi de Remarques et Considérations tirées du De morbis animi de B. Perdulcis par le traducteur Congnard. Voir aussi MANDRESSi (2006).
[8] Ms BIU Santé, Commentarii V, 2 mars 1535 (1536), f° 255 : le texte de l’arrêt est en français.
[9] Par exemple, l’affaire Charles Estienne en 1545 ou le débat Piccolomini en 1555. Cf. CONCASTY (1964), p. XCII-XCIII.
[10] Cf. LUNEL (2008), p. 96- 104. Sur Roch le Baillif et le Demosterion, voir BAUDRY (2005).
[11] Cf. KAHN (2007), p. 366-367.
[12] Apologia, p. 91 : (Collegium Medicorum) non tantum Quercetani libros spagyricos damnat unanimi consensu, sed etiam artem ipsam spagyricam (« L’assemblée des médecins condamne unanimement, non seulement les livres spagyriques de Du Chesne, mais aussi l’art spagyrique même »).
[13] GOUJET (1971), p. 310, attribue cette Responsio à Riolan fils.
[14] Plusieurs libelles se succèdent à un rythme rapproché, tous publiés chez Adrien Périer à Paris : Brevis excursus in Battologiam Quercetani quo Alchymiæ principia funditus diruuntur, et artis vanitas demonstratur, 1604 ; Ioannis Antarveti [Riolani] Medicinæ Candidati Apologia, pro iudicio Scholæ Parisiensis de Alchymia. Ad Harveti et Baucyneti recoctam cramben [au chou confit], 1604 ; Incursionum Quercetani depulsio, 1605 ; Comparatio veteris medicinæ cum nova, Hipocraticæ cum Hermetica, Dogmaticæ cum Spagyrica, 1605 ; Censura demonstrationum Harveti pro veritate Alchymiæ, per Ioannem Riolanum filium, Anatomiæ et pharmaciæ professorem Regium, 1606. Sur Harvet et Baucinet, cf. KAHN [2007], p. 382, n. 135.
[15] Voir le récit détaillé dans KAHN (2007), p. 233-251, 258- 273, 357- 409..
[16] Simon Piètre l’Aîné (1525-1584) avait été docteur de la faculté de médecine de Paris en 1550, lecteur ordinaire de 1553 à 1555, doyen de cette même faculté en 1564 et 1565. Ami de Pierre de la Ramée, il aurait échappé au massacre de la Saint-Barthélémy en se réfugiant dans l’abbaye de Saint- Victor, sur le conseil de son gendre Jean Riolan. Il fut l’un des médecins appelés au chevet de Charles IX mourant, en même temps que Legrand, et soigna le roi Henri III. Il fut mêlé à la dispute sur l’antimoine entre Jacques Grévin et Louis de Launay de la Rochelle ; c’est pendant son décanat que la Faculté condamna par un décret du 3 août 1566 l’usage de l’antimoine (stibium) comme substance délétère et vénéneuse ; le Parlement entérina le décret l’année suivante, et interdit son emploi sans prescription médicale.
[17] Le tempus studendi, normalement de deux ans entre le baccalauréat et la licence, pouvait être raccourci pour les fils des docteurs-régents. Voir GOUJET (1971), p. 307- 309.
[18] Disputatio de uero usu anastomoseon uasorum cordis in Embryo, ad Andream Laurentium, Tours, Jamet Mettayer, 1593 [réfutée par André Du Laurent la même année sous le titre Apologia pro Galeno] ; Lienis censura in acerbam admonitionem Andreæ Laurentii, Tours, C. de Montroeil, 1593 ; Noua demonstratio et uera historia anastomoseon uasorum cordis in Embryo cum corollario : de uitali facultate cordis in eodem Embryo non otiosa, Tours, Jamet Mettayer, 1593.
[19] Une épitaphe fut placée par Philippe Piètre, un de ses fils, avocat au Parlement de Paris, et beau-père de René Moreau : Simon Pietre / Vir pius et probus / Hic sub dio sepeliri voluit / Ne mortuus cuiquam noceret / Qui vivus omnibus profuerat (« Simon Piètre, homme pieux et probe, voulut être enseveli sous ce monument afin que mort, il ne nuise à personne, lui qui, vivant, avait été utile à tous »), cité par Éloy, Dictionnaire historique, Mons, III, p. 561. Sur la famille des Piètre, voir VONS (CdF). Simon Piètre le Jeune avait un frère, Nicolas Piètre, également docteur de la faculté de médecine de Paris, doyen de 1626 à 1628, qui mourut l’Ancien de la Faculté en 1649. L’Ancien (ou le plus âgé) des docteurs régents bénéficiait de quelques avantages et prérogatives : il percevait le double des honoraires et, même absent, recevait des jetons de présence, il pouvait convoquer l’assemblée en cas d’absence du doyen. Ce Nicolas Piètre eut un fils, Jean Piètre, docteur de la même faculté.
[20] C’est le cas par exemple de Barthélémy Pardoux (Perdulcis) qui consulte avec des chirurgiens, et de Pierre Le Paulmier, accusé par Riolan de sympathie avec Du Chesne. L’étude de cette querelle à travers les Commentaires de la Faculté (1609) a fait l’objet du mémoire de Master 2 d’Adeline Gasnier (CESR), cf. GASNIER (2010 et 2012b).
[21] GOUJET (1971), p. 321.
[22] GOUJET (1971), p. 315.
[23] Titres des thèses : An actionis causa eukrasia ? (« Une heureuse composition [de l’âme] est-elle la cause de l’action » ?), An Dysenteriæ utilis purgatio ? (« Purger est-il utile en cas de dysenterie » ?), An potus cibo premitti [sic] debeat ? (« Faut-il donner à boire avant une nourriture solide » ?).
[24] Voir chapitre suivant.
[25] Selon GOUJET (1971), p. 315, Claude Charles vit en 1623 ses gages annuels qui se montaient auparavant à 900 livres augmenter de 300 livres. C’est un des rares renseignements que nous ayons sur les émoluments des professeurs du Collège.
[26] GOUJET (1971), p. 315 : Claudius Charles Consiliarius medicus Regis ordinarius, Medicinæ Artis in Academia Parisiensi Doctor, et Professor Regius, Medicinæ artem ita pie, probe meriteque excoluit, ut a Rege, Principibus populoque nomen Medicorum principis meruerit.
[27] Andry, Encyclopédie méthodique, http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?07410xM04. Le manuscrit conservé à la Bibliothèque du Roi, pourrait faire partie du MS actuel n° 3608, Recueil d’opuscules de médecine, ou avoir été attribué par erreur à Charles ; un De lue uenerea figure dans le Recueil des œuvres médicales de Jean Riolan, manuscrit 3601 (Bibliothèque Mazarine de Paris).
[28] Le sujet de la première thèse reprenait le vieux débat sur le rôle de l’homme et de la femme dans la conception, An duo generationis nostræ primordia ?, la seconde thèse traitait de l’apoplexie, An apoplexiæ senex quam iuuenis opportunior ?, voir GOUJET (1971), p. 320-321, qui cite également le titre du recueil des Paranymphes qu’il prononça et fit imprimer en 1608, H. Blacuodei, Parisiensis Baccalaurei Medici, elogia in Scholis Medicorum […].
[29] PATIN, Lettres, éd. L. Jestaz (2006), t. II, p. 1341, n. 1 et 2.
[30] GOUJET (1971), p. 334 : « Lorsqu’il fut nommé Professeur au Collège Royal, il eut cinq compétiteurs ; mais il l’emporta à la Dispute ».
[31] GOUJET (1971), p. 316.
[32] GOUJET (1971), p. 323-324.
[33] Gratulatio Ludovico XIII, Regi Christianissimo, justissimo, invictissimoque, ob collatum Regiæ Professionis beneficum, Paris, François Targa, 1628. En 1616, Jean Bérault avait prononcé un Discours pour le doctorat de Pierre Hardivilliers et l’avait publié sous sa double fonction de Procurator et Sorbonicus Paranymphus, voir GOUJET (1971), p. 324.
[34] Panegyricus Ludovici XIII Regis Christianissimi, justissimi, invictissimi, ob expugnatam Rupellam, victos et fugatos Anglos, Paris, François Targa, 1628 [dédicace à Richelieu], suivi de Pompa Triumphalis Christianissimi Regis Ludovici XIII a Rupella capta [poème sur 4 pages]. La même année, il traduisit le Panégyrique en français, et le publia chez le même éditeur. En 1640, il publia également sa traduction en français de l’Euphormion de Jean Barclay [rééd. Alain Cullière, Paris, Klincksieck, 2000].
[35] GOUJET (1971), p. 325.
[36] Titres des thèses : An Physiologia medica solius corporis ? (« N’y a-t-il une physiologie médicale que du corps » ?), An pesti remedia ? (« Quels remèdes conviennent à la peste » ?), An strophois refrigerantia ? (« Les médicaments réfrigérants conviennent-ils aux coliques » ?). Cf. GOUJET (1971), p. 326.
[37] En 1619, son traitement est de 1200 livres, sans nourriture ni logement. En 1636, on lui adjoint un « médecin expectant », Denyau, sans traitement. En 1638, le bureau de l’Hôtel-Dieu décide de rétribuer trois médecins (600 livres chacun) : Moreau, Cappon et Ferrand. Ce dernier fut remplacé en 1639 par Dupré. En 1648, Dupré, nommé médecin du grand Condé, sera remplacé par le fils de Moreau. Cf. BRIELE (1870), p. 27.
[38] LEHOUX (1976), p. 6, n. 47 [contrat de mariage].
[39] Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1631-1632, f° 249r.
[40] MOREAU, R., Remontrances de M. Moreau, doyen de la Faculté de médecine, à M. le lieutenant civil, touchant les défauts de police qui fomentent et augmentent la maladie contagieuse, tels que font les boues et les égouts, qui, à faute d’être nettoyés, corrompent l’air ; la vente des mauvais fruits, melons, concombres, qui servent de matière à allumer le feu de tant de fièvres que nous voyons dégénérer en pestilentielles et contagieuses ; la foule des pauvres aux églises et aux rues, qui sortent le plus souvent mal guéris de la maison de santé ; un nombre infini de charlatans qui font de la médecine avec des drogues pestilentielles, et autres abus et manquemens, desquels ils sont prêts de dresser les avis. Source : Encycl. Méthodique, NES- NOU, p. 280
[41] MOREAU, R., De manu regia oratio panegyrica et inauguralis habita in collegio Cameracensi regio, die jovis 21 aprilis, a Renato Moreau, medicinæ et chirurgicæ professore regio, Paris, Jean Libert, 1632.
[42] Créé cardinal en 1629, grand aumônier de France en 1631, Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu (1582- 1653), exerça les fonctions de recteur de la Sorbonne, et accomplit plusieurs missions diplomatiques pour le roi auprès du pape Urbain VIII. René Moreau lui adressera en 1631 son traité sur le chocolat, médicament qu’Alphonse de Richelieu semblait apprécier contre les vapeurs provenant de la rate et la mélancolie. Cf. DELOCHE (1935).
[43] Plusieurs opuscules furent publiés à Paris en 1641 et attribués à René Moreau, Advertissement à Théophraste Renaudot contenant les mémoires pour justifier les droits et privilèges de la faculté de médecine de Paris ; Défense de la Faculté de Médecine de Paris, contre son calomniateur, dédiée à monseigneur l’éminentissime cardinal duc de Richelieu ; Defensio Facultatis medicæ parisiensis adversus calomniatorum per Renatum Moreau, doctorem medicum.
[44] Petri Brissoti doctor. Med. parisiensis præstantissimi apologetica disceptatio, in qua docetur per quæ loca sanguis mitti debeat in viscerum inflammationibus, præsertim in pleuritide : edition nova a Renato Moreau, doctore medico parisiensi, illustrata, qui dialexin de missione sanguinis in pleuritide subjunxit. Adjiuncta est Petri Brissoti vita, Paris, Abraham Pacard, 1622 [ouvrage dédié aux administrateurs de l’Hôtel- Dieu]. René Moreau reviendra sur la question en 1640 dans une Lettre adressée au médecin Baldi, professeur à la Sapienza de Rome, Epistola exegetica ad clar. Virum Baldum, de affecto loco in pleuritide, Paris, 1641 et Rome, 1648. La question du côté à saigner en cas de pleurésie traverse tout le XVIe siècle et une partie du XVIIe siècle.
[45] Iacobi Sylvii Ambiani opera medica, jam demum in sex partes digesta, vestigata, et indicibus necessariis instructa. Adjuncta est ejusdem vita et jam opera et studio Renati Morœi, Doctoris medici Parisiensis, Genève, 1630 [l’ouvrage est dédié à Charles Bouvard].
[46] Scholæ Salernitanæ, hoc est de valetudine tuenda opus nova methodo instructum, infinitibus versibus auctum ; Commentariis Villanovani, Curionis, Crellii et Costantini [sic] illustratum. Adjectæ sunt animadversationes novæ et copiosæ Renati Moreau, Paris, Thomas Blaise, 1625 [ouvrage adressé au Cardinal de Lyon].
[47] Prælectiones in librum Hippocratis Coï Medicorum Principis, de morbis internis : Auctore M. Ioanne Martino, Doctore Medico Parisiensi, Professore regio et Mariæ Mediceæ Christianiss. Regina Archiatro, editore M. Renato Morello, Doctore Medico Parisiensi, et Professore regio, Paris, Jean Libert, 1637 [cette édition corrige celle donnée par Jean Martin, elle est adressée au médecin Pierre Seguin] ; Prælectiones in librum Hippocratis Coï Medicorum Principis, de aëre, aquis et locis : Auctore M. Ioanne Martino, Doctore Medico Parisiensi, Professore regio et Mariæ Mediceæ Christianiss. Regina Archiatro, Paris, P. Niceron, 1646 [ouvrage adressé au médecin Jacques Cousinot].
[48] Une invitation à assister aux obsèques est insérée dans Jacques Mentel, Schola medica Parisiensis, Ms Biu Santé : « Vous estes priez d’assister au Convoi, service et enterrement de feu Noble homme René Moreau, Docteur Régent en la Faculté de Medecine en l’Université de Paris, Conseiller et Medecin ordinaire du Roi, et Professeur Royal en Medecine et Chirurgie, decedé en sa maison, rue de la Verrerie : qui sera le Jeudy 19e jour d’Octobre 1656, à dix heures du matin, en l’Eglise Sainct Jean en Greve, sa paroisse, et lieu de sa sepulture ; où les Dames se trouveront s’il leur plaist ».
[49] PATIN, Lettres, éd. Réveillé-Parise, t. I, p. 172 (lettre datée du 14 janvier 1651) : « [M. Moreau] a un autre livre à mettre sous presse, De antiquitate et dignitate facultatis medicæ parisiensis, contre le gazetier et M. Courtaud, Doyen de Montpellier. Cet ouvrage serait fort curieux et beau : il serait enrichi de belles recherches qui ne se peuvent réfuter : mais M. Moreau n’a guère de loisir ni guère de santé, et même, je vous dirai davantage, vitæ summa brevis, spem nos vetat inchoare longam. Je prie Dieu qu’il lui fasse la grâce de ne point mourir avant qu’il n’ait mis ces deux livres en lumière. C’est un digne homme, d’une rare condition, et d’une grande doctrine, infinitæ lectionis virum agnosco, sed proh dolor ! raræ texturæ et imbecillæ valetudinis », et III, p. 63 : « Le bon M. R. Moreau le père, homme d’honneur et de grand mérite, qui est mort de vieillesse et de trop de travail, âgé de soixante-douze ans, le 17 de ce mois [octobre 1656] ; son immodération à l’étude l’a fait paroitre vieux avant le temps : immodecis brevis est ætas et rara senectus ».
[50] Voir troisième partie.
[51] Ses élèves firent imprimer l’ouvrage qu’il dictait au Collège Royal : Tabulæ methodi generalis curandorum morborum, quæ septem sectionibus explicantur, a viro clarissimo M. Renato Moreau, saluberrimæ Facultatis medicinæ Parisiensis doctore celeberrimo et professore regio, in gratiam et utilitatem philiatrôn exaratæ, Parisiis, prostant exemplaria apud Nicolaum Brisset, 1753. Source : Encycl. Méthodique, NES- NOU, p. 280.
[52] Du chocolate, Discours curieux divisé en quatre parties par Antoine Colmenero de Ledessa, traduit de l’espagnol en français par René Moreau, Paris, Sébastien Cramoisi, 1643 [ouvrage adressé au Cardinal de Lyon]. Voir Notes manuscrites de René Moreau sur ce Discours, dans Recueil de leçons faites à la Faculté de Médecine et traités divers, MS 2117, BIU Santé [contient également des notes de René Moreau en vue d’une Chyrurgia, f° 257].
[53] Thomæ Bartholini de angina puerorum Campaniæ Siciliæque exercitationes : accedit de Laryngotomia Renati Moreau, Paris, O. de Varennes, 1646. Né à Copenhague, Thomas Bartholin (1616- 1680), fils du grand anatomiste Caspar Bartholin, étudia à Paris et à Leyde, visita Montpellier, avant d’enseigner à l’Université de Copenhague et d’y être nommé médecin aulique.
[54] René Moreau participa d’ailleurs au Tumulus de Gabriel Naudé, paru en 1659 et, selon GOUJET (1971), p. 328, se préparait à écrire une Vie de Gabriel Naudé quand il mourut.
[55] Jean Morel, Calotta, salutare admodum capitis operimentum (« La calotte, couvre-chef tout à fait salutaire »), Paris, Libert, 1512 ; René Moreau, Anticalotta ad Io. Morellum, scholæ remensis gymnasiarchiam poetamque laureatum, Paris, Jean Libert, 1514. Voir une fine analyse des poèmes par MARGOLIN, Jean-Claude (2006). GOUJET (1971), p. 326, prend cette facétie très au sérieux, trop au sérieux.
[56] Le montant annoncé ne correspond qu’à une seule année de traitement, ce dernier étant versé en quatre termes égaux de 150 livres. On peut donc en déduire que la somme réservée au traitement du professeur est maintenue dans les comptes le temps d’une vacance d’un an et qu’elle s’éteint ensuite automatiquement en même temps que la chaire si personne n’est nommé. Cela expliquerait l’expression de Goujet « faire revivre la chaire ».
[57] Ms BIU Santé, Commentarii X, f°17r et 41v. Cf. Goujet (1971), p. 316. Les titres des thèses de 1605 sont : Potestne mulier non menstrualis utero gerere ? (« Une femme qui n’est pas réglée peut-elle être enceinte » ?), An Choleræ phlebotomia (« Faut-il saigner en cas de bile ? »). Thèse cardinale présidée par Nicolas Jabot le 16 mars 1606 : An in pube lithotomia (« Faut-il pratiquer la lithotomie dans le pubis » ?). En 1671, le bureau des médecins de l’Hôtel-Dieu se réunira encore pour discuter s’il faut opérer une femme malade de la pierre au-dessus ou en-dessous de la vessie, cf. BRIELE (1870), p. 27, mais les expériences sur les corps morts et l’opération in vivo resteront confiées aux chirurgiens.
[58] On ignore dans quelle université il fit ces études ; ni à Paris, ni à Montpellier, son nom ne figure dans les registres des inscriptions, mais il y avait des écoles de médecine à Orléans, Bourges, Poitiers, Toulouse et Angers.
[59] Les Paranymphes furent imprimés à Paris, chez Abraham Saugrain, en 1607, sous le titre Paranymphus in quinque Laureæ Medicæ candidatorum, Lutetiæ celebratus in Theatro Medico a Renato Charterio Vindocinensi in celeberrima Medicinæ facultate Parisiensi Baccalaureo, et précédés d’un discours d’éloge de la médecine et des devoirs du médecin, cité par GOUJET (1971), p. 317. Parmi les cinq licenciés, on compte Claude Charles, Étienne de Lafont, Charles Bouvard, Vendômois comme Chartier, un Provençal George Arbault ou Herbault, un Polonais Albert Golemowsky. Le recueil est dédié à l’évêque de Bayonne, premier aumônier de France.
[60] Ms BIU Santé, Commentarii X, 1605-1606, f° 41v, 99v, 100v. On retrouve dans les titres des thèses présidées par Charles Bouvard et Jean Duret aussi bien des questions philosophiques héritées d’Aristote sur la nature de la femme que des problèmes faisant partie de la pratique médicale : An mulier naturæ parekbasis ? (« La femme constitue-t-elle un écart de la nature « ?), An partium similarium sola proprius intemperies morbus ? (« La dyscrasie des parties similaires est-elle une maladie propre » ?), et pour la licence : An ad lipothymiam usque mittendus sanguis ? (« Jusqu’où faut-il saigner en cas de perte de connaissance ?). Cf. GOUJET (1971), p. 317. Sur les notions médicales abordées dans ces thèses, et discutées depuis l’antiquité, voir par exemple VASQUEZ-BUJAN (2008).
[61] Sur Louise Boursier, née Bourgeois, voir VONS (2008), p. 223-238 ; WORTH-STYLIANOU (2007), p. 356- 360.
[62] LEHOUX (1976), p. 23-24.
[63] Pierre Milon, né au Blanc en 1553, mort en 1616, fut premier médecin de Henri IV puis de Louis XIII et doyen de la Faculté de Poitiers en 1610. Il est l’auteur d’un petit traité sur les vertus médicinales des sources ferrugineuses de La Roche-Posay : Description des fontaines medicinales de La Rocheposay, en Touraine, reconnues & remises en leur ancienne vertu par M. Milon premier Medecin du Roi, ensemble le regime ordonné par ledit sieur Milon, 1618.
[64] LEHOUX (1976), p. 335
[65] LEHOUX (1976), p. 335-336.
[66] LEHOUX (1976), p. 459-461 : les priseurs relèvent 862 paquets des six tomes achevés, 1000 paquets de chacun des trois tomes en cours d’impression, 109 rames de papier « gastez et imparfaictz » et 255 rames de papiers de diverses sortes, alors que le libraire Soubret n’en détenait que 52 rames à la même époque.
[67] LEHOUX (1976), p. 338, mentionne un procès que Chartier, volontiers procédurier, semble-t-il, intenta pour pouvoir récupérer trois termes (450 livres) de gages de professeur ordinaire du roi ; de même, son titre de médecin du roi lui avait donné le privilège du committimus, c’est-à-dire celui de plaider en première instance aux Requêtes du Palais, comme tout officier de la Maison du Roi.
[68] Voir VONS (Chartier, 2010, note 30).
[69] Je cite Antoine Pietrobelli et le remercie de m’avoir communiqué le texte de sa très riche intervention au colloque Chartier, organisé à Paris en 2010 : « Chartier bibliophage : les sources manuscrites de son édition de Galien et d’Hippocrate », voir PIETROBELLI (2010).
[70] Magni Hippocratis Coi et Claudii Galeni Pergameni Archiatron Universa Quae Extant Opera, I, Lutetiæ Parisiorum, 1638, Oratio, ãij, p. 11. Ce premier volume ne porte pas de nom d’imprimeur.
[71] L’ouvrage est numérisé sur le site de la BIU Santé, Collection Medic@. Voir les Introductions de Véronique BOUDON-MILLOT [Galien] et de Marie-Laure MONFORT [Hippocrate],
http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?00013x01.
[72] Voir troisième partie.
[73] Barthélémy Cabrol (1529-1603), chirurgien, traducteur de Rondelet, a laissé un petit manuel d’anatomie à l’usage des étudiants. Sur la création de cette régence, voir DULIEU (1979), p. 183.
[74] MONANTHEUIL, Oratio qua ostenditur quale esse deberet Collegium professorum regiorum, ut sit perfectum, atque absolutum ab Henrico Monantholio, Rhemo medico et mathematicarum artium professore regio, adressé à Achille de Harlay, imprimé à Paris, chez Frédéric Morel, 1595.
[75] Titres des thèses : An excretorum immodice potius quam retentorum graviora sint symptomata ? (« Les signes d’une évacuation immodérée sont-ils plus graves que ceux d’une rétention ? »), question traitée également par Bauhin, à la même époque ; An lac nutricis puero medicamentorum optimum ? » (« Le meilleur médicament pour l’enfant est-il le lait de celle qui le nourrit ? »). Dans les deux cas, la réponse fut affirmative. Cf. GOUJET (1971), p. 309.
[76] Sur VONS, « du Laurens, André » (CdF). André du Laurens mourut en 1609. Antoine Petit lui succéda comme premier médecin, mais résigna cette charge la même année 1609 en faveur de Pierre Milon. Voir dossier Antoine Petit, Ms Chéreau CP 4983 (Bibl. hist. Ville de Paris).
[77] Voir première partie. Sur l’historique des querelles (XIVe siècle – 1550), cf. LUNEL (2008), p. 53-56.
[78] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1546-1547, f° 57v-59v. Le doyen Jacques Houllier fait un compte-rendu détaillé de ces controverses sous le titre Sequitur Historia rerum gestarum cum tonsoribus chirurgicis et conclut : In posterum non licere tonsoribus neque famulis tonsorum alios audire præceptores quam doctores Facultatis vel eos qui a Facultate essent approbati (« À l’avenir, il sera interdit aux barbiers et à leurs assistants de suivre d’autres leçons que celles des docteurs de la Faculté ou de ceux qui auront été approuvés par elle »). Il insère également dans les Commentaires la requête en français des barbiers-chirurgiens qui s’appuie sur un arrêt pris lors du procès en 1539 entre Charles Estienne et Étienne de la Rivière, d’abord barbier puis chirurgien. Cf. CONCASTY (1964), p. 412- 415.
[79] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1554-1555, f° 265. Sous le premier décanat de C. Balduin, lors de l’assemblée de la rentrée, il faut élire de nouveaux lecteurs ordinaires dans les écoles : De professoribus ordinariis, voluit Facultas continuari magistrum Simonem le Piètre cuius diligentiam et doctrinam laudavit. Novum elegit magistrum Franciscum Brigard (« La Faculté décida de maintenir en fonction Simon Piètre [père], dont elle loua le zèle et la doctrine. Elle élut un nouveau maître, François Brigard »). Cf. CONCASTY (1964), p. 533.
[80] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1554-1555, f° 282v-283r. Le doyen intervint personnellement pour rétablir le calme. Il se contente d’écrire que le barbier-chirurgien ne plaisait pas aux étudiants, sans en préciser les motifs, mais couvre Brigard en confirmant la compétence du sector : … magister Franciscus Brigard, suo arbitratu et iudicio in eam rem experientissimum quendam tonsorem cirurgum elegerat, qui non satis erat gratus quibusdam scholasticis qui ibi tum aderant. Cf. CONCASTY (1964), p. 545.
[81] Manuscrit 2058 BIU santé, p. 12. Les textes ont été publiés dans Statuts, privileges et reglemens du College de chirurgie de la Ville de Paris, Paris, Ch. Osmont, 1744 : lettre d’octroi de François Ier, p. 82-86 ; lettres patentes d’Henri II de mars 1547, p. 89 ; lettres patentes de Charles IX de mars 1567, p. 91 ; lettres patentes d’Henri III de janvier 1576 et lettres de déclaration du 10 janvier 1577, p. 96-99.
[82] Ce fut un des arguments utilisés pour refuser l’entrée du barbier Ambroise Paré au Collège de Saint-Côme.
[83] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1551-1552, f° 179v-180v. Cf. CONCASTY (1964), p. 484-485.
[84] Ms BIU Santé, Commentarii VI, 1551-1552, f° 183v. Le doyen ne peut s’empêcher de marquer sa satisfaction : Sed tandem a me victi sunt (« Enfin, je les ai vaincus ») ! Voir CONCASTY (1964), p. LXXXII-LXXXV et 488. Les chirurgiens Danisy et Étienne de la Rivière étaient à la tête de la rébellion.
[85] Statuts (1743), p. 97-99.
[86] BIU Santé, Ms 2114, f° 71 ; Statuts (1743), p. 111 et p. 120-122 (lettre d’Henry IV au Parlement datée de février 1609). Cf. LUNEL (2008) p. 57-58.
[87] Ms BIU Santé, Commentarii IX, 1602-1603, f°410v-417v : le 18 octobre 1602, l’Assemblée réunie aux Mathurins décide d’inscrire la nouvelle version des statuts dans les commentaires.
[88] Statuts de 1630, article LVI, cité Encyclopédie méthodique (1790), p. 629.
[89] Ibid. articles V- VIII. La fonction d’archidiacre d’anatomie avait été établie dans la Faculté de Médecine de Paris par décret du 4 décembre 1576 ; l’archidiacre était chargé de surveiller le matériel nécessaire aux dissections, ainsi que les corps dont il était responsable en cas de vol ou d’enlèvement. Il était généralement élu par les écoliers parmi eux et son nom était inscrit sur les registres. Il recevait des droits d’amphithéâtre. En 1601, Riolan fils, déjà bachelier, et désireux d’occuper cette fonction, fit casser en sa faveur l’élection de l’archidiacre choisi par les écoliers.
[90] HAZON (1770), p. 63-64. Les renseignements et les chiffres doivent être interprétés avec certaines réserves. On constate de très grandes variantes d’un auteur à l’autre sur l’emplacement et le nom exacts du terrain et de la maison, mais l’expertise réalisée en avril 1608, montre de toute évidence que le terrain jouxtait une petite maison appartenant déjà à la faculté rue de la Bûcherie.
[91] Un des plus beaux fut celui construit à Padoue en 1592, aux frais du médecin d’Acquapendente. Voir CAMPANA (2009), p. 273- 286. L’amphithéâtre, de forme circulaire, comportait dix gradins disposés de manière concentrique autour de la table de dissection.
[92] Ms BIU Santé, Commentarii X, 1608-1609, f° 113-123. Voir GASNIER (2012 a) : « Une expropriation pour raison d’utilité publique » ; LE FORT (1866), p. 109-140, et CORLIEU (1877), p. 7 (qui parle d’une indemnité de 6000 livres).
[93] Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1613, f° 112v.
[94] Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1614, f° 120-122 : copie de la supplique déposée par Jean Riolan le Jeune et Claude Charles.
[95] Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1614, f° 123.
[96] CORLIEU (1877), p. 7, et WICKERSHEIMER (1970), p. 53, citent un édit de Charles IX du 10 avril 1568 imposant une redevance de 60 écus aux nouveaux licenciés, en principe pour pouvoir exercer urbi et orbi, dans les faits pour subvenir à différents besoins de la faculté. En 1568, des fonds procurés par le grade de docteur (pecunia doctoratus) avaient bien servi pour l’achat d’une maison à l’enseigne du Soufflet rue des Rats, un emplacement qui allait devenir le jardin botanique de la faculté.
[97] BERTY et TISSERAND (1897), VI, p. 43-44, donnent la liste des corps de métier appelés pour la construction et les sommes payées à chacun d’eux : « la maçonnerie (690 1.) à Le Mercier ; la charpenterie (730 I.) à Clément ; la toiture (240 I.) à Thomas ; la plomberie (357 1. 7 s. 6 d.) à Robert Garnier ; la vitrerie (96 1.) à Nicolas Rion, et le treillage des fenêtres à Jacques Boulanger, qui y employa six cents deux pieds de fil de fer ».
[98] RIOLAN, Anthropographie (1629), p. 155-160. L’amphithéâtre fut longtemps appelé « Amphithéâtre Riolan ». En 1643, il fut remplacé par une nouvelle construction.
[99] Statuts (1743), p. 124-126.
[100] GUILLEMEAU, Histoire de tous les muscles du corps humain, ou leur nom, nombre, Paris, Nicolas Buon, 1612. Charles Guillemeau devient chirurgien ordinaire du roi en 1618 et dédie la seconde édition de ce livre à Jean Héroard, premier médecin du roi. Cf. Ms 2058 BIU Santé ; voir VONS « Guillemeau, Charles » (CdF).
[101] LUNEL (2008), p. 60. La lithotomie constituera au XVIIe siècle une vértable spécialité chirurgicale ; les procédés opératoires se transmettaient comme un secret. Gouin, « inciseur » juré de l’Hôtel-Dieu, refusa de travailler devant Portal et Castagnet, cf. BRIELE (1870), p. 27.
[102] ibid.
[103] Ms 2058, BIU Santé, p. 30. L’article 31 des lettres patentes données en septembre 1699 confirme le statut des chirurgiens et leur capacité à disséquer : « enjoint aux chirurgiens de continuer a demontrer publiquement et gratuitement dans leur amphithéâtre l’ostéologie, les opérations pour la maladie des os, l’anatomie et toutes les opérations de la chirurgie », id. p. 42.
[104] Mémoire sur les privilèges de l’art et science de chirurgie, 2e partie du Ms 2058, BIU Santé, p. 39. On note une croissance rapide de thèses soutenues en latin au Collège de chirurgie entre 1627 et 1639. De même, les serments et billets de convocation sont rédigés en latin.
[105] Voir LAGET (1995) ; HOTTIN (2009).
[106] BIU Santé, Commentarii XII, 1620, f° 355v-358r. Ce n’est donc pas Riolan qui dissèque ce jour-là, contrairement à ce qui est souvent dit. En fait, cet épisode est souvent confondu avec la bagarre de 1622 qui met bien Riolan en scène… Sur Charles Le Clerc, voir CHEREAU (1874), p. 310, qui cite Patin en parlant de ce médecin d’Orléans, docteur de la Faculté de Paris (18 janvier 1617), et qui mourut subitement le 24 octobre 1656.
[107] BIU Santé, Commentarii XII, 1622, f° 406r-407r. L’épisode occupe peu de place et paraît secondaire par rapport aux récits détaillés des disputes et des luttes contre les apothicaires à la même époque.
[108] Voir troisième partie.
[109] Simon Piètre fit casser une élection d’archidiacre en anatomie pour donner la charge à son neveu.
[110] Beaucoup d’ouvrages de Riolan l’Aîné sont restés manuscrits, voir Ms 3601 (Bibliothèque Mazarine), Recueil des œuvres médicales de Jean Riolan : I. Riolani, institutio in artem medicam anno 1584 ; De urinis acuratissimus ex veteri codique decerptus tractatus anno 1586, cui titulus est ortus sanitatis ; In methodum medendi annotata ; Epitome in libros medendi Galeni ; De lue venerea ; particularis methodus medendi ; de morbis externis. Parmi les œuvres publiées les plus connues de Jean Riolan l’Aîné : Ad impudentiam quorumdam Chirurgorum qui medicis æquari et Chirurgiam publice profiteri volunt, pro veteri dignitate medicinæ Apologia Philosophica, Paris, 1577 ; In libros Fernelii de abditis causis Commentarii, Paris, 1598 ; Opera omnia tam hactenus edita quam posthuma, Paris, 1610. Cf. ÉLOY, http://www.bium.univ-paris5.fr/histmed/medica/cote?146144x04.
[111] Titres des thèses : Estne scientia rerum naturalium Medico necessaria (« La connaissance des choses naturelles est-elle nécessaire à un médecin » ? ) en 1602 (réponse affirmative) et Estne lues uenerea et pestis idem contagium ? (« Le mal vénérien et la peste sont-ils la même contagion » ?), réponse négative.
[112] Éloy fait erreur, en écrivant qu’il fut nommé professeur royal en 1612 seulement, par Louis XIII. Riolan lui-même rappelle les circonstances de sa nomination et remercie André du Laurens, dans la préface de l’Anthropographie (1629), p. 156.
[113] GASNIER (2010), en particulier p. 70-73. La privation d’émoluments est confirmée par une observation de Charles BOUVARD, Historicæ hodiernæ medicinæ rationalis veritas, 1655, p. 32.
[114] Requête pour l’établissement d’un jardin Royal en l’Université de Paris, Paris, 1618. L’auteur demandait que le Jardin fût près du Collège royal, pour la commodité des étudiants et des professeurs, cf. GOUJET (1971), p. 311. Voir troisième partie.
[115] Voir KAHN (2007), p. 381-383.
[116] En 1984, Léonard Ginsburg, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris découvrit au fond d’un tiroir une dent portant la mention Theutobochus É. C’était celle d’un mastodonte préhistorique, le dinothère, cf. Ginsburg L., Nouvelles lumières sur les ossements autrefois attribués au géant Theutobochus. Ann. Paléont. 70 (3), 1984, p. 181-219, Paris.
[117] La querelle se nourrit de nombreux pamphlets injurieux ad personam ; GOUJET (1971), p. 311, les énumère, et mentionne l’intervention anonyme, probablement celle de Guillemeau, qui renvoie les adversaires dos à dos. La Gigantologie ou Histoire de la grandeur des géants est dédiée au Duc de Luynes, que Riolan exhorte à intervenir auprès du Roi, en vue de l’établissement d’un Jardin Royal à Paris.
[118] RIOLAN, Discours sur les vrais hermaphrodits où il est demonstré contre l’opinion commune qu’il n’y a pas de vrais hermaphrodites, Paris, P. Ramier, 1614. Jacques DUVAL riposta en publiant une Responce au discours fait par le Sieur Riolan docteur en medecine et professeur en Chirurgie et Pharmacie à Paris, contre l’Histoire de l’hermaphrodit de Rouen, imprimé à Rouen, chez Julien Courant, sans date [1614]. Le livre de Riolan et la réponse de Duval étaient tous deux dédiés aux médecins de cour Delorme père et fils.
[119] RIOLAN (1649), Advertissement, n. p. Doyen des professeurs royaux, Riolan, alors âgé de 67 ans, compare sa vitalité à celle d’autres vétérans illustres, par exemple de Fabrice d’Acquapendente, « qui enseigna l’Anatomie et en fit la démonstration en l’Académie de Padoue jusques à l’âge de 80 ans ».
[120] RIOLAN, De monstro nato Lutetiæ anno Domini 1605 ; disputatio philosophica per I. Riolanum filium, doctorem medicum, Anatomiæ et Pharmaciæ professorem regium, Paris, Olivier de Varennes, 1605.
[121] RIOLAN, Osteologia ex veterum et recentiorum præceptis descripta, in qua continentur Isagogica de ossibus tractatio, cum osteologia infantium usque ad septennium ; Claudii Galeni liber de ossibus ad Tyrones ; et in eundem librum I. Sylvii, in Acad. Parisiensis prof. regii, commentarius ; I. Riolani explanationes apologeticæ pro Galeno adversus novitios et novatores anatomicos ; Simiæ osteologia ; Osteologia ex Hippocratis libris eruta et collecta, Paris, A. Périer, 1614 [pseudonyme : Johannes Antarvetus].
[122] Le titre résume son cursus universitaire et sa carrière : I. Riolani filii origine et ordine Parisiensis, Doct. Med. In Academia Parisiensi, Anatomes et Herbariæ prof. Regii atque Decani, Reginæ matris Ludov. XIII primarii Medici, per decennium, et postremi Opera Anatomica vetera, recognita et auctiora, quam plura nova, Paris, Gaston Méturas, 1650. Parmi les nouveautés, figurent deux traités contre la circulation du sang, une controverse avec l’Anatomie de du Laurens, et une discussion du Theatrum anatomicum de Vesling. Énumération des titres dans GOUJET (1971)], p. 312.
[123] RIOLAN (1649), Advertissement, n. p.
[124] RIOLAN, Encheiridion, trad. de LE FORT (1866).
[125] RIOLAN, Anthropographie (1629), p. 1007.
[126] RIOLAN, Anthropographie (1629), « Jugements sur les escrits des modernes anatomistes grecs et latins », p. 66-73.
[127] Ce fut au cours du séjour de la reine-mère à Londres que Jean Riolan dut revenir précipitamment à Paris pour se faire opérer d’une lithiase de la vessie, selon PATIN, Lettres, éd. Réveillé-Parise, t. I, p. 68 ; il dut encore être opéré l’année suivante, et id. I, p. 86 (« M. Riolan l’anatomiste fut hier taillé de la pierre, on lui en tira deux »).
[128] RIOLAN (1649), n. p., Advertissement au lecteur et auditeur : « Et de mesme que le bœuf lassé en marche plus ferme, ainsi en cet âge avancé ayant le jugement plus meur et plus esclaircy dans l’Anatomie, laquelle j’ay bien apprise dès ma jeunesse & tellement imprimée dans ma mémoire, qu’elle ne s’en effacera qu’en perdant la vie : i’ay trouvé plusieurs choses que tous les autres mes predecesseurs ont ou obmises, ou ignorées, ou mal expliquées. Sur cette asseurance, tandis que i’ay esté à la Cour de la reine Mere Marie de Medicis, & exercé la charge de son premier Medecin (laborieuse parce que je n’osais quitter sa personne, qui estoit valetudinaire) outre que j’estois éloigné de nostre Université de Paris & de mon agréable Bibliotheque, i’ay bien pendant ce temps la quitté l’exercice manuel de l’Anatomie : mais l’ayant dans ma mémoire & le repetant assidüement, i’ay par ce moyen recuit & corrigé ce que i’en avois écrit en ma ieunesse, en partie afin de le mettre au iour plus poli & plus parfait, en partie aussi afin de secourir ma mémoire en cas qu’elle vinst à manquer ».
[129] Voir PATIN, Lettres, 23 fév. 1657, éd. Réveillé-Parise, t. II, p. 279 : "M. Riolan le bonhomme est en grand danger ; il pisse beaucoup de sang ; mais ce qui est de pis, c’est que je le trouve, ou au moins il me semble être très foible et en très grand danger. J’ai peur qu’il ne s’en aille bientôt chercher M. Moreau en l’autre monde par sa propre faute ; il n’a pu se réduire à vivre sobrement et à mettre beaucoup d’eau dans son vin. Quand je l’en avertissois, il me disoit qu’il avait l’estomac vigoureux et accoutumé au vin ; que celui qu’il buvoit était de Bourgogne, du vin vieux de trois ans, et qu’il n’étoit pas besoin d’y mettre de l’eau ; qu’il était doux comme du lait ; qu’il était du vin de Plaute, fugiens et edentulum, que je ne vivrois jamais tant que lui à cause que je mettois trop d’eau en mon vin. Me voilà fort affligé de voir encore ce bonhomme réduit à ce danger, lui qui étoit mon meilleur ami. Le pape ne seroit pas tant affligé de la mort de six cardinaux, car il y gagneroit, comme j’ai occasion de me chagriner si nous perdons ce bonhomme. Il a été confessé, communié et a eu l’extrême-onction le 18 à neuf heures du soir. Une heure devant il avoit été sondé, me præsente, par un chirurgien de la Charité, nommé Ruffin, qui fit aussi bien que feu M. Colot : la sonde a désempli la vessie, et a fait couler bien du sang aussi bien que de l’urine. Le pauvre bonhomme est en mauvais état ; il m’a baisé et m’a fait pleurer », et id, III, 449 (à Falconnet], p. 71 : « Nous avons ici perdu le bonhomme M. Riolan, âgé de soixante-dix-sept ans moins cinq heures. Il ne fut que trois jours malade de la suppression d’urine qui l’emporta. Il étoit trop déréglé en son boire ; il ne pouvoit tremper son vin comme il falloit. Tout est scellé en sa maison ; ses enfants plaident les uns contre les autres, à cause de son second fils qu’il a déshérité pour ses débauches », et id, III, 450 (à Falconnet], p. 76 : « Nous ne savons ce que deviendront les livres et papiers de M. Riolan, n’ayant fait ni testament ni aucune autre disposition par écrit. Il m’avoit dit quelquefois qu’il me feroit exécuteur de son testament, et qu’il vouloit que la postérité sût que j’avois été son meilleur ami ; mais il est mort sans l’avoir prévu et sans avoir donné ordre à ses affaires. Les vieilles gens sont d’ordinaire oublieux et négligents. M. Guillemeau en a fait de même, et M. Moreau aussi ».
[130] RIOLAN, Encheiridion, p. 689. Cf. LE FORT (1866), p. 129.
[131] PATIN, Lettres, 22 août 1641, éd. Réveillé-Parise, t. I, p. 80 : « M. Riolan est un tétrique et mordant qui ne trouve bien que ce qu’il fait, et en récompense qui paucos habet operum suorum probatores (« il n’a que de rares amateurs de ses œuvres »).