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Troisième partie : Des choix thérapeutiques aux changements épistémologiques

Jacqueline Vons

Jacqueline Vons, Le médecin, les institutions, le roi. Médecine et politique aux XVIe-XVIIe siècles, Paris, Cour de France.fr, 2012. Ouvrage numérisé inédit mis en ligne le 1er avril 2012 dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France (XVIe-XVIIe siècles)", https://cour-de-france.fr/article2342.html.

I. Les partisans de la tradition

Quand on lit l’histoire des chaires de médecine du Collège Royal au XVIIe siècle chez l’abbé Goujet par exemple, l’impression est celle d’un déroulement chronologique serein et sans aspérité : une suite d’hommes érudits, respectueux de l’esprit humaniste qui avait été à l’origine du Collège, poussés par leur curiosité intellectuelle à éditer et à commenter les textes anciens. Aucune intrusion de l’extérieur ne vient troubler leurs doctes travaux, sinon sous forme allusive. En réalité, ces savants, Moreau, Piètre, Chartier, Patin, Cousinot et bien d’autres, se montrèrent des hommes engagés dans leur époque, qui prirent part aux querelles doctrinales, qui se déchirèrent dans des conflits d’intérêt, qui se déclarèrent pour ou contre les nouveaux moyens de guérir, pour ou contre certaines formes de modernité. Le contexte social et les théories médicales en jeu se révèlent particulièrement complexes à cette époque. Des jalousies et des mesquineries règnent à l’intérieur des institutions [1]. Ce qu’on a appelé en France « la guerre de l’antimoine » traverse le siècle, en même temps que s’exacerbe la rivalité entre médecins de cour et quelques médecins de la Faculté de Paris. Les premiers se montrent souvent plus ouverts, par conviction ou par intérêt, aux thérapies nouvelles (iatrochimie, eaux minérales, substances exotiques). Le tabac ou petun connaît un engouement européen, sur le plan médical et social, depuis que Jean Nicot en a fait donner à Catherine de Médicis pour calmer ses migraines [2] ; l’écorce de quinquina, fébrifuge et tonique, devient une boisson à la mode à Paris et dans la noblesse [3] ; en 1658, à Calais, Vallot, premier médecin du roi, prescrit du vin émétique (contenant de l’antimoine) à Louis XIV [4], huit ans plus tard, la faculté de médecine de Paris se résout, contre l’avis de Patin, à admettre le vin émétique parmi les purgatifs. Du côté des traditionalistes, se trouvaient les partisans résolus de la saignée et de la purgation. Mais si, parmi eux, émerge le nom de Guy Patin (1601-1672), la personnalité de ce médecin reste à découvrir, en dépit de la masse de renseignements fournis par lui-même et sur lui-même dans sa volumineuse correspondance : l’acidité de ses pointes dirigées contre des médecins, des apothicaires et des politiques, l’acharnement dont il fit preuve dans certaines occasions, sont tout aussi indéniables que son attachement à la Faculté de Médecine et au Collège royal, son affection pour ses fils et ses amis ou encore sa passion des livres [5]. Médecin érudit et curieux, défendant des valeurs intellectuelles et « morales », fulminant contre le désir d’argent qui pervertit la profession médicale, mais lui-même polémiste, injuste parfois dans ses jugements, disqualifiant les tenants d’une médecine autre que galénique.
Guy Patin, fils de François Patin, docteur en droit, naquit le 31 août 1601 à Hodenc-en-Bray dans l’Oise. Après avoir refusé un bénéfice ecclésiastique à Beauvais et s’être fâché avec ses parents, il vint à Paris où il étudia la philosophie au collège de Boncourt tout en étant, comme d’autres étudiants peu fortunés, correcteur pour le libraire Laurent Laquehay, chez qui il aurait rencontré Jean Riolan. Il s’inscrivit à la Faculté de médecine de Paris et fut reçu bachelier en 1624. Pendant la durée de son baccalauréat, il se fit remarquer par son application dans l’étude de l’anatomie et fut élu archidiacre par ses collègues. Le 19 décembre 1624, il soutenait sa première thèse, Estne feminæ in virum mutatio adunatos ? [6] ; le 27 novembre 1625, il répondait par la négative à la question An prægnanti periculose laboranti abortus ? [7], et le 26 mars 1626, il soutenait sa thèse cardinale sous la présidence de Denis Guérin, Daturne certum graviditatis indicium ex urina  ? [8]. Il fut reçu licencié le 15 juin 1626, le onzième et dernier de sa promotion. Il poursuivit son doctorat qu’il obtint le 7 octobre 1627, après avoir soutenu la vespérie le 30 septembre.
Le 10 octobre 1628, il épousa Jeanne de Jeansson, fille d’un riche marchand de Paris ; le couple eut dix enfants, six moururent en bas âge, un septième mourut à la guerre en 1658 [9]. En 1632, il fut nommé lecteur en chirurgie à la faculté de médecine de Paris. Très attaché à la Faculté qu’il défendit avec vigueur lors de ses démêlés avec Renaudot, censeur de 1640 à 1642, il fut élu doyen de 1650 à 1652 en remplacement de Jean Piètre [10], et fut remplacé le 2 novembre 1652 par Paul Courtois. En 1654, Jean Riolan fit une déclaration selon laquelle il consentait que Guy Patin obtînt du roi la survivance de sa chaire en « anatomie, herbes et simples », et signa une convention selon laquelle il se démettait de sa charge de professeur royal en faveur de Patin, à condition, pour ce dernier, de ne jouir des émoluments qu’après le décès de Riolan et de verser à Marie de Procé, petite-fille de Riolan, une somme de 4000 livres dans les deux mois après son entrée en jouissance de la chaire [11]. Les Lettres de Patin sont à cet égard un document remarquable, puisqu’elles renseignent sur les procédures et les coulisses d’une telle passation de pouvoir, exceptionnelle, semble-t-il, puisque Patin n’avait aucun lien de parenté avec Riolan :

« Il faut que je vous annonce une bonne nouvelle, de laquelle vous ne serez pas marri si peut-estre ce n’est que vous ayez pitié de moy, comme on a quelquefois de ceux que l’on aime, voyant que ce que je m’en vay vous dire, me fera bien de la peine. C’est que M. Riolan le bon homme se sentant fort vieux et presque accablé d’un fardeau que l’on dit estre ipso Ætna gravius, m’a consideré par dessus et plus près que tous les autres : il m’a choisi inter alios multos pour me faire avoir sa charge de Professeur royal, ce qui est heureusement accompli. M. Auvry, evesque de Coutances, et grand vicaire de M. le cardinal Antoine, qui est grand aumosnier de France, a receu et agreé la nomination que M. Riolan lui a faite de moy et nous a donné son approbation sur nos lettres, en beaux termes. De là, nous avons esté à M. de la Vrillière, secretaire d’estat qui nous les a signées de grand cœur et de bonne sorte. Auj. elles sont entre les mains d’un secretaire du roy pour les faire sceller, ce qui se fera au premier jour que M. le garde des sceaux scellera ; et puis après je feray le serment de fidélité entre les mains du dit evesque de Coutances. Mais ce qui reste à faire ne sont que ceremonies, qui mesmes pourront estre faites avant que vous receviez la présente » [12].

Déjà, Guy Patin avait réfléchi au programme et dressé les grandes lignes de ses leçons, prônant une médecine galénique, dans la lignée des médecins humanistes du siècle précédent, méprisant les doctrines et les remèdes de la médecine arabe et pourfendant les donneurs d’antimoine et d’autres poisons. L’édition savante lui apparaissait bien comme une des tâches dévolues aux professeurs royaux :

« Totum meum negotium erit in re botanica, pharmaceutica et anatomica. J’en choisiray divers traitez, tantost de l’un, tantost de l’autre, et apporteray de soin tout ce qui me sera possible pour tascher de faire de bons escholiers, qui soient éloignez de la forfanterie des arabes et des impostures des chymistes qui sont les venins ordinaires dont les jeunes gens sont aujourd’hui empestez et empoisonnez. J’ay dessein de donner un traité de medicamentis purgantibus simplicibus et compositis, où je feray une belle raffle de tant de sottes et ineptes et mesmes inutiles compositions qui se trouvent dans ceux qui ont fait de grands antidotaires, et dont le nombre n’est encore que trop grand dans les boutiques. Puis après, j’ay envie de donner de simplicibus alterantibus desquels je choisiray les principaux, pour en dire quelque chose de bon, de gentil et de plus particulier. Après cela, je pourray venir à un traité fort copieux de venenis : où je n’oublieray pas l’antimoine et le traiteray comme il mérite, et mesmes ceux qui en donnent, tanquam veneficos et impostores [13] ».

Néanmoins, l’affaire fut plus difficile à régler qu’il ne semblait au départ ; devant l’hésitation du garde des sceaux à enregistrer la transaction, des manœuvres du clan antimonial furent subodorées :

« Enfin, il y eut hier seance à la Grande Chancellerie : mes lettres de provision furent presentées à M. le garde des sceaux, lequel dit qu’il n’avoit point ouï parler de cette affaire ; que cela estoit nouveau, qu’il vouloit retenir lesdites lettres pour les lire et voir ce qu’elles contenoient. […]. Ce 9 d’octobre, à dix heures du matin. Auj. à deux heures de relevée, nous avons esté saluer M. le Garde des Sceaux. M. Riolan lui a allegué ses raisons ; M. le Garde des Sceaux nous a dit qu’il n’avoit hier refusé nos lettres que parce qu’il n’avoit veu personne de nous deux ; qu’il vouloit sçavoir qui estoit celui à qui M. Riolan donnoit sa survivance ; qu’il connoissoit fort bien M. Riolan et son merite, et que, pour moy, il me reconnoissoit bien maintenant ; que lundi prochain il y auroit seau : qu’on lui presentât nos lettres et que nous y fussions, qu’il nous expedieroit, et de bon cœur. Sic me servavit Apollo. M. Riolan avoit quelque soubçon que le parti antimonial n’eust voulu empescher cette survivance, pour nous faire depit à tous deux [14]. »

Le 1er mars 1555, devant l’évêque de Coutances et un public dense, Guy Patin prononça son premier discours au Collège royal, et prévint immédiatement ses correspondants privilégiés, Charles Spon et Falconnet :

« Enfin, j’ai fait ma harangue, aujourd’hui lundi premier jour de mars, en fort grande et belle compagnie ; il y avoit plusieurs conseillers de la cour, deux messieurs de Hambourg qui sont ici ambassadeurs des villes anséatiques pour renouveler leur traité avec le roi […). Presque toute notre faculté y étoit : et eruditi quam plurimi et invitati et non invitati [15]. »
Et aussi :
« Enfin, j’ai fait une harangue le premier de ce mois. Elle a duré une heure entière, mais elle n’a pas été ennuyeuse à cause que c’étoit un fil perpétuel de l’Histoire du College Royal depuis l’an 1529, par son premier instituteur François I, laquelle institution a été entretenue par ses successeurs et gouvernée par les grands aumôniers de France. Après cela, j’ai parlé des anciens professeurs qui ont illustré ce college, tels qu’ont été Danesius, Turnebus, Carpentarius, les deux Duret, le grand Simon Piètre, et ceux qui vivent encore, comme M. Riolan à qui je témoignai ma gratitude de m’avoir choisi pour son successeur. J’y vis quelques moines blancs et même quatre enfants du bienheureux père Ignace ; je ne sais comment ils y sont venus sans y être invités [16]. »

Guy Patin commença ses leçons au Collège de Cambrai dès son installation. Son traitement était de 700 livres [17]. S’il dictait, comme le voulait l’usage, il semble aussi qu’il ait fait des conférences, plus spontanées, moins contraignantes quand il était souffrant ; c’est ainsi qu’en 1669, aux jours les plus courts de l’année, il donna congé à ses écoliers, plus de trois cents, dit-il, se promettant de recommencer « de bon cœur » après les rois [18].
Deux des fils de Guy Patin firent des études de médecine ; Robert, l’aîné, soutint ses thèses en 1649 [19], devint doyen de la Faculté de médecine de Paris et obtint en 1667 la survivance de la chaire occupée par son père : « Hier mon fils aîné Robert Patin prit possession de la Charge de Professeur Royal, dont je lui ai obtenu la survivance. Cela est arrivé de bonne augure, car il a célébré par sa Harangue son jour natal, étant né le onziéme d’août 1619 [erreur pour 1629]. Je prie Dieu qu’il en jouisse long tems. J’ai fait élever mes enfans avec grand soin et grande dépense, j’espere qu’ils en cueilliront d’agréables fruits » [20]. Mais trois ans plus tard, Robert était atteint d’une fièvre lente, et deux mois plus tard, le 4 juin 1670, il mourait d’une forme de pneumonie [21].
Son troisième fils, Charles Patin, avocat, puis bachelier en médecine [22], érudit et célèbre numismate, est étonnamment passé sous silence par Goujet et la plupart des biographes, qui se contentent de mentionner sa disgrâce « qui l’obligea de sortir du Royaume » [23]. Patin montre une réelle affection pour ce fils qu’il appelle souvent « mon Carolus », qui fut exilé par Colbert en 1668 [24]. En fait, le séjour de Charles à Genève, ses voyages en Allemagne et en Italie, son mariage à Padoue avec Madalena Hommetz, femme érudite, dont les livres figurent dans l’Index librorum prohibitorum [25], tout laisse à penser que ce savant protestant fut en butte aux manœuvres des favoris de Colbert dans la constitution du Cabinet de médailles du roi, parmi lesquels peut-être Carcavi, désigné par son initiale dans la lettre de Patin [26]. C’est une des zones d’ombre chez Guy Patin, qui ne cachait pas sa sympathie pour les réformés ou les libertins qu’il fréquentait, ni son amitié avec Naudé [27]. Cet homme, sceptique et critique lorsqu’il s’agissait de nouveautés thérapeutiques, était d’une curiosité insatiable pour tout ce qui s’écrivait et se publiait. Homme de cabinet, comme il aimait se faire représenter, loin apparemment des tumultes de la cour, grand amateur de livres, à l’affût des dernières éditions, Patin suivait de près l’histoire de son temps, tout en cultivant le goût des belles lettres, des sentences et des citations latines et grecques, dont il truffait ses lettres. Cette curiosité semble l’avoir mené à quelques actions illicites, si l’on en croit le procès-verbal d’une visite domiciliaire en date du 15 septembre 1566, qui révéla des livres prohibés transportés par son fils Charles et lui-même [28]. Lorsqu’il mourut en 1672, sa bibliothèque comptait environ 15.000 volumes [29].

II. La guerre contre les antimoniaux

L’arsenal thérapeutique de Guy Patin a traversé l’histoire, grâce à la publicité que Renaudot lui fit dans la Gazette, en accusant « l’homme aux trois S » d’enterrer ses malades à force de saignées, de ptisanes au son et de purges au séné [30]. De même son activité et ses prises de position dans les luttes qui ont marqué la vie médicale à Paris au cours du XVIIe siècle sont bien connues : si Patin réussit à étouffer la tentative de Théophraste Renaudot pour établir des Consultations charitables et des Conférences libres en-dehors de la Faculté de Médecine et du Collège, il échoua dans la guerre contre les médications chimiques, en particulier l’antimoine, et il s’opposa en vain aux substances végétales importées du Nouveau Monde, qui concurrençaient une materia medica confirmée par les écrits des anciens. Pourtant, il vécut suffisamment longtemps pour devoir assister au triomphe des méthodes thérapeutiques qu’il avait combattues.
Au dogmatisme de la pensée, s’ajoutait, il faut le reconnaître, un sens aigu de la protection et de la conservation des privilèges des médecins formés à Paris, d’autant que les médecins du roi se recrutaient volontiers dans d’autres universités depuis Henri IV, et que les rois tentaient de mettre en place une politique de santé publique qui échappât à l’Université. La rivalité entre Paris et Montpellier s’accrut et divisa davantage le monde de la médecine, entre partisans de la politique royale et tenants du conservatisme parisien. La lecture des Curieuses recherches sur les escholes de Paris et de Montpellier publiées par Jean Riolan en 1651, chez Meturas à Paris, montre suffisamment que le débat réel n’est pas l’opposition entre formations universitaires, ni même en fin de compte celui des monopoles territoriaux d’exercice médical, mais bien plus profondément un refus de tout ce qui pourrait ressembler à une intervention politique dans l’art médical. Certes, il y avait eu auparavant, et récemment encore, des interventions du roi dans les affaires intérieures de la faculté de médecine, qu’on se souvienne de Du Chesne et de Turquet de Mayerne. Mais dans le premier quart du XVIIe siècle, des médecins du roi, soutenus par le souverain, entamèrent une lutte ouverte contre les médecins de la faculté de Paris. Le nouveau conflit débuta en 1612 avec l’accueil de Théophraste Renaudot (1584-1653) dans la maison médicale de Louis XIII dirigée par Jean Héroard, premier médecin du roi. Né à Loudun, nommé docteur à Montpellier en 1606, Renaudot avait exercé dans sa ville natale où il avait rencontré le Père Joseph (Leclerc du Tremblay), conseiller de Richelieu. Grâce à la protection de ce dernier, il fut nommé en 1618 Commissaire général des pauvres valides et invalides et défendit plusieurs projets pour lutter contre le paupérisme. Un arrêt du Parlement de 1624 et une déclaration royale datée du 31 mars 1628 l’autorisèrent à ouvrir un Bureau d’adresses à Paris, et à publier une Gazette pour laquelle il obtint un privilège le 8 juin 1628. En 1630 il ouvrit un Bureau de vente à grâce, troques et rachapts de meubles et autres biens quelconques, ancêtre du Mont-de-Piété, et le 30 mai 1631, il publiait le premier numéro de la Gazette [31]. Dans le même temps, il organisa à partir de 1633 dans la grande salle du Bureau d’adresses, à l’enseigne du Grand Coq (rue de la Calandre, près du Palais) des Conférences ouvertes au public ; elles avaient lieu tous les lundis après-midi, de 14 à 16h, étaient prononcées en français et portaient sur divers sujets scientifiques [32]. Effort de vulgarisation, tentative de battre en brèche l’enseignement officiel de la faculté de Paris ? Le fait est que les Conférences attirèrent un public nombreux de médecins de province et de chirurgiens qui trouvaient là une sorte de « Collège » non pas créé par le roi, mais tacitement accepté par lui.
Renaudot entreprit aussi de réformer le système de soins existants, en publiant en 1640 Les Consultations charitables pour les pauvres malades, un fascicule de douze pages où il défendait l’idée que les pauvres et les indigents devaient être soignés gratuitement par des docteurs fameux, au même titre que les riches, et en créant des consultations où les pauvres de Paris recevaient soins et médicaments. Ce fut à cette occasion que la faculté de médecine de Paris se déclara victime de plusieurs préjudices : des médecins de province et surtout de Montpellier venus rejoindre Renaudot exerçaient ouvertement à Paris, bafouant ainsi le monopole territorial de la faculté de Paris, sans même l’excuse d’être médecins de cour ; des apothicaires avaient été engagés par Renaudot et préparaient les drogues in situ, sous la seule protection du médecin du roi. C’était remettre en question le statut des apothicaires et leur dépendance par rapport à la faculté de médecine de Paris, acquise depuis près d’un siècle, qui les distinguait des épiciers et autres empiriques [33]. De plus, Renaudot et les apothicaires qu’il avait réunis soutenaient la médecine chimique autant que galénique, en accord d’ailleurs avec la toute récente publication du Codex medicamentarius seu pharmacopoea Parisiensis paru en 1538 [34], sous la direction du doyen de la faculté de médecine de Paris, Gabriel Hardouin de Saint- Jacques, et contre l’opinion de beaucoup de docteurs régents qui désapprouvaient cette vulgarisation de remèdes jugés dangereux, entre autres le vin émétique, qui avait été condamné en 1566 et en 1615 [35]. L’affaire Du Chesne et Turquet de Mayerne n’était pas encore oubliée. La faculté de médecine de Paris déposa une requête contre Renaudot, l’accusant d’exercer « sans titre » (l’argument varie peu par rapport au siècle précédent : exercice illicite et assimilation aux charlatans divers). Malgré la protection de Richelieu et celle du roi, Renaudot fut la cible d’injures et de mesures de rétorsion qui n’honorent guère le monde universitaire. N’alla-t-on pas jusqu’à interdire à ses deux fils, Isaac et Eusèbe, de participer aux épreuves du doctorat, en raison du grave préjudice causé par leur père, malgré l’intervention directe de Richelieu auprès du doyen Guillaume Duval [36] ? La mort de Richelieu le 4 décembre 1642 et celle du roi le 14 mai 1643 privèrent Renaudot de ses deux appuis politiques. Libelles, injures et brochures, dont beaucoup doivent être attribués à René Moreau, signés ou anonymes, se succédèrent de part et d’autre [37]. Un procès eut lieu, Patin, qui était censeur, plaida et gagna [38] ; en 1644 le Parlement rendit un arrêt confirmant la faculté de médecine de Paris dans ses prérogatives, obligea Renaudot à arrêter les Consultations charitables et les Conférences [39], mais enjoignit à la faculté d’appliquer le projet rédigé en 1637 concernant l’établissement de consultations charitables des pauvres. C’était reconnaître en fait le bien-fondé de l’entreprise de Renaudot sur le plan social et thérapeutique. Certes, les médecins licenciés de Paris étaient invités à visiter les pauvres malades de l’Hôtel-Dieu avec le médecin titulaire, mais ces visites avaient lieu bien tardivement dans leurs études, après la licence qui donnait le droit de pratiquer. Les modifications apportées aux statuts en 1637 et en 1644 eurent pour effet d’alourdir les tâches des professeurs à la faculté de Paris. Auparavant, leur serment comprenait l’obligation de faire une heure de cours magistral au moins par jour en robe longue. S’ajoutait pour les régents la présence aux jurys d’examen, depuis le baccalauréat jusqu’au doctorat, et la présidence à tour de rôle des thèses quodlibétaires ; à partir de 1644, quatre, puis six docteurs furent choisis pour recevoir gratuitement les indigents venant consulter rue de la Bûcherie le samedi :

« Tous les samedi, six docteurs, trois du rang supérieur et trois du rang inférieur, prévenus par les bedeaux, se réuniront avec le doyen dans les salles supérieures, après la messe ; là, ils écouteront avec bienveillance les pauvres malades qui se présenteront, examineront soigneusement leurs maladies, et leur dispenseront avec humanité leurs consultations qu’ils feront écrire par des bacheliers, afin de les former insensiblement à la pratique médicale [40]. »

Si les Consultations charitables de Renaudot eurent des retombées en fin de compte bénéfiques pour l’enseignement pratique de la médecine à Paris, les Conférences qu’il avait inaugurées ne furent pas reprises ailleurs. On peut le déplorer. C’eût été l’occasion pour le Collège Royal de prendre position dans la modernité, et, changeant de public, peut-être eût-il changé le regard sur la science et les méthodes pour l’enseigner.

À l’intérieur de la faculté de médecine, des docteurs-régents qui se montraient tentés par les remèdes antimoniaux rencontrèrent en la personne de Patin un adversaire acharné ; parmi les cibles des attaques portées par Patin, on peut compter, outre les deux fils de Renaudot [41], ceux de René Chartier, de René Moreau et un Martin Akakia, tous accusés d’appartenir à la « secte antimoniale ».
Ce Martin Akakia, neveu du médecin Jean Akakia, fit ses études à la faculté de médecine de Paris et fut déclaré bachelier le 15 mars 1636, licencié le 7 juin 1638, docteur le 6 septembre 1638 [42]. Les sujets des thèses soutenues reflètent les débats de son époque : An mutua omnium corporis partium concordia quædam atque consensio ? (« Une forme de sympathie existe-t-elle entre toutes les parties du corps » ?) en 1636, An Gonorrheæ venae cubiti sectio ?(« La saignée à la veine du coude est-elle utile en cas de gonorrhée ? ») en 1637, An solo medico digna Chirurgia ? (« La chirurgie convient-elle au médecin seul » ?) en 1638. S’il apparaît comme le dernier titulaire en date sur la chaire de chirurgie dans le livre consacré au Collège Royal de France, que Guillaume Duval publia en 1644, il devait l’être depuis peu [43]. Selon Patin, il aurait voulu se démettre de sa charge en 1648, à la mort de son grand oncle Seguin, et il finit par la vendre à Mathurin Denyau qui devait prononcer sa harangue après Pâques 1655 [44]. Il serait donc resté sur ce poste un peu plus de dix ans. Mais la haine de Patin envers l’homme et son enseignement doit être replacée dans le contexte général de la lutte contre l’antimoine. Martin Akakia fut en effet un médecin ouvert aux nouvelles thérapies, qui se prononça en faveur de l’antimoine, et qui n’hésitait pas à consulter avec des médecins étrangers à la faculté de médecine de Paris. Cette entorse aux statuts de la faculté fut blâmée lors de l’assemblée du 19 octobre 1677, et lui valut, déjà âgé, une convocation à laquelle il ne se rendit point. Refusant de justifier sa conduite, il fut menacé de radiation de la liste des docteurs-régents (23 octobre 1677), mais eu égard à l’ancienneté de sa famille, la Faculté décida finalement de le priver de ses privilèges et émoluments pour six mois. Il supporta mal cette humiliation et mourut le 21 novembre 1677. Il fut inhumé dans l’église de Saint-Eustache. La Faculté assista à ses obsèques [45].
Une autre victime de Patin fut le fils aîné de René Chartier. Après un doctorat en droit, Jean Chartier (1610- 1662) fit des études de médecine à Paris ; bachelier en 1632, licencié en 1633 [46], il devint docteur-régent en 1634. Il fut nommé médecin ordinaire du roi par quartiers à la suite de son père qui renonça en sa faveur le 13 avril 1639, et succéda à Jacques Cousinot comme professeur royal de chirurgie en 1643 ; mais en 1644, il était présent aux Bains de Bourbon où il accompagnait la reine d’Angleterre [47]. Il publia chez Jacques de Senlecque à Paris une traduction en français du traité de Palladius, De febribus concisa synopsis, sous le titre Traité des fièvres, en 1646, se lia avec Eusèbe Renaudot, un des fils de Théophraste, et prit position en faveur des remèdes antimoniaux. En 1651, il publia chez J. de Senlecque un traité intitulé La science du plomb sacré des sages ou de l’antimoine, où sont décrites ses rares et particulières vertus, puissances et qualitez, adressé à un philiatre anonyme. En moins de soixante pages, Jean Chartier établit la légitimité de l’antimoine comme médicament et cosmétique, avec des arguments historiques anciens et modernes ; il y voit le tétragonon d’Hippocrate et assure sa démonstration en citant abondamment Galien (toujours dans l’édition établie par son père ! Signe de reconnaissance de son autorité scientifique), mais aussi l’école de Montpellier, Basile Valentin et Agricola. Sa conclusion est évidente : bien préparé et épuré, l’antimoine n’est pas un poison, il est « plutost preservatif, alexithere et defensif, soit seul ou joinct à ses semblables » et est recommandé non seulement pour les yeux mais pour les autres parties du corps. Le livre se termine par l’image du hibou de Kunrath muni de lunettes et perché sur un cep de vigne ; au-dessous de l’illustration, figure un quatrain satirique contre les calomniateurs de l’antimoine et d’une manière générale contre ceux qui, semblables au chat-huant d’Aristote, ne voient pas les mérites de la Chemie (sic) [48]. Le livre déchaîna la colère de la faculté de médecine [49]. Prenant prétexte que le livre n’avait pas été approuvé par la Faculté [50], Guy Patin, alors doyen, fit nommer à l’assemblée réunie le 28 août 1651 une commission de trois censeurs, Jean Riolan, René Moreau et Jean Merlet, chargés d’examiner le livre et procéda à la radiation de Jean Chartier de la liste des docteurs-régents pro inepto quodam libello suo de Antimonio [51]. Jean Merlet, ancien doyen, soutenu par la faculté réunie le 23 décembre 1651, profitait de ce litige et d’un projet de réédition du Codex medicamentarius pour demander au Parlement de revenir sur l’autorisation des médicaments antimoniaux. Jean Chartier, soutenu par François Vautier, premier médecin du roi, et par François Guénaut, un médecin parisien réputé, intenta un procès à la Faculté et obtint du Parlement de Paris un arrêt daté du 4 janvier 1652 autorisant la réimpression du Codex medicamentarius sans changement. Le 11 janvier 1652, en raison de son exclusion, Jean Chartier se voyait interdire de disputer selon son rang contre Daniel Arbinet, candidat au doctorat ; c’était en quelque sorte le priver de ses émoluments et de l’exercice de sa profession, ce dont Patin, auteur de ces mesures, se réjouit méchamment [52]. Mais le 26 mars de la même année, soixante-et-un docteurs-régents de Paris, soit environ la moitié du nombre total, signaient une reconnaissance officielle des vertus thérapeutiques de l’antimoine, le jugeant propre à soigner de nombreuses maladies. Parmi les signataires, on relève les noms de Jean Chartier, René Chartier, François Guénaud, Martin Akakia, Léger, Le Vignon, Eusèbe et Isaac Renaudot, Daniel Arbinet, Landrieux [53]. Le procès, retardé par la Fronde, n’eut lieu qu’en juillet 1653. Appelé à justifier le décret d’exclusion pris deux ans auparavant, Patin plaida sans convaincre, et fut condamné à payer les deux tiers des dépens [54]. L’antimoine resta inscrit au Codex et Jean Chartier fut réintégré comme Docteur de la Faculté de Paris le 18 août 1653 [55]. C’était la fin du monopole de la faculté de médecine de Paris pour juger et décider de l’efficacité ou non des médicaments, même si la lutte se poursuivit par libelles et par livres, et se termina officiellement par la réhabilitation de l’antimoine dans un arrêt du Parlement en date du 16 avril 1666. Il est certain que le soulagement que Louis XIV ressentit à Calais en juillet 1658 après la cure que lui administra Vallot, ayant essayé en vain tous les autres remèdes, fut pour beaucoup dans le succès du vin émétique, et le premier médecin du roi pouvait conclure cet épisode sinon sans exagération, du moins avec pertinence :

« Mais ce qui est de considérable en cette occasion est […] que ce remède ayant produit un si bon effet, personne ne devait plus faire de difficulté de s’en servir, puisqu’il avait été ordonné avec tant de bons succès à un si grand monarque. En effet, non seulement les malades se sont rendus fort soumis quand on le leur a proposé, mais les médecins même, qui avaient une répugnance à ce remède et qui avaient fait une protestation solennelle de n’en ordonner jamais à leurs malades, en quelque extrémité qu’ils puissent être, se sont rendus à une expérience si forte et si considérable, et ils ont renoncé à l’hérésie qui les avait si longtemps rendus opiniâtres et rebelles à un secours qui surpasse la vertu de tous ceux que l’antiquité a pu inventer [56] ».

Philippe Chartier (1633- 1669), fils aîné du second mariage de René Chartier, fut reçu docteur en médecine en 1656. Selon Goujet, il aurait également été médecin du roi et professeur royal, et se serait vanté publiquement d’être l’auteur de La Science du Plomb sacré [57]. Comme son père et son frère, il est l’objet de propos enfiellés de Patin : il serait mort des suites d’une dysenterie (due à une vie dissolue !) avec fièvre, il avait été purgé mais trop peu (la saignée étant LA médication par excellence pour Patin) ; il aurait vendu sa charge de médecin par quartiers six mois auparavant mais restait professeur royal : « la charge est aujourd’hui perdue, au moins est-elle au pillage » [58]. Dans la lettre suivante au même Falconnet, il accusait le vin émétique d’être la cause de la mort de Philippe Chartier et l’informait que cinq compétiteurs soutenus par les plus grands de la cour convoitaient la charge laissée vacante [59] ; le 26 septembre il lui annonçait que le roi mettait deux chaires à la « dispute », selon l’arrêt donné sous Charles IX en 1566, mais qui n’avait jamais été observé à son avis : les deux chaires au concours étaient l’une la chaire de philosophie vacante depuis l’année précédente, l’autre, la chaire occupée jusqu’alors par Philippe Chartier [60].
Les deux fils de René Moreau embrassèrent également la médecine. L’aîné, Jean-Baptiste Moreau ( ?- 1693) soutint ses thèses pour le baccalauréat et la licence en 1647 et en 1648, et obtint le doctorat quelques mois plus tard [61]. Selon Goujet, il fut accusé d’avoir composé sa thèse cardinale Estne Hippocratica medendi methodus omnium certissima, tutissima, præstantissima ?, avec la complicité de Charles Guillemeau, qui l’avait présidée le 2 avril 1648. Je n’ai pas trouvé confirmation de cette accusation ; Guy Patin loue la thèse soutenue « methodo hippocratea au grand contentement de notre école et de grande quantité de gens qui estoient venus pour l’entendre » [62] et se fait l’écho deux années plus tard d’un projet de traduction de cette thèse en français : « Lequel [J. B. Moreau] me disoit, ces festes de Noel dernier [1649] qu’il s’en alloit la faire reimprimer, augmentée de plusieurs Observations pour achever de peindre les apothiquaires qu’il hait autant que la peste, et qui sont icy gueux comme peintres ou comme rats d’eglise » [63]. Cette thèse traduite en français et considérablement développée par Quelques observations notables sur diverses médications (séné, antimoine, bézoard, etc.) fut effectivement imprimée et est reproduite dans les thèses de Baron [64]. En 1654 Jean-Baptiste Moreau obtint la survivance de la chaire occupée par son père au Collège royal et prononça la harangue inaugurale le 16 novembre : « Il a harangué long temps et fort bien » écrit Guy Patin, qui semble être un familier des Moreau, partageant avec eux fêtes familiales et succès universitaires, évoquant dans plusieurs lettres les succès du jeune homme, mais déplorant aussi son tempérament peu sobre et une longue maladie qui le laissa « bouffi » [65]. Quelques années plus tard, après la mort de René Moreau, Patin se montrera plus sévère envers le fils, à qui il reprochera la pratique détestable des compilations de textes dans ses leçons dictées au Collège royal :

« Il [Jean- Baptiste Moreau) fera cours à quatre heures, et moi à cinq ; il dictera de morbis mulierum, de quibus tam multi scripserunt, Mercurialis, Mercatus, Rod. a Castro, Primerose, et le Varanda de M. Gras et tant d’autres. Cui non dictus Hylas ? Toutes ces leçons des écoles ne sont que des rhapsodies tirées des bons auteurs par des gens qui n’en savent pas tant qu’eux [66]. »
Jean- Baptiste Moreau devint doyen du Collège Royal en 1671 et doyen de la Faculté en 1672 et 1673. Son frère, Jean Baptiste René Moreau, est peu connu. Il soutint ses thèses en 1674 et 1675, fut docteur le 18 août 1676 [67]. Goujet le place parmi les professeurs royaux, sans autre commentaire.

III. Les eaux métalliques, le médecin et le plaisir du roi

Si les vertus thérapeutiques ou magiques attribuées aux sources et aux fontaines sont connues depuis l’antiquité, elles jouissent d’un engouement nouveau au XVIe siècle qui met à la mode des eaux permettant de soulager sinon de guérir les maux les plus répandus : gouttes, rhumatismes et lithiases… La réputation de ces eaux était fondée le plus souvent sur la tradition, sans prescription ni contrôle médicaux, et intégrait des croyances populaires, partageant ainsi avec les empiriques et matrones un vaste domaine d’eaux douces ou minérales, où fontaines, sources, lacs se voyaient dotés généreusement de qualités diverses [68]. Mais ce siècle vit aussi naître une floraison de traités écrits par des médecins, en langue savante ou en vernaculaire, consacrés aux bains, De balneis, dans le cadre de monographies consacrées à des villes d’eaux, soit qu’ils y fussent établis, soit qu’ils aient eu le désir d’attirer des malades fortunés vers les lieux de cure dont ils faisaient la promotion. Cette littérature était donc essentiellement « régionale », à commencer par Roch le Baillif qui en 1578 déjà, avait fait l’éloge des eaux minérales de Bretagne [69] ; en 1603, Jacques Duval, médecin à Rouen, publia une Hydrothérapeutique des fontaines médicinales de Rouen et des environs [70]  ; l’année suivante, Jean Aubery (1569-1622), médecin du duc de Montpensier, adressa au roi un traité de plus de deux cents feuillets décrivant Les bains de Bourbon-Lancy et de Bourbon L’Archambault [sic], qu’il publia à Paris, chez Périer. Si le côté savant est présent dans l’éloge de la renommée antique de ces « ruines », et dans l’usage de citations d’autorités médicales anciennes en latin, la partie technique de tels traités se veut complète et passe en revue tous les traitements possibles sur les lieux de la cure (bains, étuves, boisson, douches et boues).
En mai 1605, Henri IV créa une surintendance des eaux minérales du royaume qu’il confia à son premier médecin Jean de la Rivière. C’était augmenter considérablement le champ d’action de ce dernier dans un domaine qui, jusqu’alors, avait échappé à toute ingérence administrative, en même temps que le statut d’autorité scientifique du premier médecin s’en trouvait considérablement accru par rapport à la faculté de médecine qui aurait pu demander que la reconnaissance des propriétés médicinales des eaux entrât dans ses prérogatives [71]. En fait, la question des soins par les eaux déborda les polémiques entre universitaires ; elle intéressait au premier chef le roi, sur le plan de la santé, certes, mais avait aussi des implications et des conséquences dans le domaine politique et économique. À l’avènement de Louis XIII, la charge de surintendant des eaux revint à son premier médecin Jean Héroard. Grâce à la protection du duc de Bellegarde, Héroard avait obtenu la place de premier médecin du Dauphin le 15 septembre 1601 et avait présidé à la naissance de ce dernier le 27 septembre 1601 ; il resta auprès du roi sa vie durant, à la cour, dans ses voyages et dans les guerres, malgré l’hostilité de certains courtisans et médecins (Charles Guillemeau entre autres). Propriétaire de biens considérables (il acheta la seigneurie de Vaugrigneux), il tenta d’établir en 1611 une superintendance sur l’exercice de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie, mais échoua devant le doyen Claude Charles [72]. Il soutint le projet de création du jardin Royal dont il aura la surintendance en tant que premier médecin, par un décret du 8 juillet 1626 [73]. Il mourut le 8 février 1628, au siège de la Rochelle [74]. Il fut remplacé par Charles Bouvard (1572-1658). Originaire de Montoire, orphelin de bonne heure, dans un pays dévasté par les guerres de religion, Charles Bouvard fit des études de lettres, de philosophie et droit civil à l’Université d’Angers, avant de commencer ses études de médecine à Paris ; bachelier en 1604, il obtint le premier lieu de la licence et fut reçu docteur le 20 mai 1606 [75]. Devenu médecin, il participa à plusieurs consultations avec des médecins de cour ; à la demande du duc de Vendôme, il publia en 1604 une Description de la maladie, de la mort et de la vie de Mme la duchesse de Mercœur (autopsie en vers). Sur le plan de la thérapie, il hésita entre tradition et modernité : grand partisan de la saignée, il aurait fait prendre au roi en une seule année deux cent quinze médecines, deux cent douze lavements, et le fit saigner quarante-sept fois. Par ailleurs, il se montra convaincu des vertus des cures thermales. Nommé premier médecin, il prescrit au roi de « prendre les eaux de Forges » [76].
Pourquoi celles-ci en particulier, dans un catalogue qui comporte vingt sources réputées au début du XVIIe siècle [77] et près de trois cent documentées dans le Catalogue raisonné publié par Carrère en 1785 [78] ? Il semble que les propriétés médicinales de ces sources ferrugineuses, aux vertus comparables à celles des eaux de Spa [79], aient été découvertes fortuitement et confirmées par la guérison de Jean du Moy, seigneur de Mailleraye, près d’Elbeuf, qui en aurait bu ; c’est du moins ce qu’affirme Pierre de Grousset, apothicaire du prince de Condé, qui publia en 1607 un Recueil de la vertu de la Fontaine médicinale de Saint-Éloi, dite de Jouvence [80].... L’auteur décrit l’infrastructure de la fontaine qui réunit trois sources en une seule, dans un petit bassin en briques « de quatre pieds de longueur sur trois de large » [81]. L’ouverture de la fontaine se faisait solennellement chaque année, le 22 juin, jour de la Saint Éloi, patron des forgerons, et « personne ne descendoit à la fontaine pour boire, qu’après qu on y avoit esté en procession, et que la grande messe étoit dite » [82]. Le succès grandissant des eaux de Forges fut à l’origine d’aménagements réalisés dans les années 1577-1578 en vue du confort des curistes et de la salubrité des lieux ; Julien Paulmier, conseiller et médecin du roi, fit protéger la source par des fossés et des retranchements qui l’isolaient des marécages environnants [83]. Malgré les guerres civiles qui dévastèrent la région et un incendie qui détruisit en 1607 une grande partie du bourg, le succès de la source ne se démentit pas, grâce aux malades illustres qui venaient s’y soigner, parmi lesquels on comptait des médecins de la cour et des professeurs royaux de médecine venus de Paris [84], grâce aussi à la publicité que lui firent plusieurs ouvrages qui se succédèrent à un rythme rapproché. Une comparaison des eaux de Forges avec les eaux minérales de Rouen découvertes peu de temps auparavant par un écuyer du duc de Montpensier aboutit à la conclusion que les eaux de Forges étaient les meilleures [85].
En 1531, parut chez Libert à Paris un petit livre intitulé Discours au roy touchant la Nature, Vertus, Effects et Usage de l’Eau minerale de Forges [86]. La page de titre précise à la fois le destinataire, le sujet précis (les eaux minérales de Forges) et les différents aspects de ces fontaines qui seront analysés et valorisés dans le livre : nature, propriétés, effets, mode d’emploi. L’auteur en était Jacques Cousinot, médecin du roi par quartier et gendre du premier médecin Charles Bouvard. L’épître dédicatoire datée du 15 juin 1631 rappelle les circonstances qui ont favorisé l’écriture de ce petit traité : Louis XIII se serait résolu à prendre les eaux de forges sur les conseils de Charles Bouvard. Certes, entré depuis peu au service du roi, Jacques Cousinot avait tout intérêt à suivre les prescriptions du premier médecin, qui était aussi son beau-père et à qui il devait sa situation. Le Discours sur les eaux se présente donc sous une forme ambiguë, en guise de remerciement pour les faveurs royales dont l’auteur a bénéficié [87], mais aussi comme un solide appui aux conseils du premier médecin, dont la « prudence et la raison » (les deux vertus cardinales du bon médecin depuis Hippocrate) sont louées ainsi que son assiduité à « conduire » la santé du roi et à la conserver :
« Le bruit qui s’est espandu depuis peu de jours de la resolution que vostre MAIESTÉ a preise d’user des eaus minerales de Forges, m’a donné occasion de mettre la main à la plume, & tracer ce petit discours, auquel elle pourra recognoistre avec combien de prudence, & de raison son premier Medecin veillant continuellement à la conservation de sa santé, luy a proposé un tel remede ; ensemble remarquera l’ordre & la maniere necessaire à observer durant son voyage [88]. »
Si la santé du roi était la raison essentielle de la prescription d’eaux minérales, il n’est pas exclu que cela ait aussi été un moyen de lutter contre les médecins astrologues italiens dont l’influence sur la reine Marie de Médicis était grande à cette période. Enfin, la présence du roi à Forges n’eût point manqué de donner un éclat remarquable à la médecine nouvelle, et implicitement peut-être, eût servi à la gloire et au profit du premier médecin, surintendant de ces fameuses eaux médicinales. C’est donc dans un milieu social particulier, celui des médecins de cour, mais aussi des docteurs-régents de la faculté de médecine de Paris, dans un contexte épistémologique partagé sur les vertus de la nouvelle médication par les eaux minérales, qu’il faut replacer ce petit traité écrit par le gendre de Bouvard.
Né en 1590 à Paris, Jacques Cousinot était le fils d’un docteur-régent de la faculté de Paris, également prénommé Jacques, parfois appelé Jacques Cousinot le Vieux [89]. Il fit ses études à la faculté de médecine de Paris ; reçu bachelier le 16 avril 1616, il soutint ses thèses [90] sous la présidence de Michel Seguin et fut reçu licencié en mai 1618, docteur le 20 juin de la même année. Il avait épousé Anne Bouvard, fille de Charles Bouvard, qui n’était encore qu’un des médecins ordinaires du roi. Il bénéficia également de la protection de René Chartier qui le fit nommer professeur royal de chirurgie en 1623. En 1624 et 1625, il fut doyen de la faculté de médecine, en 1628, il publia son Discours d’installation comme professeur royal comprenant un éloge de la reddition de La Rochelle [91], et obtint, grâce à son beau-père, une charge de médecin du roi par quartier. Selon une lettre de Patin, il aurait dicté au Collège en 1629 ou en 1630 un traité de médecine intitulé De sanguinis ex quacumque corporis parte prosiluentis curatione comprenant vingt chapitres, mais qui n’a pas été retrouvé [92]. En 1638, il obtint la place de premier médecin du Dauphin, le futur Louis XIV et assista à l’inauguration du Jardin Royal des plantes médicinales et des bâtiments en 1640. Avec la mort de Louis XIII le 4 mai 1643, Bouvard perdit sa charge de premier médecin, Cousinot devint alors premier médecin de Louis XIV et se démit de sa chaire du Collège Royal en faveur de Jean Chartier, qui était également médecin servant du roi. Il mourut en 1645 ou 1646, après avoir subi 43 saignées… Vautier, protégé de Marie de Médicis, lui succèdera.

Le Discours écrit en 1631 se présente comme une œuvre de circonstance mais s’inscrit dans une démarche scientifique moderne. Il diffère des regimina médiévaux, des manuels et préceptes destinés à restaurer la santé ou à la maintenir en bon état ; le Discours ne ressemble pas davantage à un régime de vie, tel celui qu’avait composé Joseph Duchesne par exemple à l’intention du futur roi [93], et ne se présente pas non plus comme un simple éloge des propriétés et des effets thérapeutiques des eaux de Forges. Cousinot prétend s’appuyer sur deux notions essentielles, la raison et l’expérimentation : « Il est vray que l’experience a premierement descouvert la vertu medicinale & les effets de ces eaus, mais depuis la raison y a beaucoup adiousté, qui sont les deux Pilotits, sur lesquels est appuyée nostre medecine et les seuls instruments par lesquels la verité quelle qu’elle soit peut estre recognuë [94] ». Après avoir énuméré les qualités de l’eau de la fontaine selon les moyens traditionnels (goût, odorat…), et montré les limites de cette démarche, l’auteur envisage les « accidents » (nature du terrain, canaux) qui nuisent à la connaissance de la vraie composition de l’eau de Forges, puis énumère différentes épreuves ou expérimentations (évaporation, décoction, distillation, choix des matériaux des vaisseaux utilisés pendant l’expérience) pour déterminer la nature des minéraux contenus dans l’eau, le plus souvent par déduction et raisonnement conjectural [95]. Il conclut, en accord avec l’opinion commune des médecins, que les eaux de Forges contiennent un peu de vitriol [sulfate d’antimoine] et beaucoup de fer, et que leurs effets sont comparables à ceux des eaux de Spa dans le pays de Liège ou de Pougues dans le Nivernois : elles sont apéritives, rafraîchissantes, toniques, nettoient donc les reins et la vessie et fortifient l’estomac et le foie. Suit une liste de dangers et d’inconvénients occasionnels, voire de cas où elles sont inefficaces. Si Cousinot fait état « en passant » des disputes et controverses médicales au sujet des effets des eaux dans telle ou telle maladie, il choisit une position modérée et convient que les eaux ne sont pas des panacées. Leur fonction essentielle est de faire uriner, c’est-à-dire d’aider à l’évacuation et de rétablir l’équilibre humoral, mais leur efficacité est limitée par leur nature et par l’usage plus ou moins raisonné que le malade en fait. Si on respecte quelques règles de base (ne pas en boire une trop grande quantité, ne pas les retenir en soi..), elles ne présentent aucun risque. Le cautionnement d’Hippocrate et de Cardan vient à point pour encourager le roi à user de ce remède « innocent et [qui] n’a jusques icy receu aucun blasme » [96]. Mais il faut encore décider le roi à se rendre à Forges cette année même, muni d’un guide détaillé. Pas moins de douze chapitres constituent un manuel du parfait curiste, examinant les conditions de la cure proprement dite et conseillant une hygiène de vie qui doit préparer le corps avant, pendant et après la cure (promenades, sommeil, alimentation, occupations intellectuelles et sociales, sexualité). La cure sera plus efficace si on boit l’eau à la fontaine, mais en cas d’empêchement, on pourra se faire livrer des bouteilles d’eau de Forges à Paris, sans nuire à leurs propriétés médicinales. Or, la situation politique empêcha le roi de se rendre à Forges en 1631. Louis XIII se contenta de boire les eaux qui étaient apportées en bouteilles au château de Saint Germain, selon le conseil que lui avait donné son médecin, et son exemple fut bientôt suivi par la cour [97]. L’année suivante, il usa du même remède pendant ses déplacements pour combattre la rébellion qui s’étendait dans le Languedoc. Ce ne fut qu’en 1633 que le voyage à Forges put avoir lieu sur les conseils réitérés de Charles Bouvard, appuyé par Richelieu. Après un voyage de trois jours, la cour parvint à Forges le 15 juin 1633. L’arrivée du roi, rejoint par la reine Anne d’Autriche et par le cardinal de Richelieu (malade de la gravelle), fit la renommée et la prospérité du bourg. Comme dans toute ville thermale, les festivités et réjouissances furent à l’honneur. Le roi y fit jouer la comédie, entre autres une pièce de circonstance, Les Eaux de Forges, écrite par Claveret, rival de Corneille [98]. Louis XIII accorda l’autorisation d’établir à Forges des foires et des marchés francs et en repartit si bien portant qu’il se livrait, le 13 juillet, à Chantilly, au plaisir de la chasse, sa passion favorite, et faisait manœuvrer sa cavalerie, au dire de la Gazette. Il fit diviser par son fontainier Franchini la source Jouvence en trois sources distinctes, appelées la Reinette, la Royale et la Cardinale, en fonction de leurs vertus respectives et des visiteurs illustres qui y étaient venus. La rumeur fit le reste : on attribua aux eaux de Forges le rétablissement de la santé du cardinal, qui vécut neuf ans encore, et à plus long terme, la fécondité du couple royal avec la naissance de Louis XIV le 5 septembre 1638 [99]. Les eaux de Forges eurent bientôt la réputation de guérir toute espèce de maladie. La noblesse de la France s’y rendit en foule. En 1655, alors que le roi est malade à Fontainebleau, le premier médecin Vallot prescrira également les eaux de Forges, qu’on lui apportera à boire, en complément des saignées et des lavements habituels [100].
La faculté de médecine de Paris ne se soumit pas de bon gré au « plaisir » du roi. En 1633, Jean Piètre, bachelier en médecine, avait obtenu l’approbatur du doyen Boujonnier pour soutenir une thèse dont la conclusion devait être négative : An visceribus nutritis æstuantibus aquarum metallicarum usus salubris ? (« L’usage des eaux métalliques est-il salutaire pour des fermentations intestinales ? »), sujet délicat si l’on songe que le roi Louis XIII venait d’être envoyé à Forges pour rétablir son flux intestinal. Bouvard profita d’une indisposition du candidat pour le remplacer par un certain Barrelier, qui n’avait pas encore obtenu son visa. Le 6 novembre 1633, l’affaire fut portée devant le Parlement, mais le 16 décembre, à la demande de Bouvard, le Conseil privé du roi interdit à l’École « d’agiter la question de la vertu et qualité des eaux minerales ». Exception faite toutefois pour la thèse soutenue le 23 février 1634 par François Le Vignon, sous la présidence de Bouvard : An calidis naturis qualiumcunque metallicarum aquarum potus insalubris ? (« Les potions d’eaux métalliques, quelles qu’elles soient, peuvent-elles nuire aux tempéraments chauds ? »). La réponse fut négative, selon les souhaits du premier médecin, soutenu par le parlement. En mars 1634, l’assemblée des docteurs-régents accepta à contre cœur de se soumettre aux ordres du roi (non propugnata iussu regis) [101].
La promotion des eaux minérales n’était pas sans intérêt pour le surintendant ; il avait le privilège de nommer dans chaque province pourvue de sources et de fontaines minérales un intendant chargé de les visiter, d’en contrôler la qualité et d’en assurer la gestion et le commerce. Les premiers médecins du roi, Bouvard, puis Daquin, Vallot ensuite, désignèrent comme intendants des médecins locaux ou des médecins ordinaires du roi : les premières intendances de la région du Bourbonnais, l’une des plus riches en sources minérales, furent confiées successivement à Aubry, Drouin, puis Delorme. Le succès des cures thermales obligea les premiers médecins Daquin puis Vallot à règlementer l’exploitation des eaux, leur usage et leur commerce, et à faire réprimer par édits et arrêts royaux les abus et les fraudes, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles [102].

IV. Le Jardin Royal et la nouvelle anatomie des plantes et des hommes

La date généralement retenue pour la création d’un Jardin royal des plantes médicinales à Paris est 1635. Plusieurs témoignages prouvent cependant que le projet de fondation est bien plus ancien, et au moins contemporain de l’initiative d’Henri IV qui avait déjà fondé le Jardin Royal des plantes à Montpellier [103] ; dès les premières années de son existence, ce jardin établi par le médecin naturaliste Pierre Richer de Belleval (1564-1632), successeur de Laurent Joubert et démonstrateur de simples, avait fait l’admiration des savants et visiteurs et suscité des émules. Dans une harangue prononcée en décembre 1594, le doyen Henri de Monantheuil esquissait un modèle idéal de Collège des professeurs royaux [104], comprenant la bibliothèque royale, un jardin des plantes, des démonstrateurs d’anatomie, une chapelle, reprenant à son compte le projet de réformation de l’Université qu’avait esquissé Ramus, et dont Riolan se souviendra :
« [Ma nomination comme professeur en anatomie et en pharmacie] fut justement accomplir le souhait de Petrus Ramus, autrefois professeur du Roy, en son oraison touchant la reformation de l’Academie. En l’exercice de la medecine (ce dit-il) on a delaissé la plus excellente partie, laquelle rend raison des pensees du medecin et du succes d’icelles. C’est celle là où les escoliers seroient en certaine saison de l’annee conduits par leur Professeur dans les jardins et dans les prairies ; pour y conferer avec luy des herbes, des plantes et de toutes autres sortes de simples [105]. »
Quelques années après sa nomination comme professeur royal d’anatomie et de botanique, Jean Riolan présenta au roi un projet d’établissement d’un jardin des plantes dans l’université de Paris. La première allusion à ce projet figure dans l’épitre adressée à M. de Luynes, en tête de la Gigantologie :
« Vous pouvez pareillement avertir le Roi, qui ne désire que la santé et conservation de ses sujets, de la nécessité d’un Jardin royal en l’Université de Paris, à l’exemple de celui que Henri le Grand a fait dresser à Montpellier, lequel si nous obtenons du Roi par votre faveur, vous obligerez toute la France qui se ressentira d’un si grand bien que vous aurez procuré pour tous ceux qui pratiquent la médecine [106]. »

La même année, une petite plaquette de vingt-huit pages était publiée sans nom, mais précédée d’une épitre signée Jean Riolan, demandant l’ouverture d’un jardin des Plantes situé à proximité des écoles dans l’Université de Paris [107]. Il existait à cette époque au moins deux jardins de plantes médicinales à Paris. Le premier, datant de 1568, était le petit jardin de la Faculté de Médecine, situé rue des Rats, dans le complexe architectural de la Faculté ; son catalogue devait être remis au Doyen tous les ans, et les bacheliers astreints à payer dix-huit sous pour son entretien [108]. Ce jardin, résultant d’agrandissements et d’achats successifs de terrains et de maisons évitait aux étudiants d’aller herboriser sous la conduite de leurs docteurs régents dans les plaines de Gentilly. Le deuxième était le Jardin des Simples de la Maison de la Charité chrétienne créé par l’apothicaire Nicolas Houel en 1577 ou 1578 sous le règne d’Henri III, dans le faubourg Saint- Marcel [109]. Ce jardin disparut avec l’établissement dont il dépendait. Un jardin du Roy Henri IV est attesté dès les premières années du XVIIe siècle, sur la page de titre d’un des plus somptueux florilèges imprimés, dédié à Marie de Médicis [110].
La requête de Riolan s’inscrivait dans un contexte bien particulier : l’établissement d’un jardin botanique à Paris eût permis à la Ville de se hisser à la hauteur de Montpellier, et donné un lustre supplémentaire aux institutions parisiennes face au corps des médecins du roi, fussent-ils issus de la Faculté de Montpellier. En outre, c’était, dans la ligne de la création du Collège, un excellent moyen de développer la connaissance in situ de la materia medica galénique, qui n’était plus guère renouvelée dans l’enseignement universitaire, alors que l’intérêt pour ce qu’on appelait la chimie des plantes ne cessait de croître.
Un décret du roi enregistré le 6 juillet 1626 [111], acceptait le principe de la création d’un jardin des plantes médicinales à Paris et confiait la charge de surintendant à son premier médecin Héroard ; il autorisait Guy de la Brosse (1586-1641), conseiller et médecin ordinaire, à recevoir sur la cassette royale l’allocation annuelle nécessaire à l’entretien du jardin et une somme pour acheter et aménager un terrain propre à cet usage [112]. La chronologie est à cet égard flottante ; on a prétendu que La Brosse travaillait à ce projet depuis les années 1615-1616, et qu’il avait même acheté de ses deniers un terrain au faubourg saint Victor en 1619 [113] ; mais l’édit de 1535 confirme le contrat en date du 21 février 1633 pour l’acquisition d’une maison et d’un jardin au faubourg Saint- Victor en vue d’y établir un Jardin des plantes médicinales : il s’agit du Clos des Coupeaux ou des Bouchers dont l’entrée se situait rue saint-Victor [114]. En 1528, Guy de la Brosse dédia à Richelieu le traité qu’il venait d’écrire, De la nature, vertu et utilité des plantes, en cinq livres [115], et proposa au roi la même année le Dessein d’un Jardin Royal pour la culture des plantes médicinales à Paris. Soutenu par Héroard et par Richelieu, qui avait compris qu’il avait là une arme contre la Faculté de Médecine, le traité de La Brosse montrait un projet réfléchi et mûri, comprenant un enseignement théorique et pratique de la pharmacologie : les plantes restaient le premier des remèdes, mais leur description était accompagnée d’une analyse chimique de leurs propriétés ; le jardin devait être planté de végétaux de toutes les régions, y compris ceux en provenance du nouveau monde que la faculté de médecine de Paris combattait ou ne reconnaissait pas. Le Jardin pourrait approvisionner les apothicaires, qui seraient donc contrôlés désormais par les surintendants nommés par le roi et échapperaient à la tutelle de la faculté de médecine. Après la mort d’Héroard en février 1628, les surintendances des eaux et du Jardin Royal échurent au nouveau premier médecin, Charles Bouvard, Guy de la Brosse restant l’intendant et l’organisateur des plantations [116]. Si la faculté de médecine de Paris avait pu espérer trouver un allié en Charles Bouvard, docteur-régent, pour faire échouer le projet de La Brosse, elle fut déçue. De toute évidence, Bouvard soutint le projet et aida à le concrétiser ; il est vrai qu’il avait obtenu du roi la promesse de nommer son fils Michel (qui n’était pas médecin) à la succession de La Brosse lorsque ce dernier mourrait [117]. Après une lutte de plusieurs années, le décret de fondation parut en mai 1635, officialisant l’étude de « l’intérieur des plantes », c’est-à-dire de leurs propriétés pharmaceutiques, et nommant les premiers médecins « démonstrateurs » des plantes ; deux étaient médecins du roi à Paris, Cousinot (le gendre de Bouvard) et Baudinot, le troisième, Marin Cureau de la Chambre, Montpelliérain, était chargé des opérations oculaires et manuelles [118]. Un office de sous-démonstrateur fut créé pour Vespasien Robin, arboriste du roi et fils de Jean Robin. Inauguré en 1640, le Jardin Royal se présentait comme un nouveau lieu d’enseignement et de pratique, en-dehors de l’université, sans diplômes ni examens, les cours étaient ouverts à tous et dispensés en français ; un cabinet devait conserver les échantillons des drogues simples et composées ainsi que les « choses rares » : anatomie végétale, pharmacopée des produits chimiques et des corps organiques. C’était le début d’un établissement où toutes les sciences de la nature auraient leur place, des laboratoires de recherches, des lieux d’enseignement, un musée (futur Museum National d’Histoire naturelle). La faculté de médecine de Paris s’opposa en vain à l’enregistrement de l’édit de mai 1635 devant la Chambre des Comptes [119]. Guy de la Brosse mourut en 1641 ; Jean Merlet, docteur-régent de la faculté de médecine de Paris se porta candidat à la succession, mais il fut évincé par Michel Bouvard, fort de l’appui de son père et du roi [120]. En 1643, la mort de Louis XIII aurait dû mettre fin aux surintendances exercées par Charles Bouvard ; il semble avoir convaincu son gendre, nouveau premier médecin du roi, d’obtenir des lettres patentes pour que les Bouvard restent en fonctions [121]. Trois ans plus tard, le 25 juin 1646, Cousinot mourut ; François Vautier lui succéda. C’était un médecin partisan des thérapies chimiques et de l’antimoine en particulier, adversaire déclaré de Patin, il porta le différend avec les Bouvard devant le Parlement et obtint gain de cause le 14 juillet 1646. Les Bouvard firent opposition ; le 15 avril 1647, un arrêt du Conseil d’État nomma William Davisson [122] intendant en lieu et place de Michel Bouvard. Ce fut le début d’une longue série de procès, d’assignations et de luttes de pouvoir entre le Conseil du roi et le Parlement qui soutenait les Bouvard ; en 1652, Davisson, lassé, abandonna la charge et partit pour la cour de Pologne, Vautier mourut la même année et fut remplacé par Vallot. Vers 1555, Charles Bouvard, qui ne renonçait guère, publia un petit livre étrange, mal imprimé, fait à la hâte, qui se présente comme une attaque sarcastique et âpre des médecins de la ville et de la cour, des apothicaires et chirurgiens empiriques, avec en projet une demande de juridiction attribuée à la faculté de médecine ; il semble qu’un très petit nombre de copies de ce Discours adressé au médecins rationalistes (Ad medicos rationales) aient circulé : Moreau, Patin et Riolan l’auraient lu, mais lui auraient conseillé de le cacher pour ne pas s’exposer à la vindicte de Mazarin, de Vautier et de Vallot [123]. Pendant ces six années de procédures, le Jardin fut peu entretenu [124].
Ainsi, en moins de vingt ans, le paysage médical à Paris s’est trouvé profondément bouleversé par des luttes qui dépassaient les compétences de la faculté de médecine. L’antimoine, l’or potable, les eaux minérales ne sont que la partie émergente de luttes doctrinales et de conflits pour le pouvoir. Une famille au sens large occupe le devant de la scène depuis Marescot par le jeu des alliances et des mariages : les Riolan, les Piètre, les Bouvard sont de tous les conflits, associés ponctuellement à un Merlet, un Cousinot, un Patin, dans un périmètre urbain limité entre la faculté, le domicile privé et le Parlement, dans un climat politique général difficile marqué par la Fronde et la résistance au pouvoir monarchique.

Notes

[1PATIN, Lettres, éd. Réveillé- Parise, t. II, p. 162 : « M. Moreau ne cédera sa place de professeur du Roi à son fils qu’en mourant, vu qu’étant, comme il est, un des anciens de ce Collège, il a de bien plus grands gages, à cause de l’augmentation en faveur des plus vieux reçus, que n’auroit son fils, qui, étant le plus jeune, n’aura que 600 livres, au lieu que le père passe 1000 livres et a près de 1100 livres. Morin, le mathématicien, qui est de Ville-Franche en Beaujolois, qui est immédiatement devant lui, ayant la somme entière, qui remplit tout à fait, savoir 400 écus, qui est la même somme qu’en a le doyen, qui est M. Riolan, lequel venant à mourir je prendrai sa place ; n’ayant que la survivance comme a le jeune Moreau, et alors j’entrerai en jouissance des 600 livres et […] puis après je succéderai et me hausserai, dum et quamdiu vixero, à mesure que d’autres mourront qui auront été reçus devant moi... » (Lettre du 26 mars 1555, à Charles Spon).

[2L’introduction de graines de tabac en France est attribuée à André Thevet père (1516-1590) qui les planta à Angoulême. Jean Nicot (1530-1600), ambassadeur, rapporta cette plante du Portugal et l’offrit à la reine et au grand prieur. Des médecins s’y intéressèrent, par exemple Jacques Veyras qui traduisit le traité de Johannes NEANDER, sous le titre Traité du tabac ou Nicotiane. Panacée…., Lyon, 1626. ; voir aussi Jean LE ROYER DE PRADE, Discours du tabac, Paris, 1671. Considéré comme une panacée ou au mieux comme un médicament contre la mélancolie, le tabac fut pour la première fois discrédité dans la thèse soutenue par Claude Berger et présidée par Gui-Crescent Fagon en 1699 à la Faculté de Médecine de Paris (Si l’usage fréquent du tabac abrège la vie ? ).

[3L’Anglais Talbot vend son remède à prix d’or à Paris. Madame de Sévigné, Racine, Fagon le louent, mais Patin considère avec scepticisme les vertus de la « poudre des Jésuites ». Sur ces médications nouvelles, voir par exemple BOUMEDIENNE (2010).

[4PEREZ (2004), p. 128-133 et notes p. 421-427.

[5LARRIEU (1889) ; PATIN, Lettres, éd. Jestaz. Introduction (2006), p. 9- 20.

[6Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1624, f° 115 v : « La transformation d’une femme en homme est-elle impossible » ? La thèse traite de la question des hermaphrodites, la réponse est négative et s’appuie sur les théories artistotéliciennes des différences des genres.

[7« Faut-il faire avorter une femme enceinte dont la vie est en danger ? ». Résumé de la thèse dans PATIN, Lettres, éd. Jestaz. Introduction (2006), p. 12. Voir BARON, Ms 2322 BIU Santé, p. 60-62. Patin répond par la négative sauf si le fœtus est gâté et analyse les causes des avortements spontanés ; il prescrit la saignée des veines du bras comme remède. Le modérateur est François Mallet. Parmi les membres du jury, on remarque le nom de Claude Charles, medicus et prof. Reg., qui mourra en 1631.

[8« Peut-on trouver dans l’urine un signe certain de grossesse ? ». Thèse cardinale présidée par Denys Guérin. Guy Patin, qui est dit archidiaconus, répond négativement à cette question d’école. Voir Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1626, f° 139 v et BARON, Ms 2322 BIU Santé, p. 79-82.

[9CHEREAU (1869), p. 669- 678.

[10PATIN, Lettres, éd. Réveillé-Parise, t. II, p. 570 : récit à Falconnet du festin offert à ses collègues à cette occasion, où il servit du « meilleur vin vieux de Bourgogne » dans sa maison décorée de portraits d’hommes illustres.

[11JURGENS et FLEURY (1960), p. 300 : déclaration de Jean Riolan datée du 23 juillet 1654, suivie de la Convention et de la donation des 4000 livres à Marie de Procé, qui sera effectuée le 16 juillet 1657, six mois après la mort de Riolan. La charge de professeur royal apparaît ici comme vénale, obéissant aux règles des ventes des charges de médecin de cour.

[12 PATIN, Lettres, 9 octobre 1654, éd. Jestaz, II, p. 1281- 1282.

[13Ibid., p. 1282. Patin avait déjà une activité éditoriale importante derrière lui ; en 1628 il avait donné une édition des Opera omnia d’André du Laurens, chez Martin Durand, à Paris ; en 1630, il avait produit la deuxième édition de l’Enchiridion anatomicum de Jean Vigier ; en 1632, il avait participé au Médecin charitable de Philippe Guybert ; en 1637, il avait fait éditer les Orationes et Præfationes de Jean Passerat et en 1641, les Opera omnia du médecin allemand Daniel Sennert (1572- 1637).

[14Ibid., p. 1284.

[15PATIN, Lettres [à Spon], 2 mars 1655, éd. Réveillé- Parise, II, p. 155.

[16PATIN, Lettres …[à Falconnet], 2 mars 1655, éd. Réveillé-Parise, III, p. 48. L’opinion favorable de Patin ne semble cependant pas remporter tous les suffrages, si l’on en croit Ménage : « M. Patin le père se trouva fort embarrassé en faisant sa Harangue après avoir été reçu Professeur Royal. Il lisoit, et comme c’étoit en hyver, et qu’il étoit tard , il fut contraint de se faire apporter de la bougie. Cette Harangue dura trois heures. C’étoit un fatras de partages Grecs & Latins pour prouver l’excellence de sa profession. », cf. MÉNAGE, Menagiana, [éd. consultée : 3e éd., Paris, Vve Delaulne, 1729, t. I, p. 39].

[17LARRIEU (1889), p. 77, produit une quittance d’octobre 1658 : « Je, Guy Patin, Conseiller, Lecteur et Professeur du Roy en Anatomie Botanique et Pharmacie, et Docteur Régent en Médecine de la Faculté de Paris, confesse avoir reçu de Me Claude Coquille, Cons. du Roy et Receveur général de ses finances la somme de 350 liv. scavoir trois cens liv. pour mes gages ordinaires et 50 pour augmentation pour la première demie année de l’an 1657 de laquelle somme je me contente et enquitte le dit sieur et tous autres. Fait à Paris ce 16 d’oct. 1658 ». Larrieu cite également des lettres manuscrites collationnées par Anatole de Montaiglon, qui sont des renseignements de premier ordre sur le contenu des cours, leurs modalités de rétribution, mais qui n’ont pas été répertoriées ou qui ne sont pas accessibles actuellement. Selon Véronique LARCADE, Un gentilhomme campagnard : entre l’histoire et le crépuscule. Journal de Ph. Tamizuy de Larroque, Bordeaux, PUF, 2008, p. 203, Montaiglon, professeur à l’École des Chartes, avait l’intention de laisser tous ses manuscrits à cette institution. D’autres sources manuscrites peuvent être consultées à la BIU Santé, Ms 2007 (correspondance de Patin).

[18PATIN, Lettres, 25 décembre 1669, éd. Réveillé-Parise, III, p. 728. Sur le contenu des leçons et des conférences, voir ALBOU (2006).

[19Robert Patin répondit par l’affirmative aux trois thèses : la thèse quodlibétaire présidée par Jean de Montigny fut soutenue le 28 janvier 1649 : Suntne ridicula, commentitia, et chimærica Chymicorum principia ? (« Les principes des Chimistes sont-ils ridicules, mensongers et chimériques ? », cf. BARON, Ms 2322 BIU Santé, p. 251- 255), la cardinale présidée par Herman de Launay le 11 mars 1649 : An tuendæ ualetudini frequens et moderata purgatio ? (« Une purge fréquente et douce préserve-t-elle la santé ? », cf. BARON, p. 256- 258), et la dernière soutenue le 9 décembre 1649 : Estne certa et optima Luis venereæ per solam hydrargyrosim curatio ? (« Le traitement du mal vénérien par le mercure seulement est-il le plus sûr et le meilleur ? », cf. BARON, Ms 2322 BIU Santé, p. 259).

[20PATIN, Lettres, 12 août 1667, éd. Réveillé-Parise, III, p. 253- 254.

[21PATIN, Lettres, 23 mai 1670, éd. Réveillé-Parise, III, p. 745 ; 30 mai 1670, III, p. 746-747 ; 4 juin 1670, III, p. 748- 749.

[22PATIN, Lettres, 1er mai 1654, éd. Réveillé-Parise, III, p. 29.

[23Cf. GOUJET (1971), p. 332.

[24PATIN, Lettres, 7 mars 1668, éd. Réveillé-Parise, III, p. 673 ; 2 juin 1671, III, p. 780 ; 23 juillet 1671, III, p. 782 : « On parle à la Cour de rappeler mon Carolus. Il y a beaucoup de gens de bien qui l’aiment, mais un ou deux qui le haïssent, sans même qu’on sache pourquoi, lui ont fait plus de mal que ses amis ne lui peuvent faire de bien. Je sais de bonne part que Monsieur de C. a voulu avoir ses manuscrits, mais il aime mieux demeurer dans son exil que de donner la gloire de son travail à un autre. Il a trouvé moyen d’achever l’Imperatorum Romanorum Numismata. Le livre est beau, mais ne doutez pas que ses ennemis n’en disent du mal. Il l’a dédié à l’Empereur, auquel il m’écrit qu’il a des obligations insignes, pour les honneurs & le bien qu’il lui a fait ». Le 29 mars 1693, des lettres patentes réintégrèrent Charles Patin dans ses biens et dans ses titres de médecin de Paris, mais il mourut à Padoue le 3 octobre de la même année, cf. LARRIEU (1889), p. 79-84.

[25DE BUJANDA et RICHTER (2002), p. 444.

[26Sur le cabinet des médailles et la place de la numismatique dans la glorification de la monarchie, voir SARMANt (1994).

[27Voir les belles pages consacrées au libertinage érudit de Patin dans PINTARD (2000), p. 311-326.

[28Procez verbal de saisie des livres de contrebande sur les sieurs Guy et Charles Patain [sic pour : Patin], docteurs en médecine de la Faculté de Paris, [Paris, 15 septembre 1566].

[29Ms 2007 BIU Santé, f° 439 : Billet de faire-part imprimé de l’enterrement de Guy Patin à Saint Germain l’Auxerrois, 1er avril 1672 : « Vous estes priez d’assister au Convy, Service et Enterrement de deffunt noble homme Mr. Guy Patin, Conseiller Medecin, Lecteur et Professeur du Roy au College Royal de France et Docteur Regent en la Faculté de Médecine de Paris, decedé en sa maison ruë du Chevalier du Guet , qui se fera Vendredi premier jour d’Avril 1672 à unze (sic) heures precises du matin en l’Eglise Saint Germain Lauxerrois, sa paroisse où il sera inhumé ; les dames s’y trouveront s’il leur plaist ».

[30LECLERC (1921), p. 212-216.

[31PATIN, Lettres, éd. Jestaz (2006), « Introduction », p. 133- 134.

[32Sur Renaudot, voir JUBERT (2005) ; LUNEL (2008), p. 109-127. Le Bureau fit l’objet d’un ballet dansé devant Louis XIII au Carnaval de 1631, cf. LARRIEU (1889), p. 30-31. Sur les Conférences, voir MAZAURIC (1997) et (2004). Le fils de Théophraste, Eusèbe Renaudot fit imprimer les Conférences à Paris, dès 1656, en cinq tomes, sous le titre de Recueil Général des questions traittées és Conférences du Bureau d’Addresse. Renaudot ne fut pas le premier à ouvrir des Conférences au public. Je remercie Juliette Ferdinand (Université de Vérone et EPHE) de m’avoir signalé les « leçons » que Bernard Palissy organisait à son domicile sur les eaux, les pierres et les métaux, annoncées par voie d’affiches dans Paris, et suivies par un public nombreux de médecins et chirurgiens, cf. PALISSY, (2010), p. 434-439.

[33Manuscrit 108 (BIU Santé-Pharmacie) : Lettres patentes de Charles VIII, datées d’août 1484, portant établissement des statuts des apothicaires et épiciers de la ville de Paris, 8 octobre 1540 ; confirmation par François Ier des lettres patentes de Louis XII (juin 1514) relatives aux statuts des apothicaires et épiciers de la ville de Paris, et réglant notamment un différend survenu entre ceux-ci, au sujet de l’élection des maîtres-jurés et de la fabrication des drogues, octobre 1516 ; confirmation par François Ier des privilèges obtenus par les apothicaires contre les épiciers, avril 1520. Sur l’historique de la question, cf. LUNEL (2008), p. 47-50. Jean Héroard, premier médecin du roi, s’opposera au doyen Claude Charles en essayant de soustraire les apothicaires au pouvoir de la faculté de médecine et de les soumettre au premier médecin du roi.

[34Le XVIe siècle vit l’éclosion de pharmacopées régionales, royales ou universitaires. Le Formulaire de Blois date de 1634, suivi du Codex medicamentarius parisiensis en 1638 ; d’autres pharmacopées furent imprimées à Lille, à Toulouse, à Bordeaux, la dernière « locale » à Lyon en 1778. La Pharmacopée royale galénique et chimique de Moïse Charas fut publiée entre 1676 et 1753, la Pharmacopée universelle de Nicolas Lémery en 1692.

[35L’emploi d’impuretés (arsenic, plomb, soufre) dans le composé minéral le rendait dangereux. La faculté de médecine de Paris avait interdit en 1566 et en 1615 les préparations contenant de l’antimoine, interdiction confirmée par le Parlement de Paris. Cette interdiction fut levée en 1638, remise en vigueur en 1651 et finalement cassée en 1653. Charles Delorme, médecin de Louis XIII, prescrivait l’antimoine dans diverses maladies sous forme de poudres, de pilules ou de vin émétique pour permettre l’évacuation (sudare, vomere, cacare). On pouvait acheter ou louer des pilules « perpétuelles » chez l’apothicaire. Mais des charlatans vendaient aussi des « poudres antimoniales » dont la fabrication était bien entendu tenue secrète.

[36Ms BIU Santé, Commentari XIII, 1642, f° 140 : copie de la lettre de Richelieu, datée du 13 mars 1642 , pressant le doyen Guillaume Duval de donner le bonnet de docteur au fils de Renaudot.

[37MOREAU, R., Defensio Facultatis medicæ parisiensis adversus calomniatorum per Renatum Moreau, doctorem medicum, Paris, 1641 ; La défense de la Faculté de Paris contre son calomniateur, Paris, 1641 ; Remarques sur l’avertissement à M. Théoph. Renaudot, portées à son auteur, par Maschurat, compagnon imprimeur, Paris, 1641 ; Le grand merci de Maschurat, compagnon d’imprimerie, à l’auteur de l’avertissement à Renaudot (s. l. n. d.) ; Requeste présentée à la Reine, par Théoph. Renaudot, en faveur des pauvres malades de ce Royaume (s. l. n. d.) ; Response à l’examen de la Requête présentée à la Reine par M. Théoph. Renaudot, portée à son auteur, par Maschurat, compagnon imprimeur, Paris, 1644.

[38Ms BIU Santé, Commentari XIII, 1642, f° 142v : attaque virulente contre les calomnies de la Gazette et f° 145v daté du 13 septembre 1642 : Patin est déclaré Victor.

[39Renaudot devint historiographe du roi et se consacra à la Gazette jusqu’à sa mort en 1653.

[40Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1644, f° 223 (en date du 22 mars 1644). Une discussion à ce sujet avait eu lieu en 1634, la Faculté avait fait afficher une annonce sur les murs de Paris en date du 27 mars 1637, mais la réalisation ne fut effective qu’en 1644. Cf. BERMINGHAM (1754), p. 4 : Omnibus Sabbati diebus, sex Doctores, tres nempe majoris Ordinis totidemque minoris, per Apparitores antea moniti, in Scholas superiores, post Sacrum, una cum Decano conveniant ; ibique pauperes agros accedentes benigne audiant, et sedulo examinatis eorum morbis, Medica consilia humaniter largiantur, quibus scripto exarandis assiduam ièmpendant operam baccalaurei, ut ad Medicinæ praxim sensim informentur.

[41Le 26 octobre 1654, Eusèbe Renaudot fut opéré d’un abcès au cerveau. Patin signale le fait sans éprouver la moindre sympathie pour le « coquin », Lettre du 27 octobre 1654, éd. Jestaz, p. 1292. Voir aussi Lettre du 1er décembre 1654 [propos injurieux de Patin qui semble regretter que la mort n’ait pas eu faim de ce « grand fourbe, cet imposteur public qui a voulu authoriser l’antimoine par son galimatias de gazette », id., p. 1298- 1299].

[42GOUJET [1971], p. 330.

[43GOUJET (1971], p. 315, p. 317, 319. La lecture des notices biographiques permet de reconstituer la succession des titulaires de cette chaire avant la nomination de Martin Akakia ; la chaire autrefois occupée par son oncle resta vacante jusqu’en 1612, date à laquelle le Cardinal du Perron y fit nommer son médecin personnel, Étienne de la Font, qui y resta jusqu’en 1617, où il obtint de se démettre en faveur de René Chartier ; ce dernier se démit en faveur de Jacques Cousinot fils, qui l’aurait laissé durant quelques mois à Jean Chartier, fils de René Chartier, avant que Martin Akakia n’y accédât en 1544.

[44PATIN, Lettres, mars 1655, éd. Réveillé-Parise, II, p. 156 : « Je ne suis pas marri qu’il [Martin Akakia] ait quitté ; tous les professeurs mêmes en sont bien aises, d’autant qu’il faisoit tort et déshonneur à la compagnie : c’est un homme d’environ quarante-deux ans, qui ne parle que d’argent, et que de faire fortune, qui sont des conditions très dangereuses et très pernicieuses en un médecin […], et qui a signé que l’antimoine étoit un bon remède pour l’argent qu’on lui a donné ».

[45GOUJET (1971), p. 330-331.

[46Le titre de la première thèse portant sur la notion de phronesis témoigne de la persistance des doctrines aristotéliciennes dans la médecine du XVIIe siècle ; la deuxième thèse pose un problème de médecine légale : An comatosus testari potest ? (« Un individu peut-il tester s’il a une fièvre cérébrale « ?) ; la dernière thèse An tertiana febricitanti cerasa, non armeniaca (« À quelqu’un souffrant de fièvre tierce, peut-on donner des cerises, mais pas d’abricot ? ») était dédiée au roi.

[47PATIN, Lettres (datée du 20 septembre 1644), éd. Réveillé-Parise, III, p. 119.

[48Si le quatrain est pauvre (Le hibou fuit la clarté vivifique / Et bien qu’il ayt Lunettes et flambeau / Il ne peut voir les secrets les plus beaux /De l’antimoine et du vin émétique), la distinction entre l’ancienne Alchymie et la moderne Chemie, héritée d’Hippocrate, rend compte de la protection royale accordée à cette dernière, puisque des leçons de Chemie, annoncées par affiches, sont faites par des professeurs royaux au Jardin Royal, p. 3-4) .

[49GOUJET (1971), p. 334, considère que l’auteur du Plomb sacré est Philippe Chartier, aussi malmené par Patin que son frère aîné. Sur la chronologie des événements, voir PATIN, Lettres, éd. Jestaz (2006), « Introduction », p. 160- 182. La littérature pour ou contre l’antimoine, très abondante entre 1550 et 1555, témoigne de l’importance des enjeux en cause. En 1652, Claude Germain, docteur-régent de la faculté de Paris, publie un traité intitulé Orthodoxe, ou de l’abus de l’antimoine, dialogue nécessaire pour détromper ceux qui donnent ou prennent le vin et la pouldre émétique, qui reçoit l’approbation de la faculté parce qu’il critique Chartier et les médecins chimistes, mais pas la chimie elle-même, utile à la pharmacie, cf. Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1652, f° 513. Eusèbe Renaudot publie en 1653 L’antimoine justifié et l’antimoine triomphant, ou discours apologétique faisant voir que la poudre et le vin émétique, et les autres remèdes tirés de l’antimoine, ne sont point vénéneux, mais souverains pour guérir la plupart des maladies qui y sont exactement expliquées, en incluant, p. e2, la liste des docteurs de la faculté qui ont reconnu les vertus de l’antimoine quelques mois auparavant. Jacques Perreau lui répond par Rabat-joie de l’antimoine triomphant d’Eusèbe Renaudot, Paris, 1654, et Jean Merlet par les Remarques sur le livre de l’antimoine de M. Eusèbe Renaudot. Paris, 1654 ; [Célestin Carneau] publie en 1655 un poème satirique, La Stimmimachie, ou le grand combat des médecins modernes touchant l’usage de l’antimoine, Paris, 1656 (le stibium ou stimmi étant les noms latins antiques du tetragonon d’Hippocrate). Pour une défense de la pharmacologie galénique à l’époque de la guerre de l’antimoine, voir JOLY (1997), p. 301- 321.

[50On se souvient que la Faculté de Médecine de Paris s’était attribué un rôle de censure sur les livres de médecine, comme elle détenait le monopole de la pratique médicale à Paris. Voir première partie.

[51Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1651, f° 499v : le doyen fait inscrire l’exclusion de la liste des docteurs régents et précise la sanction en ces termes : a scholis limina privandus singulis scholarum juribus, privilegiis et emolumentis (« Qu’il soit exclu des écoles et privé de tous les droits, privilèges et émoluments des écoles »). Voir aussi Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1651-1652, f° 502 (interdiction de dispute), 506-510 (passim), 513 (approbation du livre de Germain).

[52PATIN, Lettres, (lettre du 5 mars 1652), éd. Jestaz, II, p. 841, et lettre du 26 mars 1652, II, p. 859.

[53RENAUDOT (1653), p. e2.

[54BIU Santé, ms 2007, f° 261-264 : brouillon du discours de patin contre Philippe (erreur pour Jean) Chartier.

[55PATIN, Lettres (lettre du 21 octobre 1653), éd. Jestaz, II, p. 1129- 1130 [il poursuit ses attaques contre Guénault accusé d’avoir tué sa fille en couches par le vin émétique] et lettre du 25 novembre 1653, p. 1139- 1140 [« Pour mon proces, c’est une infamie du siecle, mais elle n’est pas unique »].

[56Sur cet épisode de la santé du roi, voir PEREZ (2004), p. 115- 128 ; MINVIELLE (1903).

[57GOUJET (1971), p. 334.

[58PATIN, Lettres, Lettre à Falconnet (28 août 1669), éd. Réveillé- Parise, III, p. 703.

[59PATIN, Lettres, 8 septembre 1669, éd. Réveillé- Parise, III, p. 704. Mais le 6 novembre, il mettait la mort de Philippe Chartier sur le compte de sa vie dissolue (Chartier est dit amateur « de vin, de femmes, de melon et de glace »), id, p. 713.

[60PATIN, Lettres, 26 septembre 1669, éd. Réveillé- Parise, III, p. 708. Dans la même lettre, il faisait part de la vague de dysenteries à Paris (dont Philippe Chartier avait été une des victimes) et l’attribuait aux chaleurs de l’été et au vin nouveau .

[61Titres des thèses : Estne lien alterum haimatoseos organum ? (« La rate est-elle le deuxième organe où se fabrique le sang ? »), An in acutis vena sectionis quam purgationis usus potior  ? (« Dans les maladies aiguës, vaut-il mieux saigner que purger » ?), Estne Hippocratica medendi methodus omnium certissima, tutissima, præstantissima  ? (« La méthode hippocratique est-elle la plus sûre, la plus certaine et la plus excellente de toutes » ?).

[62PATIN, Lettres, 8 mai 1648, éd. Réveillé- Parise, I, p. 390.

[63Ibid. I, p. 606.

[64BARON, Ms 2023 BIU Santé, p. 211 à 249.

[65PATIN, Lettres, éd. Jestaz, I, p. 728.

[66PATIN, Lettres, du 10 décembre 1660, éd. Réveillé- Parise, III, p. 295.

[67Titres des thèses : An ex capillis certum de temperamento iudicium  ? (« Peut-on déduire de l’examen des cheveux un jugement certain sur le tempérament ? »), An balnei usu salubrior vita  ? (« L’usage des bains contribue-t- il à la santé ? »), An ex tabacco calvities  ? (« Le tabac rend-il chauve ? ». Il répondit affirmativement).

[68La bibliographie sur les eaux à travers les âges est trop abondante pour être reprise ici. On en trouvera une bonne présentation synthétique dans le mémoire de M1 de L. ROUX, Le voyage pour raison de santé dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles, Université Pierre Mendès- France, Grenoble, 2007-2008. http://dumas.ccsd.cnrs.fr/docs/00/29/22/11/PDF/Le_voyage_pour_raison_de_sante.pdf.

[69LE BAILLIF, Petit traité de l’antiquité et singularités de Bretagne Armorique, en laquelle se trouvent bains curans la lepre, ulceres et aultres maladie [trente pages à la suite du Demosterion], 1578.

[70DUVAL, Jacques (né à Evreux vers 1555, agrégé au Collège des médecins de Rouen en 1598, mort en 1618), L’hydrothérapeutique des fontaines médicinales nouvellement decouvertes aux environs de Rouen, Rouen, 1603.

[71Archives de la Société royale de médecine, Acad. de Médecine de Paris, liasse 94, pièces 1-2 : Copies de l’édit d’Henri IV, daté de Fontainebleau en mai 1605, nommant un surintendant pour toutes les fontaines du royaume, à cette époque, M. de la Rivière, conseiller et premier médecin du roi, avec des pouvoirs pour nommer des intendants dans les provinces. Sur la fonction de surintendant des eaux, et le réseau d’intendants (généralement des médecins) nommés dans les provinces pour visiter et analyser les eaux des villes thermales, cf. LUNEL (2008), qui montre bien ce jeu politique de pouvoir et de contre-pouvoir, dans lequel le roi a tout à gagner, p. 192-197.

[72Selon BOUVARD (1655 ?), p. 249, ce fut La Rivière, médecin de Henri IV, qui aurait obtenu « par surprise » un édit lui octroyant la superintendance de la médecine, chirurgie et pharmacie pour tout le royaume (sauf Paris), mais cet édit n’aurait pas été enregistré. La Rivière fut attaqué en justice par les facultés dans un procès dirigé par le doyen Ellain et se serait désisté le 2 avril 1601. Héroard, Bouvard, Vallot et d’Aquin tenteront, mais en vain, de faire valoir ces prétentions.

[73VONs : « Héroard » (CdF).

[74Archives nat., AJ/ 15/ 502, n° 49 : Édit de Louis XIII accordant au sieur Hérouard (sic), son Premier médecin, la charge de surintendant des Bains et Eaux minérales en Bourbonnais, Auvergne, Bourgogne et Forez, créée par édit de mai 1605 (13 mars 1625, Paris. Enregistré au Grand Conseil, au mois de mai suivant).

[75Titres des thèses : An mulieri quam viro Venus aptior  ? (« L’amour convient-il davantage à la femme qu’à l’homme ? » ) ; An declinante morbo sanitas  ? (« La santé succède-t-elle au déclin de la maladie ? ») ; An epilepsia post vigesimumquintum annum sanabilis ? (« Peut-on guérir de l’épilepsie après 25 ans » ?). Il répondit par l’affirmative dans les trois cas, contre l’opinion d’Hippocrate pour ce qui concerne l’épilepsie.

[76Aujourd’hui, Forges-les-Eaux en Normandie, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Neufchâtel, département de la Seine Maritime. On y a extrait et travaillé le fer du XIIe au XVe siècle, d’où lui est venu son nom. Au début du XVIe siècle, les fourneaux furent transportés dans le village voisin de Beaussault ; à Forges, les anciens réservoirs constitués par le vivier d’Andelle et l’étang du Fayel, devenus inutiles, furent asséchés vers 1548. Sous le vivier, on trouva des sources minérales. Toutefois, leurs propriétés médicinales auraient été découvertes par hasard. Voir à ce sujet Linand, Nouveau traité des eaux minérales de Forges, où l’on fait voir dans les nouveaux principes de physique & de médecine, qu’elle est la nature de ces eaux. en quoy consistent ses vertus, etc...& lettre de M. Barthélémy Linand...écrite le 15 octobre 1697, où il répond à quelques objections qu’on a faites contre son livre, Paris, Laurent d’Houry et Forges, 1697 [réimpression de l’édition de 1696, avec additions et un plan de Forges dépliant]. Le médecin Barthélémy Linand est également l’auteur d’un traité de diététique : L’abstinence de la viande rendue aisée, ou moins difficile à pratiquer, Paris, Pierre Bienfait, 1700 [adaptation du traité de Porphyre touchant L’abstinence de la chair des animaux].

[77Voir BANC, J., La Memoire renouvelée des merveilles des eaux naturelles..., Paris, P. Sevestre, 1605, et Id., Les admirables vertus des eaux naturelles de Pougues, Bourbon et autres renommées de France, Paris, L. Giffart, 1618.

[78CARRERE, J. B. F., Catalogue raisonné des ouvrages qui ont été publiés sur les eaux minérales en général, et sur celles de la France en particulier, Paris, 1785 ; Carrère avait reçu du roi des commissions pour visiter et analyser les eaux minérales, sur proposition de la Société royale de médecine, voir par exemple Archives de la Société royale de médecine, Acad. de Médecine de Paris, liasse 93B dossier 37 : Dossier Carrère. Pièce 1 : Commission donnée par le roi à Joseph-Barthélémy-François Carrère, sur la proposition de la SRM, de visiter les eaux minérales de Comminges et de Bigorre, transmise par le baron de Breteuil (1er mai 1784). Sur l’œuvre de Carrère, voir BOYER (2003), p. 175-180.

[79Sur l’essor du thermalisme à Spa, voir XHAYET (2010), p. 107-122. La ville de Spa était renommée en Europe et recevait d’illustres curistes, par exemple la princesse Élisabeth de Bohême, à qui Descartes dédia le Traité de l’âme.

[80Grousset, P., apothicaire de Monseigneur le Prince, Recueil de la Vertu de la Fontaine médicinale de Saint Éloi à Forges, 1607 [réimpression à Rouen par la Sté des Bibliophiles Normands, 1902]. L’orthographe fantaisiste des noms propres dans l’ouvrage de Grousset, bien qu’identifiés dès 1899 dans la revue Recherches en Histoire, p. 28 [https://books.google.fr/books ?], est maintenue dans le livre d’Augustin Cabanès, publié en 1936, Mœurs intimes du passé, p. 39.

[81GROUSSET (1607), p. 7.

[82LINAND (1697), p. 4.

[83Les travaux de réfection datent de 1578 : Buquet, conseiller au Parlement de Normandie, fit vider le bassin de l’ancienne fontaine de Forges, qui avait été comblé durant les guerres.

[84Parmi les médecins qui eurent recours aux eaux de Forges pour se soigner eux-mêmes, figure Jean Martin, docteur de la Faculté de Médecine de Paris vers 1572, professeur royal, premier médecin de Marguerite de Valois. Voir première partie et VONS, « Martin, Jean » (CdF).

[85LINAND (1697), p. 10… . Cf. Les Mémoires de Melle de Montpensier, par A. CHERUEL, t. II, Paris, Charpentier, 1858, p. 516.

[86COUSINOt, J., Discours au Roy, touchant la nature, vertus, effects et usage de l’eau minerale de Forges. Par Iacques Cousinot, Docteur Regent en la faculté de Medecine de Paris, Conseiller et Medecin ordinaire du Roy, & son Professeur en Medecine. A Paris, chez Jean Libert, 1631. Voir VONS (2011).

[87Discours, épître au ROY, āijv : « C’est le suject, Sire, qui m’a meu à vous offrir cet escrit, encores que je sçache que vostre MAIESTÉ n’en a besoin, ayant tel conseil que chascun sçait, pour la conduite de sa santé ; mais les obligations dont ie me sens redevable envers vostre MAIESTÉ ne m’ont permis de manquer à luy rendre ce tesmoignage de la volonté que j’ay à luy faire service ».

[88Discours, épître au ROY, āij.

[89Jacques Cousinot le Vieux, médecin diplômé de la Faculté de Médecine de Paris, licencié en 1590, docteur en 1592, doyen en 1624-1625, défendit les théories galéniques ; ses relations avec les apothicaires furent conflictuelles. Il se montrait un partisan zélé de la saignée et mérita à ce titre les éloges de Guy Patin, pour avoir traité un « rheumatisme » de son fils en le faisant saigner plus de soixante fois en l’espace de huit mois (Lettre à Falconnet, 1643).)

[90Titres des thèses : An serior proles insalubrior  ? (« Avoir un enfant tard est-il plus dangereux ? ») en 1616 ; An ex imperfecta crisi hupotrope ? (« Y a-t-il récidive d’une maladie à la suite d’une crise imparfaite ? ») et An alvo fluenti vacuatio  ? (« L’évacuation complète est-elle salutaire pour le flux de ventre ? »). Voir GOUJET (1971), p. 319-320.

[91Iacobi Cusinoti Regii Medici et Medicinæ Professoris Oratio de felici Rapellæ deditione, habita solemni præfatione, Paris, J. Libert, 1628.

[92PATIN, Lettres, 1er décembre 1654, éd. Jestaz, t. II, p. 1302.

[93GIACOMOTTO-CHARRA (2011), p. 89-106.

[94Discours, p. 8.

[95Discours, p. 2-3.

[96Discours, p. 18.

[97Gazette de Renaudot n°6 : « Saint-Germain, 2 juillet 1631. La seicheresse de la saison a fort augmenté la vertu des eaux minerales. Entre lesquelles celles de Forges sont icy à present grandement en usage. Il y a trente ans que Monsieur Martin, grand medecin, leur donna la vogue. Depuis, le bruit du vulgaire les approuva. Aujourd’huy, M. Bouvard, premier medecin du roi, les a mises au plus haut poinct de la reputation que sa grande fidelité, capacité et expérience peut donner à ce qui le merite vers Sa Majesté qui en boit icy par précaution et presque toute la cour à son exemple » [première mention du bureau d’adresse de la Gazette : Du Bureau d’adresse, au grand coq, rue de la Calandre, sortant du marché Neuf, près le Palais, à Paris, le 4 Juillet 1631. Avec privilège]. Voir JUBERT (2005).G

[98Jean CLAVERET (1590-1666) naquit à Orléans, et fut avocat ; il fut ami avec Corneille avant de se quereller avec lui. Il écrivit plusieurs pièces de théâtre, l’Esprit fort ; le Roman du Marais ; la Place Royale ; l’Ecuyer ; la Visite différée ; les Eaux de Forges, et le Ravissement de Proserpine. Voir l’introduction de C. SCHERER à L’esprit fort, Paris, Droz, 1997.

[99CHERUEL (1858).

[100PEREZ (2004), p. 106-108.

[101Ms BIU Santé, Commentarii XII, 1634, f° 355-358, 362, 366, passim. Le 12 avril 1634, la Faculté remet au Procureur général un extrait en français de l’inscription portée sur les registres. Il est peut-être utile de rappeler que le thermalisme n’entra à l’université qu’au XIXe siècle. La première chaire d’hydrologie et de climatologie thérapeutiques à la Faculté de Médecine de Paris ne fut créée qu’en 1928 ; elle fut confiée au Professeur Maurice Villaret.

[102Sue cette question et son évolution historique, je renvoie aux livres et articles d’Alexandre Lunel, cf. LUNEL (2008), p. 192-199 et 319-323 et documents CdF (2010).

[103Il est probable qu’Henri IV ait songé à créer un poste de botaniste royal à Paris, à la même époque. Voir le mémoire de Master (CESR) présenté par Nell RIVIERE-PLATT (2010).

[104MONANTHEUIL (1595).

[105RIOLAN, Anthropographie (1629), p. 155. Voir 2e partie.

[106RIOLAN, Gigantologie (1618), p. 8.

[107RIOLAN, Requête pour l’établissement d’un jardin Royal en l’Université de Paris, s.l. 1618.

[108FRANKLIN (1864), p. 33. Un certain folklore était lié à ces sorties rendues obligatoires par un décret du 28 juin 1494, en vertu duquel les étudiants seraient examinés ad herbas. La tradition veut qu’après l’herborisation, maîtres et bacheliers allaient, aux frais de ces derniers, réparer leurs forces dans une taverne, au bourg de Saint-Germain- des-Prés, à l’enseigne de Saint Martin. Tous les ans trois bacheliers devaient donner au doyen le catalogue exact des plantes qui étaient cultivées. La porte du jardin était munie de quatre clefs : une pour le doyen, deux pour les professeurs, et la quatrième pour le gardien. Voir PERRIN (1921), p. 3-8 ; HOTTIN (2009).

[109Voir PAYA (2008) ; WAROLIN (2000) p. 319-336. Selon DURAND (1973), p. 264, Jacques Gohory (1520-1576), médecin, chimiste, défenseur de la doctrine de Paracelse, auteur d’un traité sur le petum (tabac), aurait fondé un jardin à Paris dans les années 1560 sur l’emplacement du futur Jardin Royal ; il est probable qu’il s’agisse du jardin des simples privé jouxtant la maison du Lycium Philosophal Sanmarcellin achetée par Gohory en 1571 ; cette académie était fréquentée par des artistes, des botanistes et des chirurgiens, tel N. Rasse des Noeux, qui connaissait Nicolas Houël, cf. GORRIS-CAMOS (2008), p. 553-588 (553).

[110VALLET, P., Le jardin du Roy tres Chrestien Henri IV, 1608 ; ROBIN, J, Catalogus stirpium tam indigenarum quam exitocarum quæ Lutetiæ coluntur, 1601 ; Vallet était brodeur du roi ; Jean Robin était botaniste, employé par la Faculté, il deviendra arboriste du roi, cf. BOUVARD (1655 ?), p 33.

[111Voir la suite des « Édits royaux, lettres patentes, arrests du conseil d’Etat, déclarations et règlements ayant trait au Jardin Royal », de 1626 à 1736, aux Archives Nationales, http:// chan.archivesnationales.culture.gouv.fr/sdx-222-chan-pleade-1/pl/doc-tdm.xsp ?. Cote AJ/15/dossier 12, en particulier : Archives nat., AJ/ 15/ 501, n° 10 : Édit de Louis XIII, ordonnant, sur le conseil du Premier médecin, Hérouard, l’établissement d’un Jardin royal des plantes médicinales dans l’un des faubourgs de Paris ou dans tel autre lieu qui sera jugé convenable par ledit Hérouard et en accordant la surintendance audit Hérouard et à ses successeurs les Premiers médecins, avec pouvoir de nommer telles personnes qu’il jugera propres et agréables au Roi pour la direction, culture et conservation dudit Jardin et pour la démonstration des plantes ; ordonnant que le fonds qui sera ordonné par le Roi tant pour l’établissement que pour les frais annuels du Jardin sera réparti pour les diverses dépenses selon " qu’il sera jugé nécessaire" sans que ce fonds puisse être détourné de sa destination (janvier 1626, Paris).

[112Archives nat., AJ/ 15/ 507, n° 131 : Lettres de commission et présentation accordées par Héroard, surintendant du Jardin royal, à Mr Guy de la Brosse, conseiller et médecin du Roi, à la charge d’intendant dudit Jardin (7 août 1626, Nantes).

[113Voir DUVAL (1902), p. 33.

[114Voir ROULE (1942), p. 16.

[115La Brosse, G. De la nature, vertu et utilité des plantes, divisé en cinq livres, Paris, 1628. Sur le personnage et le livre, voir l’introduction de Didier KAHN, Plantes et médecine, (al)chimie et libertinisme chez Guy de la Brosse ; Lunel [ 2008], p. 162-167.

[116Archives nat., AJ/ 15/ 501, n° 11 : Advis pour le Jardin Royal dboriste es Plantes medecinales que le Roy veut establir à Paris. Présenté à nosseigneurs du Parlement par Guy de la Brosse, Medecin ordinaire du Roy et Intendant dudit Jardin, 1531.

[117Archives nat., AJ/ 15/ 502, n° 52 : Édit par lequel Louis XIII confirme l’attribution de la surintendance dudit Jardin au sieur Bouvard et à ses successeurs les Premiers médecins et la nomination du sieur de la Brosse à l’intendance ; promet au sieur Michel Bouvard, fils du surintendant, des lettres de survivance du sieur de la Brosse dans la charge d’intendant du Jardin ; crée, pour les attribuer à trois médecins de la Faculté de Paris, trois offices de démonstrateurs et opérateurs pharmaceutiques, pour faire la démonstration de l’intérieur des plantes ; attribue, sur la présentation du sieur Bouvard, deux de ces offices à Mes Jacques Cousinot et Urban Baudinot, médecins de la Faculté de Paris, et le troisième à Me Marin Cureau, sieur de la Chambre, médecin ordinaire de la Faculté de Montpellier, sans que cette promotion puisse tirer à conséquence ni déroger du présent édit ; crée un office de sous-démonstrateur des plantes et l’attribue à Vespasien Robin, arboriste du Roi ; attribue des gages de 3000 livres au surintendant, de 1500 livres à chacun des trois démonstrateurs, de 6000 livres à l’intendant, de 1200 livres au sous-démonstrateur ; attribue à l’intendant la nomination des jardiniers, des porteurs, des ouvriers et des arboristes ; alloue à l’intendant une somme de 4000 livres par an pour l’entretien du jardin, des ouvriers et des ustensiles nécessaires, aux démonstrateurs et opérateurs pharmaceutiques la somme de 400 livres pour l’achat des matières et drogues nécessaires aux opérations annuelles et la somme de 400 livres par an pour l’entretien et salaire des garçons servant aux vils offices du laboratoire ; assigne la somme totale de 21000 livres, savoir : 7000 livres sur la ferme du sol pour livre de l’entrée des cendres et gravelées et 14000 livres sur la Recette générale de Paris ; crée un office de receveur et payeur des officiers du Jardin, aux gages de 600 livres par an, à la nomination du Roi, sur la présentation du Premier médecin (mai 1635, Saint-Quentin). Cf. LUNEL [2008], p. 169- 176.

[118Il fut l’un des premiers membres de l’Académie des Sciences fondée par Colbert en 1666.

[119Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1636, f° 11-14.

[120Archives nat., AJ/ 15/ 507, n° 136 : Lettre de Jean Merlet, docteur-régent en la faculté de médecine de Paris, à Mgr. de Chavigny, conseiller du Roi et secrétaire d’État, pour obtenir la charge d’intendant du Jardin royal, vacante par la mort de Guy de la Brosse (31 août 1641).

[121Un autre procès oppose Michel Bouvard et la sœur de Guy la Brosse dans la répartition des droits de propriété des planches gravées, lors de la succession de ce dernier, cf. Archives nat., AJ/ 15/ 507, n° 133-135.

[122Ms BIU Santé, Commentarii XIII, 1643, f° 217. Copie d’une supplique présentée à la faculté par William Davisson (1593-1669), en faveur de l’antimoine. Ce chimiste et botaniste écossais, diplômé d’Aberdeen, docteur de l’université de Montpellier en 1635, médecin de Louis XIV en 1644, prit une part active dans la défense de l’antimoine aux côtés de Jean Chartier.

[123BOUVARD (1655 ?).

[124Archives nat., AJ/ 15/ 502, n° 61 à 83. Lire le récit détaillé des événements dans LUNEL (2008), p. 176-180.