Le baptême des enfants princiers (XVe et XVIe siècles)
Thalia Brero
Thalia Brero, "Le baptême des enfants princiers (XVe et XVIe siècles)", dans Paola Bianchi, Andrea Merlotti (éd.), Le strategie dell’apparanza. Ceremoniali, politica e società alla corte dei Savoia in età moderna, Torino, Silvio Zamorani editore, 2010, p. 17-38. Article réédité sur Cour de France.fr le 1er février 2014 (https://cour-de-france.fr/article2935.html).
[Page 17 de la première édition]
La naissance d’un enfant princier était un événement d’envergure, qui concrétisait non seulement l’alliance entre deux maisons, mais assurait aussi la pérennité de la lignée régnante. A ce titre, elle donnait lieu à des réjouissances qui devinrent à la fin du Moyen Age de plus en plus spectaculaires, culminant dans la célébration du baptême. Cette cérémonie permettait au souverain d’éblouir ses sujets, d’impressionner les autres cours par le faste déployé et de contracter au passage de nouvelles alliances, en attribuant à son enfant de prestigieux parrains.
Il faut cependant clairement distinguer les cérémonies entourant la naissance du premier fils du souverain de celles de ses autres enfants. Le baptême du prince de Piémont était ainsi presque un rituel d’investiture : il donnait au duc l’occasion de présenter à ses sujets celui qui lui succéderait un jour et qui, en attendant, incarnait la continuité de la dynastie. Les baptêmes de filles et de cadets faisaient quant à eux l’objet d’un cérémonial beaucoup plus simple, car moins important sur un plan symbolique et politique.
1. Les sources
A la cour de Savoie, ce n’est qu’à partir du début du XVIe siècle que les baptêmes des enfants du duc commencent à être véritablement documentés. Cette multiplication des sources coïncide d’ailleurs avec l’essor considérable que prit à cette époque le cérémonial de cour, qui se mit non seulement à donner lieu à des célébrations de plus en plus élaborées, mais aussi à être rapporté par des documents toujours plus nombreux et détaillés [1].
Les baptêmes des fils aînés du duc de Savoie font ainsi l’objet, tout au long du XVIe siècle, de sources aussi variées qu’abondantes : des imprimés commémoratifs, des panégyriques, des schémas de la procession, des lettres, des notes prises par les organisateurs de la cérémonie et, surtout, des récits détaillés de ces événements.
Dans cette optique, on pourrait penser que les textes traitant des baptêmes savoyards ne firent qu’augmenter avec le temps : il n’en est rien. Un dépouillement systématique du fonds « Nascite e battesimi » des Archives d’Etat de Turin [2] révèle non seulement que la documentation devient beaucoup moins abondante aux XVIIe et XVIIIe siècles, mais qu’elle change complètement de nature. A partir du principat de
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Victor-Amédée Ier (1630-1637), c’est essentiellement la correspondance annonçant la venue au monde des enfants du souverain qui est conservée. Ces lettres concernent de fait plus l’histoire de la diplomatie que celle des baptêmes, sujet sur lequel elles ne nous donnent quasiment aucun renseignement [3].
Les informations sur le cérémonial baptismal savoyard des XVIIe et XVIIIe siècles étant fragmentaires, les pages qui suivront se concentreront sur l’âge d’or des baptêmes princiers en Savoie, le XVIe siècle, qui vit successivement régner les ducs Charles II (1504-1553), Emmanuel-Philibert (1553-1580) et Charles-Emmanuel Ier (1580-1630). Nous prendrons pour fil rouge les quatre cérémonies les mieux documentées de cette époque, chacune ayant fait l’objet d’un récit détaillé permettant de reconstituer précisément leur déroulement :
- Adrien, premier fils de Charles II de Savoie et de Béatrice de Portugal, né le 19 novembre 1522, baptisé à Ivrée le 14 décembre 1522 [4].
- Emmanuel-Philibert, troisième fils de Charles II de Savoie et de Béatrice de Portugal, né le 8 juillet 1528, baptisé à Chambéry le 19 octobre 1528 [5].
- Charles-Emmanuel Ier, fils unique d’Emmanuel-Philibert de Savoie et de Marguerite de Valois, né le 12 janvier 1562, baptisé à Turin le 9 mars 1567 [6].
- Philippe-Emmanuel, premier fils de Charles-Emmanuel Ier de Savoie et de Catherine de Habsbourg, né le 5 avril 1586, baptisé à Turin le 12 mai 1587 [7].
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Plutôt que de privilégier une approche chronologique qui aurait imposé nombre de redites, la présente étude s’articulera d’après les différentes phases constituant le déroulement d’un baptême princier, depuis la naissance de l’enfant jusqu’aux festivités clôturant la cérémonie baptismale.
2. De la naissance au baptême
Les préparatifs pour le baptême d’un enfant princier débutaient avant même sa venue au monde : des achats étaient effectués en vue de la cérémonie, des artisans mandatés pour fabriquer des ornementations, et des serviteurs envoyés à travers le duché pour récupérer les objets et tissus précieux demeurés dans diverses résidences du souverain. Il fallait cependant attendre la naissance pour prendre la plupart des dispositions nécessaires à l’organisation de la cérémonie ; en effet, l’arrivée d’un garçon occasionnait des festivités bien plus élaborées que celle d’une fille.
Lorsque la duchesse de Savoie accouchait, l’heure exacte de la naissance de l’enfant était notée, cela depuis le milieu du XVe siècle : elle fournissait aux astrologues de cour le point de départ de leurs pronostics, bien évidemment toujours très favorables [8]. Le jour de la naissance et le signe astrologique de l’enfant pouvaient être ensuite réutilisés dans le cérémonial baptismal, comme le montre l’exemple de Philippe-Emmanuel, né le jeudi saint de l’année 1586 : la liturgie propre à ce jour était explicitement rappelée sur les monnaies commémoratives distribuées lors de son baptême, gravées sur une face d’un reposoir surmonté du Saint-Sacrement. De même, son ascendant astrologique, le Sagittaire, était figuré dans le décor du palais et sur les livrées des archers [9].
Après la naissance, la duchesse de Savoie restait confinée dans le palais. Il était en effet d’usage que les accouchées demeurent cloîtrées dans leur chambre, cela pour une période variable, qui pouvait, à la fin du XVe siècle, s’étendre jusqu’à soixante jours pour la reine d’Angleterre [10]. Pendant cette période liminaire, la jeune mère, étendue sur son lit, recevait de nombreux visiteurs, qui venaient la féliciter et lui apporter des présents [11]. Comme nous le verrons, sa chambre était particulièrement ornée pour l’occasion. La cérémonie des relevailles mettait un terme à cette claustration : après un solide repas, l’accouchée réintégrait la vie sociale en assistant à une messe de purification.
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2.1. L’annonce de la naissance
Les jours suivant la naissance, de nombreux messagers étaient envoyés pour annoncer la nouvelle aux autres cours d’Europe. Il subsiste encore quelques brouillons de lettres que Charles II, Emmanuel-Philibert et Charles-Emmanuel Ier firent parvenir aux rois et princes étrangers pour les aviser de la venue au monde de leurs enfants. A partir du principat de Victor-Amédée Ier et de la naissance de son premier fils, François-Hyacinthe, en 1632, les ducs de Savoie prirent l’habitude de faire réunir toute cette correspondance en un cahier tenu avec soin, comprenant une table des matières énumérant les monarques récipiendaires des lettres, puis une copie de chacune des missives rédigées pour annoncer la naissance. Plusieurs dizaines de ces manuscrits se trouvent ainsi aux Archives d’Etat de Turin [12], documentant la plupart des naissances d’enfants princiers depuis le XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Des lettres étaient aussi envoyées aux principales autorités du duché, afin que des démonstrations de liesse puissent être organisées dans les centres urbains. Par exemple, en 1522, la ville de Genève, alors sous domination savoyarde, célébra la naissance d’Adrien de Savoie en organisant des tirs d’artillerie et une criée pour annoncer l’heureux événement aux citadins. Une journée entière fut décrétée fériée, toutes les boutiques devant demeurer fermées ; des feux de joie furent allumés en cinq lieux différents et des processions sillonnèrent la ville. Le duc de Savoie faisait en outre généralement un geste pour donner encore plus de poids à l’événement : il amnistiait des prisonniers, accordait des aumônes aux églises ou octroyait des privilèges à la ville où était né l’enfant ; ainsi Charles II concéda des franchises à Ivrée, lieu de naissance de son fils Adrien [13].
2.2. Le choix des parrains
Il fallait aussi solliciter les potentiels parrains de l’enfant ; on attendait souvent le moment de la naissance pour ce faire, car le sexe de l’enfant était, à cet égard, déterminant. Les petits princes étaient en effet généralement filleuls de souverains ou d’importants acteurs de la politique internationale. Pour les princesses en revanche, les enjeux du parrainage étaient moins importants : elles étaient ainsi tenues sur les fonts plutôt par des membres de la famille ducale.
Les enfants de Charles II avaient respectivement un parrain et une marraine chacun : le pape Adrien VI et Anne d’Alençon, marquise de Montferrat pour Adrien de Savoie ; le roi de Portugal Manuel Ier et Marguerite d’Autriche pour Emmanuel-Philibert. Un tournant fut cependant marqué à la génération suivante : en 1567, Charles-Emmanuel eut en effet cinq parrains et marraines : le pape Pie V, le roi de France Charles IX, la reine d’Espagne Elisabeth de Valois, la République de Venise et l’Ordre de Malte. A partir de cette date, il devint habituel d’une part que
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les fils aînés du duc de Savoie aient entre quatre et six parrains, et d’autre part qu’ils soient filleuls non plus seulement d’individus, mais aussi d’Etats ou d’institutions. Philippe-Emmanuel fut ainsi parrainé par le pape Sixte V, la reine-mère de France Catherine de Médicis, les infants d’Espagne (Isabelle-Claire-Eugénie et le futur Philippe III), la République de Venise et l’Ordre de Malte [14].
Bien évidemment, leurs fonctions et la distance ne permettaient pas à ces influents personnages de se déplacer en personne pour assister au baptême. Il était donc d’usage qu’ils se fassent remplacer par un délégué, qui tenait en leur nom l’enfant sur les fonts. Dans la première moitié du XVIe siècle, les parrains se faisaient surtout représenter par l’une de leurs connaissances gravitant autour de la cour de Savoie ; à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, ils envoyaient plutôt un membre influent de leur entourage assister à la cérémonie.
2.3. L’intervalle entre la naissance et le baptême
L’Eglise recommandait le baptême quamprimum, à savoir le plus tôt possible après la naissance, pour éviter que l’enfant n’erre à jamais dans les limbes s’il venait à mourir sans avoir reçu le sacrement. Cette prescription était généralement respectée au sein de toutes les couches sociales, les enfants étant la plupart du temps baptisés dans les trois jours suivant leur venue au monde. Les cours royales et princières se mirent cependant à faire exception à partir de la seconde moitié du XVe siècle, en portant les petits princes sur les fonts parfois plusieurs semaines après leur naissance. Au XVIe siècle, cet écart se mua en quelques mois, puis même en années [15] : vingt-cinq jours pour Adrien de Savoie en 1522, trois mois et demi pour Emmanuel-Philibert en 1528, cinq ans pour Charles-Emmanuel en 1567 et treize mois pour Philippe-Emmanuel en 1587.
Cet intervalle de plus en plus long témoigne bien de l’importance croissante prise par le cérémonial au cours du XVIe siècle. Les baptêmes d’enfants du souverain ne célébraient plus seulement un rituel chrétien, mais aussi un spectacle grandiose à la gloire du duc et de la Maison de Savoie. Pour mettre en place ces réjouissances élaborées, qui nécessitaient de longs mois de préparation, les princes n’hésitaient ainsi pas à reporter la cérémonie. Le cas exceptionnel de Charles-Emmanuel, né en 1562 et baptisé en 1567 seulement, illustre un autre motif fréquent de retard : ce n’est que plus de cinq ans après la naissance de son fils qu’Emmanuel-Philibert put compter sur la présence, très importante pour la politique extérieure du duché, de tous les représentants des souverains qu’il avait désignés comme parrains [16].
La question du parrainage pouvait en effet être à l’origine de complexes négociations diplomatiques, surtout dans le cas où certains des potentiels parrains étaient en conflit. Une fois l’accord obtenu, il fallait encore trouver une date convenant tant
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aux invités de marque qu’aux représentants des parrains, qui devaient parfois parcourir des centaines de kilomètres pour arriver à la cour de Savoie. Enfin, le duché étant un pays de montagnes, les déplacements pouvaient être problématiques en hiver, en particulier pour les invités devant franchir les Alpes ; on évitait donc, dans la mesure du possible, de placer la cérémonie à la mauvaise saison.
En ce qui concerne les cadets, par contre, l’intervalle entre la naissance et les cérémonies baptismales était généralement beaucoup plus court, d’une part car les festivités étaient moins sophistiquées, et de l’autre parce que les parrains étaient souvent issus de la cour de Savoie. Ainsi, par exemple, si Philippe-Emmanuel fut porté sur les fonts plus d’une année après sa naissance, en 1587, ses frères Victor-Amédée (1587) et Emmanuel-Philibert (1588) furent baptisés à l’âge de quelques semaines. Le futur Victor-Amédée Ier naquit en effet quelques jours avant le début des cérémonies baptismales organisées pour Philippe-Emmanuel. Le duc Charles-Emmanuel Ier profita ainsi de la présence des prestigieux invités étrangers et du fait que toute la cour était réunie à Turin pour hâter le baptême de son second enfant [17]. Quant à son troisième fils Emmanuel-Philibert, il fut baptisé sans tarder, car le duc souhaitait « observer les décrets du Concile de Trente » [18] qui, justement, rappelaient la nécessité d’administrer le plus rapidement possible le sacrement aux nourrissons. On ne peut s’empêcher de remarquer que Charles-Emmanuel Ier s’était montré moins soucieux des prescriptions de l’Eglise lors du baptême de son premier fils, porté sur les fonts à l’âge de treize mois : pour un prince de Piémont, la raison d’Etat l’emportait ainsi sur les préceptes religieux.
Il ne faut pas pour autant croire que les souverains prenaient le risque de laisser au hasard le salut de l’âme des petits princes. L’ondoiement permettait d’éviter la damnation éternelle aux nouveau-nés. Il s’agissait d’un rituel très simple, reconnu de guerre lasse par l’Eglise : de l’eau bénite était versée sur le front de l’enfant, pendant que les paroles « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » étaient prononcées. On ne dispose pas de preuves formelles de cette pratique à la cour de Savoie avant la fin du XVIIe siècle [19], mais elle y était très vraisemblablement appliquée dès le XVIe siècle.
3. L’apparat baptismal
3.1. Le palais
Dans les cours princières de la fin du Moyen Age, le cérémonial baptismal débutait par une visite des invités dans la chambre de la jeune mère ; il se poursuivait par
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un passage dans la chambre de l’enfant, puis les participants se retrouvaient dans une salle de parade, dans laquelle étaient exposés les objets nécessaires à la célébration du baptême. Ces trois pièces étaient autant d’étapes rituellement parcourues par les invités. Elles étaient donc très soigneusement ornées, tout comme d’ailleurs les couloirs et pièces intermédiaires qu’il fallait traverser pour y parvenir [20].
Cet usage, qui proposait une mise en scène magnifiée de l’intimité de la duchesse et de son enfant, évolua au cours du XVIe siècle. Le passage des invités dans les chambres effectives de la mère et l’enfant fut peu à peu remplacé par une visite dans une seule pièce, la salle de parade, qui finit par réunir à elle seule tous les attributs symboliques de la cérémonie.
Le récit du baptême d’Adrien de Savoie nous apprend que la visite à l’accouchée se pratiquait encore à la cour de Savoie en 1522 : la chambre de Béatrice de Portugal était tendue d’étoffes de velours brodé d’or et couverte de tapis de Syrie. Elle comprenait deux lits agrémentés de couvertures de zibeline et de tissus brochés d’or, ainsi qu’un baldaquin de velours, dont les voilages étaient parsemés de gemmes. La duchesse, parée d’une robe de satin blanc et d’un collier de pierres précieuses, était allongée sur l’un des lits pour recevoir ses visiteurs. Ces derniers traversaient ensuite les couloirs du château d’Ivrée, entièrement recouverts de tapisseries et de draps de soie, pour parvenir dans une seconde pièce, dont les murs étaient couverts de tissu d’or et le sol jonché de tapis orientaux. Cette salle comportait un lit aux couvertures d’hermine, surmonté d’un dais. Sur cette couche, le berceau du petit prince avait été déposé. Dans cette même pièce étaient aussi exposés les objets nécessaires au baptême : elle réunissait ainsi les fonctions de chambre de l’enfant et chambre de parade [21].
A l’occasion du baptême de Charles-Emmanuel, en 1567, il ne semble pas que le parcours effectué par les invités ait inclus une visite dans la chambre de la mère : non seulement cette pratique était alors tombée en désuétude, mais en plus, elle n’aurait dans ce cas précis pas eu grand sens, Marguerite de Valois ayant donné naissance au petit prince plus de cinq ans auparavant. Les visiteurs s’attardèrent ainsi dans deux pièces, la chambre de l’enfant et la salle de parade. Dans la première, les murs et le plafond étaient tapissés de tissus d’or arborant la devise et le motto des parents du petit prince ; y trônait une couche, dont la literie de toile d’or était intégralement recouverte de perles. La salle de parade était quant à elle décorée de tapisseries, ainsi que des armoiries du duc de Savoie et de celles des quatre parrains de l’enfant [22].
Vingt ans plus tard, pour le baptême de Philippe-Emmanuel, il semblerait que le passage dans les chambres de la mère et de l’enfant ait été abandonné. Une seule pièce est en effet décrite, la grande salle du château de Turin. Elle était, elle aussi, ornée de tapisseries et des armoiries tant des parents que des parrains de l’enfant, mais on y
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trouvait aussi celles du grand-père du petit prince, le duc Emmanuel-Philibert, et celles de ses arrière-grands-parents, Charles II de Savoie et Béatrice de Portugal [23].
Ces exemples montrent qu’au cours du XVIe siècle, l’accès des invités aux appartements ducaux fut considérablement restreint. De même, les contacts personnels avec la mère et l’enfant devinrent très limités, voire inexistants, pour être remplacés par un spectacle du pouvoir plus apprêté. Cet éloignement était probablement inspiré de l’étiquette espagnole, qui marquait une claire distanciation entre le souverain et ses courtisans [24]. A l’inverse, le cérémonial français faisait de tous les faits et gestes de la famille royale un spectacle public : ainsi, une bonne partie de la cour assistait, directement ou indirectement, aux accouchements des reines de France [25].
3.2. L’extérieur
Lorsque tous les participants à la cérémonie du baptême, réunis dans la salle de parade, avaient été mis en ordre par les organisateurs de la cérémonie, la procession menant l’enfant du palais ducal à l’église pouvait commencer. Le parcours emprunté par le cortège était défini par des ornementations particulières. En 1489 déjà, lors du baptême de Charles-Jean-Amédée, fils de Charles Ier de Savoie (1482-1490), le chemin allant du château à la cathédrale de Turin était délimité par des arbustes, tandis que le sol était jonché de feuillages et de fleurs [26].
En 1528, pour le baptême d’Emmanuel-Philibert, le parcours allant du château de Chambéry à la Sainte-Chapelle était délimité par des barrières de cordages, sur lesquelles étaient disposés des tissus d’écarlate, ornés des armoiries des parents, de l’enfant et de ses parrains [27]. Pour les baptêmes de Charles-Emmanuel et de Philippe-Emmanuel, une galerie surélevée fut spécialement construite depuis le palais ducal jusqu’à la cathédrale de Turin. Ce ponton était surmonté par des arcs de triomphe ornés des armoiries des parrains ; il était en outre décoré de genièvre, de laurier, de buis et de myrte [28].
La célébration d’un baptême princier était un véritable spectacle, qui attirait immanquablement une foule très dense : ces constructions, gardées par des hommes en armes, avaient donc pour fonction de ménager, parmi les milliers de citadins se pressant sur la place du château, un espace précis pour le cortège baptismal. Elles accentuaient le côté théâtral et solennel de la procession, en démarquant
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clairement les participants au cortège des simples spectateurs. Enfin, la confection de galeries surélevées permettait aussi de donner à la population, qui n’avait accès ni au château ni aux cérémonies se déroulant dans l’église, un aperçu des splendeurs déployées pour l’occasion [29].
3.3. L’église
Le dernier lieu à faire l’objet d’ornementations particulières était bien entendu l’église dans laquelle l’enfant allait être baptisé. Les récits des baptêmes d’Adrien de Savoie, d’Emmanuel-Philibert et de Charles-Emmanuel rapportent tous trois qu’elle avait été entièrement tendue de tapisseries et d’étoffes précieuses ; ces dernières étaient parsemées des insignes et devises de la maison de Savoie (les armoiries ducales, le motto FERT, les lacs d’amour), qui rappelaient à l’assistance que le baptême était certes une cérémonie religieuse, mais aussi une célébration dynastique.
Lors des baptêmes de petits princes savoyards, une estrade était construite dans le chœur de l’église : y étaient disposés l’autel, une table comportant les objets nécessaires à la cérémonie, un dais et les fonts baptismaux. Répondant à la même logique de théâtralisation du pouvoir que les pontons sur lesquels passait la procession, cette surélévation du lieu le plus sacré de l’église permettait de souligner la supériorité de la Maison dont était issu l’enfant, mais aussi de permettre à l’assemblée de profiter du spectacle de la cérémonie. En effet, on remarquera que les fonts baptismaux de l’église, situés près de l’entrée, n’étaient pas utilisés pour les enfants princiers ; ces derniers avaient le privilège de recevoir le sacrement dans le chœur, les fonts étant alors constitués par un bassin d’or. Le dais présent sur l’estrade accentuait encore la solennité de l’événement : insigne du pouvoir, il était en effet réservé aux familles souveraines et soulignait le rang de l’enfant [30].
3.4. L’apparat d’un principat à l’autre
Le décor dans lequel se déroulaient les baptêmes princiers avait certes pour but de solenniser l’événement et d’exprimer la puissance du duc, mais il visait aussi à transmettre un message politique manifestant la pérennité de la dynastie et les alliances conclues par l’intermédiaire du parrainage. Au sein du cérémonial de cour, l’apparat revêtait ainsi une importance primordiale : il était l’un des indispensables vecteurs de la représentation du pouvoir princier, et justifiait ainsi des dépenses élevées. On peut cependant affirmer que si des frais très conséquents étaient consentis pour la venue au monde du premier-né, ils s’atténuaient pour la naissance de ses frères et sœurs. Le mobilier et les tissus d’apparat étaient ainsi réutilisés d’un enfant à l’autre, et parfois même d’un principat à l’autre.
Ainsi, au baptême d’Adrien de Savoie, en 1522, l’église d’Ivrée était ornée de pièces de velours bordées des lettres K et B (les initiales de ses parents, Charles II de Savoie et
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Béatrice de Portugal) ainsi que de sphères armillaires, emblème de son grand-père, le roi Manuel Ier de Portugal. En toute logique, cet assortiment d’étoffes se retrouve à Chambéry en 1528 pour la naissance de son frère cadet, Emmanuel-Philibert. Mais de manière plus surprenante, il fut aussi utilisé une génération plus tard, pour le baptême de Charles-Emmanuel, à Turin en 1567 [31]. De même, un ensemble de tapisseries représentant la vie de Cyrus fut exhibé tant pour le baptême de Charles-Emmanuel que celui de son fils, Philippe-Emmanuel [32].
Les pièces d’apparat exposées lors des baptêmes princiers étaient ainsi de véritables objets précieux que l’on conservait soigneusement au fil des années. Cette réutilisation des étoffes de luxe peut éventuellement témoigner de difficultés financières rencontrées par la cour de Savoie, mais elle indique aussi une volonté de marquer la continuité de la dynastie.
4. L’accueil des ambassadeurs
La première manifestation publique du cérémonial baptismal était la réception des ambassadeurs représentant les parrains. Cette pratique n’est pas documentée pour les baptêmes d’Adrien et d’Emmanuel-Philibert, car leurs parrains avaient choisi pour délégués des membres de la cour de Savoie qui se trouvaient déjà sur place.
Les récits des baptêmes de Charles-Emmanuel et de Philippe-Emmanuel rapportent en revanche tous deux l’arrivée des ambassadeurs et l’accueil qui leur fut réservé. Le second texte, ainsi, nous apprend que le duc avait envoyé des membres éminents de sa cour attendre les représentants des parrains aux frontières du duché. Aux abords de Turin, ils furent accueillis par une autre délégation et même, dans certains cas, par le souverain en personne. Des tirs d’artillerie et d’arquebuserie saluèrent l’arrivée de chacun des ambassadeurs, qui effectuèrent ensuite chacun une entrée solennelle dans la ville ; ils furent enfin menés jusqu’aux appartements somptueux qui leur avaient été préparés [33].
Le récit du baptême de Philippe-Emmanuel donne une estimation du nombre d’accompagnants de chacun de ces représentants étrangers : les suites des ambassadeurs de Venise, de Malte et de la reine-mère de France comportaient chacune au moins cent personnes ; quant à celle d’Andrea Doria, représentant de l’infant d’Espagne, elle s’élevait à quatre cents individus. En plus de la cour du duc et des gentilshommes provenant du duché de Savoie, pas moins donc de sept cents invités étrangers, qu’il fallait entretenir et loger à Turin : ces chiffres permettent de nous représenter l’ampleur de ces cérémonies baptismales et de mieux comprendre la longueur des délais impartis à l’organisation.
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5. La procession
Le jour du baptême, les participants à la procession se retrouvaient dans la chambre de parade ou la grande salle du palais. Là, les organisateurs de la cérémonie les disposaient selon les places qui leur avaient été attribuées au sein du cortège, et remettaient aux gentilshommes choisis pour les porter les objets nécessaires au rituel.
L’agencement du cortège était soigneusement planifié. En effet, l’ordre dans lequel marchaient les différents groupes et, au sein de ces groupes, les différents individus, répondait à une logique précise, voulant que les positions proches du petit prince soient les plus honorables. L’enfant que l’on menait au baptême représentait ainsi l’épicentre de la procession, autour duquel toute la cour et ses satellites étaient organisés selon leur importance. Toutes les places s’articulaient donc autour de l’enfant, qui se trouvait au milieu de la procession, en un véritable crescendo, puis decrescendo hiérarchique. Ainsi, les groupes de personnes précédant le petit prince marchaient en ordre croissant d’importance ; dans cette première partie du cortège, par exemple, les supérieurs défilaient à la suite de leurs subalternes. A la suite de l’enfant, c’est l’inverse qui se produisait : les offices les plus prestigieux précédaient les personnalités secondaires [34].
Le cortège mettait donc en scène non seulement l’ensemble de la cour, mais aussi sa hiérarchie interne [35]. Il était l’un des moments les plus importants du cérémonial baptismal, comme en témoignent les nombreuses sources qui en donnent des schémas très détaillés, que cela soit dans les récits de cérémonie, ou dans les « ordres de marche » qui leur sont spécifiquement dévolus [36]. La procession était aussi l’une des étapes les plus spectaculaires d’un baptême princier : un grand nombre de citadins se pressait autour du chemin délimité pour aller du palais à l’église, afin d’admirer le défilé des plus importants personnages du duché et des prestigieux invités étrangers, tous splendidement vêtus.
Le ponton était gardé par des centaines de jeunes gens issus de la ville où se déroulait le baptême, l’épée au fourreau et une torche à la main ; cette tradition permettait d’associer la population locale aux réjouissances, mais aussi de protéger le chemin. En effet, la densité de la foule pouvait s’avérer problématique : une présence militaire est d’ailleurs toujours signalée, des archers ou des hallebardiers gardant la porte du château et celle de l’église pour éviter les débordements. Ainsi, lors du baptême de Charles-Emmanuel, pas moins de deux mille soldats encadraient la cérémonie [37].
Les processions baptismales étaient agencées en une succession de groupes distincts, représentant les différents secteurs de la cour. Le tableau ci-dessous permettra peut-être de constater que les différentes catégories composant le cortège demeurèrent les
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mêmes au fil du temps, même si l’ordre dans lequel elles se succédaient pouvait varier. Précisons toutefois qu’il s’agit d’un schéma simplifié, visant à donner une vue d’ensemble des principaux groupes qui articulaient la procession. Ces derniers étaient en effet séparés les uns des autres par des petits groupes d’individus, visant à marquer la transition entre un corps et le suivant : il s’agissait souvent de hérauts d’armes, d’huissiers, de trompettes et de gardes ; ils ne sont pas signalés ici.
Adrien de Savoie(1522) | Emmanuel-Philibert de Savoie (1528) | Charles-Emmanuel de Savoie (1567) | Philippe-Emmanuel de Savoie (1587) |
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Musiciens et hommes d’armes | Musiciens et hommes d’armes | Musiciens et hommes d’armes | Musiciens et hommes d’armes |
Officiers et gentilshommes de l’hôtel et de la chambre du duc | Officiers et gentilshommes de l’hôtel et de la chambre du duc | Officiers et gentilshommes de l’hôtel et de la chambre du duc, marchant avec quatre cents seigneurs tant savoyards qu’étrangers | Officiers et gentilshommes de l’hôtel et de la chambre du duc, marchant avec de nombreux courtisans |
Administration et justice | Porteurs des pièces d’honneur | Porteurs des pièces d’honneur | Chevaliers de l’Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare |
Porteurs des pièces d’honneur | Ecclésiastiques | L’enfant, entouré des représentants de ses parrains | Porteurs des pièces d’honneur |
Ecclésiastiques | L’enfant, entouré des représentants de ses parrains | Ecclésiastiques | L’enfant, entouré des représentants de ses parrains |
L’enfant, entouré des représentants de ses parrains | Administration et justice | Dames et seigneurs de la cour | Dames de la cour |
Dames et gentilshommes de la cour | Dames et gentilshommes de la cour | Administration, justice et Université | Administration, justice et Université |
5.1. Hommes d’armes et musiciens
La procession débutait par un défilé de musiciens – qui donnaient à la foule un signal auditif annonçant le début du cortège – ainsi que d’hommes en armes. Ces derniers étaient vêtus de tenues neuves aux couleurs du duc de Savoie, brodées de ses armoiries et ses devises ; ils allaient se poster à l’entrée de l’église pour monter la garde. Une comparaison de ces deux corps de métier au sein des différents cortèges témoigne tant des innovations militaires que des goûts musicaux de l’époque : ainsi, les tambours, trompettes et archers du baptême d’Adrien, en 1522, furent remplacés en 1567 par des violons, des arquebusiers et des hallebardiers lors de celui de Charles-Emmanuel [38].
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5.2. Officiers et gentilshommes de la maison du duc
La catégorie comprenant le plus d’individus était sans doute celle des gentilshommes et officiers de l’hôtel, de la chambre et de l’écurie du duc. Ils cheminaient généralement pêle-mêle, sans ordre de préséance, si ce n’est que leurs supérieurs – les maîtres de salle, les maîtres d’hôtel, le grand maître d’hôtel et le grand écuyer – fermaient la marche. Ce groupe comportait aussi souvent un groupe indistinct de représentants de la noblesse du duché, de courtisans et d’invités étrangers [39].
5.3. Les porteurs de pièces d’honneur
Le groupe des porteurs de pièces d’honneur n’était composé que de quelques gentilshommes soigneusement choisis. Ils amenaient solennellement à l’église les objets nécessaires à la célébration du rituel, aussi appelés « mystères » ou « honneurs », à savoir :
- Le chrémeau, un bonnet destiné à coiffer l’enfant après l’onction ; ceux des petits princes savoyards étaient tout ornés de pierres précieuses.
- Le cierge, qui était généralement armorié ; lors de la cérémonie, le parrain le plaçait dans la main droite de l’enfant, et l’allumait lorsqu’il avait reçu le sacrement.
- La salière, façonnée dans des métaux précieux et ornée de gemmes. Elle contenait le sel qui était, lors du rituel du baptême, placé sur la langue de l’enfant.
- Les bassins, généralement d’or ou d’argent, étaient destinés aux parrains. Après avoir tenu l’enfant pendant l’onction, ils devaient s’y laver les mains afin d’éliminer toute trace de chrême ou d’huile sacrée.
- Les aiguières, elles aussi des objets précieux, servaient à verser l’eau dans les bassins.
- Les serviettes, enfin, servaient à sécher les mains des parrains après qu’ils se les soient lavées.
On constate donc que les trois premières de ces pièces d’honneur étaient destinées à l’enfant, tandis que les trois autres étaient dévolues aux parrains. En ce qui concerne ces dernières, leur nombre dépendait donc du nombre de personnes tenant l’enfant sur les fonts, chacune d’entre elles ayant son bassin, son aiguière et sa serviette.
La catégorie des personnages portant les pièces d’honneur était, après le groupe qui entourait directement l’enfant, la plus prestigieuse de la procession. Les porteurs de mystères étaient issus de la haute aristocratie savoyarde ou piémontaise ; parfois, ce privilège pouvait aussi être confié à un visiteur étranger de marque [40].
5.4. Les ecclésiastiques
Aux baptêmes d’Adrien et d’Emmanuel-Philibert de Savoie, entre les porteurs des pièces d’honneur et l’enfant se trouvait un groupe de prélats, majoritairement composé d’évêques, dont certains portaient des coffrets précieux contenant les saintes huiles : le chrême – dont l’enfant allait être oint lors du baptême – et l’huile des
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catéchumènes – qui allait être utilisée pour la bénédiction des fonts baptismaux. Dans la procession menant Charles-Emmanuel à la cathédrale de Turin, un groupe d’évêques suivait l’enfant et ses parrains, mais le récit ne mentionne pas si certains d’entre eux portaient les saintes huiles [41]. En 1587, pour le baptême de Philippe-Emmanuel, les prélats attendaient en revanche le cortège à l’entrée de l’église [42].
5.5. L’enfant et les représentants de ses parrains
Toute la procession était articulée autour du groupe central, le plus important, qui était composé de l’enfant et des ambassadeurs de ses parrains. Encadré par des hommes en armes, le petit prince était généralement porté par le représentant du plus prestigieux de ses parrains, les autres ambassadeurs marchant à ses côtés. Adrien et Emmanuel-Philibert de Savoie étaient couverts d’une longue pièce de drap d’or, dont les quatre coins étaient portés par des gentilshommes de la cour du duc. Charles-Emmanuel et Philippe-Emmanuel étaient quant à eux vêtus de velours blanc et de tissu d’argent.
Si l’on excepte le cas de Charles-Emmanuel qui, âgé de six ans lors de son baptême, se rendit à l’église en marchant, les petits princes de Savoie étaient toujours portés par des hommes. Cela contraste avec les cours de Bourgogne et d’Angleterre, où les enfants étaient plutôt tenus par des dames [43]. On aura remarqué que jusqu’ici, les processions étaient exclusivement masculines. A la cour de Savoie en effet, les femmes ne précédaient jamais l’enfant dans le cortège, les premières représentantes de la gent féminine étant les éventuelles ambassadrices des marraines, qui suivaient directement le petit prince [44]. Soulignons aussi que dans aucun des exemples cités, les parents du petit prince n’étaient présents dans la procession, conformément à l’usage voulant qu’ils ne prennent pas part au baptême : le père et la mère y étaient remplacés par les parents spirituels de l’enfant, le parrain et la marraine. Le nouveau-né comme le rituel n’étaient ainsi pas souillés par le péché commis lors de la conception [45].
5.6. L’administration, la justice, l’Université
Les membres de l’administration et de la justice n’apparaissent qu’au XVIe siècle dans les processions baptismales savoyardes. A l’occasion du baptême d’Adrien de Savoie, ce groupe figurait en début de cortège, mais lors des baptêmes suivants, il fut placé à la fin de la procession. Cette importante différence de placement indique la
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position fluctuante de ce corps au sein de la cour de Savoie.
En effet, durant les premières décennies du XVIe siècle, la cour de Savoie dut ménager une place à cette nouvelle catégorie sociale, dont les membres étaient souvent roturiers. Grâce à leurs talents, à leur expérience, à leurs études ou aux précieux services qu’ils avaient rendus, ils étaient devenus indispensables. Il était donc hors de question de ne pas les intégrer aux réjouissances, mais les membres de l’administration et de la justice n’avaient pas une place déterminée dans les solennités, n’étant présents ni dans les anciens coutumiers, ni dans les souvenirs des maîtres de cérémonie, ni dans la structure des processions plus anciennes. La diversité des postes administratifs, bien plus nombreux au sein des processions baptismales de Charles-Emmanuel et de Philippe-Emmanuel que dans celles de des fils de Charles II, témoigne des profonds changements que connut la cour de Savoie entre la première et la seconde moitié du XVIe siècle. Ajoutons enfin qu’à partir du principat d’Emmanuel-Philibert, lorsque la cour s’installa définitivement à Turin, l’Université s’adjoignit aux représentants de l’administration et de la justice du duché dans les processions [46].
5.7. Les femmes
Dans les cortèges de la première moitié du XVIe siècle, ceux d’Adrien et d’Emmanuel-Philibert de Savoie, les dames de la cour étaient dans leur grande majorité reléguées en fin de cortège, en un groupe anonyme, composé aussi de gentilshommes de moindre importance. Nous l’avons dit, à la cour de Savoie, aucune femme ne précédait le petit prince dans la procession. La première partie du cortège était composée de corps dont elles étaient exclues: on voit en effet mal pourquoi elles auraient défilé avec les archers, les prélats ou les membres de l’administration. Il n’empêche qu’en dépit de leur haute naissance, leur puissance à la cour ou l’influence de leurs époux, les femmes semblent toujours avoir été considérées comme une catégorie en tant que telle et, malgré la diversité de leurs origines et de leurs fonctions, toutes placées dans ce groupe clôturant le cortège [47].
A partir du baptême de Charles-Emmanuel, en 1567, la catégorie des femmes se rapprocha du centre de la procession, en étant placée directement après l’enfant. Cette indéniable promotion s’accentua vingt ans plus tard, lors du baptême de Philippe-Emmanuel : le récit consacré à cet événement nomme en effet plusieurs suivantes de la duchesse et décrit soigneusement leurs tenues. En outre, la composante féminine semble numériquement plus importante qu’auparavant : après les dames de Catherine de Habsbourg marchaient en effet toutes les suivantes de l’ambassadrice de Catherine de Médicis, elles-mêmes suivies de deux cents dames parmi les plus importantes de la ville de Turin et du duché. Ensuite seulement, venaient les membres de l’administration, de la justice et de l’Université [48].
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5.8. Les processions baptismales d’un principat à l’autre
La procession était l’un des temps forts du cérémonial, mais aussi le vivant miroir d’un moment précis de la vie de la cour : elle nous donne ainsi un organigramme très clair de l’entourage du duc de Savoie. Elle revêt en outre un intérêt prosopographique de premier ordre, permettant de définir qui, à tel moment, était en faveur à la cour du prince.
L’ordonnance de chacun de ces cortèges reflète des problématiques propres au contexte dans lequel ils se déroulèrent. Ainsi, Charles II, en 1528, inséra dans la procession baptismale de son fils Emmanuel-Philibert les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui, chassés de Rhodes par les Turcs, avaient temporairement trouvé refuge à Chambéry [49]. Citons encore le cas de Charles-Emmanuel qui, pour le baptême de son fils Philippe-Emmanuel, mit à l’honneur l’Ordre des Saints-Maurice-et-Lazare [50], qui n’existait pas lors des baptêmes précédents. Les innovations apportées dans la composition de la cour, en particulier concernant la catégorie en pleine expansion de l’administration, sont aussi particulièrement bien illustrées dans la composition de ces cortèges.
Malgré tout, on constate que les quatre processions ici évoquées avaient indéniablement une structure comparable. Lors de la préparation du baptême d’un enfant du duc, on s’inspirait en effet très clairement des cérémonies précédentes. Quand François-Hyacinthe, premier fils de Victor-Amédée Ier naquit en 1632, l’organisateur chargé de mettre sur pied la célébration compulsa les archives ducales afin de réunir toutes les informations possibles sur les baptêmes du siècle précédent : il en tira un Cérémonial tel qu’il est pratiqué par les princes de la royale Maison de Savoie afin de servir de règle pour les futurs baptêmes de princes du Piémont [51]. Pour établir le plan de la procession baptismale de François-Hyacinthe, l’auteur de ce document recommande de s’inspirer des cortèges ayant mené Charles-Emmanuel et Philippe-Emmanuel sur les fonts. Ce texte prouve que l’on se calquait sur les baptêmes précédents pour marquer la continuité d’une génération à la suivante et pour respecter les traditions cérémonielles de la cour de Savoie.
6. La cérémonie religieuse
6.1. La liturgie
Les récits de cérémonie n’accordent que peu d’intérêt à la cérémonie du baptême proprement dite, cela pour une raison très simple : le rituel religieux était le même pour tous les chrétiens, qu’ils soient fils de duc ou d’artisan. Les auteurs des sources ne prennent donc pas la peine de rapporter la liturgie, connue de tous, préférant s’étendre sur les composantes du cérémonial spécifiques aux baptêmes princiers, telles
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les ornementations, la procession ou les festivités. Ainsi, par exemple, l’imprimé commémoratif du baptême de Philippe-Emmanuel, qui s’étend sur plusieurs dizaines de pages, n’évoque même pas la cérémonie religieuse [52].
Le rituel baptismal se déroulait en deux parties distinctes : la première, devant la porte de l’église, en présence de toute l’assistance ; la seconde à l’intérieur, devant un parterre de privilégiés. Lorsque la procession arrivait à l’église, elle était attendue par l’officiant [53] : le représentant du parrain qui portait l’enfant le rejoignait sous un dais, disposé devant la porte de l’édifice. Le rituel débutait lorsque le prélat demandait aux parrains quel prénom allait porter l’enfant. S’ensuivait un exorcisme visant à laver l’enfant du péché originel, dans le but de le préparer à recevoir le sacrement. L’évêque soufflait doucement sur son visage, afin de chasser le démon pour laisser place à l’Esprit Saint ; tout en prononçant des formules d’exorcisme, il faisait le signe de croix sur le front et la poitrine du petit et lui imposait les mains. Il bénissait ensuite le sel, puis en introduisait une pincée dans la bouche de l’enfant. Un dernier signe de croix, toujours sur le front et la poitrine, et l’on entrait dans l’église. Pendant tout le rituel, l’officiant posait des questions à l’enfant, auxquelles les parrains répondaient à sa place. Signalons cependant que Charles-Emmanuel, âgé de six ans lors de son baptême, put y répondre seul et en latin [54].
L’exorcisme achevé, la seconde partie de la cérémonie se poursuivait à l’intérieur de l’église. Les récits des baptêmes d’Adrien et d’Emmanuel-Philibert s’attardent tous deux sur la beauté des chants qui accompagnaient la cérémonie. L’enfant était démailloté, puis mené vers les fonts baptismaux. Là, l’officiant immergeait son pouce dans l’huile des catéchumènes et traçait un signe de croix sur sa poitrine et ses épaules. L’enfant était ensuite tenu au-dessus des fonts par les parrains et l’officiant prononçait alors la formule rituelle, Ego te baptizo, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, en versant à trois reprises de l’eau bénite sur son crâne. Le récit du baptême d’Adrien de Savoie précise qu’en ce mois de décembre, l’eau était légèrement fumante : les enfants princiers avaient en effet le privilège d’être baptisés avec de l’eau bénite chauffée.
Le prélat traçait alors avec le chrême une croix sur la tête de l’enfant, qu’il couvrait ensuite du chrémeau, marquant ainsi la fin de la cérémonie. Les parrains lavaient alors leurs mains dans les bassins qui avaient été amenés lors de la procession, afin que les huiles sacrées et l’eau bénite qui les avait immanquablement recouvertes ne fussent pas souillées par des usages profanes [55].
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6.2. Le choix du prénom
A cette époque, les enfants du duc de Savoie étaient presque toujours nommés d’après leur principal parrain, tel Adrien de Savoie, filleul du pape Adrien VI. Emmanuel-Philibert portait le prénom de son parrain et grand-père, le roi Manuel Ier de Portugal, mais sa marraine, Marguerite d’Autriche, veuve du duc Philibert II de Savoie, avait expressément demandé à ce qu’il prenne aussi le nom de son défunt époux [56]. L’enfant porta donc un prénom double, lançant ainsi la tradition des noms composés si particulière à la Maison de Savoie. Les premiers prénoms de Charles-Emmanuel et Philippe-Emmanuel leur furent respectivement donnés en l’honneur de leurs parrains, le roi de France Charles IX et l’infant d’Espagne Philippe III. Leur second prénom, Emmanuel, introduit à peine quelques décennies plus tôt dans la maison ducale, avait alors déjà pris une dimension dynastique, comme le prénom d’Amédée auparavant, et allait devenir l’un des noms les plus caractéristiques de la Maison de Savoie.
6.3. Le retour au palais
Le rituel baptismal achevé, la procession retournait au palais dans le même ordre qu’auparavant, au son des cloches, des instruments de musique et de tirs d’artillerie. Le baptême de Charles-Emmanuel, en 1567, initia la coutume voulant que des hérauts d’armes, disposés tout le long du ponton, jettent à la foule des pièces d’or et d’argent, frappées d’un côté de l’effigie du petit prince et de l’autre d’images variées [57]. Ce faisant, les hérauts rendaient public le nom de l’enfant en criant à de multiples reprises « Vive le sérénissime prince de Piémont Charles-Emmanuel ! », exclamations reprises en chœur par la foule et les jeunes gens gardant le chemin [58]. La même scène se répéta au baptême de Philippe-Emmanuel, en 1687 [59].
Lorsque la procession arrivait au palais, l’enfant était ramené à sa mère et, suivant l’heure de la journée, une collation ou un banquet étaient servis aux invités. L’opulence du repas pouvait aussi varier entre un aîné et un cadet. Par exemple, lors du baptême d’Adrien de Savoie, en 1522, un festin fut donné au château d’Ivrée, suivi d’une soirée de jeux ; il en alla de même pour le baptême de Charles-Emmanuel, après lequel un bal fut donné jusqu’au milieu de la nuit. En revanche, en 1528, le baptême d’Emmanuel-Philibert, troisième fils de Charles II, ne fut suivi que d’une collation sucrée, composée de fruits confits, de massepain, de confitures et de dragées, servis avec des citronnades, des orangeades, de l’hypocras et du vin. Après cet en-cas, les invités se dispersèrent [60].
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7. Les festivités
Le baptême d’un enfant du duc de Savoie servait aussi de prétexte à des réjouissances plus profanes, qui pouvaient se dérouler soit avant, soit après les cérémonies. Les deux jours suivant le baptême d’Adrien de Savoie, en 1522, furent consacrés à un grand tournoi. Des échafauds furent dressés sur la place du château d’Ivrée pour que la cour et les citadins puissent assister aux combats, auxquels participa la fine fleur de la noblesse du duché. Le premier jour fut dévolu à plusieurs courses à la bague [61], le second à des joutes à la lance et à l’épée [62]. Les deux soirs, un banquet fut donné, suivi de danses et de la remise des prix aux vainqueurs des tournois.
Des réjouissances suivant le jour du baptême de Charles-Emmanuel, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’elles comportaient des feux d’artifice et que pendant plusieurs jours, nombre de banquets et de bals furent donnés à Turin [63]. En revanche, on connaît bien les festivités que Charles-Emmanuel Ier organisa pour le baptême de son fils Philippe-Emmanuel, vraisemblablement les plus somptueuses que la cour de Savoie avait connues jusqu’alors.
L’avant-veille du baptême, afin de divertir la cour et les ambassadeurs étrangers, un tournoi à thème fut organisé dans la grande salle du château : il avait pour enjeu le temple de la Félicité Amoureuse, dont l’accès était empêché par deux chevaliers, le Dédaigné et le Désespéré. La salle comportait à cette occasion de véritables décors, incluant une montagne, un temple de l’Amour et les repaires des deux chevaliers. Chacun des protagonistes était joué par des membres éminents de la cour (comme le demi-frère du duc, Amédée de Savoie, qui incarnait le Dédaigné). L’assaut fut mené par le duc Charles-Emmanuel Ier lui-même, suivi de nombreux chevaliers, tous splendidement vêtus. La mise en scène, très élaborée, comprenait des musiciens, des pages chargés de torches, ainsi qu’un char triomphal rempli d’amours, figurés par des petits enfants nus. Ce divertissement était entrecoupé de nombreux poèmes composés pour l’occasion. Le jour suivant, sur la place du château, des échafauds furent dressés pour que la population turinoise et la cour puissent assister à un second grand tournoi, à cheval cette fois, qui dura jusqu’à la tombée de la nuit [64].
Le lendemain du baptême, Charles-Emmanuel Ier offrit à la population une ostension du Saint Suaire. Un groupe de prélats amena la précieuse relique en procession jusqu’à la première porte du château, où avait été dressé pour l’occasion un échafaud, tout couvert de velours cramoisi et de drap d’or. Le Suaire fut montré trois fois de chaque côté à la nombreuse foule qui était venue l’admirer [65].
Le soir même, un impressionnant spectacle pyrotechnique se déroula sur la place du château : deux constructions figurant des châteaux s’assaillirent mutuellement
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par le feu, aidées dans leur combat par de nombreux chars vomissant des flammes. Le château maléfique, qui était surmonté de dragons, fut réduit en cendres par des mines, enterrées sous ses quatre tours. Sa destruction fut complétée par une pluie de feu et des fusées partant vers le ciel. S’ensuivit un tournoi, lors duquel les participants étaient tout harnachés de divers appareillages provoquant une détonation ou un jaillissement de flammes à chaque coup porté. Enfin, des salves d’arquebuserie et de canon signifièrent aux Turinois, passablement effrayés par ce déluge de flammes et d’explosions, que le spectacle était terminé [66].
Signalons que des effets pyrotechniques de bien moindre ampleur furent aussi déployés lors du baptême d’Adrien – où des fusées et des pétards furent utilisés dans un contexte comique comme intermèdes pendant les tournois – et lors de celui d’Emmanuel-Philibert, où une tour, blasonnée des armoiries des parents de l’enfant et de ses parrains, lança des fusées au retour de la procession [67].
Au sein du cérémonial baptismal, les festivités étaient ainsi l’élément variant le plus suivant le statut de l’enfant : les petites collations étaient réservées aux cadets, tandis que la naissance d’un aîné était célébrée par un banquet, des joutes et des réjouissances plus élaborées. Les divertissements étaient aussi la partie du cérémonial la moins sujette aux traditions et, par conséquent, la plus sensible aux modes et changements. Les réjouissances organisées pour Philippe-Emmanuel, ainsi, annoncent les fêtes de cour qui rendirent célèbre la Savoie du XVIIe siècle.
8. Conclusion
Au XVIe siècle, la cour de Savoie passa d’un modèle de pouvoir encore féodal à un régime absolutiste ; elle fut envahie par la France pendant vingt ans, puis reconquise par Emmanuel-Philibert ; elle cessa d’être itinérante lorsque ce duc décida de faire de Turin la capitale de ses Etats. Ces profondes mutations, associées à l’importance croissante que prit simultanément la représentation du pouvoir princier dans toutes les cours européennes, font de cette période un terrain d’étude extrêmement fertile en ce qui concerne le cérémonial.
Durant le XVIe siècle en effet, non seulement le cérémonial baptismal savoyard s’amplifia considérablement, mais il se mit en plus à associer au rituel nombre d’éléments annexes. Ce processus débuta sous le principat de Charles II, lors duquel les principales cérémonies de cour commencèrent à faire l’objet de récits et de poèmes spécialement consacrés à l’occasion. A partir d’Emmanuel-Philibert, ces documents furent imprimés et, par conséquent, distribués à plus large échelle : le baptême d’un prince de Piémont servait ainsi de support à la création littéraire.
Le cérémonial baptismal, surtout centré au début du XVIe siècle sur l’apparat et la procession, se mit aussi à être entouré de manifestations festives de plus en plus élaborées, ces réjouissances atteignant leur paroxysme sous le principat de Charles-Emmanuel Ier. En effet, ce duc mit en place à la cour de Savoie une politique
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de prestige le rendant extrêmement attentif à la théâtralisation de sa souveraineté, ce qui se ressent particulièrement dans son utilisation du cérémonial [68].
En 1587, ainsi, le baptême de son fils aîné, Philippe-Emmanuel, servit de support à l’élaboration d’un véritable spectacle à sa gloire. Dans un cadre somptueux, des centaines de courtisans et d’invités étrangers furent réunis pour célébrer la naissance de l’héritier du duc, garant de la continuité de la Maison de Savoie. Charles-Emmanuel leur offrit des divertissements grandioses : deux tournois à thème – impliquant des machines, des décors, des costumes particuliers, des figurants et des poèmes –, un spectacle pyrotechnique et, dans un tout autre registre, une ostension du Saint Suaire. Le baptême du prince de Piémont était devenu un véritable festival de cour, lors duquel les innovations techniques les plus récentes, les dernières tendances culturelles et le sentiment religieux se mêlaient pour célébrer ensemble le pouvoir du duc.
Sous les principats de Charles II et d’Emmanuel-Philibert, les fêtes de cour accompagnaient principalement des événements tels que les baptêmes, les mariages et les joyeuses entrées ; elles demeuraient, ainsi, plutôt exceptionnelles. Le principat de Charles-Emmanuel Ier marqua à cet égard un tournant, car ce duc multiplia les festivités, les réceptions et les bals, qu’il considérait comme autant de moyens de souligner sa magnificence et le prestige de sa dynastie [69]. Ce processus s’accentua encore au XVIIe siècle, en particulier sous la régence de Christine de France, lors de laquelle les anniversaires des souverains, le Carnaval et des occasions de plus en plus nombreuses se mirent à générer des divertissements [70].
On peut ainsi se demander si cette généralisation des fêtes de cour, associée à l’introduction de l’étiquette française par Christine de France, ne peut pas, dans une certaine mesure, expliquer la raréfaction des sources concernant les baptêmes princiers savoyards dès le XVIIe siècle. La représentation du pouvoir princier se manifestait ainsi par de nouvelles formes, telles la ritualisation extrême du quotidien des souverains ou les festivités, aussi fréquentes que somptueuses, qu’ils organisaient ; tout en demeurant l’occasion de réjouissances, les baptêmes passèrent ainsi au second plan, perdant leur importance et leur spécificité.
Notes
[1] Sur cette question, je me permets de renvoyer à ma thèse en cours sous la direction du professeur Agostino Paravicini Bagliani, consacrée au cérémonial à la cour de Savoie sous le principat de Charles II.
[2] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1 ; mazzo 1 d’addizione ; mazzi 1-5 da ordinare.
[3] Précisons toutefois que si le genre des documents se restreint, le nombre de personnes concernées s’élargit ; ainsi, les naissances de fils cadets, de filles, de bâtards et d’enfants issus de branches cadettes de la maison de Savoie sont beaucoup mieux représentées aux XVIIe et XVIIIe siècles qu’au XVIe siècle. Il faut aussi signaler que le fonds « Nascite e battesimi » contient plusieurs textes traitant de baptêmes d’enfants de souverains étrangers, dont le duc de Savoie fut le parrain ; nous ne les aborderons pas ici.
[4] A. Dufour, Adrianeo : récit des cérémonies, tournois et autres réjouissances qui ont eu lieu à Ivrée à l’occasion du baptême du prince Adrien de Savoie (1522), « Mémoires et documents publiés par la société savoisienne d’histoire et d’archéologie », 9, 1865, pp. 251-437. Pour une édition du premier livre de l’Adrianeo et une analyse de ce texte, cf. T. Brero, Les baptêmes princiers. Le cérémonial dans les cours de Savoie et Bourgogne (XVe-XVIe siècles), Lausanne, 2005 (Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 36).
[5] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 3. Edition et analyse dans T. Brero, Les baptêmes princiers cit.
[6] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 4 ; ibid., mazzo 1, n. 5 ; ibid., mazzo 1 da ordinare ; A. Bucci, Il battesimo del serenissimo prencipe di Piemonte […], Mondovì, 1567 (édition dans : T. Brero, Geburt und Taufe, in « Höfe und Residenzen im spätmittelalterlichen Reich. Hof und Schrift », hrsg. W. Paravicini, Ostfildern, 2007 (Residenzenforschung herausgegeben von der Residenzen-Kommission der Akademie der Wissenschaften zu Göttingen, Band 15. III), pp. 195-207); J. Grangier, Pastorales sur le baptesme de monseigneur Charles Emanuel, prince de Piedmont, avecques un recueil de quelques odes et sonnetz, faicts par le mesme aucteur, Chambéry, 1568 ; C. Stango, La corte da Emanuele Filiberto a Carlo Emanuele I, in « Storia di Torino », vol. III, a cura di G. Ricuperati, pp. 223-242.
[7] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 7 ; ibid., mazzo 1, n. 8 ; ibid., mazzo 1 da ordinare ; AST, Corte, Storia della real casa, cat IV, mazzo 1, Filippo-Emanuele, n. 1 ; D. F. Bucci, Il solenne battesimo del serenissimo prencipe di Piemonte Filippo Emanuelle […], Torino, 1588.
[8] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 93-94.
[9] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 17, 48, 54.
[10] K. Staniland, Royal Entry into the World, in « England in the Fifteenth Century : Proceedings of the 1986 Harlaxton Symposium », ed. D. Williams, Woodbridge, 1987, p. 307.
[11] En 1587, Catherine de Habsbourg reçut ainsi de la part des parrains de Philippe-Emmanuel plusieurs bijoux de prix, une table d’ébène et d’ivoire, ainsi qu’un doigt de sainte Catherine, relique offerte par le grand maître de l’Ordre de Malte (D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 60-61).
[12] Ces documents sont principalement conservés dans les fonds suivants : AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1 d’addizione ; ibid., mazzo 2 da ordinare ; ibid., mazzo 5 da ordinare.
[13] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 97-100.
[14] Ibid., pp. 245-247 ; D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., p. 6.
[15] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 232-238.
[16] C. Stango, La corte cit., p. 237 ; A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 196.
[17] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., p. 61-62.
[18] Ibid., p. 66.
[19] Un cahier recensant la date de naissance et de baptême de tous les enfants du duc Victor-Amédée II (1675-1730) prouve que ceux d’entre eux qui moururent au berceau avaient été préalablement ondoyés (AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 27). Au sujet de l’ondoiement à la cour des rois de France, cf. F. Leferme-Falguières, Les courtisans, une société de spectacle sous l’Ancien Régime, Paris, 2007, pp. 86-87.
[20] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 105-138.
[21] Ibid., pp. 303-309.
[22] A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., pp. 200-201 ; J. Grangier, Pastorales cit., pp. 23-59 décrit toutes les devises exposées dans cette salle en expliquant leur signification.
[23] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 13-18.
[24] P. Merlin, Tra guerre e tornei. La corte sabauda nell’età di Carlo Emanuele I, Torino, 1991, pp. 159-164.
[25] F. Leferme-Falguières, Les courtisans cit., pp. 83-86.
[26] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e Battesimi, mazzo 1, n. 1, fol. 3v.
[27] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., p. 353.
[28] A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 201 ; D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., p. 47. Signalons au passage que si l’on trouve des galeries couvertes de tissus précieux et d’armoiries dans d’autres cours d’Europe, la présence systématique d’un décor végétal allant du palais à l’église semble être une spécificité de la cour de Savoie.
[29] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 151-155.
[30] Ibid., pp. 155-163.
[31] Ibid., pp. 156, 158 ; A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 201.
[32] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 13-18.
[33] Ibid., pp. 6-13 ; A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., pp. 196-199.
[34] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., p. 187.
[35] P. Merlin, Tra guerre e tornei cit., pp. 161-162.
[36] Par exemple, les seuls textes documentant les baptêmes de deux filles de Charles-Emmanuel Ier, Marguerite (1589) et Françoise (1595) sont précisément des « ordres de marche » schématisant la procession (AST, Corte, Cermoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 9 ; ibid., n. 10).
[37] A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 202.
[38] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 175-183.
[39] Ibid., pp. 183-187.
[40] Ibid., p. 187-200.
[41] Ibid., p. 200-203.
[42] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 47-48.
[43] J. Paviot, Eléonore de Poitiers, ‘Les États de France’, « Annuaire-bulletin de la société de l’histoire de France », 1996, p. 103 ; F. Madden, The Christening of Princess Bridget, 1480, « Gentleman’s Magazine », 1, 1831, p. 25.
[44] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 206-211.
[45] Ibid., p. 239. On signalera cependant que s’il ne participa pas à la procession, le duc Emmanuel-Philibert assista néanmoins à la cérémonie religieuse du baptême de son fils Charles-Emmanuel, en 1567 (A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 206).
[46] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 212-214.
[47] Ibid., pp. 214-218.
[48] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 50-52.
[49] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., p. 204.
[50] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., p. 49.
[51] AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 14.
[52] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit.
[53] Adrien de Savoie fut baptisé par Claude d’Estavayer, évêque de Belley ; Emmanuel-Philibert probablement par Jean de La Forest, prieur de Nantua ; Charles-Emmanuel par Girolamo della Rovere, archevêque de Turin, et Philippe-Emmanuel par l’évêque de Castro, nonce apostolique auprès du duc de Savoie.
[54] A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., pp. 206-207.
[55] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 223-229.
[56] Ibid., pp. 251-255.
[57] C. Stango, La corte cit., p. 240; S. Guichenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, vol. II, Turin, 1778, pp. 280-281.
[58] A. Bucci, Il battesimo cit., éd. T. Brero, Geburt und Taufe cit., p. 207 ; AST, Corte, Cerimoniale, Nascite e battesimi, mazzo 1, n. 5, fol. 1v.
[59] D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 53-54.
[60] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 259-271.
[61] A. Dufour, Adrianeo, pp. 274-278, 326-348.
[62] Ibid., pp. 278-282, 349-385.
[63] C. Stango, La corte cit., p. 240.
[64] Repertorio di feste alla corte dei Savoia (1346-1669). Raccolto dai trattati di C. F. Ménéstrier, a cura di G. Rizzi, Torino, 1973, pp. 5-6 ; D. F. Bucci, Il solenne battesimo cit., pp. 18-46.
[65] Ibid., p. 55-56.
[66] Ibid., pp. 56-60.
[67] T. Brero, Les baptêmes princiers cit., pp. 259-260, 268-269.
[68] P. Merlin, Tra guerre e tornei cit., pp. 1-2, 156-158.
[69] Ibid., pp. 165-166. Cf. aussi F. Varallo, Il duca e la corte. Cerimonie al tempo di Carlo Emanuele I di Savoia, Genève, 1991 (Cahiers de civilisation alpine, 11).
[70] M. Viale Ferrero, Feste delle Madame Reali di Savoia, Torino, 1965 ; Repertorio di feste cit.