Modèles de pouvoir dans les rites royaux en France
Ralph E. Giesey
Ralph E. Giesey, "Modèles de pouvoir dans les rites royaux en France", dans Annales, année 1986, volume 41, numéro 3, p. 579 - 599.
Extrait de l’article
Les rois thaumaturges de Marc Bloch, l’un des ouvrages classiques consacrés aux rites royaux en France, a maintenant soixante ans. Cette œuvre n’a pas entraîné d’autres études semblables : Marc Bloch lui-même abandonna cette voie et consacra les deux dernières décennies de sa vie à l’histoire économique et sociale. Il fut l’un des fondateurs de la revue Annales ESC qui, jusqu’à une date récente, a délaissé l’étude de la royauté. Il en va de même, pour une large part, de l’historiographie des sciences sociales dans d’autres pays.
Le vif intérêt accordé aux études sur les rites ces dernières années est dû en grande partie aux sociologues et aux anthropologues plutôt qu’aux historiens. La nouvelle vogue qu’elles connaissent repose pour l’essentiel sur la compréhension du non-dit, de la sémiotique des cérémonials. Pour comprendre les ressorts du pouvoir, les anthropologues doivent tenir compte de cet élément, car ils manquent généralement de preuves littéraires, alors qu’elles abondent pour les historiens de la société occidentale. La théorie et la pratique de la royauté en France, par exemple, pourraient être globalement comprises sans grand recours aux études sur les rites ; ainsi d’ailleurs procédaient les érudits du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le problème, tel qu’il m’apparait aujourd’hui, est de maintenir une convergence entre une histoire constitutionnelle élaborée de longue date, dans laquelle j’inclus les aspects juridiques et politiques mais aussi théologiques et philosophiques du pouvoir, et une compréhension affective de la royauté que manient avec talent les anthropologues pour étudier des sociétés sans documentation.