Accueil / Représentation et festivités / Entrées et cortèges / Etudes modernes > L’ordre du rituel et l’ordre des choses : (...)

L’ordre du rituel et l’ordre des choses : l’entrée royale d’Henri II à Rouen

Michael Wintroub

Michael Wintroub, "L’ordre du rituel et l’ordre des choses : l’entrée royale d’Henri II à Rouen", dans Annales, année 2001, volume 56, numéro 2, p. 479-505.

Extrait de l’article

La saison avait été pluvieuse. Depuis l’arrivée d’Henri II au prieuré de Bonnes-Nouvelles, le 27 septembre, une pluie battante n’avait cessé de tomber. La fête prévue pour son entrée à Rouen avait dû être remise à plus tard. Le roi et sa suite franchirent l’ancien pont de l’abbaye de Saint-Ouen sans fanfare. En ce lieu, il présida les cérémonies solennelles de l’ordre des Chevaliers de Saint-Michel. Quatre jours plus tard, il traversa à nouveau le pont en sens inverse pour se diriger vers les terres du prieuré de Sainte- Catherine de Grandmont.

L’air était limpide et calme, et un léger vent que les marins appelaient le Levant soufflait en provenance de l’Orient. Au dire des chroniqueurs, c’était là, sans conteste, un signe de Dieu et des étoiles, que le temps changeât de façon aussi radicale le jour prévu pour la célébration de la « joyeuse entrée » d’Henri II. De façon plus terre à terre, les habitants de Rouen étaient tout aussi désireux d’honorer et de recevoir leur roi, « non par simulachres, ou platte peinture, ains par l’effect des choses vives & mouvantes [...] ». À midi ils étaient prêts à l’accueillir.

Henri II trouva son trône dans une galerie élevée sur des colonnes ioniques et décorées avec son emblème : une lune croissante. Du haut de son siège, il regardait sa ville parader devant lui, le clergé en tête, suivi des dignitaires royaux et municipaux, des négociants, des avocats et des commerçants. C’était là une vivante taxinomie des gens de la cité, une chaîne humaine dont l’extrémité était scellée par une démonstration de force : les juges vêtus d’écarlate suivis par trois cents archers, quinze cents soldats portant l’emblème du roi, un groupe de « gladiateurs romains » simulant une bataille avec des épées tenues à deux mains ainsi qu’un régiment de cinquante chevaliers de Normandie des plus estimés, dont les exploits, accomplis lors des conquêtes des « forts & opulentz » royaumes de Naples, de Sicile et d’Angleterre, avaient été immortalisés à la fois par les chroniqueurs et les historiens.

Lire la suite (Persée)