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La ville des entrées royales : entre transfiguration et défiguration

Daniel Vaillancourt

Vaillancourt D., La ville des entrées royales : entre transfiguration et défiguration, Dix-septième siècle, 2001/3, N° 212, p. 491-508.

Extrait de l’article

Être l’hôte n’est pas chose facile. La difficulté réside déjà dans la dualité du mot
qui signale à la fois, celui qui accueille et celui qui est reçu. Cette position duelle
dévoile les dures lois de l’hospitalité qui présupposent une situation retorse où le
familier perd de son usage, où le quotidien est suspendu. La complexité est d’autant
plus vraie si l’hôte reçu est l’ultime hôte de lui-même. Le roi qui entre dans les villes
est chez lui, dépossédant en partie les habitants de leur espace familier et usuel. La
ville, pour le recevoir selon les convenances dues à son rang, se transfigure et se met
en spectacle. Elle disparaît derrière un masque conforme aux attentes qu’elle imagine
être celles du roi. Dédoublée, mise en façades, monumentalisée, la ville de
l’entrée est un espace séquestré qui se met à l’unisson.
Cela est le cas des entrées royales de Louis XIII en 1622 et en 1629, puisqu’elles
s’énoncent sur un fond traumatique : les bruits de la guerre sont confondues avec les
chants de la louange. Louis XIII entre dans les villes en fête, clamant un triomphe
qui est souvent plus la représentation de celui-ci que la victoire réelle. Les bruits de
la ville qui se prépare évoquent ceux de la noise, donnant ainsi à entendre beaucoup
plus que les trompettes de la Renommée qui sont prescrites dans l’ordre du
discours :

"Et de fait à son premier lever de ce iour aussi tost qu’il eut allumé l’horizon de ses
flammes, comme si c’eust esté une resurrection generale à une nouvelle vie, les ruës
commencerent à fourmiller du monde que la Renommée y avoit convoqué de tous
costez, la Ville a retentir du son confus des tambours, des fifres, des clairons & trompettes,
du cliquetis des armes qu’on endossoit par tout des coups de mousquetades,
les chevaux galoppoient, les Officiers courroient pour mettre tout en ordre, en mesme temps on couvroit on tapissoit les rues, on charrioit le sable pour addoucir le
pavé ; qui crioit, qui rioit, qui martelloit & appelloit à l’aide ses autres instruments qui
estoient de saison pour mettre en perfection tous les arcs de triomphe & reparer les
bresches que la violence du vent y avoit fait quelques iours precedents. Au dehors les
tracas nestoit pas en rien moindre de ceux qui abordoient depuis le grand matin, des
compagnies des Gardes qui venoient en bel ordre, les enseignes au vent, & les tambours
battans, du train de la noblesse qui entroit à la foule, des chariots de guerre, des
chevaux, des mulets, des littieres & carrosses, qui escrouloient la terre & etourdissoient
l’air du bruit"...

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