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Les parfums à Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Approche épistémologique

Annick Le Guérer

Comment citer cet article :
Annick Le Guérer, "Les parfums à Versailles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Approche épistémologique", dans Odeurs et Parfums, éditions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, Paris, 1999. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er juin 2008 (https://cour-de-france.fr/article374.html).

Lorsqu’on évoque les parfums à Versailles, on pense tout de suite à une cour où l’art du paraître a été porté à son paroxysme. Dans ce contexte, l’usage extraordinaire qui est fait des parfums proprement dits, mais aussi des multiples accessoires odoriférants tels que les sachets, les gants, les éventails parfumés apparaît rationnel : en se diffusant, le parfum forme un halo autour de la personne qu’il prolonge et magnifie. Il étend l’être et la sphère sociale du courtisan.

Contrepoint immédiat à cette évocation parfumée : l’environnement odorant épouvantable d’un palais qui ignore les latrines. Certains témoignages comme celui, en 1764, de la Morandière, sont particulièrement éloquents : "le parc, les jardins, le château même font soulever le cœur par leurs mauvaises odeurs. Les passages de communication, les cours, les bâtiments, les corridors sont remplis d’urine et de matière fécales ; au pied même de l’aile des ministres, un charcutier saigne et grille ses porcs tous les matins ; l’avenue de Saint-Cloud est couverte d’eaux croupissantes et de chats mort [1].

Le souci d’un luxe qui reflète le rang de chaque individu et la nécessité de lutter contre une atmosphère empuantie constituent certes des explications logiques à l’usage intensif des parfums mais ils ne suffisent pas, à mon avis, à expliquer la prolifération inouïe des compositions odorantes. Sous Louis XV, l’imprégnation est si forte que la cour de France sera appelée en Europe "la cour parfumée". En réalité une autre explication doit être apportée qui se conjugue avec les précédentes. Elle obéit à une logique moins apparente mais dont l’importance est à mon sens déterminante. C’est cette (p. 134) logique que je me propose de mettre en évidence, par une approche moins historique qu’épistémologique, en examinant les compositions aromatiques de cette époque et l’usage qui en est fait.

Pour bien comprendre le rôle alors dévolu aux parfums, partons d’un rituel de toilette qui apparaît comme exemplaire car on peut y lire une théorie de l’hygiène bien différente des conceptions actuelles. La toilette de Louis XIV, décrite par le Duc de Saint-Simon, met en évidence l’absence de l’eau. Le seul rituel de lavage qu’observe le Roi-Soleil consiste à se rincer les mains avec de l’esprit de vin. C’est que la toilette au XVIIe siècle obéit à de tout autres repères que les nôtres. Elle cherche précisément à éviter l’eau, considérée comme nocive, mais elle fait, en revanche, une très large place aux produits odorants.

Cet évitement de l’eau est né, rappelons le, avec l’apparition, en 1348, de la grande peste noire. Les médecins commencent alors à déconseiller les bains chauds soupçonnés de fragiliser l’organisme en ouvrant les pores de la peau à l’air pestilent. Cette crainte de l’eau et du bain augmente au XVI e siècle et elle est à son apogée au XVIIe siècle. Les produits aromatiques sont, de ce fait, chargés de remplacer l’eau dans la toilette. Mais ils ne se bornent pas à assurer le nettoyage externe de la peau : ils sont censés aussi nettoyer l’intérieur du corps et le protéger du mauvais air.

Ces conceptions qui peuvent aujourd’hui sembler surprenantes reposent sur deux raisons fondamentales. La première tient à ce qu’on peut appeler le "réalisme de l’odeur" [2]. La seconde, aux pouvoirs particuliers dont depuis l’Antiquité furent crédités les aromates.

L’odeur qui pénètre en nous établit, en effet, un contact direct et très intime. De plus, elle s’impose bon gré, mal gré. D’où, très tôt, l’idée que l’odeur, grâce à cette force insinuante et pénétrante, possède une grande efficience. Cette constatation se conjugue avec la certitude que l’odeur contient le principe, la vertu de toute substance. Les odeurs apparaissent de ce fait non seulement comme les plus sûres messagères de la réalité matérielle, comme des réalités actives, mais encore comme des réalités individualisées. Ainsi, chaque substance est-elle signée d’une odeur spécifique, conviction que le philosophe Gaston Bachelard qualifiera de "substantialiste" [3]. Les senteurs de fleurs, de bois ou de gomme sont donc censées véhiculer l’énergie propre à chaque végétal.

Or, selon une tradition héritée des Grecs, les aromates, brûlés par le soleil, sont de nature ignée et imputrescible. Ils ont donc la capacité de combattre la putritude. Cette qualité essentielle confère, à elle seule, aux substances aromatiques de nombreux pouvoirs. Elles ont une énergie particulière pouvant servir à purifier, assainir, fortifier le corps et l’esprit. Les substances aromatiques seront même supposées renforcer les défenses naturelles de l’organisme en combattant les passions tristes comme la crainte et le chagrin qui favorisent l’arrivée de la maladie. (p. 135)

Pour toutes ces raisons, on comprend qu’à une époque où la propreté se conçoit en termes de "purification" et de "protection" contre les mauvaises odeurs, les parfums aient été appelés à jouer un rôle fondamental. Les médecins pensent qu’ils peuvent à la fois débarrasser le corps de ses déchets et établir entre la peau et l’air pestilent une barrière protectrice. Ce n’est pas la crasse elle-même que l’on craint au XVIIe et au XVIIIe siècles, mais l’encrassement des organes par les humeurs, les fermentations stagnantes et les émanations fétides. La véritable saleté, ce ne sont pas les poux et les puces, mais la corruption interne et les miasmes. Les parfums ont, dans l’hygiène interne, un rôle comparable à celui de la saignée et de la purgation. En empêchant la pléthore, ils concourent à la propreté des organes et du sang. Ils doivent aussi laver la peau sans la fragiliser et la protéger de l’air extérieur.

Cette promotion à la fois hygiénique et prophylactique de l’aromate explique son emploi intensif. Être propre, c’est se frotter la peau avec des savonnettes de Bologne, au citron ou à l’orange. C’est encore se rincer le visage et les mains avec des vinaigres parfumés. Être propre, c’est encore s’asperger d’Eau impériale, d’Eau couronnée, d’Eau superbe. Il faut s’enduire les mains avec des pâtes d’iris, de benjoin, d’amandes douces qui les décrassent sans les abîmer. On ne doit pas oublier de se frotter les dents avec des opiats à la cannelle, à l’orange, au clou de girofle, au citron. Il est également recommandé de se décrasser les cheveux avec des huiles et des pâtes au santal, à la rose, à la lavande, au jasmin.

Il y a en fait à cette époque un véritable continuum entre la matière médicale et la parfumerie. Fait révélateur : c’est sur l’ordre du premier médecin de Louis XIV, Antoine d’Aquin, que Blégny, médecin de Monsieur, frère du roi, collationne les formules des compositions aromatiques et son recueil est d’ailleurs intitulé : Secrets concernant la beauté et la santé.

Prenons l’exemple d’une composition particulièrement célèbre: l’eau de la Reine de Hongrie. Le continuum entre la médecine et la parfumerie s’y révèle de façon éclatante. Cette eau de senteur, à base de romarin, très utilisée dans la toilette, est censée posséder en même temps des vertus prophylactiques et curatives admirables. Selon la légende, elle permit d’ailleurs à la Reine de Hongrie, alors âgée de 72 ans, de guérir de toutes ses infirmités, de retrouver force et beauté et d’être demandée en mariage par le roi de Pologne. Blégny nous donne la liste impressionnante des vertus médicales de ce produit à usage a la fois externe et interne :

  • Appliqué sur la nuque, aux tempes et aux poignets, il répare les esprits dissipés, débouche les nerfs obstrués, augmente la mémoire, donne du jugement, de la force et de la gaieté, tonifie les sens.
  • Sa seule odeur soulage la migraine et les vapeurs.
  • Mis dans les oreilles avec un peu de coton, il dissipe la pituite et les bourdonnements d’oreille.
  • Appliqué sur le ventre, il apaise presque toutes les douleurs abdominales.
  • Appliqué sur les paupières, il fortifie la vue.

(p. 136)

  • Appliqué sur tout le corps, il soigne merveilleusement l’apoplexie, la paralysie, la goutte, les rhumatismes.

L’eau de la Reine de Hongrie vient encore à bout des tumeurs, des contusions et des brûlures. Madame de Sévigné en fait à une certaine époque une grande consommation. Quant à Madame de Maintenon, elle est si persuadée des bienfaits de ce produit, qu’elle demande à ce que ses petites pensionnaires de Saint-Cyr l’utilisent régulièrement pour se protéger du mauvais air.

Si les médecins accordent tant d’importance aux arômes, aux parfums, aux émanations, c’est parce que, pour eux, les effluves possèdent au plus haut point cette faculté singulière d’envahir et de pénétrer le corps en profondeur. Ainsi, lorsqu’en 1686, Louis XIV, souffre d’une tumeur, Antoine D’Aquin, lui prépare un emplâtre très odoriférant qui contient, entre autres ingrédients, du galbanum, de l’opopanax, de la myrrhe, de l’oliban, et du mastic. Le premier médecin du roi pense, avec tous les médecins de son temps, que les énergies vitales de ces puissants parfums, en s’infiltrant dans le corps du malade, sont capables de guérir la tumeur. Comme le fait remarquer l’épistémologue François Dagognet, "une philosophie de la profondeur" [4] est bien à l’œuvre dans les pharmacopées anciennes.

Ce crédit accordé à l’odorant, au subtil, à l’aérien, sert, à coup sûr, l’expansion des produits parfumés et leurs multiples applications. Ainsi, lorsqu’un médecin de la cour de Louis XIV met au point un dispositif destiné à diffuser des parfums d’ambiance, il a soin de souligner tout l’intérêt thérapeutique de son invention. Selon lui, ce petit appareil nommé "cassolette royale" permet aux produits odorants qu’il diffuse de pénétrer directement dans les poumons, le cœur et les vaisseaux sanguins sans rien perdre de leur vertu.

De nombreux produits, moins polyvalents, sont révélateurs de cette démarche commune à la médecine et à la parfumerie. Les "cucuphes", par exemple. Ce sont des bonnets médicamenteux qui selon les moyens de chacun sont garnis soit d’aromates, de gommes et de résines odoriférantes, soit de musc ou d’ambre. Portés la nuit ou, le jour, sous un chapeau, ils sont, paraît-il, très salutaires aux vieillards, sensibles au froid, sujets aux vertiges, aux catarrhes, aux pertes de mémoire et "autres incommodités de la vieillesse" [5]. Il existe aussi des tissus et des mouchoirs cosmétiques. Pièces de toile macérées plusieurs jours dans des produits aromatiques, les mouchoirs de Vénus servent, une fois séchés, à se laver le visage à sec. Sur le même principe, on trouve encore des cornettes de nuit et des bandeaux pour préserver le visage des rides.

Le même procédé de macération de linges dans des produits aromatiques est utilisé pour des accessoires purement médicaux. Je ne ferai ici qu’évoquer certaines de ces inventions destinées à associer les parfums à (p. 137) une prophylaxie de pointe. Ainsi, le "sparadrap cordial" protège le visage des médecins lorsqu’ils se rendent au chevet des pestiférés. De même la "chemise préservative" associe les parfums au vêtement de travail hospitalier. Elle doit prémunir des dangereuses émanations des victimes de la peste. Il existe même des linceuls enduits de substances aromatiques pour ensevelir les pestiférés. L’idée est d’empêcher la propagation des effluves pesteux en les "neutralisant" par de bonnes odeurs.

On retrouve encore cette logique commune à l’art médical et à celui du parfumeur dans le recours aux produits animaux et minéraux pour renforcer les pouvoirs du parfum. Dans le but d’accroître encore la puissance des produits aromatiques, médecins et apothicaires n’hésitent pas, en effet, à recourir à de nombreuses substances tirées du règne minéral et animal. En 1655, Vallot prépare pour Louis XIV un onguent composé de baume du Pérou, d’essence de fourmis et d’esprit d’écrevisses. Loin d’être une simple fantaisie, l’adjonction de ces deux derniers composants, qui nécessitent des préparations complexes, obéit à une logique. Le remède odorant et le cosmétique anciens sont, en effet, des "choses rationnelles". L’introduction dans les préparations aromatiques de poumon de renard, de foie de loup, de graisse d’ours, de scorpions, de poudre de cloporte, de blanc de baleine, de cendres de salamandre, d’huile de vers de terre, de corne de cerf, d’or, d’argent ou de perles, voire même de sang, d’urine et d’excréments, a pour but de potentialiser les parfums. Ils pourront alors, croît-on, capter les énergies de ces autres ingrédients et les véhiculer à l’intérieur des organismes malades ou menacés. Ainsi l’ajout de chair de vipère dans la très célèbre thériaque doit conférer à cette préparation aromatique complexe un pouvoir anti-venimeux.

Autre exemple : le chien entre aussi bien dans la composition d’onguents servant à ôter les taches de rousseur que dans un remède aromatique contre les rhumatismes, appelé "huile de chien roux", qui inclut du safran, de la guimauve et du millepertuis.

Néanmoins l’introduction d’ingrédients animaux ou minéraux ne doit jamais faire oublier que ce qui compte, avant tout, aussi bien dans le cosmétique que dans le remède, c’est son parfum. L’un des médecins de Louis XIV, l’abbé Rousseau, affirme : "Toute la vertu des médicaments consiste dans la communication...d’un certain parfum" [6]. Cela reste vrai, même pour les remèdes qui comportent des produits animaux et humains dégageant des odeurs nauséabondes. C’est, à coup sûr, le cas du "remède universel" que l’abbé Rousseau recommande. En dépit de certains ingrédients comme des testicules, de la verge et des reins de cerf, de l’urine, des excréments et du sang humain, ce baume doit avoir une odeur agréable et balsamique.

Les mêmes recommandations président au choix d’une médication macabre très prisée à cette époque : la momie. Ce remède représente, en effet, de façon paroxystique, cette tentative de potentialiser les énergies vitales des parfums. L’abbé Rousseau est sur ce point très explicite: "l’homme étant le roi des animaux… il n’y a point d’animal qui approche des propriétés médicinales du corps humain" [7]. (p. 138)

D’origine très ancienne, la momie était censée provenir d’Égypte où les pilleurs de tombeaux auraient recueilli dans les sarcophages des pharaons une liqueur odorante ayant la consistance du miel. Mais l’engouement pour ce remède conjugué à l’appât du gain aurait très vite conduit à des préparations plus que douteuses, vigoureusement dénoncées déjà, au XVIe siècle, par le grand chirurgien Ambroise Paré. Ces avertissements s’avérant impuissants à dissuader les amateurs de momie, les médecins s’employèrent alors à élaborer des compositions modernes garantissant aux malades une momie de qualité. Au XVIIe siècle, période qui marque l’apogée de cette médication, l’une des recettes les plus prisées est celle de Crollius. Les parfums qui entrent dans sa composition sont dynamisés avec un produit qui se tient au plus près de la vie : le corps d’un homme jeune, arraché brutalement à l’existence. Selon Crollius, il faut, en effet, se procurer le cadavre d’un condamné à mort, jeune et de préférence roux, (le roux étant un symbole vital). Prélever les morceaux charnus, dégraisser, les laver abondamment avec de l’esprit de vin, les exposer aux rayons de la lune et du soleil pendant deux jours et deux nuits, afin d’exalter les principes vitaux contenus dans les chairs; les frotter ensuite de myrrhe, de safran et d’aloès ; enfin les exposer au feu « comme on le fait pour les langues de bœuf et les jambons que l’on pend dans la cheminée et qui contractent ainsi une odeur délicieuse" [8].

L’odeur est, en effet, "l’âme du médicament" [9]. C’est une telle certitude pour les médecins de l’époque que Fourcroy, membre de la Société royale de Médecine et professeur de chimie au Jardin du roi, établit, peu de temps avant la Révolution, un classement des médicaments d’après leur odeur. Sa nomenclature comprend 7 classes. On y trouve notamment les remèdes ambrosiaques qui, grâce à leur odeur pénétrante et très active, ont une action stimulante sur les nerfs et le cœur. L’ambre gris, le musc, la civette, le bois de santal possèdent ces vertus. Il y a aussi les remèdes d’odeur fragrante comme le lys, le jasmin, la tubéreuse, le safran qui stimulent encore plus rapidement. Les médicaments d’odeur aromatique sont très nombreux et possèdent des propriétés très diverses. Ceux d’odeur aliacée, ail, poireau, galbanum, opoponax, sont préconisés pour se protéger de la peste.

Toutes ces vertus que médecins, apothicaires et parfumeurs prêtent aux odeurs ne peuvent qu’encourager la cour de Versailles à faire un abondant usage de parfums. Louis XIV les aima tant qu’il finit par leur devenir allergique. (p. 139) Auparavant le roi veillait personnellement à la fabrication de ceux que lui confectionnait le célèbre parfumeur Martial. Au XVIIIe siècle, le retour progressif de l’eau dans la toilette ne fait aucun tort aux parfums puisqu’ils sont largement utilisés pour parfumer le bain. Même si le château de Versailles commence à posséder sous Louis XV quelques salles de bains, on recourt toujours aux pouvoirs nettoyants, protecteurs et thérapeutiques des produits odorants.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, apparaît néanmoins une évolution décisive. Sous l’influence des progrès de la chimie qui dépouillent peu à peu l’aromate de son rôle prophylactique et de ceux de la distillation qui permettent des combinaisons aromatiques encore plus subtiles, la parfumerie commence à devenir autonome. Elle prend ses distances avec la médecine et la pharmacie en même temps qu’un nouvel essor. A une époque où triomphent les philosophies sensualistes, les parfumeurs cherchent avant toute chose à flatter la sensualité de l’odorat et non plus à protéger des maladies et à soigner. Cette rupture avec le passé est affirmée avec force par le parfumeur et distillateur Antoine Dejean. Dans son Traité des odeurs, il déclare, en 1777, ne vouloir traiter que des bonnes odeurs et ne chercher qu’à plaire aux bien portants. Les malades qui cherchent des parfums salutaires les trouveront dans les ouvrages des médecins et des apothicaires. Certains des ingrédients animaux et minéraux, autrefois chargés de dynamiser les parfums, sont progressivement abandonnés. Les parfumeurs vont aussi cesser d’évoquer les vertus prophylactiques et thérapeutiques, jadis tant vantées, de produits comme l’Eau de la Reine de Hongrie. En 1809, Jean-Louis Fargeon, ancien parfumeur de Marie-Antoinette et devenu parfumeur attitré de Napoléon, ne fait plus que très rarement référence, dans son célèbre traité, L’Art du Parfumeur, aux traditionnelles applications thérapeutiques et prophylactiques des produits aromatiques.

Toutefois, même si dans l’affrontement au rationnel, le parfum, à coup sûr, a perdu de son importance, les extraordinaires pouvoirs dont il a été pendant des siècles investi continuent encore aujourd’hui à hanter les parfumeurs. Les noms choisis pour certains parfums ("Mystère" de Rochas, "Magie noire" de Lancôme, "Sortilège" de Le Galion), sont évocateurs des "puissances" olfactives d’autrefois. Et lorsque le couturier Christian Lacroix lance un parfum dénommé "La vie" ou que Clarins vante les vertus de son "Eau dynamisante", on se dit, en effet, que les pouvoirs vitaux accordés jadis aux parfums n’ont pas vraiment disparu de l’imaginaire olfactif.

Bibliographie des ouvrages ne figurant pas en notes :

Le Guérer (Annick), Les Pouvoirs de l’Odeur, (1988), nouvelles éditions 1998 et 2002, Paris, Odile Jacob ;
Le Guérer (Annick), Le Parfum, de origines à nos jours, Paris, 2005, Odile Jacob.
Barbe (Simon), Le parfumeur français..., Lyon, 1693.
Baumé (Antoine), Eléments de pharmacie théorique et pratique..., Paris, 1762.
Blégny (Nicolas de), Secrets concernant la beauté et la santé...Paris, 1688-1689.
Boerhaave (Hermann), Traité de la vertu des médicaments, Paris, 1729.
Buchoz (Pierre-.Joseph), La toilette de Flore, Paris, 1771.
Charas (Moyse), Pharmacopée royale, galénique et chimique, Paris, 1676.
D’Aquin (Antoine), Fagon R., Vallot, A., Journal de la santé du roi Louis XIV (1674-1711), Paris, 1862.
Dejean (Antoine), Traité raisonné de la distillation, Paris, 1753.
Dejean (Antoine), Traité des odeurs, Paris, 1777.
Fargeon (D.J.), L’art du parfumeur..., Paris, an IX.
Fourcroy (Antoine F), L’art de connaître et d’employer les médicaments dans les maladies qui attaquent le corps humain, Paris, 1785.
Guyon (Louis), Le cours de médecine en français contenant le miroir de beauté et santé corporelle, Lyon, 1664.
Lampérière (Jean de), Traité de la peste, de ses causes et de sa cure, Rouen, 1620.
Lémery (Nicolas), Traité universel des drogues simples mises en ordre alphabétique, Paris, 1693.
Maintenon (Mme de), Education morale, choix de lettres, Paris, 1884.
Mercier (Louis-Sébastien), Tableau de Paris, Amsterdam, 1782-1788, vol. 12.
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, éd. Nisard, trad. par Littré, 1848-1850.
Pomet (Pierre), Histoire générale des drogues..., Paris, 1735.
Quincy (John), Pharmacopée universelle..., 1749.
Saint-Simon (Duc de), Mémoires, Paris, Hachette, 1916.
Virey (Jean-Jacques), Histoire naturelle des medicamens, des alimens et des poisons, Paris, 1820.

Pour en savoir plus :
Barbier (Michel), Les Phéromones. Aspects biochimiques et biologiques, Paris, Masson, 1982.
Bonnet (Jocelyne), L’homme et le parfum, Histoire des mœurs, Gallimard, La Pléiade, Tome I, 1990, p. 679.
Camporesi (Piero), La chair impassible, Paris, Flammarion, 1986.
Camporesi (Piero), Les effluves du temps jadis, Paris, Plon, 1995.
Camporesi (Piero), L’officine des sens, Paris, Hachette, 1989.
Classen (Classen), Howes (David), Synnott (Anthony), Aroma, Londres, Routledge, 1994.
Corbin (Alain), Le Miasme et la jonquille, Paris, Aubier, 1983.
Detienne (Marcel), Les jardins d’Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Paris, Gallimard, 1972.
Faure (Paul), Parfums et aromates de l’Antiquité, Paris, Fayard, 1887.
Holley (André) et Mac Leod (Patrick), « Transduction et codage des informations olfactives », Journal de Physiologie, Paris, 1977, p. 729.
Le Guérer (Annick), Les Pouvoirs de l’Odeur, éd. François Bourin, 1988. Nouvelle édition revue et augmentée à paraître en février 1998 chez Odile Jacob (collection Opus).
Traduction allemande : Die Macht der Gerüche. Eine Philosophie der Nase, (Stuttgart, Klett-Cotta, 1992, seconde édition, 1994).
Traduction anglaise: Scent, (New-York, Turtle Bay Books/Random House, 1992; Londres, Chatto & Windus, 1993; Kodansha, New-York, 1994).
A paraître prochainement en japonais (Tokyo, Kosaku-Sha), en coréen (Séoul, Dong Yeung Publishing).
Le Guérer (Annick), "Le déclin de l’olfactif, mythe ou réalité ?", Anthropologie et Sociétés, Montréal, vol. 14, n°12, 1990, p. 25-45.
Le Guérer (Annick), "Du miasme au microbe", Autrement, septembre 1987, n° 92, p. 115-121.
Le Guérer (Annick), "La panthère parfumée", Idem, p. 55-58.
Le Guérer (Annick), "Les philosophes ont-ils un nez ? ", Idem, p. 49-54.
Le Guérer (Annick), "Ist der moderne Mensch geruchsbehindert ?" in Das Riechen. Gottingen, Steidl Verlag, 1995, p. 37-48.
Le Guérer (Annick), "Odeurs et Communication" in Dictionnaire Critique de la Communication, Paris, P.U.F., 1994.
Le Guérer (Annick),"Le nez d’Emma". Histoire de l’odorat dans la psychanalyse", Revue Internationale de Psychopathologie, La passion des odeurs, P.U.F. juillet 1996, n°22, p. 339-385.
Le Guérer (Annick), "Odeur et Pollution" in Actes du colloque, Journées scientifiques sur la Qualité de l’Air, 4 et 5 juin 1996, Académie des Sciences, Paris.
Le Guérer (Annick), "L’odeur de la peste", Traverses, septembre 1984, n°32, p. 58-69.
Le Guérer (Annick), "Trois histoires de nez aux origines de la psychanalyse" in L’Écriture de la nuit, (à paraître prochainement).
Le Guérer (Annick), Communication du 12 juin 1997 au Musée de l’Homme: «L’odorat dans la philosophie, la médecine et la psychanalyse», (à paraître dans un prochain numéro d’Eurasie).
Le Magnen (Jacques), Odeurs et parfums (1949), Paris, P.U.F., 1961.
Roubin (Lucienne), Le mondes odeurs, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989.
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Moreno (Odile), Bourdon (René), Roudnitska (Edmond), L’intimité du parfum, Paris, Olivier Perrin, 1974.
Petit-Skinner (Solange), « L’homme et la sexualité » in Histoire des mœurs, Gallimard, La Pléiade, tome II, 1991.
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Vigarello(Georges), Le propre et le sale, Paris, Le Seuil, 1985.
Vuarnet (Jean-Noël), Extases féminines, Paris, Arthaud, 1980.

Notes

[1Cf. Docteur Cabanès, Mœurs intimes du passé, vol. I, (1908), Genève, Farnot, 1976, p. 254.

[2Bachelard (Gaston), La formation de l’esprit scientifique, Paris, Vrin, 1980, p. 115.

[3Idem, p. 102.

[4Dagognet (François), La raison et les remèdes. Essai sur l’imaginaire et le réel dans la thérapeutique contemporaine, Paris, P.U.F., 1952, p. 76.

[5Ettmuller (Michel), Méthode de consulter et de prescrire les formules de médecine, Lyon, 1698, (oeuvre posthume), p. 385.

[6Abbé Rousseau, Préservatifs et remèdes universels tirés des animaux, des végétaux et des minéraux, Paris 1706, p. 107.

[7Idem.

[8Cf. Pénicher (Louis), Traité des embaumements selon les Anciens et les Modernes avec une description de quelques compositions balsamiques et odorantes, Paris, 1699, p. 253.

[9Dagognet (François), op. cit., p. 86-87.