La cour dans l’espace du palais. L’exemple de Henri III
Nicolas Le Roux
Comment citer cet article:
Nicolas Le Roux, "La cour dans l’espace du palais. L’exemple de Henri III", dans M. -F. Auzepy, J. Cornette (dir.), Palais et Pouvoir, de Constantinople à Versailles, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2003, p. 229-267. Article édité en ligne sur Cour de France.fr le 1er avril 2008 (https://cour-de-france.fr/article266.html).
P. 229 de la première édition
Le règne de Henri III offre à l’historien des sources très riches pour connaître les rituels et les pratiques rythmant la vie du palais. Dès le début du mois de septembre 1574, dans les jours qui suivent son retour dans le royaume, le roi a en effet entamé une réformation du fonctionnement de la cour. Quatre ans plus tard, le 11 août 1578, ces premières dispositions sont reprises dans un règlement général, suivi d’un second le 1er janvier 1585. Entre-temps, le 10 octobre 1582, des mesures particulières concernant les repas, les bals et les conseils, ont été publiées [1].
En dépit de ces sources normatives remarquables, l’appréhension concrète du fonctionnement de la cour reste difficile. Les correspondances décrivent en effet relativement peu l’activité du palais. Elles fournissent souvent des informations sur les allées et venues des courtisans, mais évoquent rarement la vie quotidienne. Les comptes de l’argenterie évoquent bien l’ameublement et la décoration intérieure de certaines pièces, mais ceux-ci restent très fragmentaires.
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La géographie du palais
À l’époque de Henri III, le palais royal c’est d’abord le Louvre [2]. Les guerres de Religion voient en effet la cour se fixer à Paris, pour des raisons sécuritaires et financières, mais aussi afin d’identifier clairement le centre politique du royaume. À l’issue du tour de France mené par la cour de 1564 à 1566, le Louvre devient la principale résidence du souverain et de son entourage. La reine mère fait même raser l’ancien hôtel des Tournelles, ensemble composite situé dans le Marais, remanié au XVe siècle, comprenant des pavillons, des galeries, des écuries, un manège, qui avait été la résidence habituelle de Henri II pendant la saison hivernale — le printemps voyant la cour gagner Fontainebleau ou Saint-Germain —, car ce bâtiment est étroitement lié au souvenir de la mort du roi [3]. Cette décision n’est d’ailleurs pas sans provoquer le mécontentement du locataire habituel de cette maison, le Premier gentilhomme de la chambre du roi, Philibert de Marcilly-Sipierre.
Le Louvre retient assez peu le regard des visiteurs étrangers, lesquels lui préfèrent Fontainebleau — « édifice vraiment royal » réputé pouvoir loger toute la cour [4] —, le château de Madrid, Saint-Maur ou les Tuileries [5], voire Gaillon (qui appartient au cardinal de Bourbon), Meudon (résidence du cardinal de Lorraine), Ecouen et Chantilly (châteaux du duc de Montmorency), ou encore Noisy (aménagé par le maréchal de Retz) [6].
François Ier a détruit le donjon du Louvre en 1528 et comblé les douves. De taille réduite, les logis royaux se trouvaient alors dans l’aile méridionale [7]. Les travaux d’aménagement sont cependant restés
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limités à cette époque, même si la décoration a été enrichie et le nombre d’appartements augmenté à l’occasion de la venue de l’empereur Charles Quint, pendant l’hiver 1539-1540 [8]. Mais la reconstruction n’est commencée qu’à la toute fin du règne. Après avoir refusé les projets monumentaux de l’Italien Sebastiano Serlio, le roi confie à Pierre Lescot le soin de rebâtir l’aile occidentale le 2 août 1546 [9]. Henri II maintient Lescot dans ses fonctions dès le 14 avril 1547 — François Ier est mort le 31 mars —, et lui commande un projet plus ambitieux. C’est sous ce règne que sont élevés l’aile occidentale et le pavillon du Roi, qui fait l’angle sud-ouest de la cour, achevé en 1556. Commencés sous François II, les travaux de l’aile donnant sur la Seine sont terminés au début des années 1580 par Baptiste Androuet du Cerceau [10]. Pendant les premières années du règne de Henri III, le Louvre reste donc en chantier. Un Vénitien note à cette époque que « le palais ou château royal, qui est la demeure de la cour, a un commencement de construction dont la majestueuse architecture, si jamais elle était achevée, en ferait un des plus beaux édifices du monde », mais il ajoute aussitôt que « Henri II y mit la main ; mais il n’y en a qu’un quart de construit [11] ».
En 1566, la reine mère lance la construction de ce qu’on appellera plus tard la petite galerie, qui enjambe le fossé au sud du château. Il s’agit d’une galerie ouverte d’un seul niveau surmontée d’une terrasse donnant sur les petits jardins.
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Situés au premier étage de l’aile occidentale et du pavillon, les appartements du roi sont constitués d’un ensemble de pièces de plain-pied : la salle, l’antichambre (apparue sous Henri II [12]), la chambre et le cabinet, auxquels est adjointe une garde-robe. Cette disposition apparaît sur le plan du Louvre dressé dans les années 1570 par Jacques Androuet du Cerceau [13]. Elle est également avérée dans les autres résidences royales d’Île-de-France, qu’il s’agisse de Fontainebleau ou de Saint-Germain-en-Laye. Le règlement de 1585 précise que le cabinet du roi doit communiquer directement avec la chambre de la reine, pièce dans laquelle couchent les époux. Occupant le premier étage de l’aile méridionale, l’appartement de la reine comporte lui aussi un cabinet, une chambre, une antichambre et une salle [14]. Le règlement ajoute également que l’appartement de la reine mère doit être à proximité de celui du roi. Comprenant au moins une salle, une petite salle, où elle soupe [15], une chambre et un cabinet, celui-ci se trouve alors au rez-de-chaussée de l’aile méridionale, face aux petits jardins [16]. Mais vers 1580, Catherine de Médicis quitte le palais pour s’établir dans l’hôtel bâti par Jean Bullant près de Saint-Eustache, où elle rassemble de magnifiques collections de tapisseries et de portraits [17]. En revanche, elle n’occupe pas les Tuileries, dont les travaux ont été interrompus dès 1572.
Dans l’appartement du roi, la salle est le lieu où se tiennent les gardes et où se rassemblent les gens de cour après avoir gravi le grand degré. C’est une pièce constamment remplie de monde. L’antichambre est le lieu des repas du roi. Éclairée par quatre fenêtres, la chambre est elle aussi une pièce de représentation où se déroulent les cérémonies du lever et du coucher, mais aussi des réceptions et réunions publiques. Desservi par un escalier particulier, le cabinet est au contraire une pièce réservée aux entretiens particuliers, au repos et aux dévotions privées du prince. La garde-robe, où sont remisés les
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coffres, sert également de dortoir aux valets. Outre l’appartement du premier étage, le roi occupe un cabinet situé au second étage. C’est là que se décident les affaires les plus secrètes de l’État. Le 3 mars 1583, le règlement du conseil des finances indique ainsi que le roi a ordonné que ce conseil se tiendra « au cabinet d’au-dessus de la chambre du roi tous les jours après dîner de midi à une heure jusqu’à quatre heures [18] ».
Les fragments de comptes de l’argenterie royale nous révèlent une partie de l’ameublement de ces pièces [19]. Dans les années 1580, le cabinet comporte plusieurs bancs garnis de velours vert, six chaises, au moins un lit, une tapisserie, des tapis de velours vert et des rideaux de taffetas également vert, ainsi qu’une « chapelle » [20]. On sait qu’en 1574, la garde-robe était garnie d’un tapis de drap vert, et c’est peut-être dans cette pièce que se trouvaient les « chaises d’affaires » du roi (c’est-à-dire les chaises percées) couvertes de velours et doublées de taffetas vert, ainsi qu’une « chaise de table » en velours cramoisi, ou encore des coffres et des coffrets garnis de velours ou de satin [21].
Concurremment avec l’appartement du roi, les chambres des reines sont d’autres lieux de sociabilité essentiels. C’est chez la reine mère que le roi et les courtisans rejoignent les dames après le dîner, tandis que jouent les musiciens de la chambre. Les divertissements musicaux sont organisés chez la reine régnante trois soirs par semaine (les lundi, mardi et mercredi), de 19 heures à 20 heures [22]. C’est également dans la chambre de la reine que se déroulent certaines cérémonies solennelles, comme les fiançailles de sa sœur avec le duc de Joyeuse, le 18 septembre 1581 [23].
Bals et fêtes peuvent avoir lieu dans les appartements du premier comme au rez-de-chaussée. Sous la salle du roi, la grande salle basse abrite à son extrémité nord une tribune soutenue par quatre
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caryatides destinée aux musiciens. À l’autre bout, se trouve le « grand tribunal », estrade séparée de la salle par une colonnade. Les bals ont lieu deux à trois soirs par semaine : les dimanches et les jeudis selon le règlement d’août 1578 ; les dimanches, mardis et jeudis selon celui d’octobre 1582. Le règlement de 1582 précise que tous les princes et princesses, seigneurs et dames, et gentilshommes et demoiselles doivent s’y trouver [24]. Les grands bals organisés les jours de fête sont d’ailleurs publics, ce qui permet par exemple au voyageur néerlandais Arnold Van Buchel d’admirer les costumes des courtisans lors des réjouissances de l’Épiphanie en 1586 [25]. Pièce ouverte, la grande salle basse est aussi un lieu où le petit personnel de la cour peut pénétrer sans difficulté. C’est là que pages et laquais contrefont la procession des pénitents royaux en mars 1583 [26].
Les salles basses sont le domaine des serviteurs domestiques chargés de l’entretien et l’alimentation de la cour. Installés dans la basse-cour située à l’ouest du palais, les services de la « cuisine bouche » et de la « cuisine commun » rassemblent plusieurs dizaines d’écuyers, de queux (cuisiniers), de « hasteux » (rôtisseurs), de potagers, de pâtissiers, de porteurs, d’huissiers, de garde-vaisselle, de « galopins », de sommiers, de sommeliers ou de verduriers [27]. La fruiterie comprend des chefs, des aides et des sommiers, tandis que la fourrière emploie des porte-tables, des menuisiers, des vitriers, des lavandières, des pourvoyeurs, des lingers et des tapissiers.
La grande cour est un autre lieu essentiel dans le fonctionnement du palais. Son entretien incombe au Grand maître, ou en son absence au Premier maître d’hôtel, qui a la charge de la faire balayer et d’y enlever les ordures [28]. C’est un lieu de passage indispensable car les communications horizontales sont limitées dans le Louvre [29]. Ainsi,
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Marguerite de Valois doit traverser la cour pour se rendre chez son frère le duc d’Anjou dans la nuit du 9 au 10 février 1578, quand elle est prévenue que le roi a décidé de mettre celui-ci aux arrêts. La princesse note d’ailleurs qu’en dépit de l’heure, la cour est pleine de gens [30].
Si le Louvre ne comporte pas de grande galerie décorée comparable à celles de Fontainebleau ou des palais romains, ou encore à la grande salle du Palazzo Vecchio à Florence [31], la cour constitue un véritable espace de représentation, grâce au décor sculpté de Jean Goujon et de ses collaborateurs (Étienne Carmoy, Martin Le Fort, Pierre Nanyn, Pierre et François Lheureux) [32]. On y admire notamment la Paix tenant des flèches brisées, la Fortune et son gouvernail, la Gloire brandissant la couronne de laurier et la palme, la Renommée embouchant sa trompette, l’Histoire inscrivant les hauts faits du roi face à la Victoire, Mars et Bellone, un Prisonnier, l’Abondance et la Science, l’Astronomie et la Géométrie, le Fleuve ou encore Cérès. La couronne fermée apparaît également sur le fronton central de l’attique, exprimant la volonté du roi d’apparaître en tant qu’empereur en son royaume [33]. Conformément à la tradition d’ouverture et de visibilité selon laquelle le roi doit donner à voir sa gloire, c’est d’abord dans la cour que sa puissance revêt des atours symboliques.
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La grande entrée située dans l’aile orientale est surveillée par le capitaine de la Porte ou son lieutenant. Il en détient les clés, et doit s’y tenir muni d’un épieu. Il est spécialement chargé d’interdire l’entrée du logis royal à tous les personnages susceptibles d’y provoquer des désordres, ainsi que de filtrer les chariots, les seuls admis étant ceux du roi, de la reine, du roi de Navarre, du duc de Lorraine et du chancelier [34]. La cour est fermée à partir de 17 heures, le capitaine assistant à sa fermeture après avoir prévenu les gens de se retirer par trois cris [35], et elle ne rouvre ses portes qu’à 5 heures du matin. Elle reste également close en cas d’émeute. C’est le cas au début du mois de juillet 1575, quand on craint une entreprise huguenote sur Paris, et que la milice de la ville est mise en alerte [36]. Le 2 juin 1574, trois jours après la mort de Charles IX, la reine mère avait même fait murer les ouvertures, excepté la grande porte, où seul le guichet était laissé ouvert, et fermer la rue du Louvre [37].
Enfin, entre le palais et la Seine sont aménagés les petits jardins, tandis que le grand jardin, qui date du XIVe siècle, se trouve au nord. À l’occasion de fêtes, ils peuvent être transformés pour recevoir les courtisans. Lors des noces du duc de Joyeuse, à l’automne de 1581, les carrousels se déroulent dans une lice qui y est dressée [38]. Dans d’autres résidences royales où les jardins sont plus importants, les abords du château peuvent être utilisés pour organiser des banquets. C’est par exemple le cas du festin organisé par la reine mère en mai 1577 à Chenonceau, qui se déroule « à l’entrée de la porte du jardin, au commencement de la grande allée, au bord d’une fontaine [39] ». Si le palais des Tuileries reste inhabité, ses jardins sont en revanche un lieu de délassement et de réception prisé par la reine mère et son fils.
Loger la cour
À l’époque de Henri III, la cour constitue une véritable ville de plusieurs de milliers personnes [40]. Le nombre des officiers des Maisons royales et princières en service oscille à lui seul entre 1 500 et 2 000. Cette immensité a amené les prédécesseurs de ce monarque à promulguer deux édits, le 31 août 1560 et le 29 décembre 1570,
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enjoignant aux gens sans charge dans les Maisons royales et princières de quitter la cour, sous peine du fouet. Mais ces mesures n’empêchent pas l’affluence.
Il est assez difficile de savoir qui loge réellement au palais. Monique Chatenet a montré à propos du château de Saint-Germain-en-Laye, seule résidence royale dont nous connaissions la répartition des appartements pour les années 1547 et 1552, que le château ne comprend guère plus de 80 logements entre lesquels se répartissent 94 titulaires — 44 dames et 50 hommes —, ce qui ne permet pas d’accueillir l’ensemble des personnages suivant la cour [41]. Des dortoirs logent également certaines catégories de serviteurs, notamment les filles de la reine [42].
Il est néanmoins possible de se faire une idée approximative de l’identité des occupants du palais grâce au règlement de 1585. Ce texte précise qu’outre les appartements du roi, de la reine et de la reine mère, le château doit offrir des logements à la princesse de Lorraine (la nièce du roi, fille de Charles III de Lorraine et de Claude de France), au cardinal de Bourbon et aux princes du sang accompagnés de leurs femmes, puis aux dames, et enfin aux princes non accompagnés de leurs épouses. Dans les années précédentes, le duc d’Anjou, frère du roi, Marguerite de Valois et son mari le roi de Navarre étaient logés au Louvre. Marguerite habitait au second étage, du côté du fossé [43]. Son appartement comprenait au moins une chambre et un cabinet [44]. Le duc de Lorraine y réside quand il est en visite à Paris [45]. Un Vénitien précise que le Louvre peut loger commodément le roi, son frère, trois reines (la reine mère, la reine régnante et la reine de Navarre), deux cardinaux, deux ducs avec leurs femmes, trois princesses du sang, « maints favoris et dames », et une partie des conseillers [46].
Le règlement de 1585 commande également que les officiers de la Couronne, les conseillers des affaires, le surintendant des finances, les
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secrétaires d’État et les médecins des reines soient eux aussi installés dans le château, mais dans la basse-cour. Le Grand maréchal des logis doit par ailleurs fournir des logements aux conseillers d’État, aux chevaliers du Saint-Esprit et aux Gentilshommes de la chambre [47]. Mais ces dispositions valent surtout quand la cour se déplace, car, à Paris, la plupart des dignitaires occupent un logis en ville, qu’il s’agisse d’un hôtel possédé en propre ou d’une location.
Les appartements du palais n’accueillent pas seulement les seigneurs et dames auxquels ils sont attribués, mais aussi leurs serviteurs domestiques et parfois certains gentilshommes ou dames. Dans ses mémoires, Marguerite de Valois révèle qu’au moins trois femmes dorment dans sa chambre [48]. De même, certains proches du duc d’Anjou restent dans sa chambre ou dans sa garde-robe pendant la nuit [49].
Le Premier gentilhomme de la chambre du roi est censé dormir dans la chambre du souverain, et les valets de chambre dans le cabinet voisin. Au début du mois de juin 1587, Épernon dort ainsi trois jours de suite dans la chambre du roi [50]. Le Premier valet de chambre, Pierre Du Halde, qui suit fidèlement Henri III tout au long de son règne, installe ordinairement sa « paillasse » dans la chambre royale. Il semble même que le roi partage de temps en temps son propre lit avec un grand officier, comme c’est peut-être le cas d’Épernon en avril 1587, s’il faut en croire l’ambassadeur savoyard, lequel s’en offusque d’ailleurs vigoureusement [51]. Le fait est exceptionnel, mais ce n’est pas une nouveauté absolue, puisque le connétable de Montmorency aurait partagé le lit de Henri II en 1547, dans un esprit de camaraderie chevaleresque. Ceci avait néanmoins soulevé l’indignation des observateurs italiens, familiers d’une image de la majesté qu’ils déplorent de ne pas trouver chez le roi de France [52]. En mars 1579, Henri III et son frère avaient également
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dormi dans le même lit, lors du retour de celui-ci après une année d’absence [53].
On sait qu’à l’automne de 1566 Albert de Gondi-Retz et Anne de Montmorency résident au Louvre [54]. C’est également le cas de François, maréchal de Montmorency, en avril 1579, à son retour de Rouen [55]. Les trois Premiers gentilshommes de la chambre (René de Villequier et les ducs de Joyeuse et d’Épernon) et le Maître de la garde-robe (le comte du Bouchage, frère cadet de Joyeuse) possèdent chacun un appartement aménagé aux frais du roi, comprenant une salle, une chambre, un cabinet et une garde-robe [56]. Le duc de Joyeuse loge ainsi au palais au début de l’année 1582, c’est-à-dire dans les mois qui suivent son mariage avec la demi-sœur de la reine. Le roi commande même qu’une galerie soit établie de son cabinet au logement du favori, ce qui oblige à transformer deux pièces de l’appartement de la reine mère [57]. Il est possible que Joyeuse ait dormi au palais avant que le roi lui ait trouvé un logement en ville. En 1580, il louait la maison du Cygne blanc, rue Saint-Honoré, à un marchand nommé Jehan Giroust, moyennant un loyer important de 1 200 l.t. [58]. C’est seulement en juin 1582 que le roi lui achète l’hôtel de La Marck, rue des Deux-Écus, pour 45 000 l.t. [59]. Ce bâtiment situé en face de l’hôtel de la reine mère sera transformé par Baptiste Androuet du Cerceau [60]. Néanmoins, en septembre 1587, avant de partir en campagne contre le roi de Navarre, Joyeuse passe encore ses dernières journées parisiennes au Louvre [61].
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En revanche, les ambassadeurs ne sont pas logés au palais. Les résidents permanents louent des hôtels en ville, dont ils sont parfois expulsés au retour des propriétaires. Le Vénitien Lippomano, qui réside à Paris dans les années 1577-1579, loge à un moment dans l’hôtel de Damville, rue de la Couture-Sainte-Catherine, dans le Marais. Antonio Maria Salviati, nonce de 1572 à 1578, doit déménager trois fois en deux mois car il loue des hôtels seigneuriaux en l’absence de leurs propriétaires. Les Turcs reçus en novembre 1581 sont ainsi installés rue de Seine, dans le faubourg Saint-Germain, de même que les Allemands arrivés à Paris en août 1586 [62]. L’habitude de loger les représentants extraordinaires dans un bâtiment situé dans ce quartier est donc déjà prise à cette époque. Au XVIIe siècle, l’ancien hôtel du maréchal d’Ancre, rue de Tournon, servira d’« hôtel des ambassadeurs extraordinaires », où ceux-ci seront entretenus quatre jours consécutifs [63]. En revanche, les seigneurs anglais venus porter l’ordre de la Jarretière au roi en février 1585 sont installés dans l’hôtel de Longueville, rue des Poulies, non loin du Louvre.
La plupart des officiers domestiques logent en ville, où ils louent ou possèdent des habitations. La fixation de la cour en Île-de-France permet de stabiliser ces implantations. Dès le début des années 1570, la noblesse se partage entre le quartier du Louvre, le Marais et le faubourg Saint-Germain [64]. Mais les grandes constructions de l’aristocratie restent situées à proximité des Tournelles [65]. C’est là que
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se trouvent les hôtels de Guise et de Montmorency, qui présentent l’aspect de petites forteresses urbaines, gardées par des portes à ogives et des tours. Acheté en 1553 par Anne d’Este, la femme de François de Guise, à Philibert Babou [66], l’hôtel de Guise constitue un gigantesque ensemble immobilier entre les rues du Chaume et de Paradis. Son cœur est l’ancien hôtel de Clisson, dont il conserve les tourelles et le porche. Non loin de là, les Montmorency possèdent quatre résidences : l’hôtel de La Rochepot, rue Saint-Antoine ; l’hôtel de Damville, rue de la Couture-Sainte-Catherine ; l’hôtel de Méru, rue Saint-Antoine ; et surtout l’hôtel neuf de Montmorency, rue Sainte-Avoye, qui est la principale résidence de la maison. C’est là que loge le connétable, puis son fils aîné, François [67]. Le duc de Nevers habite quant à lui sur la rive gauche dans le somptueux hôtel qu’il se fait construire entre la porte de Nesle et le couvent des Grands Augustins sur l’emplacement des anciens hôtels de Nesle. Avec le palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés, construit pour le cardinal de Bourbon vers 1586, il s’agit du premier des grands hôtels de brique et de pierre de Paris. Son architecte supposé est le protestant Baptiste Androuet du Cerceau [68].
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L’installation de Henri III à Paris accélère l’investissement du quartier du Louvre par les courtisans. C’est en effet entre l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, à l’est, et la porte Saint-Honoré, à l’ouest, que la plupart des gens de cour se rassemblent, en particulier dans les rues Saint-Honoré, des Poulies, d’Autriche, des Petits-Champs et Saint-Thomas-du-Louvre. Mais les résidences des courtisans restent soit de simples maisons, soit des hôtels composites progressivement aménagés et agrandis par l’adjonction de galeries.
En février 1578, le Premier gentilhomme de la chambre, Albert de Gondi-Retz, achète ainsi une maison située entre la rue des Poulies et la rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, attenant à l’hôtel de Bourbon et dont l’arrière donne sur l’hôtel d’Alençon. Il y fait construire aussitôt une écurie et surtout une grande galerie de vingt toises de longueur afin de la relier à l’hôtel de Dampierre, rue d’Autriche, qui appartient à la famille de sa femme. Le jardin est redessiné, une grotte construite. Les travaux se poursuivent jusqu’en 1587, quand la façade de la rue des Fossés-Saint-Germain est entièrement remaniée avec l’érection un portail monumental encadré de deux pavillons [69]. Retz possède une seconde maison dans le faubourg Saint-Honoré près du couvent des Capucins, héritée de sa mère en 1570, dans laquelle il avait également fait des travaux [70].
L’autre Premier gentilhomme, René de Villequier, s’installe encore plus près du Louvre, rue des Poulies, où il a acheté une maison issue du morcellement du grand hôtel d’Alençon [71]. Il y entreprend d’énormes travaux, dont une galerie de cinq arcades au rez-de-chaussée et de cinq croisées à l’étage, reliant le corps d’hôtel donnant sur la rue au pavillon qu’il fait bâtir à l’autre extrémité [72]. Par lettres patentes du 18 avril 1577, il reçoit le privilège d’y installer une fontaine. Construite en pierre de taille, celle-ci est achevée en février de l’année suivante aux frais de la municipalité [73].
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Le roi en mouvement
Si la cour se fixe progressivement, elle ne réside pas exclusivement à Paris. Lorsqu’elle se déplace, les maisons réquisitionnées par les maréchaux des logis et les fourriers sont marquées, et les courtisans reçoivent un billet de logement. Les logis les plus proches de celui du roi sont attribués aux princes et princesses habituellement installés dans le palais. Mais les favoris royaux peuvent provoquer des courts-circuits dans ce système de répartition. C’est notamment le cas en juin 1587, à Meaux, quand le duc d’Épernon se fait attribuer le logement voisin de celui du roi, aux dépens du cardinal de Bourbon et de la princesse de Lorraine qui avaient réservé la maison avant lui [74].
Par ailleurs, le roi change de résidence très régulièrement, sans se faire accompagner par l’ensemble de son personnel. Les « comptants » du deuxième semestre de l’année 1587 consacrent ainsi une rubrique aux frais de logement. Si le roi ne dépense pratiquement rien aux mois de juillet et août, parce qu’il réside au Louvre et à Vincennes, en revanche, en septembre et octobre, ses séjours à Gien, Sully-sur-Loire, La Ferté-Saint-Aubin, Romorantin, Saint-Aignan, Blois, Pithiviers, Montargis, Châtillon-sur-Loire et Jargeau, lui coûtent 49 écus, à raison d’un écu pour les maisons bourgeoises et de deux pour les hôtelleries [75].
Mais les déplacements du roi restent dans l’ensemble limités à l’Île-de-France. Henri III prend notamment goût au manoir d’Ollainville, au sud de Paris, acheté en 1576. Dans cette résidence de petites dimensions, il s’isole de la cour. Ce goût pour le secret et l’intimité avait déjà été manifesté en Pologne, et il avait fait aménager le château de Cracovie de façon à pouvoir entrer et sortir secrètement. Il s’installe à Ollainville le 20 octobre 1577 avec « la troupe de ses jeunes mignons », pour y passer une partie de l’hiver [76]. Trois ans plus tard, on l’y retrouve en compagnie des sieurs d’O, de La Valette et d’Arques (futurs ducs d’Épernon et de Joyeuse) [77]. Dans les années 1580, le duc de Joyeuse (Premier gentilhomme de la chambre) et son frère le comte du Bouchage (Maître de la garde-robe) y possèdent des
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appartements. Le cabinet de ce dernier est tendu de drap vert garni de broquettes et de rubans [78].
Le château de Saint-Germain-en-Laye est utilisé de façon comparable à celui d’Ollainville. Le roi y fait de courts séjours, loin de la foule des courtisans et des obligations du gouvernement. C’est le cas en janvier et février 1581, où il suit une diète en compagnie de ses trois favoris du moment (d’O et les futurs Épernon et Joyeuse), ainsi que d’un capitaine des gardes et d’un homme d’Église, avant de se rendre à Ollainville [79]. C’est également là qu’il installe le duc d’Épernon en mai 1585, accompagné de 400 soldats, pour qu’il puisse se soigner un abcès à la gorge en toute sécurité [80]. Le château de Madrid, dans le bois de Boulogne, est en revanche peu fréquenté. Le roi s’y rend néanmoins en septembre 1579 et en juin 1584 [81]. Enfin, on rencontre parfois le roi dans d’autres châteaux : Anet, Gaillon, ou encore Fontenay-en-Brie acheté pour Épernon.
Ces mouvements sont très désagréables aux solliciteurs, car ils les contraignent à mener une véritable course-poursuite avec le souverain. Le retrait du roi provoque même l’abandon de la cour par un grand nombre de gentilshommes [82]. Mais ces pratiques d’isolement ne sont pas des nouveautés absolues. On sait que François Ier quittait fréquemment la cour pour de longues parties de chasse au cours desquelles il séjournait dans des résidences destinées à accueillir le cercle de ses familiers, que l’on désignait par l’expression « petite bande ». C’était notamment le cas des châteaux de Chambord, de Madrid et de La Muette, dans la forêt de Saint-Germain, ou encore de Challuau [83], dont le roi avait fait la résidence de sa favorite, la duchesse d’Étampes.
L’importance accordée par Henri III aux retraites monastiques est en revanche plus originale. Il passe en effet les fêtes de la Toussaint chez les hiéronymites du bois de Vincennes en 1584 et 1585, et celles de Noël en 1584, et fait pénitence chez les capucins pendant le carême 1587.
Il s’installe également chez certains de ses courtisans, comme chez François d’O en 1581 [84]. Il fréquente des maisons particulières, où une
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chambre lui est aménagée. C’est notamment le cas chez la présidente de Boullancour [85]. Dans une lettre chiffrée adressée au duc de Nevers, le duc de Guise note en février 1586 que le roi ne bouge pas de chez madame d’Estrées, la femme du chambellan Antoine d’Estrées, où « il gouverne sa fille [86] ». Il apprécie aussi l’hôtel de Boisy, rue Saint-Antoine, où il installe le jeune Caylus en 1578, pendant son agonie, puis Épernon, en décembre 1581, pour qu’il se remette d’une blessure à la cuisse [87].
Pour des raisons de place, les fêtes se déroulent également très souvent en dehors du palais. Le 11 février 1580, les somptueuses noces du financier Ludovic Adjacet et de mademoiselle d’Atri se déroulent dans l’hôtel de Guise en présence de la cour [88]. Le 5 mars 1581, le roi soupe chez Adjacet, avant de se rendre chez son premier médecin Marc Miron, puis d’arpenter les rues parisiennes, masqué et suivi de sa troupe [89]. Si le mariage du duc d’Épernon se déroule discrètement, au château de Vincennes, le 23 août 1587, le festin de la noce a lieu en ville, dans l’hôtel neuf de Montmorency [90]. Le grand banquet offert aux ambassadeurs anglais le 3 mars 1585 ainsi que les ballets des 3 et 10 mars se déroulent dans la salle haute de l’évêché [91]. C’est également là que le duc de Retz fait les noces de ses deux filles aînées en janvier 1588 [92]. Derrière le Louvre, la salle du petit Bourbon, qui peut recevoir plusieurs milliers de spectateurs, accueille les représentations théâtrales ou les ballets destinés à un vaste public. C’est le cas du célèbre Ballet comique de la reine représenté en octobre 1581 à l’occasion des noces de Joyeuse.
L’espace de la majesté
Lieu de résidence du roi et d’une partie de la cour, le palais apparaît de plus en plus comme un espace de représentation. On assiste en effet sous Henri III à une réforme de la mise en scène de la majesté, qui se traduit par la restriction de l’accès à la personne du prince. Ces mesures rompent avec la spécificité française de vie publique du prince qui, d’après les ambassadeurs italiens, était si
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forte qu’il était difficile au roi d’échapper à la foule dans ses propres appartements, même pour traiter des affaires d’État. Il est possible que Henri III ait été influencé par le cérémonial observé dans les cours européennes visitées pendant l’été de 1574, en particulier celle de l’empereur, mais la connaissance du cérémonial anglais est également l’une des sources de sa réflexion.
Traditionnellement, la chambre du roi s’emplissait de courtisans dès son lever, comme le rappelle la reine mère dans un mémoire composé pour son fils où elle décrit le fonctionnement de la cour sous Henri II : « […] quand il prenoit sa chemise, et que les habillements entroient, tous les princes, seigneurs, cappitaines, chevalliers de l’ordre, gentilshommes de la chambre, maistres d’hostel, gentilzhommes servans entroient lors, et il parloit à eux, et le voioient, ce qui les contentoit beaucoup [93]. » Quatre jours seulement après l’arrivée à Lyon, le 10 septembre 1574, le roi promulgue un premier règlement de la cour, fixant les obligations des officiers et décrivant avec une grande précision le rituel du lever [94]. À son réveil, le roi fait avertir la reine mère, qui est la première à pénétrer dans la chambre, suivie des conseillers des affaires, du chancelier et des secrétaires d’État. Pendant qu’on passe au roi sa chemise, entrent les princes qui ne sont pas des affaires, les conseillers d’État, les chevaliers de l’ordre de Saint-Michel, les Gentilshommes de la chambre, les capitaines de gendarmes et les autres gentilshommes de qualité, le Grand aumônier, les évêques, le médecin et la musique. Une fois levé, le roi se retire dans son cabinet en compagnie des seuls conseillers des affaires, les autres sortant de la chambre, excepté les princes, les officiers de la couronne, les quatre secrétaires d’État et quelques conseillers de premier plan. Puis il revient dans sa chambre pour prendre sa cape et son épée afin de se rendre à la chapelle.
Après le lever, la grand-messe est le deuxième temps fort de la matinée. Tous les gens soucieux d’être vus du roi l’y accompagnent. Le roi traverse la cour, entouré de vingt-cinq des cent gentilshommes de sa maison — gardes nobles que l’on appellera plus tard les gentilshommes au bec de corbin, par référence au marteau d’armes qu’ils portent lorsqu’ils sont en service. Le Maître des cérémonies est chargé de placer les courtisans dans la chapelle selon leur rang et leur statut. Les prélats s’assoient à la droite de l’autel, les grands seigneurs
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(princes, ducs et grands officiers) et conseillers du roi à gauche ; derrière eux, les autres officiers, capitaines de gendarmes et Gentilshommes de la chambre, et, au fond, les cent gentilshommes de la maison du roi, les autres gentilshommes de la maison, puis le reste des gens de la cour [95]. Le règlement de 1574 stipule que les capitaines des gardes doivent faire agenouiller tous ceux qui y assistent afin qu’ils prient Dieu avec dévotion, sans parler ni faire aucun bruit.
Si les messes matinales et les vêpres sont célébrées dans le palais, les grandes cérémonies ne s’y déroulent pas. Celles de l’ordre du Saint-Esprit ont lieu dans la chapelle du couvent des grands augustins, les Te Deum à la Sainte-Chapelle ou à Notre-Dame. En novembre 1580, la messe solennelle célébrée pour implorer Dieu d’accorder une succession au roi se déroule elle aussi à Notre-Dame. Les dépouilles des princes sont exposées dans l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans le faubourg Saint-Jacques. C’est le cas lors des funérailles du duc d’Anjou, en juin 1584, puis de celles du duc de Joyeuse, en mars 1588, le service funèbre se déroulant à Notre-Dame. De plus, le roi fréquente assidûment les sanctuaires parisiens. Dès l’automne 1575, il se rend ainsi d’église en église pour prier [96].
Même si la tradition veut que le roi dîne seul, le repas est un moment essentiel dans la sociabilité courtisane car il se déroule en public, en général dans l’antichambre [97]. En revanche, le souper vespéral est souvent pris en privé. Le chancelier Michel de L’Hospital a évoqué la presse des courtisans qui étouffait Henri II pendant ses repas [98]. Henri III rompt avec cette habitude de convivialité chevaleresque en interdisant l’accès à sa table. Le règlement de 1574 précise que, durant le dîner, les capitaines des gardes doivent empêcher qu’on s’approche de la table. Le roi fait même dresser des barrières qui circonscrivent l’espace symbolique de l’autorité souveraine. Elles solennisent le moment du repas comme celui d’une mise en scène de la majesté sous les yeux de courtisans qui forment désormais le public d’un événement dont ils ne sont plus que les
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spectateurs. Mais ces mesures provoquent un tel mécontentement que le roi retire les barrières qui ne réapparaîtront que dix ans plus tard.
L’arrivée de la viande du roi est le moment central du dîner. Précédé de deux archers de la garde, de l’huissier de salle, du Maître d’hôtel avec son bâton, du Gentilhomme servant panetier, le plat est porté par des pages de la chambre. Il est suivi de l’écuyer de cuisine, du garde vaisselle et de deux autres archers de la garde couverts de leurs hoquetons et portant hallebardes ou arquebuses. Quand le cortège entre dans la salle, le Maître d’hôtel et le Gentilhomme servant se découvrent, et l’huissier prend les bonnets des pages afin qu’ils se présentent tête nue.
Une fois la table levée, le roi tient audience. Le capitaine des gardes fait attendre ceux qui veulent être reçus, et retirer le public le long des murailles. L’heure passée, le règlement précise que plus personne ne pourra parler d’affaires particulières au roi, « sinon au landemain à la mesme heure ».
Alors que la table du roi est normalement réservée au repas du seul souverain, les grands dignitaires de la Maison possèdent chacun une table où ils accueillent un certain nombre d’hôtes. C’est notamment le cas du Grand maître (le duc de Guise) qui possède une table d’une vingtaine de personnes et du Grand chambellan (le duc de Mayenne) qui en accueille une douzaine [99].
Après les tentatives de l’automne 1574, ce n’est pas avant l’été 1578 que Henri III estime possible la rédaction d’un règlement général de la cour. L’année 1578 est en effet la première année de paix complète depuis le commencement du règne (la paix de Bergerac a été signée le 17 septembre 1577), ce qui permet au roi de se consacrer à ses affaires domestiques. C’est d’ailleurs en faisant référence à cette situation pacifiée que Henri III justifiera un peu plus tard la création de l’ordre du Saint-Esprit. Toutes ces mesures réformatrices participent d’un même esprit de reconstruction, fondé sur une volonté de régénération morale dans laquelle la noblesse est la première sollicitée.
Le règlement du 11 août 1578 formalise l’étiquette du lever, et règle précisément l’emploi du temps fixant les activités du prince pour la journée et la semaine. La liste des personnages autorisés à pénétrer dans la chambre le matin est un peu plus longue qu’en 1574. Elle comprend désormais les princes, les grands officiers militaires (grand maître de l’artillerie, maître de camp du régiment des gardes), les grands officiers domestiques (Premier écuyer, capitaine de la porte),
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les conseillers des affaires, les conseillers d’État et l’un des secrétaires d’État. Au retour de la messe, tous les Gentilshommes de la chambre sont autorisés à entrer dans la pièce. Ils sont désormais reconnaissables à la clé d’or qui leur est attribuée lors de leur entrée en quartier, qu’ils portent accrochée à la ceinture afin d’ « eviter la confusion qui se veoid journellement en ladicte chambre où chacun veult entrer indifferemment sans que les huissiers y puissent resister [100] ». Mais si certains dignitaires sont admis de droit dans la chambre du roi, personne ne peut en revanche pénétrer dans le cabinet sans y être appelé.
Le nouveau règlement ne tente pas de rétablir les barrières autour de la table. Sa Majesté se contente d’exiger que « l’on se tienne ung peu loing d’elle affin qu’elle ne soit pressée et que nul ne s’appuye sur la chaise », si ce n’est le capitaine des gardes du côté droit, et l’un des Gentilshomme de la chambre du côté gauche [101]. Lors de la cérémonie du repas, le roi s’efforce ainsi d’apparaître sous les traits du monarque en majesté et non sous la figure d’un gouvernant. Pour rendre plus solennels dîners et soupers, il est ainsi précisé qu’il n’y sera parlé que « des histoires et de touttes autres choses de vertu », et non des affaires.
Après le dîner, l’emploi du temps du roi pour la journée est communiqué par le capitaine des gardes aux courtisans, afin qu’ils soient prêts, « si Sa Majesté veut estre accompagnée [102] ». Le règlement stipule que lorsque le roi se déplace, personne n’a le droit de l’approcher s’il n’est pas appelé expressément. Son accès est absolument prohibé s’il n’est pas précédé de ses gardes suisses. Si la cour ne se déplace pas dans son entier, seuls ceux qui ont été désignés explicitement par le roi sont autorisés à le suivre.
Mais ce règlement en apparence draconien est loin de rendre inaccessible le souverain. Un Vénitien note encore en 1579 qu’il est très facile d’approcher le roi pendant son dîner ou de lui parler, et qu’il donne audience à tout le monde, recevant même les requêtes dans la rue [103]. Cet observateur ajoute même que la cour offre la figure d’« un pêle-mêle sans ordre et sans règle aucune [104]. »
Au printemps de 1581, le roi prend l’habitude de dîner et de souper en public [105]. Dès le début de l’année 1582, il mange en compagnie des
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plus grands seigneurs de la cour, ses favoris Joyeuse et Épernon, mais aussi les princes lorrains : les ducs de Guise, d’Aumale et de Mercœur et le cardinal de Guise [106]. Le règlement du 10 octobre 1582 formalise cette habitude en autorisant deux seigneurs à dîner à la table du roi, l’un des deux étant obligatoirement le duc de Joyeuse ou le duc d’Épernon [107]. Toujours afin de se rapprocher d’un certain nombre de grands personnages en supprimant la hiérarchie instaurée par la disposition traditionnelle de la table, mais aussi dans l’esprit d’une imitatio christi dont il fait le fondement de son comportement, le roi décrète que tous les dimanches il tiendra une table ronde ouverte à douze convives [108].
Ces dispositions sont pérennisées par le nouveau règlement général promulgué le 1er janvier 1585, que le roi rédige lui-même en partie. Distribué sous une forme imprimée à tous les courtisans, il interdit à quiconque de pénétrer dans le cabinet lorsque le roi s’y trouve, y compris aux conseillers des affaires [109]. Il déplore que « l’honneur et la reverence » dus au souverain ne sont pas gardés en raison de la facilité avec laquelle on approche sa personne. C’est pourquoi il ordonne « qu’en tous les susditz lieux desormais chacun se tienne loing de Sa Majesté faisant place les plus jeunes et inferieurs en grade à ceux qui sont les plus antiens et qualifiez, les respectant et honorant, et leur faisant place au lieu le plus honorable qui est prest de la personne de Sa Majesté et, en son absence, près du lict ou du daiz de Sadicte Majesté, et leur cedant les sieges où il y en aura, et que lors que quelque ambassadeur ou estranger viendra vers Sa Majesté, ou en tout autre acte publicque, chacun se recuelle jusques contre les murailles et obeissent à ceux qui seront depputez pour les ranger [110]. »
Le nouveau règlement ne se contente pas de fixer la conduite des gens de cour : il réorganise également l’appartement du roi. Outre la salle, l’antichambre, la chambre et le cabinet, celui-ci doit comporter deux pièces nouvelles, la chambre d’État et la chambre d’audience, situées entre l’antichambre et la chambre. Ces mesures ont été mises en place en décembre 1584. Les courtisans sont répartis dans les différentes pièces en fonction de leur rang, comme le note l’ambassadeur anglais : les gentilshommes les plus modestes dans la première antichambre, les plus importants dans la seconde, les princes et chevaliers du Saint-Esprit dans la troisième et enfin les
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Premiers gentilshommes et ceux que le roi y appelle dans sa chambre [111].
Cette nouvelle disposition s’explique par une volonté croissante de codifier l’accès au roi en traduisant la distance symbolique entre le prince et les courtisans par l’allongement des distances physiques. Le magistrat Jacques-Auguste de Thou attribue ce développement des antichambres à l’exemple anglais. Il rapporte en effet que la volonté de réformer ses appartements serait venue au roi à l’issue d’un entretien avec l’ambassadeur de la reine Elizabeth, le comte de Stafford, qui lui aurait décrit les formalités de l’accès à sa souveraine et le nombre de chambres et d’antichambres qu’il faut traverser pour arriver jusqu’à elle [112]. L’Angleterre est en effet considérée à cette époque comme l’État où les cérémonies sont les mieux organisées. L’appartement royal y comprend une série de pièces précédant le sanctuaire monarchique : Great Chamber, Present Chamber, Privy Chamber [113]. Un traité consacré aux rangs et préséances rédigé pour Henri IV peu avant sa mort affirme encore que « L’Angleterre est la maistresse en cette science, chacun y sçait son rang », tandis qu’« il n’y a Roiaume, ny autre Estat, ny principauté en la Chrestienté là où les rangs et seances à qui marchera devant ou derriere soient plus mal reglés, ordonnés et asseurés qu’en France [114] ».
L’appartement a dû conserver cette disposition au cours des dernières années du règne de Henri III. On sait qu’en juillet 1586, le tapissier ordinaire du roi, Mathieu de Herbannez, est rémunéré pour
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avoir eu « la charge et conduicte des meubles de l’appartement du logis de Sa Majesté tant des cabinetz, chambre royalle, chambre d’audiance, chambre d’Estat et antichambre et salle » durant les mois d’avril, mai et juin de cette année [115]. S’il est probable que cette disposition ait existé jusqu’à l’abandon du palais par le roi, en mai 1588, et sans doute également au cours des années suivantes, il est en tout cas certain que le premier Bourbon ne la réintroduit pas. Les descriptions de la réception des ambassadeurs suisses au Louvre, le 16 octobre 1602, évoquent ainsi seulement la grande salle, où se presse un public nombreux, l’antichambre, où se tient la noblesse, et la chambre du roi, où se déroule la cérémonie [116].
Toujours afin de filtrer l’approche de la personne royale, les barrières sont rétablies autour de la table vers le milieu de l’année 1584 [117], ce que confirme le règlement de janvier 1585. Trois conseillers d’État ont cependant le privilège de rester aux côtés du roi, et « s’il y a des barrieres, auront l’honneur d’y entrer lors qu’elle mangera en public [118] ». Ces mesures n’empêchent pourtant pas les seigneurs de se disputer farouchement l’honneur d’approcher le roi et de lui présenter la serviette. C’est le cas au printemps 1587, quand deux jeunes princes, le comte de Saint-Paul (cadet de la maison de Longueville) et le duc de Nemours, se disputent à ce propos, le roi commandant pour les mettre d’accord que cette tâche soit désormais confiée à un simple Gentilhomme servant [119].
Les mesures introduites en janvier 1585 mettent la cour en ébullition. Dans une description des conséquences de la mise en place de nouveau règlement, un contemporain affirme que les princes ne viennent plus au Louvre parce « qu’ilz n’ont le [120] ny place convenable à leur qualité, car par le reglement que sa majesté a faict imprimer ilz ne auseroient entrer en leur cabinet s’ilz ne sont appellez, voire mesme monseigneur le cardinal de Bourbon ». Cet observateur insiste également sur le privilège inouï accordé aux favoris (Joyeuse et
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Épernon) qui ont le droit d’accéder au cabinet du roi : « […] et neantmoins il est dit en deux endroictz que mesdits seigneurs les ducz de Joieuse et d’Espernon y entreront à toutes heures, et quand bon leur semblera, qui faict acroire ausdits princes qu’ilz ne sont plus des affaires, ains seullement lesdits seigneurs et messieurs de La Valette et de Bouchage qui y vont sans qu’il soit dit par ledit reglement. Messieurs de Villeclerc et chancellier ny vont aussi peu que les princes [121]. » Ce précieux témoignage nous confirme que l’image normative de la vie de cour laissée par les règlements n’est jamais respectée à la lettre, puisque les frères des favoris (La Valette et du Bouchage) ont eux aussi accès au roi.
Les ordonnateurs des rituels royaux
Tout en établissant des critères sévères pour le comportement des courtisans, le roi charge certains dignitaires de veiller à l’ordre de la cour et de superviser les cérémonies. Pendant les premières années du règne de Henri III, l’organisation des préséances était assumée par le Maître des cérémonies, Artus de La Fontaine-Soliers, baron d’Ognon, qui avait été placé à ce poste sous Henri II par le connétable de Montmorency. Ce personnage semble peu efficace, et, en avril 1581, Jacopo Corbinelli note même qu’il est si rarement présent que le désordre est inextricable. Il précise d’ailleurs que depuis dix ans l’ordre des préséances a été tellement bouleversé qu’on n’y comprend plus rien [122].
À partir de janvier 1585, l’administration des rituels de la cour est confiée à un nouveau dignitaire, le Grand maître des cérémonies de France, charge accordée à Guillaume Pot, sieur de Chemeault et de Rhodes, sous les ordres duquel se trouve désormais placé le Maître des cérémonies. Les premières réceptions officielles à l’occasion desquelles Guillaume Pot remplit ses fonctions se déroulent du 23 au 28 février 1585, lors de la réception de l’ambassade anglaise venue présenter au roi de l’ordre anglais de la Jarretière. Elles ont marqué les contemporains en raison de la solennité avec laquelle elles se sont déroulées. Le Parisien Pierre de L’Estoile les évoque d’ailleurs longuement dans son journal. Le Grand maître des cérémonies a lui-
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même jugé l’événement particulièrement important, car il en a conservé le compte rendu [123].
Le comte de Derby, qui mène l’ambassade anglaise, est à la tête d’un cortège impressionnant de deux cents chevaux. Lors de son entrée dans la capitale, le 23 février 1585, il est reçu à la porte Saint-Denis par le duc de Montpensier et plusieurs gentilshommes et chevaliers des Ordres royaux. Le lendemain, il se rend au Louvre pour faire sa révérence au roi et lui présenter ses lettres de créance. De l’hôtel de Longueville, rue des Poulies, jusqu’au Louvre, le parcours est dessiné par une haie de gardes de la prévôté de l’hôtel commandés par le Grand prévôt. Les archers de la Porte montent la garde à l’entrée du Louvre. L’ambassadeur traverse la cour, entre deux haies de Suisses, pour rejoindre le grand escalier. La réception nous révèle la nouvelle organisation de l’appartement du roi. Le capitaine des gardes du corps en quartier se tient à l’entrée de la salle avec ses gardes. Chaque pièce est traversée sous la conduite d’un grand dignitaire. Le Premier maître d’hôtel accueille l’ambassadeur à l’entrée de l’antichambre, et, suivi de l’ensemble de ses Maîtres d’hôtel, le mène jusqu’à la chambre d’État, à la porte de laquelle se tient le Premier écuyer avec ses officiers. Celui-ci le guide jusqu’à la chambre d’audience, où attendent les cent gentilshommes de la maison du roi. Enfin, sous la conduite du Premier gentilhomme de la chambre (Joyeuse), il pénètre dans la chambre royale, dont l’entrée est gardée par les Gentilshommes de la chambre et par les Quarante-cinq. Le roi s’y tient sous un dais, derrière des barrières, entouré des prélats, des princes, des conseillers d’État, des chevaliers du Saint-Esprit, des gouverneurs, des lieutenants généraux, des capitaines de gendarmes, des neuf Gentilshommes de la chambre et des cinq Quarante-cinq en service auprès de sa personne.
La réception du roi dans l’ordre de la Jarretière se déroule quatre jours plus tard, dans la chapelle des grands augustins. Après avoir entendu les vêpres, les dignitaires anglais et les Français regagnent le Louvre où un banquet et un bal sont donnés, respectivement dans la salle basse et dans la salle haute. Les festivités se poursuivent plusieurs jours et sont l’occasion de deux somptueux ballets dans la grand-salle de l’évêché.
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Sous les ordres du grand maître des cérémonies, le baron d’Ognon reste chargé de mener jusqu’au Louvre les ambassadeurs ordinaires lors de leur première audience. C’est le cas le 24 mars 1585, quand il accompagne l’ambassadeur de Savoie, René de Lucinge, jusqu’au palais. À l’intérieur du bâtiment, l’introducteur des ambassadeurs, Jérôme de Gondi, est chargé d’organiser les réceptions [124]. D’origine florentine, ce fidèle de Catherine de Médicis a été naturalisé en 1570, alors qu’il n’avait que vingt ans [125]. Dès cette époque, alors qu’il n’était qu’Écuyer de la reine mère, il était l’interlocuteur des représentants des puissances étrangères, avec la responsabilité de les conduire jusqu’au roi et de leur communiquer les formes du cérémonial à respecter. Il est ainsi commis à recevoir l’ambassadeur anglais Walsingham le 29 mars 1571, avant d’officier auprès du nonce et des ambassadeurs d’Espagne, d’Écosse et de Venise lors de l’entrée de la reine Élisabeth à Paris [126]. Dans les années qui suivent, il s’intitule officiellement « Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi ayant charge de recevoir les ambassadeurs étrangers [127] ». Mais la réception des ambassadeurs reste en général assez discrète. C’est le cas de celle de l’Anglais Cobham, en janvier 1580. L’ambassadeur est conduit par Gondi jusqu’à la chambre de la reine mère, devant laquelle il rencontre son chevalier d’honneur, Louis de Lanssac, les ducs de Nevers et de Guise, et les secrétaires d’État. L’audience se déroule avec une grande simplicité, le roi n’étant accompagné que du capitaine des gardes Joachim de Châteauvieux et du financier (par ailleurs également Gentilhomme de la chambre) Louis Adjacet, et de deux autres Italiens, seuls quelques Suisses montant la garde dans la cour [128].
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La police du palais
Tandis qu’il réorganise le fonctionnement de la cour, le roi s’emploie parallèlement à en renforcer la sécurité. Celle-ci revient aux deux compagnies de cent gentilshommes, aux cent Suisses et aux quatre compagnies de gardes du corps. Afin de pourvoir aux « désordres et insolences » qui pourraient être commis dans la cour et le logis du roi, les capitaines des gardes doivent patrouiller dans la cour et répartir leurs archers dans les salles et les escaliers, « pour contenir ung chacun et empescher les jeux et insolances des pages et lacquais et sur tout reprimer les blasphemes à l’encontre du nom de Dieu [129] ».
La police du palais est assumée par le Prévôt de l’hôtel et ses archers. Cette charge est occupée de 1572 à février 1578 par un gentilhomme bourguignon, Nicolas de Bauffremont, baron de Senecey. Mais le désordre est si grand qu’en 1575 l’ambassadeur anglais note que tous les jours on se querelle et on se tue devant la porte du roi, un capitaine, Crillon, n’ayant pas hésité à sortir sa dague dans la chambre même du roi [130].
Parce qu’il souhaite faire de ses appartements le sanctuaire de la majesté, une sorte d’hypogée du mystère royal et le centre de l’harmonie du royaume, Henri III promulgue en octobre 1576 une ordonnance extrêmement sévère prohibant toutes les manifestations violentes, qu’il s’agisse de querelles partisanes ou d’affaires d’honneur [131]. Les vingt articles de ce texte interdisent d’abord les violences verbales prononcées dans le logis du roi, qui sont punies par des jours de rétention, avec obligation de demander pardon au souverain. Ils condamnent ensuite les démentis qui sont les déclencheurs des duels. Ceux-ci sont réprimés par trois mois de prison ferme s’ils sont prononcés dans les appartements royaux, c’est-à-dire, comme il est précisé, la chambre, l’antichambre, la salle et la garde-robe. Le meurtre d’un suivant de la cour est puni de l’amputation du poing ou de la mort sans rémission possible. Les seules armes tolérées à la suite du roi sont l’épée et la dague, à l’interdiction de toute arme défensive (cuirasse, casque). Les archers de la garde sont chargés du maintien de l’ordre à la cour, et notamment de séparer les duellistes, quitte à les
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assommer s’ils refusent d’obtempérer, voire à les tuer. Les gentilshommes engagés dans des querelles ont interdiction de se présenter à la cour avec une suite supérieure à dix hommes. Les témoins des querelles survenues au logis royal comme au-dehors doivent les rapporter au roi. Enfin, le Prévôt a la connaissance de tous les crimes, qu’il peut juger de façon souveraine dans les vingt-quatre heures.
Il reste bien sûr impensable d’interdire le port de l’épée, qui distingue le gentilhomme, même aux côtés du roi. En 1570, Bernard de Girard du Haillan rappelait au futur Henri III que les rois ont tant de confiance dans les nobles « que tous semblent estre leurs domestiques, et ont loy de porter armes autour d’eux, et de les aborder sans aucun soupçon [132] ». Ce texte est d’ailleurs la source d’une remarque du clergé aux États généraux de 1576, qui, dans son cahier, affirme encore que « Aux nobles, les rois ont autant de fiance, que tous semblent être leurs domestiques, leur étant loisible de les approcher à toute heure, et porter les armes jusques dedans les chambres de leurs rois, sans aucun soupçon [133] ».
Malgré ces défenses sévères, le palais reste un lieu de violence, spécialement dans ses parties extérieures. C’est dans la basse-cour du château de Blois que le jeune Henri de Saint-Sulpice est assassiné par le vicomte de Tours, le 20 décembre 1576 [134]. Quelques jours plus tard, le 13 janvier, un soldat frappe un capitaine gascon dans l’escalier du château, avant de s’enfuir impunément [135]. La cour du Louvre est le lieu de l’altercation entre Caylus et Entraguet, en avril 1578, qui aboutit au célèbre duel des mignons [136]. Enfin, c’est à quelques mètres de l’entrée du palais, rue du Louvre, qu’est mortellement blessé un autre favori du roi, Saint-Mégrin, en juillet de la même année [137].
Afin de remédier à ces désordres, le roi crée la charge de Grand prévôt de France, le 28 février 1578, en faveur de François du Plessis-Richelieu [138]. Cette mesure s’inscrit dans la politique royale de reconquête
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de l’espace à la cour et de réorganisation générale du rapport de forces avec les grands patrons nobiliaires. La juridiction du Grand prévôt porte sur tout le royaume. S’il accomplit parfois des missions provinciales, il reste avant tout chargé de la police à la cour et dans l’espace compris dans les dix lieues à la ronde de la ville où elle séjourne. Il a sous ses ordres deux lieutenants de robe longue, quatre de robe courte, un procureur, un greffier, deux exempts et soixante-dix-huit archers armés de la hallebarde. Le règlement de janvier 1585 lui commande de faire tous les samedis matin un rapport au roi après avoir dressé le procès-verbal des contraventions aux règlements advenues au cours de la semaine [139]. Ce jour-là, il a la priorité au conseil d’État pour exposer les affaires de la cour [140].
Le 19 janvier 1585, il soumet ainsi au Conseil le projet d’établir une barrière à l’entrée de la rue du Louvre pour empêcher que les chevaux et les harnois ne passent, hormis ceux de la suite du roi, afin d’éviter les encombrements devant la porte du palais et l’amas de boues qu’entraîne le manque d’entretien du pavé aux environs du château. Il obtient que soit appointé un gardien chargé d’ouvrir et de fermer la barrière et d’empêcher le passage des chevaux et des charrettes dans la rue [141]. La semaine suivante, est examinée une nouvelle requête par laquelle il réclame que 100 écus soient donnés au commissaire du quartier du Louvre pour faire enlever les immondices qui sont aux abords du château et le bois à bâtir qu’on laisse sur le port [142].
Parce qu’ils sont réputés turbulents, les archers ont particulièrement à l’œil les pages et valets. Le règlement de 1578 invite d’ailleurs les gardes à les faire fouetter aux cuisines s’ils blasphèment et à les livrer au Grand prévôt en cas de faute grave [143]. Cependant, les archers eux-mêmes sont loin d’être des modèles de tenue. En janvier 1579, le Grand prévôt rapporte ainsi devant le conseil d’État que les habitants des villages où sont logés les archers de la garde se plaignent des excès qu’ils commettent sur les personnes et sur les biens, et, surtout, qu’ils ne paient pas leurs hôtes [144].
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La politique sécuritaire atteint son apogée pendant l’hiver 1584-1585, quand sont créées les charges de « Gentilshommes ordinaires du roi » ou « Gentilshommes ordinaires de la maison du roi », que les textes de l’époque appellent simplement les « ordinaires ». L’ambassadeur savoyard Lucinge les présente au moment de leur création comme des personnages « que le Roy avoit choysis pour sa plus sûre et fidelle garde [145] ». La troupe des quarante-cinq « coupe-jarrets » est en effet organisée à la fin de l’année 1584. Dans le courant du mois de janvier, L’Estoile note que le roi a renforcé ses gardes et tient « certain nombre de gentilshommes appointés, armés, à l’entour de sa personne jour et nuit », parce qu’il craint les menées des Guise depuis qu’ils ont quitté la cour [146]. Composée de quarante-cinq petits seigneurs gascons, cette troupe double exactement celle des Gentilshommes de la chambre du roi servant par quartier. Ils ont en outre les mêmes droits d’accès aux appartements du roi que les Gentilshommes de la chambre, ce qui provoque le mécontentement de ceux-ci [147]. Les Quarante-cinq sont postés devant la porte du roi, et passent la nuit dans l’antichambre [148].
En période de tension, il peut arriver que le roi rappelle l’ensemble des gentilshommes de sa maison afin qu’ils assurent la sécurité à la cour [149], ou encore les chevaliers du Saint-Esprit.
Les mystères du cabinet
Lieu de vie de la cour et de mise en scène de la majesté, le palais se transforme également en un espace fantasmatique. Cristallisant les inquiétudes des contemporains face aux métamorphoses du jeu politique, le cabinet mobilise toutes les attentions. Henri III a fait de cette pièce un lieu réservé, où seuls ses intimes peuvent accéder, et où se réunit le Conseil, alors qu’auparavant celui-ci se tenait encore régulièrement dans la chambre [150]. De plus, le roi a pris l’habitude d’y
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passer des journées entières sans se laisser aucunement voir [151]. Le biographe du duc d’Épernon, Girard, confirme le statut central de cette pièce pour la vie du palais et, par extension, pour l’ensemble du royaume, en affirmant qu’à cette époque « il n’y eut point d’affaires importantes que celles du Cabinet [152]. »
Dès le début des années 1580, le cabinet du roi apparaît comme un lieu de mystères. Un très volumineux pamphlet attribué au protestant Nicolas Barnaud témoigne de cette polarisation des esprits. Dans le Cabinet du Roy de France [153], qui fait partie des grands textes polémiques qu’Agrippa d’Aubigné affirme avoir lu avec « admiration et plaisir [154] », le cabinet est présenté comme le microcosme de la monarchie tout entière, contenant les trois ordres du royaume [155].
Dans les années qui suivent, l’intérêt pour le cabinet ne cesse de croître. En 1586, lorsque l’ambassadeur de Savoie René de Lucinge s’emploie à disqualifier le roi afin de justifier la formation de la Ligue, il focalise son attention sur cet endroit. Il utilise une stratégie de l’allusion inscrite dans la topique médiévale du nefandum, c’est-à-dire du crime abominable et par conséquent innommable [156], quand il affirme « que le cabinet a esté un vray sarail de toute lubricité et
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paillardise, un’escole de Sodomie, où se sont achevez les salles esbats que tout le monde a peu sçavoir [157] ».
Cet imaginaire est à son apogée en 1589, quand il s’agit pour les ligueurs de légitimer leur soulèvement puis, surtout, le régicide. Le célèbre récit des méfaits imaginaires du roi intitulé La Vie et Faits Notables de Henry de Valois rappelle non seulement qu’il méprisait la noblesse, comme en témoignent les barrières derrière lesquelles il trônait, et qu’il voulait être adulé comme un demi-Dieu à la mode des Turcs, mais aussi que ses mignons justifiaient cette attitude de distance en affirmant « qu’un Roy ne se doit familiariser sinon en son cabinet avec quelque Noblesse particuliere : là où Dieu sçait quel beau mesnage ils faisoient à la Turquesque [158] ». Le texte évoque quelques scènes immorales advenues dans le cabinet, notamment des repas servis par des femmes nues [159]. Le cabinet aurait également été le lieu où les cruels Quarante-cinq rapportaient au roi les têtes des individus qu’il les chargeait d’exécuter en secret [160].
Un autre pamphlet dénonce la réorganisation de la cour en montrant qu’elle était destinée à écarter les grands seigneurs au profit des créatures du roi. Henri III aurait ainsi transformé le palais en une sorte de cave à champignons, les hommes de la Renaissance comparant souvent les parvenus à ces organismes qui poussent avec une grande rapidité, et disparaissent presque aussi vite qu’ils sont apparus :
"Mais le Roy ne hait rien tant que les Princes, ayant pour maxime tyrannique qu’il est expedient à un Roy d’abaisser les grans et agrandir les petits, de ruiner les Princes et avancer des petis compagnons, qu’il nomme ses creatures, lesquels il comble de biens et d’honneurs, à la foule et oppression du peuple. C’est le moyen qu’il a trouvé pour faire deguerpir la cour aux Princes, quand il a fait une police en sa maison, que les chambres, antichambres, chambres roiales, chambres de conseil, esquelles
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n’estoient que ses mignons, sans congé fussent closes et interdites aux Princes : tellement que le chasteau du Louvre, qui souloit de tous loger les Princes et Seigneurs, n’est plus que pour le Roy et ses mignons, ne faisant aucuns bien-faicts à autres qu’à ces champignons venus en une nuict [161]."
La métaphore démoniaque est régulièrement employée pour décrire l’entourage royal. Le cabinet figure un nouveau cercle sabbatique, où le courtisan séducteur apparaît sous les traits du sorcier [162]. Un libelle accuse ainsi le roi d’avoir transformé son cabinet en une école de sorcellerie, où trône son esprit familier, « Teragon », anagramme par inversion de Nogaret (nom de famille du duc d’Épernon), cette figure traduisant symboliquement la perversion des mœurs prêtée au monarque et au favori [163].
À l’image du pouvoir qu’il abrite, le palais apparaît comme un espace ambigu à l’époque de Henri III. Lieu ouvert, il accueille une population flottante au sein de laquelle cohabitent les officiers domestiques, les grands seigneurs, les fournisseurs comme les solliciteurs ou encore les simples curieux. La symbiose entre la cour et la ville est grande, les courtisans logeant dans des hôtels, le roi aimant fréquenter les maisons particulières. Lieu d’une cour souvent sans roi, le palais n’en reste pas moins le symbole de la majesté. Dans ce cadre qu’il imagine transparent, le roi s’emploie à façonner une microsociété exemplaire gravitant autour de sa chambre qui doit fournir un exemple d’harmonie susceptible d’influencer l’ensemble du corps social. Cette volonté se traduit par la réorganisation des appartements et l’établissement d’une scénographie de la majesté. Le roi s’emploie ainsi à hiérarchiser le monde de la cour et à transformer ses membres en simples figurants des rituels monarchiques [164].
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Tandis que l’accès au cabinet du roi se restreint à un cercle de privilégiés, les portes du palais peuvent se refermer en temps de crise. Le monarque se retrouve isolé dans un espace confiné qui fait moins figure de miroir du royaume que d’antre secret. Le roi ne se sent d’ailleurs jamais autant en danger que lorsque ses adversaires ont quitté la cour, comme c’est le cas des Guise et du duc d’Anjou en 1578, puis de nouveau des Guise en 1584. Le palais est en effet conçu comme le lieu de la maîtrise du roi sur l’histoire. Échappant aux rets de cette prison, les princes regagnent leurs bastions provinciaux pour restaurer leur puissance en mobilisant leurs fidèles.
Parce qu’il tend à se refermer sur lui-même, le palais apparaît de plus en plus inquiétant. Autour du cabinet du roi, les libelles, protestants puis ligueurs, construisent un même imaginaire de l’illégitimité particulièrement mobilisateur. Si l’espace du palais apparaît comme le lieu de polarisation de l’opinion, c’est qu’il fonctionne comme une sorte de théâtre — ainsi que l’a voulu le roi — sur lequel évoluent des acteurs qui sont autant de rôles : le roi tyran, la reine mère cruelle, le conseiller hypocrite, le chancelier incapable, l’Italien vicieux, le financier rapace, le favori démoniaque, le courtisan flagorneur... Dans ce regard collectif porté sur la scène du palais, les spectateurs se trouvent unifiés en un même public [165]. Là se situe la limite de l’entreprise politique de Henri III. S’il est bien parvenu à imposer la cour comme une véritable « sphère publique structurée par la représentation [166] », il a été réduit par l’opinion à un seul rôle dont il n’a pas respecté le code — le monarque chevaleresque exterminateur de l’hérésie —, alors qu’il avait souhaité reconstruire la majesté en jouant différents personnages, brouillant l’imaginaire traditionnel de la fonction royale.
Annexes : Les premières mesures de Henri III pour le règlement de la cour (septembre 1574)
Ordonnance du roi pour le règlement de la cour et du conseil, Lyon, 10 septembre 1574.
BnF Ms fr 21451, fol. 47-50.
« [fol. 47 r°] Le Roy voullant pourveoir à l’ordre et direction de ses affaires et aux charges et estatz qui sont necessaires pour son service, comme chose accoustumée par ses predecesseurs à l’advenement de leur regne, n’y ayans que les officiers de la couronne qui demeurent et tous aultres chosiz et nommez à sa volunté, aussy au reiglement de sa court et suicte a ordonné que doresnavant le matin, dès qu’il sera esveillé, la Royne sa mere en sera advertye, et n’entrera personne en sa chambre avant icelle dame ou que celluy qui aura esté envoyé devers elle ne soyt de retour.
Et après entreront les princes estans de ses affaires et aultres qui en sont, monsieur le chancelier et les quatre secretaires d’Estat, lesquelz n’en bougeront encores que sa majesté soit dans son cabinet à ses affaires, et ne seront veuz ny ouvertz aucuns paquetz que devant sadicte majesté, et ceulx concernans les affaires dedans son Royaulme seront leuz en la presence de deux desdictes affaires.
Lors que l’on portera la chemise, les princes qui ne sont de ses affaires, ceulx du conseil, les chevallier de l’ordre, gentilzhommes de la chambre, cappitaines de cinquante hommes d’armes et autres [fol. 47 v°] gentilzhommes de qualité, le grand aulmosnier, les evesques, le sieur de Mazille medecin et la musicque entreront en la chambre.
Sa majesté estant hors du lict et se retirant en son cabinet, tous ceulx de sesdicts affaires y entreront, et tous aultres qui seront en ladicte chambre sortiront, excepté les princes, officiers de la couronne, ceulx de sesdicts affaires, les quatre secretaires d’Estat, les sieur de Morvillier, de Lymoges, evesque de Vallence, de Foix, Bellievre, Pybrac, de Montluc, Sensac et le sieur de St Supplice et en son absence celluy qu’il plaira à monseigneur mener avec luy.
Si ladicte dame Royne ne se trouve auprès du Roy estant à ses affaires, incontinant que sadicte majesté en sera dehors, elle en sera advertye.
Monsieur le duc du Mayne, grand chambellan, baillera la chemise, la robbe à sa majesté, fera faire son lict, se mectra derriere sa chaize et recevra le serment des gentilzhommes de la chambre.
Messieurs les mareschal de Retz et Villequier ordonnez par sa majesté pour exercer l’estat de premier gentilhomme de la chambre chacun [fol. 48 r°] durant six mois bailleront les quartiers aux gentilzhommes de la chambre et le semblable aux valletz de chambre et commanderont à tous ce qui sera du faict de ladicte chambre.
Le premier gentilhomme de la chambre dressera les estatz et arrestera toutes les despences, tant ordinaires que extraordinaires, qui seront faictes par la chambre et garderobbe de sadicte majesté.
Le sieur de Souveray, maistre de la garderobbe, baillera aussy les quartiers aux valletz de garderobbe où il commandera entierement et ordonnera tout ce qui sera necessaire pour la personne du Roy, et après seront les parties de despence apportées par le contrerolleur de l’argenterie audict premier gentilhomme de la chambre pour arrester toute la despence, de laquelle il fera faire les pris par les maistres d’hostel de sa majesté ou telz du conseil qu’il advisera avec ledict contrerolleur.
Pour la despence qui se fera pour les masques et tournoy qui seront commandez audict maistre de la garderobbe, ledict contrerolleur de l’argenterie en advertira icelluy premier gentilhomme de la chambre pour en dresser les estatz et faire donner les assignations, et après arrester ladicte despence.
[fol. 48 v°] Veult sadicte majesté que, estant à la messe, tous ceulx qui y assisteront se mectront à genoulx, et prieront Dieu avec la devotion, honneur et reverence que l’on doibt, sans parler ensemble ny faire aucun bruict.
Monsieur le grand maistre et en son absence le premier maistre d’hostel, ou celluy qui sera en quartier, viendra incontinant après les dix heures sonnées devers sa majesté, quelque part qu’elle soit, pour sçavoir s’il luy plaist disner, et où il ne pourroit entrer la part où sera sadicte majesté, luy fera demander par ceulx qui seront près d’icelle. Le semblable sera observé sur les six heures pour le souper.
Ledict sieur grand maistre advisera le faict de sa charge pour remectre l’ordre et pollice en la maison de sa majesté comme il estoit du temps des feuz roys Francois et Henry, ses ayeulx et pere, dont il dressera le reiglement qu’il apportera à sadicte majesté pour le veoir.
Durant le disner de sa majesté, les cappitaines des gardes feront faire place et ne permectront que personne s’aproche près de la table [fol. 49 r°] d’icelluy, synon les princes, ceulx de ses affaires et de son conseil, ou ceulx qu’il appellera.
Après le disner et la table levée, sadicte majesté donnera audience, voullant que lesdicts cappitaines des gardes facent entendre à la porte par l’huisser de salle que ceulx qui voudront avoir audience de sadicte majesté y entrent, faisans retirer ceulx qui seront en ladicte salle du long des murailles, donnant ordre que ceulx qui requerront lesdictes audiences ne se presentent que l’ung après l’autre et, à ceste fin, tiendront en ladicte salle tel nombre d’archers qu’ilz verront estre necessaire. Laquelle heure d’audience passée, aucun ne pourra parler d’affaires à sadicte majesté que au lendemain à la mesme heure.
Lesdicts cappitaines des gardes se pourmeneront suz jour dedans la court et logis du Roy pour pourveoir au desordre et insolence qui se pourroient commectre, et departiront de leurs archers par les salles, degrez et autre lieux communs dudict logis pour contenir ung chacun, empescher les jeux et insolences des paiges et laquaiz, et sur tout reprimer les blasphemes à l’encontre du nom de Dieu.
[fol. 49 v°] Le grand prevost de l’hostel fera mesmes offices ès lieux qui luy estoient ordonnez du regne desdicts feuz Roys François et Henry, pourveu au lieu où sera logée sadicte majesté et sadicte court qu’il ne soit rien prins aux champs sans paier ad ce que le peuple soit soulagé et tant plus d’occasion de louer Dieu du retour d’icelle.
Seront par sadicte majesté choisiz et nommez ceulx qu’elle vouldra retenir de son conseil privé, lesquelz feront nouveau serment et se tiendra ledict conseil les après-dinées, et speciallement les mercredy et vendredy pour les affaires des parties.
Tous ceulx qui auront à demander quelque don à sa majesté ou luy faire supplication et requeste mectront par escrict ce qu’ilz auront à luy faire entendre et presenteront eulx mesmes leurs placetz et requestes pour estre veuz par sadicte majesté et sur iceulx respondre de sa main sa volonté, et après seront baillez à l’ung desdicts secretaires d’Estat pour en faire les despesche [sic] qui se feront par chacun d’eulx, l’ung après l’autre, selon leur ordre et anciennetté durant ung moys, et seront les placetz et requestes respondus de sadicte majesté attachées aux lettres et expeditions qui se feront par lesdicts secretaires, affin que suivant iceulx monsieur le chancelier scellent [sic] les lettres.
[fol. 50 r°] Celluy desdicts secretaires d’Estat qui aura receu lesdicts placetz et commandemens fera ung roolle en la fin du mois, tant des dons qu’il aura expedié par ordonnance de sa majesté, contenant la nature et qualité d’iceulx et les sommes à quoy ilz monteront, que des benefices vacans, soit pour resignation ou par mort, qu’il mectra ès mains de sadicte majesté.
Sera traicté au conseil privé de sadicte majesté de tous affaires, tant des finances que autres, qui s’offriront comme il s’observait des regnes du feu Roy Henry son pere, et aura ledict sieur de Believre la superintendance desdictes finances, comme le feu sieur du Mortier avoit, quy assemblera les intendans desdictes finances et le tresorier de l’espargne lors qu’il verra bon estre pour avec eulx en adviser, et luy seul en faire le rapport à sa majesté lors qu’il luy sera par elle commandé, et se trouvera ledict sieur de Believre à chacun conseil qui se tiendra, pour, au commancement dudict conseil, faire entendre l’estat desdictes finances si besoing est avant que l’on traicte d’aultres affaires.
Faict à Lyon le Xme de septembre 1574. »
Consignes adressées aux capitaines des gardes, Lyon, 15 septembre 1574.
BnF Ms fr 3316, fol. 76.
« Le Roy a ordonné qu’estant à la messe, les cappitaines de ses gardes feront mectre à genoux tous ceulx qui y assisteront affin qu’ilz prient Dieu avecques la devotion, honneur et reverence que l’on doibt, sans parler ensemble ny faire aucun bruyt. Veult sa majesté que, durant le disner, lesdicts cappitaines des gardes facent faire place et ne permectent que personne s’approche de la table, sinon ceulx qu’elle appellera. Après le disner et la table levée, sadicte majesté donnera audiance, voulant que lesdicts cappitaines des gardes facent entendre à la porte par l’huissier de salle que ceulx qui voudront avoir audiance de sadicte majesté y entrent, faisant retirer ceulx qui sont en ladicte salle du long des murailles et donnant ordre que ceux qui requerront sesdictes audiances ne se presentent que l’un après l’autre, et à cete fin tiendront en ladicte salle tel nombre d’archers qu’ilz verront estre necessaires. Laquelle heure d’audiance passée aucun ne pourra parler d’affaires particuliers à sadicte majesté, sinon au landemain à la mesme heure.
Lesdicts cappitaines des gardes se pourmeneront sus jour dedant la court et logis du Roy pour prouvoir [sic] aux desordres et insolences qui s’y pourroient commectre, et departiront de leurs archers ès salles, degrez et autres lieux commungs dudict logis pour contenir ung chacun et empescher les jeux et insolances des pages et lacquais et sur tout reprimer les blasphemes à l’encontre du nom de Dieu.
Faict à Lyon le XVme jour de septembre 1574. »
Notes
[1] Sur ces règlements voir Monique Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture, Paris, 2002, p. 135-140, et « Henri III et l’ordre de la cour : évolution de l’étiquette à travers les règlements généraux de 1578 et de 1585 », dans R. Sauzet (dir.), Henri III et son temps, Paris, 1992, p. 133-139 ; Françoise Boudon et Monique Chatenet, « Les logis du roi de France au XVIe siècle », dans Architecture et vie sociale, Paris, 1994, p. 65-82 ; Bertrand Jestaz, « Étiquette et distribution intérieure dans les maisons royales de la Renaissance », Bulletin monumental, t. CXLVI, n° 2, 1988, p. 109-120.
[2] Il faut noter que, dans la terminologie de l’époque, le mot « palais » sert en réalité à désigner le palais de la Cité, qui abrite notamment le parlement de Paris. Le Louvre est simplement dénommé le « château du Louvre ».
[3] Sur les relations entre le roi et la ville, voir Jean-Pierre Babelon, Nouvelle Histoire de Paris. Paris au XVIe siècle, Paris, 1987, p. 45-73.
[4] N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au XVIe siècle, Paris, 1838, 2 vol., t. II, p. 381 (« Voyage de Jérôme Lippomano par son secrétaire »).
[5] « Description de Paris par Arnold Van Buchel d’Utrecht (1585-1586) », L.A. Van Langeraad et A. Vidier (éd.), Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris, t. XXVI, 1899, p. 87 (Madrid), p. 114 (Saint-Maur), p. 154 (Louvre), p. 160-165 (Fontainebleau) et p. 175-176 (Tuileries) ; N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., t. II, p. 593 (Louvre et Tuileries).
[6] Ibid., t. II, p. 491.
[7] Monique Chatenet, « Le logis de François Ier au Louvre », Revue de l’art, n° 97, 1992, p. 72-74.
[8] Robert Knecht, Un Prince de la Renaissance. François Ier et son royaume, Paris, 1998, p. 412.
[9] Sabine Frommel, Sebastiano Serlio. Architecte de la Renaissance, Paris, 2002 ; Henri Zerner, L’Art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, 1996, p. 142-177 ; Pierre Quoniam et Laurent Guinamard, Le Palais du Louvre, Paris, 1988 ; Jean-Pierre Babelon, « Le Louvre. Demeure des rois, temple des arts », dans P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. II La Nation, vol. III, Paris, 1986, p. 169-216 ; Jean-François Solnon, La Cour de France, Paris, 1987, p. 70-73 ; André Chastel, « La demeure royale au XVIe siècle et le nouveau Louvre » [1967], dans Fables, formes, figures, Paris, 1978, 2 vol., t. I, p. 441-452 ; Christiane Aulanier, Histoire du palais et du musée du Louvre, Paris, 1950-1964, 9 vol. ; Louis Hautecœur, Histoire du Louvre, Paris, 1928 et « Le Louvre de Pierre Lescot », Gazette des Beaux-Arts, 1927.
[10] Voir la restitution du plan du premier étage du palais en 1582 par Françoise Boudon, Monique Chatenet et Anne-Marie Lecoq, « La mise en scène de la personne royale en France au XVIe siècle : premières conclusions », dans J.-Ph. Genêt (dir.), L’État moderne : genèse. Bilans et perspectives, Paris, 1990, p. 237 ; voir aussi la vue du Louvre dans les années 1580, J.-P. Babelon, Nouvelle Histoire de Paris. Paris au XVIe siècle, op. cit., p. 44.
[11] N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., p. 593.
[12] La construction de cette nouvelle pièce est mentionnée dans un contrat du 17 avril 1551 qui évoque « la séparation de la salle haute, antichambre et de la garde-robe », Catherine Grodecki, « Les marchés de construction pour l’aile Henri II du Louvre (1546-1558) », Archives de l’art français, t. XXVI, 1984, p. 19-38.
[13] Les Plus Excellents Bastiments de France [1576-1579], D. Thompson (éd.), Paris, 1988.
[14] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 109 v°-110 (règlement du 1er janvier 1585).
[15] Mémoires de Marguerite de Valois, Y. Cazaux (éd.), Paris, 1986, p. 145.
[16] Pierre Champion, Paris au temps de Henri III, Paris, 1942, p. 57.
[17] J.-P. Babelon, op. cit., p. 71. Sur les constructions commandées par la reine mère, voir E. Jacquin, « Les Tuileries » et C. Madoni, « L’hôtel de la reine », dans Marie-Noëlle Baudouin-Matuszek (dir.), Paris et Catherine de Médicis, Paris, 1989, p. 87-127.
[18] BnF. Ms. Fr. 3306, fol. 69 (ordonnance pour l’établissement d’un conseil des finances, Paris, 3 mars 1583).
[19] Les dépenses de l’argenterie atteignent 25 496 écus 2/3 en 1581, BnF. Ms. Fr. 26170, fol. 111 (somme totale de la dépense ordinaire de l’argenterie, hors la personne du roi, durant l’année 1581).
[20] BnF. Ms. Fr. 26171, fol. 164 r°-v° (comptes de l’argenterie [après 1581]). Les comptes ne sont pas toujours précis : il n’est pas impossible que la chapelle et les trois prie-Dieu mentionnés se trouvent dans le cabinet d’Ollainville.
[21] BnF. Ms. Fr. 26158, fol. 116-117 (comptes de l’argenterie durant les trois premiers quartiers de l’année 1574).
[22] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 28 v° (règlement du 11 août 1578).
[23] Journal de L’Estoile pour le règne de Henri III (1574-1589), L.-R. Lefèvre (éd.), Paris, 1943, p. 274.
[24] Calendar of State papers, Foreign series, of the Reign of Elizabeth, Londres, 1861-1950, 23 vol., t. XVI, p. 392 (17 octobre 1582).
[25] « Description de Paris par Arnold Van Buchel d’Utrecht (1585-1586) », op. cit., p. 153.
[26] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 327.
[27] Sur ces espaces périphériques, voir Armelle Bonis et Pierre-Jean Trombetta, « La cour des Cuisines. Archéologie d’un espace royal », dans G. Bresc-Bautier (dir.), Archéologie du grand Louvre. Le quartier du Louvre au XVIIe siècle, Paris, 2001, p. 82-93.
[28] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 12 v° (règlement du 11 août 1578).
[29] La circulation intérieure se fait par des couloirs, souvent constitués de cloisons de bois, mais aussi directement par les enfilades de pièces, ainsi qu’en témoigne Marguerite de Valois : « Comme nous allions trouver Sa Majesté, passans par les sales et chambres, nous les trouvasmes toutes pleines de gens qui nous regardoient la larme à l’œil. » (Mémoires de Marguerite de Valois, op. cit., p. 142).
[30] Ibid., p. 136.
[31] Françoise Boudon et Jean Blécon, Le Château de Fontainebleau de François Ier à Henri IV, Paris, 1998 ; Henri Zerner, L’Art de la Renaissance, op. cit., p. 66-104 ; Pierre et Françoise Joukovsky, À travers la galerie François Ier, Paris, 1992. Sur le rôle de la galerie : Jean Guillaume, « La galerie dans le château français : place et fonction », Revue de l’art, n° 102, 1993, p. 32-42. Pour Rome et Florence, voir notamment Les Carrache et les décors profanes, Rome, 1988, et Philippe Morel, « Secret, hermétisme et pouvoir d’État dans l’art médicéen de la fin du XVIe siècle », dans Ph. Dujardin (dir.), Le Secret, Paris-Lyon, 1987, p. 31-62.
[32] Geneviève Bresc-Bautier et Frédéric Morvan, Palais du Louvre : architecture et décor, Paris, 1998 ; G. Bresc, « La sculpture de l’attique du Louvre par l’atelier de Jean Goujon », Revue du Louvre et des Musées de France, 1989, n° 2, p. 97-111 ; Pierre du Colombier, Jean Goujon, Paris, 1949.
[33] Volker Hoffmann, « Le Louvre de Henri II : un palais impérial », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1982, p. 7-15 ; Michel François, « Le pouvoir royal et l’introduction en France de la couronne fermée », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et belles lettres, 1962, p. 404-413.
[34] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 78 v° (règlement du 11 août 1578).
[35] Ibid., fol. 64.
[36] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XI, p. 80 (6 juillet 1575).
[37] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 36.
[38] Ibid., p. 280.
[39] Ibid., p. 146.
[40] Un observateur vénitien parle de 8 000 chevaux, N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., t. II, p. 529.
[41] Monique Chatenet, « Une demeure royale au milieu du XVIe siècle : la distribution des espaces au château de Saint-Germain-en-Laye », Revue de l’art, n° 81, 1988, p. 20-30 et « Le corps et le logis au XVIe siècle : l’exemple du château royal de Saint-Germain-en-Laye », dans J. Céard, M.M. Fontaine et J.-C. Margolin (dir.), Le Corps à la Renaissance, Paris, 1990, p. 31-38
[42] M. Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle, op. cit., p. 71.
[43] Mémoires de Marguerite de Valois, op. cit., p. 145.
[44] Ibid., p. 57.
[45] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XVII, p. 9 (5/15 janvier 1583).
[46] N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., p. 593.
[47] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 110-113 (règlement du 1er janvier 1585).
[48] Mémoires de Marguerite de Valois, op. cit., p. 144.
[49] Idem, p. 144.
[50] Lucinge, Lettres de 1587 : l’année des reîtres, J. Supple (éd.), Genève, 1994, p. 199 (6 juin 1587).
[51] Ibid., p. 126 (15 avril 1587). Épernon possède un hôtel rue de la Plâtrière, acquis le 12 avril 1583, C. Grodecki, Documents du Minutier central des notaires de Paris : histoire de l’art au XVIe siècle (1540-1600), Paris, 1985-1986, 2 vol., t. I, p. 77. Il logeait auparavant rue des Petits-Champs, dans la maison des « Deux boules », A.N. M.C. XC 126 (19 avril 1577).
[52] M. Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle, op. cit., p. 133.
[53] N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., p. 417 ; Journal de L’Estoile, op. cit., p. 215.
[54] E. Caron, À travers les minutes des notaires parisiens, 1559-1577, Paris, 1900, p. 64 (actes des 30 novembre et 8 décembre 1566).
[55] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 216.
[56] Celui d’Épernon comprend au moins une chambre et une salle ; celui du comte du Bouchage une chambre et une garde-robe ; celui de Villequier une chambre et un cabinet, BnF. Ms. Fr. 26171, fol 164 v° (comptes de l’argenterie, s.d.).
[57] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 550 (12 mars 1582), cité par M. Chatenet, op. cit., p. 80.
[58] A.N. M.C. XC, 134 (contrat passé 1er juillet 1580).
[59] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 301 ; A.N. M.C. XC, 133 (17 mars 1580).
[60] Contrat de maçonnerie du 19 avril 1584 pour la construction d’un quartier d’étage bas ; contrat de charpenterie du 23 avril 1584 ; contrat de toiture du 7 décembre 1584 ; contrat de pavage du 15 décembre 1584, cf. Jacques Androuet du Cerceau, Les Plus Excellents Bastiments de France, op. cit., p. 312-313.
[61] Il affirme y être logé dans un acte passé le 7 septembre 1587, A.N. M.C. XC 148. Il part pour l’armée le lendemain.
[62] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 281 et 455.
[63] Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, t. I, De l’Ancien Régime au Second Empire, Paris, 1984, p. 244-245.
[64] Pour un aperçu des localisations, voir BnF. Ms. Fr. 11692 (compte du don gratuit octroyé au roi par la ville de Paris en 1571). Ce document a été étudié avec une grande précision par Robert Descimon, « Paris on the eve of Saint Bartholomew : taxation, privilege, and social geography », dans Ph. Benedict (dir.), Cities and Social Change in Early Modern France, Londres, 1989, p. 69-104. Voir également J.-P. Babelon, « Le Paris de Coligny », dans L’Amiral de Coligny et son temps, Paris, 1974, p. 549-576 et « Naissance des beaux quartiers à Paris », dans J.-C. Maire Vigueur (dir.), D’une ville à l’autre : structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (XIIIe-XVIe siècle), Rome, 1989, p. 55-68 ; Jacqueline Boucher, Société et mentalités autour de Henri III, Lille, 1981, 4 vol., t. I, p. 351 et suiv. ; Nicolas Le Roux, La Faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, 2001, p. 288-301.
[65] Sur l’est parisien, voir Jean-Pierre Babelon, « De l’hôtel d’Albret à l’hôtel d’O. Etude topographique d’une partie de la Culture Sainte-Catherine », Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris et de l’Ile-de-France, 97e année, 1970, p. 87-145 ; « Sur trois hôtels du Marais, à Paris datant du règne de Henri III », Bulletin monumental, t. CXXXV, n° 3, 1977, p. 223-230 ; « Du “Grand Ferrare” à Carnavalet : naissance de l’Hôtel classique », Revue de l’art, n°40-41, 1978, p. 83-108 ; « Paris. Un quartier résidentiel, la couture Sainte-Catherine durant la seconde moitié du XVIe siècle », dans La Maison de ville à la Renaissance. Recherches sur l’habitat urbain en Europe aux XVe et XVIe siècles, Paris, 1983, p. 31-35.
[66] Le cardinal Charles de Lorraine avait acheté le 15 juin 1553 l’ancien hôtel du connétable Olivier de Clisson (mort en 1407) situé rue du Chaume, qui appartenait depuis 1528 à Philibert Babou de La Bourdaisière, pour la somme de 16 000 l.t. Agrandi par l’achat des bâtiments voisins de 1556 à 1561, l’hôtel de Guise est la résidence ordinaire de Henri de Guise et de son frère le cardinal archevêque de Reims Louis II. L’hôtel comporte également un terrain d’exercice pour les chevaux, des écuries, des communs et de vastes jardins ; cf. J.-P. Babelon, « L’hôtel de Guise », dans R. Mousnier et J. Mesnard (dir.), L’âge d’or du mécénat (1598-1661), Paris, 1985, p. 69-75, et V. Langlois, Les hôtels de Clisson, de Guise et de Rohan-Soubise au Marais, Paris, 1922.
[67] Pierre Champion, Paris au temps des guerres de Religion. Fin du Règne de Henri II, Régence de Catherine de Médicis, Charles IX, Paris, 1938, p. 118-119.
[68] Jean-Pierre Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1991, p. 243.
[69] C. Grodecki, Documents du Minutier central, op. cit., t. I, p. 62-67 ; A.N. M.C. 128 et 131 (contrat de vente du 18 février 1578, pour 7.000 l.t. ; contrats pour les travaux de la galerie et de l’écurie des 28 mai, 23 et 27 juillet 1578 ; contrat pour les travaux du nouveau corps d’hôtel, 23 mars 1579 ; contrat pour la fin des travaux de maçonnerie du 13 mai 1579 ; contrat pour la reconstruction du portail, 13 février 1587). Le total des sommes mentionnées atteint 9 858 l.t.
[70] E. Caron, À travers les minutes, op. cit., p. 84 (17 septembre 1567) ; A.N. M.C. XC, 134 (30 juin 1580).
[71] C. Grodecki, Documents du Minutier central, op. cit., t. I, p. 78 (8 juin 1575).
[72] Ibid., t. I, p. 78 (9 septembre 1581), p. 79 (5 mars 1588) ; A.N. MC. XC, 137 (27 février 1582).
[73] Registres des délibérations du Bureau de la ville de Paris, 1499-1628, F. Bonnardot (éd.), dans Histoire générale de Paris, Paris, 1883-1958, 19 vol., t. VIII, p. 89-90.
[74] Lucinge, Lettres de 1587, op. cit., p. 212 (23 juin 1587).
[75] BnF. Ms. Fr. 26171, fol. 137 r°-v°.
[76] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 154.
[77] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XIV, p. 457 (17 octobre 1580).
[78] BnF. Ms. Fr. 26171, fol 164 v° (comptes de l’argenterie, s.d.).
[79] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 53 (10 février 1581). En juillet de la même année, il partage à nouveau son temps entre Saint-Germain et Ollainville.
[80] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 379.
[81] Ibid., p. 223 et 358.
[82] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 101 (mars 1581).
[83] Ou Challeau, près de Moret, dans la vallée de la Haute-Seine.
[84] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 206 (15 juin 1581).
[85] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 184 et 388-389.
[86] BnF. Ms. Fr. 3612, fol. 8 (Guise à Nevers, Paris, 9 février 1586).
[87] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 396 (11 décembre 1581).
[88] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 243.
[89] Ibid., p. 261.
[90] Ibid., p. 501.
[91] Ibid., p. 374.
[92] Ibid., p. 542.
[93] Lettres de Catherine de Médicis, H. de La Ferrière, G. Baguenault de Puchesse et A. Lesort (éd.), Paris, 1880-1943, 12 vol., t. II, p. 91.
[94] BnF. Ms. Fr. 21451 , fol. 47-50 (règlement de la cour et du conseil, Lyon, 10 septembre 1574). Un extrait de l’ordonnance concernant le service des capitaines des gardes du corps est republié le 15 septembre, BnF. Ms. Fr. 3316, fol. 76. Voir ces deux textes en annexe.
[95] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 133 r°-v° (règlement du 1er janvier 1585).
[96] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XI, p. 149 (3 octobre 1575).
[97] M. Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle, op. cit., p. 116-121. Sur l’importance symbolique du repas dans la vie de cour, voir Elvira Garbero Zorzi, « Cerimoniale e spettacolarità. Il tavagliolo sulla tavola del principe », dans S. Bertelli et G. Crifò, Rituale, cerimoniale, etichetta, Milan, 1985, p. 67-83 et, pour une période postérieure, Versailles et les tables royales en Europe, XVIIe-XIXe siècles, Paris, 1993.
[98] Denis Crouzet, La Sagesse et le Malheur. Michel de L’Hospital chancelier de France, Seyssel, 1998, p. 203.
[99] David Potter et Penny R. Roberts, « An Englishman’s View of the Court of Henri III, 1584-1585 : Richard Cook’s Description of the Court of France », French History, t. II, n° 3, 1988, p. 332 et 334.
[100] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 29 v° (règlement du 11 août 1578).
[101] Ibid., fol. 26.
[102] Ibid., fol. 34 v°-35.
[103] N. Tommaseo (éd.), Relations des ambassadeurs vénitiens, op. cit., t. II, p. 567 et 621.
[104] Ibid., t. II, p. 525.
[105] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XV, p. 168 (12 mai 1581).
[106] Ibid., t. XV, p. 463 (27 janvier 1582).
[107] Ibid., t. XVI, p. 392 (17 octobre 1582).
[108] M. Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle, op. cit., p. 138-139.
[109] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 156 (règlement du 1er janvier 1585).
[110] Ibid., fol. 155 et v°.
[111] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XIX, p. 184 (9/19 décembre 1584).
[112] Jacques-Auguste de Thou, Histoire universelle depuis 1543 jusqu’en 1607 [1604-1608], trad. fr., Londres, 1734, 16 vol., t. IX, p. 202-203.
[113] David Loades, The Tudor Court, Londres, 1986, p. 45 et 86. Sur la cour et les résidences royales en Angleterre, voir également Hugh Murray Baillie, « Etiquette and the Planning of the State Apartements in Baroque Palaces », Archæologia, t. CI, 1967, p. 169-199 (pour le XVIIe siècle) ; Simon Adams, « Eliza Enthroned ? The Court and its Politics », dans C. Haigh (dir.), The Reign of Elizabeth I, Londres, 1985, p. 55-77 ; David Starkey (dir.), The English Court : From the Wars of the Roses to the Civil War, Londres, 1987 et Henry VIII : A European Court in England, Londres, 1991 ; Simon Thurley, The Royal Palaces of Tudor England : Architecture and Court Life 1460-1547, New Haven, 1993.
[114] BnF. Ms. Fr. 10471, fol. 105 (« Traicté des rang et seances de France ordonné par le feu Roy Henry le Grand à feu monsieur de Villeroy, et de l’ordre observé ez jours solemnels et ceremonies roialles, entre les princes, ducs, pairs, officiers de la Couronne et autres princes venus en France, ce qui leur doit estre deferé, quelques singularités de Rome et autres choses », s.d. [1610]).
[115] BnF. Ms. Fr. 26168, n° 2035 (quittance de M. de Herbannez, 12 juillet 1586).
[116] Journal de L’Estoile pour le règne de Henri IV et le début du règne de Louis XIII (1589-1611), L.-R. Lefèvre et A. Martin (éd.), Paris, 1948-1960, 3 vol., t. II, p. 82 ; BnF. Ms. Fr. 5826 (transcription Mathieu Lemoine, Journal d’un familier du gouverneur de Metz (1601-1602), mémoire de maîtrise, Université de Paris IV-Sorbonne, 2001, p. 223).
[117] C. Grodecki, op. cit., t. I, n°330 (acte du 19 juillet 1584 faisant référence au « tour de table » de l’antichambre du Louvre).
[118] BnF. Ms. Fr. 16234, fol. 3 v° (règlement du conseil du 1er janvier 1585).
[119] Journal de L’Estoile pour le règne de Henri III, op. cit., p. 492.
[120] Lieu.
[121] BnF. Ms. Fr. 3386, fol. 10 v° (nouvelles anonymes de la cour, s.l.n.d. [Paris, janvier 1585]).
[122] Marc H. Smith, « Familiarité française et politesse italienne au XVIe siècle : les diplomates italiens juges des manières de la cour des Valois », Revue d’histoire diplomatique, t. CII, n° 3-4, 1988, p. 218 (J. Corbinelli à G.-V. Pinelli, Blois, 4 avril 1581).
[123] « La forme et manière qu’on a tenu en la présentation de l’Ordre de la Jarretière au Roi très chrétien de France, de la part de Sa Majesté d’Angleterre », dans A. Hiver de Beauvoir (éd.), Papiers Pot de Rhodes 1529-1648, Paris, 1864, p. 100-105 ; voir aussi BnF. Ms. Fr. 4321, fol. 31 et suiv. ; pour les sources anglaises voir Roy C. Strong, « Festivals for the Garter Embassy at the court of Henri III », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, t. XXII, 1959, p. 60-70.
[124] Lucinge, Lettres sur les débuts de la Ligue, 1585, A. Dufour (éd.), Genève, 1964, p. 17-18 (lettre du 25 mars 1585).
[125] A.N. P 2662, fol. 372, cité par Jean-François Dubost, La France italienne, XVIe-XVIIe siècle, Paris, 1997, p. 108.
[126] Il assume également des missions à l’étranger, en négociant le mariage de Charles IX à Vienne en 1570, puis en se rendant à Venise en 1578.
[127] BnF. Ms. Fr. 26160, n° 635 (quittance du 16 novembre 1577). La fonction d’introducteur des ambassadeurs n’est transformée en charge que le 2 janvier 1585 : cf. Louis Delavaud et Auguste Boppe, Les Introducteurs des ambassadeurs, Paris, 1901, et Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, op. cit., t. I, p. 242-243.
[128] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XIV, p. 135 (21 janvier 1580).
[129] BnF. Ms. Fr. 3316, fol. 76 (ordonnance du roi pour la tenue de sa maison, Lyon, 15 septembre 1574). Voir ce texte en annexe.
[130] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XI, p. 78 (3 juillet 1575) et 133 (13 septembre 1575).
[131] F.A. Isambert éd., Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1821-1833, 29 vol., t. XIV, p. 310-313 (ordonnance sur la juridiction et le jugement des voies de fait qui ont lieu au logis du roi et à la suite de la cour, Paris, 31 octobre 1576).
[132] De l’Estat et succez des affaires de France, Paris, Pierre L’Huillier, 1570, fol. 81.
[133] Lalourcé et Duval (éd.), Recueil des cahiers généraux des trois ordres aux États-généraux, Paris, 1789, 4 vol. t. II, p. 71 (art. 202).
[134] Journal de L’Estoile pour le règne de Henri III, op. cit., p. 129.
[135] Ibid., p. 138-139.
[136] Nicolas Le Roux, « Le point d’honneur, la faveur et le sacrifice : recherches sur le duel des mignons d’Henri III », Histoire, Économie et Société, 16e année, n° 4, 1997, p. 579-595.
[137] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 190.
[138] Voir Maximin Deloche, Les Richelieu : le père du cardinal, François du Plessis, Grand-Prévost de France. Documents inédits, Paris, 1923.
[139] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 118-122 v° (règlement du 1er janvier 1585).
[140] BnF. Ms. Fr. 16234, fol. 5 (règlement du Conseil, janvier 1585).
[141] BnF. Ms. Fr. 16234, fol. 20 v° (transcription des résultats du conseil d’État, 19 janvier 1585).
[142] BnF. Ms. Fr. 16234, fol. 29 v° (transcription des résultats du conseil d’État, 26 janvier 1585).
[143] BnF. Ms. Fr. 4581, fol. 69 v° (règlement du 11 août 1578).
[144] BnF. Ms. Fr. 16225, fol. 23 (registre du conseil d’État, 27 janvier 1579).
[145] Lucinge, Lettres sur les débuts de la Ligue, 1585, op. cit., p. 85 (14 mai 1585).
[146] Journal de L’Estoile, op. cit., p. 372.
[147] BnF. Ms. Fr. 3386, fol. 10 (nouvelles anonymes de la cour, [Paris, janvier 1585]).
[148] Guillaume Girard, Histoire de la vie du duc d’Epernon divisée en trois parties, Paris, Chez Augustin Courbé, 1655, p. 99.
[149] Calendar of State papers, Foreign, op. cit., t. XII, p. 633 (24 avril 1578).
[150] Le règlement du conseil du 26 février 1567 précisait qu’il pouvait se réunir soit dans la chambre, soit dans le cabinet : M. Chatenet, La Cour de France au XVIe siècle, op. cit., p. 150.
[151] Par exemple, le 4 janvier 1581 Louis de Berton-Crillon signale au duc de Nevers que la veille le roi ne se laissa point voir et demeura tout le jour à son cabinet : BnF. Ms. Fr. 4713, fol. 88 v° (Crillon à Nevers, Blois, 4 janvier 1581).
[152] Guillaume Girard, Histoire de la vie du duc d’Épernon, op. cit., p. 27.
[153] Le Cabinet du Roy de France, dans lequel il y a trois Perles precieuses d’inestimable valeur : Par le moyen desquelles Sa Maiesté s’en va le premier Monarque du monde, et ses sujets du tout soulagez, s.l., 1581 ; rééd. 1582.
[154] Agrippa d’Aubigné, « Des escritz licentieux », dans Œuvres, H. Weber, J. Bailbé et M. Soulié (éd.), Paris, 1969, p. 877.
[155] Sur le contexte pamphlétaire, voir David Potter, « Kingship in the Wars of Religion : The Reputation of Henri III of France », European History Quarterly, t. XXV, n° 4, 1995, p. 485-528 ; Denis Pallier, « Les réponses catholiques », dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l’édition française, t. I, Le livre conquérant : du Moyen Age au milieu du XVIIe siècle, 2e éd., Paris, 1989, p. 404-435 ; David A. Bell, « Unmasking a King : The Political Uses of Popular Literature Under the French Catholic League, 1588-89 », Sixteenth Century Journal, t. XX, n° 3, 1989, p. 371-386 ; Jacqueline Boucher, « Culture des notables et mentalité populaire dans la propagande qui entraîna la chute de Henri III », dans J. Nicolas (dir.), Mouvements populaires et conscience sociale : XVIe-XIXe siècles, Paris, 1985, p. 339-349 ; Le Pamphlet en France au XVIe siècle, Cahiers V.-L. Saulnier, n° 1, Paris, 1983 et Traditions polémiques, Cahiers V.-L. Saulnier, n° 2, Paris, 1984.
[156] Jacques Chiffoleau, « Dire l’indicible : remarques sur la catégorie du nefandum du XIIe au XVe siècle », Annales E.S.C., 45e année, n° 2, 1990, p. 289-324.
[157] Lucinge, « Le Miroir des princes ou grands de la France et un bref discours des trois Estats du Royaume avec les conjectures de ce que doibt estre de luy à l’advenir » [1586], A. Dufour (éd.), Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1954-1955, p. 105.
[158] La Vie et Faits Notables de Henry de Valois. Tout au long, sans rien requerir. Où sont contenues les trahisons, perfidies, sacrileges, exactions, cruautez et hontes de cest Hypocrite et Apostat, ennemy de la Religion Catholique, s.l., 1589, p. 24.
[159] Ibid., p. 52.
[160] Ibid., p. 57.
[161] Histoire Veritable de la plus Saincte Partie de la vie de Henry de Valois, jadis Roy de France, Paris, Chez Charles Michel, 1589, p. 18.
[162] Sur cette translation de l’imaginaire du sabbat, voir Hélène Merlin, « Représentation du sabbat et représentation du politique au XVIIe siècle : du sabbat au cabinet », dans N. Jacques-Chaquin et M. Préaud (dir.), Le Sabbat des sorciers en Europe (XVe-XVIIIe siècles), Grenoble, 1993, p. 111-126.
[163] Choses horribles contenues en une lettre envoiée à Henri de Valois par un enfant de Paris le 28e Janvier 1589, Sur la copie qui a esté trouvée en ceste ville de Paris près l’orloge du Palais, Paris, Pour Jaques Gregoire Imprimeur, 1589, dans Les belles Figures et drolleries de la Ligue (BnF. Rés. g Fol. La25 6), fol. IX r°-v°.
[164] Pour une mise en perspective générale des pratiques cérémonielles, voir Maria Antonietta Visceglia, « Introduction. Cérémonial et politique pendant la période moderne », dans M.A. Visceglia et C. Brice (dir.), Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle), Rome, 1997, spécialement p. 1-10, et Sergio Bertelli et Giulia Calvi, « Rituale, cerimoniale, etichetta nelle corti italiane », dans S. Bertelli et G. Crifò, Rituale, cerimoniale, etichetta, op. cit., p. 11-27. Voir aussi la synthèse d’Edward Muir, Ritual in Early Modern Europe, Cambridge, 1997.
[165] Pour une réflexion sur ces thèmes, voir Christian Jouhaud, « Les libelles en France dans le premier XVIIe siècle : lecteurs, auteurs, commanditaires, historiens », XVIIe siècle, n° 195, 49e année, n° 2, 1997, p. 203-217.
[166] Jürgen Habermas, L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, 1978 [1962], p. 21. Sur cet aspect de la cour à propos d’une discussion des thèses de N. Elias, voir Elena Brambilla, « Modèle et méthode dans la “société de cour“ de Norbert Elias », dans Daniela Romagnoli (dir.), La Ville et la Cour : des bonnes et des mauvaises manières, Paris, 1995 [1991], p. 219-258.