Montaigne et l’expérience de la chute de cheval
Phillipe Albou
Albou, Philippe, Montaigne et l’expérience de la chute de cheval, Histoire des sciences médicales, 2016, 50 (2), p. 103-108
Extrait de l’article
Vers 1573 ou 1574, alors que les guerres de religion sévissaient dans les alentours de son château, Michel de Montaigne (1533-1592) fut victime d’une chute de cheval suivie d’un évanouissement pendant deux ou trois heures. Il raconte cet accident dans le 6ème chapitre du IIème livre des Essais, intitulé De l’exercitation, selon deux points de vue entrecroisés : d’une part la description de l’accident, à partir du témoignage des personnes qui étaient présentes (lui-même étant inconscient) ; et d’autre part le récit de ce qu’il a ressenti et des enseignements qu’il en a tirés, autrement dit de son exercitation, terme ancien d’origine latine que l’on peut traduire par exercice, expérience, pratique ou entraînement (d’après Pernon). Cette dernière approche est d’ailleurs la seule qui importe à Montaigne, qui déclare en 1582 : “Raconter un événement si léger est assez dérisoire, si ce n’était l’instruction que j’en ai tirée pour moi-même”. Ce choix de prendre en considération en premier lieu l’expérience plutôt que l’événement, se traduit de plusieurs manières :
- en choisissant, comme titre de cet essai, De l’exercitation et non pas De la chute de cheval ;
- en expliquant que cette expérience lui a permis de “s’apprivoiser à la mort” en lui ayant donné l’occasion de “s’en avoisiner”, ce qui est l’un des thèmes principaux de l’essai ;
- et surtout en rédigeant, en 1588, un ajout au texte de 1582, où la relation de cette expérience apparaît comme un exemple particulier de sa manière d’écrire.