La mesure du temps et de l’espace au XVIIe siècle
Jacques Blamont
Jacques Blamont, "La mesure du temps et de l’espace au XVIIe siècle", dans Dix-septième siècle, année 2001, volume 2001-4, numéro 213, p. 579-611.
Extrait de l’article
Au cours du XVe siècle une industrie nouvelle, l’horlogerie mécanique, née en Allemagne, atteint un stade décisif de son évolution. Jusqu’au XIVe siècle, la mesure du temps s’était effectuée seulement à l’aide du cadran astronomique, du sablier ou de la clepsydre. Les horloges mécaniques construites vers le milieu de ce siècle étaient mues par un poids descendant. Le foliot, tige munie de deux taquets oscillant sous l’effet d’un échappement à roue de rencontre, créait des intervalles de temps plus ou moins égaux, qui servaient de base de temps à l’horloge. Au début du XVe siècle, apparut le ressort moteur, puis le stackfreed et la fusée, et l’on commença à construire des montres. Ces instruments ne donnaient pas d’indications précises : mais elles suffisaient aux besoins d’une époque où le mode de vie n’impliquait pas le respect d’horaires serrés.
L’amélioration de leurs performances leur permit de se répandre sous plusieurs formes : horloges d’extérieur et d’intérieur, pendules de table, montres. Cette vulgarisation justifia l’apparition d’un métier nouveau, celui d’horloger ; dans les premiers temps, les horloges avaient été fabriquées par les serruriers, ou par n’importe quel artisan habile au travail du métal. Au XVIe siècle la profession d’horloger se différencie. S’ils ne possèdent pas les connaissances scientifiques dont useront les mécaniciens du XVIIe siècle pour modifier les principes mêmes de construction, les spécialistes se contentent d’améliorer les procédés, la forme des pièces ; ils cherchent à faire dire à leurs créations le plus de choses possible et l’on voit se multiplier les horloges astronomiques garnies d’automates, grâce à la collaboration de l’artisan et du mathématicien. La première horloge astronomique de Strasbourg aurait été construite vers le milieu du XIVe siècle (1332) ; la deuxième date de 1575 et elle est l’œuvre des frères Habrecht ; les mathématiciens Chrétien Herlin et Conrad Dasypodius ont fait les calculs nécessaires. Tout au long du XVe siècle, on relève la construction d’horloges publiques par des facteurs restés célèbres et dont un grand nombre sont d’origine suisse.
L’évolution des mœurs avait entraîné la création d’une tradition artisanale nouvelle, qui sembla venir à point nommé pour préparer la venue d’un autre temps, celui où les mécaniciens s’empareraient à leur tour du problème. Ainsi commence l’un des épisodes les plus féconds de la vie scientifique au XVIIe siècle : ce sera après Galilée, qui n’eut sans doute que des vues peu précises sur l’application du pendule aux horloges, le sujet principal des recherches de Huygens et des horlogers hollandais, de Hooke et des savants anglais.