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La mort de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (15 juin 1467) d’après une lettre de son apothicaire Poly Bulland et les comptes des funérailles de ce prince

Laurie Baveye

Comment citer cette publication :
Baveye, Laurie, La mort de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (15 juin 1467) d’après une lettre de son apothicaire Poly Bulland et les comptes des funérailles de ce prince, Paris, Cour de France.fr, 2011 (https://cour-de-france.fr/article2123.html). Article inédit publié dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France" le 1er novembre 2011.

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Philippe le Bon, duc de Bourgogne, décède le lundi 15 juin 1467, vers 21 heures. Deux documents se rapportant directement à cet événement sont conservés aux Archives départementales du Nord à Lille. Il s’agit, pour le premier, d’une lettre de Poly Bulland, apothicaire ducal, adressée aux mayeur et échevins de la ville de Lille le 16 juin 1467, pour les informer des circonstances du décès du prince. L’auteur présente, d’un point de vue médical, un rapport détaillé des faits ayant entouré cet événement, concernant la période allant du vendredi 12 juin après-midi au mardi 16 juin après-midi [1]. Le second document se compose des folios 219 et 220 d’un registre de la recette générale des finances : le compte de Barthélémy Trotin, receveur général de Charles le Téméraire (du 1er janvier au 31 décembre 1467). Nous y trouvons la liste des produits ayant été utilisés pour l’embaumement du corps du duc, ainsi que les noms des personnes ayant participé à cette opération [2].
Nous ne publierons pas ici de transcription de ces documents car cela a déjà été fait. Voici les références des publications retrouvées :
Lettre de Poly Bulland :

  • Commynes (P. de), Mémoires de Messire Philippe de Comines, […] où l’on trouve l’histoire des rois Louis XI et Charles VIII, N. Lenglet du Fresnoy (éd.), Paris, 1747, vol. 2, p. 607 – 608.
  • Peignot (G.), Choix de testamens (sic) anciens et modernes […], Paris, 1829, vol. 1, p. 115 – 118.
  • Le Glay (A. G. J), « Mort de Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne », dans Revue du Nord. Archives de l’ancienne Flandre, 1837, 2ème série, t. 1, p. 106 – 112.
  • Lemaire (L.), « La mort de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (15 juin 1467) », dans Revue du Nord, n° 1, 1910, p. 321 – 326.
  • Vaughan (R.), Philip the Good, The Apogee of Burgundy, London, 1970, p. 397 – 398 (traduction en anglais de la transcription de Lemaire).

Comptes des funérailles de Philippe le Bon :

  • La Fons-Méliocq (de), « Liste des aromates employés pour l’embaumement des souverains au XVème siècle », dans Bulletin de la société botanique de France, t. 4, 1857, p. 792 – 795.
  • Gaude-Ferragu (M.), D’or et de cendres. La mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Age, Villeneuve d’Ascq, 2005, p. 355 – 364.

Il est possible grâce à ces deux documents originaux de reconstituer les faits et gestes médicaux ayant concerné le duc de Bourgogne pendant cette période de quatre jours qu’il commence paisiblement en sa résidence brugeoise et termine dans son cercueil. Il s’agira d’abord de présenter le personnel médical ayant pris part à ces événements : l’auteur de la lettre Poly Bulland, les chirurgiens de l’hôtel ducal qu’il

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conviendra d’identifier et quelques praticiens brugeois : un apothicaire et deux chirurgiens ; ensuite, nous essayerons de déterminer le plus précisément possible les causes du décès de Philippe le Bon, qui ont déjà été évoquées par Lemaire dans son article paru en 1910 dans la Revue du Nord ; enfin nous proposerons une analyse explicative des différentes étapes de l’embaumement des personnages de haut rang à la fin du Moyen Age.

Le rapporteur des faits

Poly Bulland, auteur de la lettre, est un apothicaire issu d’une famille aisée de Lons-le-Saunier [3]. Il est établi à Lille où il possède un hôtel particulier dans lequel Philippe le Bon a, au moins une fois, organisé un banquet, le 25 novembre 1464 [4]. Furent présents, en cette occasion, Charles, comte de Charolais, Agnès de Bourgogne, duchesse de Bourbon, et ses filles (dont Isabelle, comtesse de Charolais), Adolphe de Clèves, seigneur de Ravenstein, chevalier de l’ordre de la Toison d’or, « et plusieurs autres grands seigneurs, chevaliers et écuyers, dames et demoiselles ». Son statut social lui permettra d’acheter son titre de bourgeois de Lille en 1468 [5].
Poly Bulland apparaît pour la première fois dans l’ordonnance de l’hôtel de Philippe le Bon établie à Mons le 31 décembre 1458. De nombreuses corrections y furent apportées, mais elle reste néanmoins la dernière ordonnance de l’hôtel connue du principat de ce duc. Il entame sa carrière d’officier de l’hôtel ducal le 22 février 1460. A cette date, il est retenu comme aide de l’épicerie à la place d’Hervé Massin qui vient de décéder. Il devient ensuite épicier et apothicaire du duc le 25 mai 1465, date de la mort de son prédécesseur Nicolas de Morrey ; il sert « à tour de six mois » c’est-à-dire un semestre sur deux, avec Jean Herbelot. Son poste vacant d’aide de l’épicerie est alors octroyé à Philibert Sanche [6]. Il n’est pas inutile de préciser que ce dernier n’est pas, comme on pourrait le croire, un apprenti, mais bien un épicier confirmé. J’en veux pour preuve le fait que Nicolas de Morrey, lorsqu’il entre en fonction dans l’hôtel du duc de Bourgogne, est d’abord épicier et apothicaire suppléant, avant de devenir aide de l’épicerie permanent puis, en fin de carrière, épicier et apothicaire servant à tour de six mois. L’hôtel ducal comporte donc en permanence un épicier-apothicaire « en chef » et un assistant nommé « aide de l’épicerie ». C’est donc en cette qualité de responsable de l’épicerie ducale que Poly Bulland se retrouve tout naturellement à Bruges auprès de son maître en ces tristes journées de juin 1467. Témoin oculaire privilégié des événements (l’apothicaire, nous le verrons, a un rôle de premier plan dans la thanatopraxie médiévale) et étant un notable de la ville de Lille, il n’est pas surprenant que les mayeur et échevins de Lille s’adressent à lui pour obtenir la confirmation et davantage de précisions sur la mort de leur prince, afin, sans doute de relayer ces informations auprès du peuple de leur bonne ville.

Les embaumeurs

D’autres membres de l’hôtel furent appelés à exercer leur art une dernière fois auprès de leur maître, il s’agit des chirurgiens. Ceux-ci sont mentionnés dans le compte des funérailles du prince [7]. La thanatopraxie médiévale, ou art de l’embaumement, est en effet un des rôles qui leur revient. Ils ont pour mission de dresser la liste des produits nécessaires à l’embaumement, et d’assurer toutes les étapes de la préparation du corps pour les funérailles. Nous détaillerons ces dernières plus avant. Ces chirurgiens ne sont pas nommés dans les documents qui nous occupent, et les états journaliers de la dépense de l’hôtel de Philippe le Bon ne nous fournissent pas plus de renseignements [8]. Cependant, nous pouvons les retrouver grâce à la dernière ordonnance de l’hôtel de ce duc, celle de décembre 1458 que nous mentionnons plus haut. Ces

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praticiens sont au nombre de trois à la fin du principat de Philippe de Bourgogne : Jean Candel, Laurent Bruninc et Guillaume du Bois [9].

Jean Candel est originaire de Paris [10]. Il fréquente la cour de Bourgogne depuis au moins 1426, où il est désigné comme clerc de maître Henry de Troyes, alors unique chirurgien de Philippe le Bon [11]. Il est probable que c’est auprès de cet homme que Jean Candel apprit l’art chirurgical. Quelques années plus tard, en 1433, le duc de Bourgogne le retient comme second chirurgien de son hôtel [12]. Son ascension continue et il se retrouve en 1438 premier chirurgien de la cour ducale, assisté par son frère, Jacques, qui meurt en 1455 [13]. Les qualités professionnelles de Jean Candel lui valurent une grande estime de la part de Philippe le Bon qui souhaitait mettre en valeur ses capacités intellectuelles. C’est ainsi qu’en 1439, cet officier ducal obtient une bourse de son maître afin d’obtenir le grade de licencié de la faculté de médecine [14]. On le retrouve en effet immatriculé à l’université de Louvain 8 ans plus tard, en 1447 [15]. On peut penser que les études de médecine n’ont pas été suivies scrupuleusement, car Jean Candel n’en a jamais retiré de grades : il reste attaché à la cour de Bourgogne jusqu’à sa mort, en 1474, mais toujours en tant que chirurgien [16]. Ce personnage fut, par ailleurs, chanoine de Saint-Omer [17].

Laurent Bruninc est le second chirurgien de l’hôtel du duc de Bourgogne depuis le 10 mai 1455 [18]. Josse Bruninc, chirurgien du comte de Charolais dans les années 1450 est probablement son frère [19]. Ses gages journaliers furent alignés sur ceux de Jean Candel en 1465 [20]. Laurent Bruninc resta attaché à la cour de Bourgogne au moins jusqu’en 1470 [21], et servait également Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège [22]. Ce chirurgien aussi était investi de responsabilités ecclésiastiques et, en 1491, il cumulait plusieurs canonicats dans les Pays-Bas habsbourgeois : celui de Sainte-Gudule de Bruxelles, de Saint-Servais de Maastricht et de Saint-Pierre de Louvain [23]. Il mourut à Bruxelles le 2 mars 1498 [24].
Guillaume du Bois est également mentionné dans l’ordonnance de l’hôtel de Philippe le Bon, en tant que chirurgien et valet de chambre du duc, à partir du 14 février 1465 [25]. Toutefois, sa présence n’est pas exigée en permanence ; il n’est appelé qu’en cas de nécessité et ne reçoit ses gages journaliers que lorsqu’il est effectivement en service [26]. De la même manière, son poste ne sera pas renouvelé s’il décède ou démissionne [27]. En l’occurrence, il a sans aucun doute été sollicité à l’occasion du décès du duc, son maître.

Dans le registre de la recette générale des finances de 1467 apparaissent deux autres personnages : Pierre Le Loup et Jean Bommick. Ils sont désignés dans ces comptes comme « chirurgiens de mondit seigneur [Philippe le Bon] » [28]. Comme ils ne sont pas mentionnés dans l’ordonnance de 1458, et qu’ils ne sont pas dits « chirurgiens et valets de chambre », ils n’appartenaient sans doute pas à l’hôtel, et ont manifestement été appelés ponctuellement au chevet du duc. Rien n’indique qu’ils étaient présents pour assurer les préparatifs funéraires. Néanmoins, les trois chirurgiens de l’hôtel ducal ne suffirent pas à assurer toutes les opérations indispensables à la préparation du défunt, car deux chirurgiens brugeois furent appelés en renfort : Guillaume du Molin et Pierre Mueller [29]. Ces deux hommes n’apparaissent dans aucune autre source consultée, de même que l’apothicaire brugeois Jaspar Mahieu, qui fournit tous les produits nécessaires à la préparation de la dépouille mortelle [30], et n’ont pas été relevés dans le Dictionnaire de Wickersheimer et Jacquart [31].

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Les physiciens ne participèrent pas activement à l’embaumement de Philippe le Bon. Cette opération est du ressort des chirurgiens. La chirurgie reste en effet, dans les mentalités médiévales, un art mécanique, une activité perçue comme barbare à causes des interventions pouvant entamer l’intégrité du corps humain, et à cause du maniement « du fer et du feu », c’est-à-dire des incisions et cautérisations qui sont des gestes douloureux et dangereux. La pratique de la chirurgie est d’ailleurs, à cause de cet usage « du fer et du feu », interdite aux clercs munis des ordres majeurs, depuis le quatrième concile de Latran de 1215 [32]. Rappelons également que depuis la décrétale Detestande feritatis promulguée par Boniface VIII en 1299, l’éviscération et le démembrement des cadavres est interdite et nécessite donc une dispense pontificale. Enfin, cet acte préliminaire à l’embaumement est tellement méprisable qu’il peut être pratiqué par un boucher, comme ce fut le cas quelques décennies plus tôt pour l’aïeul de Philippe le Bon, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi [33]. Les médecins, praticiens lettrés, issus de l’université et donc ayant des connaissances théoriques sur l’art de guérir en lien étroit avec la philosophie, l’astrologie et autres arts libéraux, laissent donc les « artisans » chirurgiens se charger de ces interventions post mortem peu engageantes. Les physiciens de l’hôtel de Philippe le Bon sont néanmoins présents lors de l’éviscération [34] qui prend alors des allures de véritable autopsie, réunissant chirurgiens et médecins dans une ultime collatio.

Les causes du décès

La collatio, c’est la délibération au chevet du malade d’un collège de praticiens, médecins et chirurgiens, en proportion variable, au sujet du diagnostic, du pronostic et du traitement de la maladie. Cette pratique a été décrite par Henri de Mondeville, chirurgien de Philippe IV le Bel, dans son éminente Chirurgie [35]. Elle est considérée comme indispensable par les praticiens de la fin du Moyen Age, car elle présente le mérite de mêler les avis médicaux et chirurgicaux, et donc d’aboutir à des conclusions plus solides.

Ici, la première étape de la préparation du corps princier, à savoir l’extraction des entrailles, est l’occasion pour ses médecins et chirurgiens d’essayer de préciser les causes de la mort. Cette phase est décrite par Poly Bulland à la fin de la lettre :

« […] date de cestes [16 juin 1467], trois heures après-midy, à laquelle heure fust anathomisé et fait séparacion du cuer appart, les boyaux, foye, poulmon et rate d’aultre part et le corps embaumest et bien ordonnez pour le mener où il plaira à mon très redoubté seigneur monseigneur son filz. Et pour vous advertir à la vérité de la disposicion de son corps : son foye estoit beau et net, la rate estoit toute pourrie et en pièces et une partie du poulmon ce que touchoit à la rathe, et le cuer estoit le plus beau que l’on vit oncques et petit et gent, et a estet trouvet mondit seigneur à l’ouvrir fort gras sur les costes deux dois de graisse, et se luy ont my le teste en deux pièces pour veoir sa cervelle pour ce que aucuns des medecins tenoient que il avoit apostume environ le cervel, ce que n’a point esté trouvet , ains a esté trouvé net et le mieux parfait que l’on aye veu piéca. »

Pour les praticiens de l’hôtel ducal, le duc de Bourgogne décède suite à un excès de mucosités provenant du cerveau s’étant répandu jusque dans la gorge, ce qui a occasionné une détresse respiratoire fatale [36]. Ils justifient par ailleurs l’origine de cet excès de mucosités par un apostème [37] du cerveau, séquelle de sa

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précédente « crise d’apoplexie », survenue le 28 juillet 1466 ; aujourd’hui nous parlerions d’accident vasculaire cérébral.

Cependant, les praticiens ne retrouvent pas à l’autopsie les lésions du cerveau qu’ils s’attendaient à trouver. Poly Bulland se contente de mentionner cette observation qui contredit le diagnostic sans la commenter. Les causes du décès du duc de Bourgogne restent inconnues pour ses contemporains. Pourtant, la lettre que nous présentons contient suffisamment d’éléments pour identifier la pathologie qui a emporté ce prince.

Selon son serviteur, Philippe le Bon :

« […] se couchat en bon point à l’advis d’un chascun, quant vint à deux heures après minuyt, luy survindrent une grant quantitez de flemmes [38] environ la gorge par lesquelles il fut si oppressé que l’on cuidoit que à celle heure il deust morir, et luy en fist l’on saillir hors beaucop par luy mettre la main en la gorge souvent, parquoy il fut fort traveillé […] »

Ce texte décrit précisément les signes de l’œdème aigu pulmonaire, syndrome qui se caractérise par une accumulation de liquide dans les poumons. Il se manifeste le plus souvent de nuit chez des patients âgés de plus de 65 ans, et débute par une toux, un essoufflement intense et une expectoration abondante. La détresse respiratoire est le symptôme majeur de l’œdème pulmonaire aigu et c’est d’ailleurs ce signe qui a marqué particulièrement l’apothicaire : son maître, nous dit-il, « fut si oppressé que l’on cuidoit que à celle heure il deust morir » et « ne pouvoit anélité [39] que par très grande violence », « laborant à l’extrêmité de la mort ». Il insiste aussi sur « la grande quantité de flemmes environ la gorge », ce « fluz de flemmes qui lui oppilèrent les conduiz », l’évacuation abondante de mucosités étant l’autre symptôme spectaculaire de cette affection.

L’œdème aigu du poumon est généralement d’origine cardiaque, ce qui pourrait correspondre au profil de notre illustre patient qui semblait pouvoir présenter une fragilité cardiovasculaire, en raison de son âge (71 ans), d’un embonpoint marqué : comme le dit notre rapporteur il était « fort gras sur les costes deux dois de graisse », et de ses probables antécédents d’accidents vasculaires cérébraux en 1465 et 1466. Pourtant, la suite des événements nous fait plus sûrement penser à une origine infectieuse. En effet, quelques heures après le début de l’œdème pulmonaire, une fièvre continue apparaît, et celle-ci semble être élevée puisque Poly Bulland la qualifie de « chaude » ( !). L’observation post-mortem des organes princiers révèle « [une] rate […] toute pourrie et en pièces et une partie du poulmon ce que touchoit à la rathe », c’est-à-dire une nécrose de la rate et du lobe inférieur gauche du poumon. Par ailleurs, le cœur du duc est décrit comme « le plus beau que l’on vit oncques et petit et gent », ce qui élimine l’origine cardiaque de l’œdème pulmonaire, puisque la littérature médicale actuelle atteste que le cœur est hypertrophié lors de l’œdème pulmonaire aigu cardiogénique. En outre cette absence de lésions cardiaques à l’autopsie traduit la rémission totale de l’œdème pulmonaire aigu au moment du décès, ce qu’évoque l’auteur de la lettre : le duc « ne pouvoit anélité que par très grande violence en laquelle painne il fut XII heures », ce qui nous mène à 14 heures le samedi 13 juin, alors que le décès survient à 21 heures le lundi 15. Ce n’est donc pas

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l’œdème pulmonaire qui a été fatal, même si c’est ce qui a alerté l’entourage de Philippe le Bon, mais bien la pneumonie.

Somme toute, nous pouvons avancer que l’œdème aigu pulmonaire du duc de Bourgogne a eu pour origine une pneumonie sévère du lobe inférieur gauche, responsable d’une possible septicémie, en raison de l’extension locorégionale de l’infection à la rate. Cette pathologie l’aurait conduit vers une mort certaine, même si elle avait été identifiée par ses médecins, les moyens médicaux de l’époque ignorant tout de l’antibiothérapie [40].

Une fois que Charles, comte de Charolais fut venu soutenir son père puis constater son décès, et que le défunt fut brièvement exposé au peuple le lendemain [41], mardi 16 juin au matin, la dépouille mortelle fut confiée aux chirurgiens de l’hôtel ducal qui procédèrent à l’embaumement dès l’après-midi [42].

La préparation du corps princier : aspects de la thanatopraxie médiévale - éviscération et embaumement

L’embaumement est un rite incontournable des funérailles des princes médiévaux occidentaux. Il est dit « interne » car il est précédé de l’extraction des organes, opération qui s’avère nécessaire si l’on veut conserver le corps princier plus longtemps. L’éviscération est devenue une coutume dans les milieux nobles, en dépit de la décrétale Detestande feritatis qui l’interdit formellement [43]. Il est néanmoins facile d’obtenir une dispense pontificale si l’on avance l’argument qu’une autopsie est indispensable pour déterminer les causes du décès. La partition des organes est motivée notamment par le fait que le souverain défunt puisse occuper plusieurs lieux de ses territoires [44], ainsi le corps de Philippe le Bon fut par la suite transféré à Dijon, ses entrailles restèrent à Bruges et son cœur déposé dans l’église des Célestins de Paris.

Le compte des funérailles de Philippe le Bon énumère les éléments qui furent utilisées pour la préparation du corps du défunt. Le détail de cette liste est donné dans le tableau ci-dessus, dans le même ordre que dans le texte original, avec les traductions en français moderne de chaque ingrédient proposées par les deux historiens ayant exploité cette partie de ce document, M. de la Fons-Méliocq en 1857, et M. Gaude-Ferragu en 2005, la dernière colonne étant la transcription et la traduction finalement retenues pour notre étude :

Transcription La Fons-Méliocq Traduction La Fons-Méliocq Transcription Gaude-Ferragu Traduction Gaude-Ferragu Transcription retenue Traduction retenue
Picie megre Poix maigre Picie nigre Nigella Picie nigre Poix noire
Resure Resine Resine Resine Résine
Colosome Colophone ou colophane Tolosome Colophane Tolosome Colophane
Thuris Encens Thuris Encens Thuris Encens
Mastich Mastic Mastich Mastic Mastich Mastic
Scorat calamite Storax calamite Storax calamita Première partie de la gomme odoriférante qui sort du styrax Storate calamite Styrax calamite

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Transcription La Fons-Méliocq Traduction La Fons-Méliocq Transcription Gaude-Ferragu Traduction Gaude-Ferragu Transcription retenue Traduction retenue
Gommy arabicy Gomme arabique Gommi arabici Gomme arabique Gommy arabicy Gomme arabique
Gommy dragaganty Gomme adragante Gommi dragaganti Gomme adragante Gommy dragaganty Gomme adragante
Aloe Aloès Aloe Aloès Aloe Aloès
Mirre Myrrhe Mirre Myrrhe = gomme résine du balsa-modendron Mirre Myrrhe
Galie muscate Galles ou noix de muscade Galia muscata Noix de Galle Galie muscate Gallia muscata : préparation officinale
Alupte muscate Oleopte muscate = huile de muscade Aluxte muscata Muscade Aluxte musscate Alipta muscata : préparation officinale
Scandeli musscatelun Scandix odorata Scandele musscatelin Scandix = plante
Muscatelline = plante donnant le musc végétal
Scandeli musscatelun Scandix odorata : cerfeuil musqué
Nucis cyprexy Fruit du cyprès Nucis cipressy Noix de cyprès Nucy cipressy Noix de cyprès
Tourmentine Tormentille Tourmentine Térébenthine Tourmentine Térébenthine
Quaneratz Canevas Quancratz Quaneratz Canevas
Poudre et sel Poudre et sel Poivre et sel Poudre et sel Poivre et sel OU Camphre ( ? cf. Mondeville) et sel
Comin Cuminum cyminum Commin Cumin Commin Cumin
Bouli armenicy Bol d’Arménie Boule armenicy Bol d’Arménie Bouli armenicy Bol d’Arménie
Terra sigillata Terre sigillée Terra sigillata Sorte d’argile Terra sigillata Terre sigillée
Aloe Aloès Aloe Aloès Aloe Aloès
Mirre Myrrhe Mirre Myrrhe Mirre Myrrhe
Accane Accane Acanthe Accane Alcanne (cf. Chauliac), nom ancien de lawsinia inermis (henné)
Galie muscate Galles ou noix de muscade Galia muscata Noix de Galle Galie muscate Gallia muscata : préparation officinale
Alepte muscaty Oleopte muscate = huile de muscade Aluxte muscaty Alipta muscata : préparation officinale
Psidre Poivre Psidie Ecorce de la pomme de Grenade Psidie Ecorce de grenade
Nucis cipressy Fruit du cyprès Nucis cipressy Noix de cyprès Nucy cippressy Noix de cyprès
Scandely musscatelun Scandix odorata Scandely musscatelun Scandix = plante, muscatelline = plante donnant le musc végétal Scandaly musscatelun Scandix odorata : cerfeuil musqué

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Transcription La Fons-Méliocq Traduction La Fons-Méliocq Transcription Gaude-Ferragu Traduction Gaude-Ferragu Transcription retenue Traduction retenue
Galbarum Galbanum Gallarun Galium ou galbanum Galbarum Galbanum
Lignum aloes Bois d’aloès Lignum aloes Arbre odoriférant Lignum aloes Bois d’aloès
Alunem Alun Alunem Alun Alunem Alun
Thuris Encens Thuris Encens Thuris Encens
Scorate calamite Storax calamite Storax calamita Première partie de la gomme odoriférante qui sort du styrax Scorate calamite Styrax calamite
Zebace Civette Zedoare Zedoare = racine employée en médecine Zebace Zédoaire
Balsme artificiel Baume artificiel Balsme artificiel Baume artificiel, peut désigner le baumier ou son suc Balsme artificiel Baume artificiel

Les deux principaux traités de chirurgie du XIVème siècle, celui d’Henri de Mondeville et celui de Guy de Chauliac, consacrent un chapitre à la préparation des cadavres [45].
Mondeville décrit trois procédés : le premier, pour les « corps des riches » de « médiocre état, soldats et barons » que l’on conserve le visage couvert et qui sont inhumés rapidement ; le deuxième, pour les « corps des riches qu’on doit nécessairement garder et préparer », visage couvert également : cette méthode est précédée de l’expulsion du contenu des intestins ; et le troisième, pour les « corps qui doivent être longtemps conservés le visage découvert » : cette méthode est analogue à la deuxième mais est complétée d’une application de baume sur le visage, même si ce geste ne donne que « peu ou point de résultat » selon l’auteur, de plus si l’on dispose « d’un privilège spécial de l’Eglise romaine », elle sera de préférence précédée de l’extraction de « tous les viscères ». Le corps est ensuite garni intérieurement d’un mélange d’épices et plantes odoriférantes « jusqu’à rétablir la forme habituelle et décente du corps ». Puis, il est enduit d’une composition à base de myrrhe, entouré de bandelettes, placé dans le cercueil et recouvert de fleurs, herbes, branches, feuilles et « autres odoriférants habituels ».
Chauliac, lui, propose seulement deux méthodes, qu’il dit inspirées de Rhazès. Ces deux méthodes sont en réalité identiques, seule l’extraction des organes fait la différence. La suite des gestes techniques est globalement la même que chez Mondeville : éviscération, remplissage du corps de différentes substances, onction, bandage, installation dans le cercueil, dissimulation sous divers composants aromatiques.

Après avoir examiné de plus près la liste du compte des funérailles et les ingrédients utilisés par ces deux chirurgiens, il apparaît nettement que c’est le savoir-faire de Chauliac qui a le plus largement inspiré les praticiens de l’hôtel ducal, même si certaines recommandations de Mondeville transparaissent. En effet, sur les 27 ingrédients de la liste, 17 se retrouvent, et souvent énumérés dans le même ordre, chez Chauliac ; contre 8 seulement chez Mondeville, d’ailleurs, seul le bol d’Arménie, préconisé par ce dernier, n’est pas mentionné par Chauliac.

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De cette liste de substances contenue dans le compte des funérailles de Philippe le Bon transparaissent les différentes étapes de l’embaumement de ce prince. En effet nous remarquons que certains ingrédients apparaissent deux fois dans la liste : l’encens (thuris), l’aloès, la myrrhe (mirre), la gallia muscata, l’alipta muscata, le cerfeuil musqué ou scandix odorata (scandely musscatelun), la noix de cyprès (nucy cipressy). Il ne faut pas y voir un manque d’organisation des praticiens, au contraire ils ont établi leur liste en s’imaginant les gestes qu’ils auraient à opérer sur le défunt. Ainsi les ingrédients qui apparaissent deux fois sont en fait utilisés au cours de l’embaumement pour deux phases distinctes : le garnissage du corps après éviscération d’une part, la préparation des bandages et l’onction du corps d’autre part.

Ici, les chirurgiens commencent leur liste par la poix noire [46], la résine et la colophane [47], trois matières similaires qui seront utilisées en abondance lors des trois premières étapes de la préparation (remplissage, onction, bandage). Ensuite, ils énumèrent les substances nécessaires à l’imprégnation des « sparadraps », bandes de toiles destinées à envelopper le cadavre : les trois premières substances étant les ingrédients de base, s’y ajoutent l’encens, le mastic [48], le styrax calamite [49], la gomme arabique [50], la gomme adragante [51], l’aloès [52], la myrrhe [53], la gallia muscata [54], l’alipta muscata [55], les noix de cyprès [56]. Ces ingrédients sont prescrits par Chauliac. Jean Candel, Laurent Bruninc et Guillaume du Bois y ajoutèrent le cerfeuil musqué et la térébenthine [57] (qui est aussi proche de la poix, la résine et la colophane).

La liste se poursuit avec le quaneratz, dont la quantité, exprimée en aunes ne s’applique évidemment pas une épice ou herbe quelconque mais bien à un tissu, le canevas, comme l’avais proposé M. de La Fons-Méliocq [58]. C’est cette toile qui fut utilisée pour envelopper le duc de Bourgogne, Mondeville l’avait conseillée pour cet usage en son temps.

Viennent ensuite les matières destinées à garnir le corps princier : la poudre [59] et le sel, le cumin, le bol d’Arménie et la terre sigillée [60], puis à nouveau la composition d’aloès, myrrhe, gallia muscata, alipta muscata, le henné [61], les écorces de grenades [62], les noix de cyprès, le cerfeuil musqué, le galbanum [63] et le bois d’aloès [64], l’alun [65], l’encens et le styrax calamite.

Le corps embaumé sera ensuite placé dans un cercueil de fer en attendant la confection de la châsse de plomb de 502 livres une dizaine de jours plus tard [66]. Mondeville et Chauliac recommandent l’usage du plomb pour la fabrication du cercueil, car « de cette manière » nous dit Mondeville, « le corps corrompu et non corrompu peut être conservé et porté à travers l’univers, car il n’en sortira aucune puanteur ni fumée jusqu’au jour du jugement » [67]. Avant de refermer le cercueil, le prince est recouvert de zédoaire, plante originaire d’Asie du Sud dont les fleurs exhalent un parfum intense, et sont visage est enduit de baume artificiel, ce qui permettrait de retarder la putréfaction jusqu’à 8 jours d’après Chauliac, même si Mondeville ne lui accorde « pas grande confiance » [68].

Conclusion

Ainsi, les deux documents exploités permettent à eux seuls de reconstituer de manière assez détaillée les événements, intéressant plus particulièrement l’histoire de la médecine, ayant entouré la mort du duc de Bourgogne Philippe le Bon. D’une part, Poly Bulland, dans son récit des circonstances du décès et de

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l’éviscération, qui est l’occasion pour les praticiens de l’hôtel de procéder à une autopsie, offre suffisamment de détails pour formuler un diagnostic vraisemblable de la maladie qui a emporté le prince : ses probables antécédents d’accidents vasculaires cérébraux sont hors de cause, c’est bien une infection bactérienne pulmonaire qui a eu raison de lui. Les observations de l’apothicaire révèlent aussi l’impuissance des médecins face à la maladie du prince : ceux-ci, recherchant un « apostume environ le cervel » et ne le trouvant pas, restent totalement ignorants des causes de la mort de leur maître. D’autre part, la liste des substances commandées à l’épicier brugeois Jaspar Mahieu révèle que c’est principalement le savoir-faire du chirurgien montpelliérain Guy de Chauliac qui a guidé les gestes des embaumeurs du prince bourguignon. On peut dès lors imaginer que cette méthode, éprouvée par plus d’un siècle de mise en pratique, faisait autorité dans le milieu médical nobiliaire. De ce point de vue, c’est plus pour son caractère traditionnel qu’elle fut mise en œuvre ce 16 juin 1467 que pour son efficacité, déjà discutée par Chauliac lui-même, et Mondeville. La thanatopraxie en Occident ne connaîtra d’ailleurs pas d’évolution notable jusqu’à l’utilisation du formaldéhyde à partir du XIXème siècle.

Notes

[1Archives Départementales du Nord, B 1087, pièce n° 16124.

[2Ibid., B 2064, f° 219 et 220.

[3LEMAIRE (L.), « La mort de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (15 juin 1467) », dans Revue du Nord, vol. 1, 1910, p. 321, note 1.

[4GACHARD (L. P.), Collection de voyages des souverains des Pays-Bas, vol. 1, 1876, p. 5 et 95.

[5LEMAIRE (L.), Ibid.

[6Die Hofordnungen der Herzöge von Burgund, W. Paravicini, H. Kruse (éd.), Thorbeke, 2005, « Ordonnance de l’hôtel du duc Philippe le Bon (1458), faite à Mons, le 31 décembre 1458 », § 522 à 524.

[7Archives Départementales du Nord, B 2064, f° 219 v° - 220 r° : « par sa quictance […] et certifficacion des cirurgiens dudit feu monseigneur », f° 220 r° : « en tout ce que lesdits cirurgiens besoingnèrent à ouvrir le corps dudit feu monseigneur ».

[8Archives Départementales du Nord, B 3431.

[9Die Hofordnungen […], op. cit. n. 6, § 612 à 614.

[10WICKERSHEIMER (E.), D. JACQUART, « Jean Candel », dans Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age, 2 vol. Genève, 1979 (rééd.), vol 1, p. 377.

[11Archives Départementales du Nord, B 1933, f° 115 v°.

[12Die Hofordnungen […], op. cit., « Ordonnance de l’hôtel du duc Philippe le Bon (1433) , faite à Bruxelles, le 27 février 1433 (n. s.) », § 330.

[13Ibid., « Ordonnance de l’hôtel du duc Philippe le Bon (1438) faite à Arras, le 12 janvier 1438 (n. s.) », § 372, 373 et « Ordonnance de l’hôtel du duc Philippe le Bon (1449), faite à Bruxelles, le 9 avril 1449 (n. s.) », § 461, 462.

[14LABORDE (L. de), Les ducs de Bourgogne. Etude sur les lettres, les arts et l’industrie au XVème siècle et plus particulièrement dans les Pays-Bas et le duché de Bourgogne. Preuves, 3 vol., Paris, 1849 – 1852, vol. 1, n° 1213.

[15Matricule de l’Université de Louvain, E. Reusens (éd.), 2 vol., Bruxelles, 1903, vol. 1, p. 161.

[16Bibliothèque Royale de Belgique, mss 8430, f° 36 r°.

[17WICKERSHEIMER (E.), D. JACQUART, op. cit. n. 10.

[18Die Hofordnungen […], op. cit. n. 13, § 462.

[19LABORDE (L. de), Les ducs de Bourgogne […], op. cit. n. 14, vol. 1, n° 1423.

[20Die Hofordnungen […], op. cit. n. 6, § 613.

[21BRUN-LAVAINNE (M.), « Analyse d’un compte de dépense de la maison du duc Charles de Bourgogne », dans Bulletin de la commission historique du Nord, VIII (1865), p. 221.

[22WICKERSHEIMER (E.), D. JACQUART, « Laurent Bruninc », dans Dictionnaire […], op. cit. n. 10, vol 2, p. 519 – 520.

[23Ibid.

[24Ibid.

[25Die Hofordnungen […], op. cit. n. 6, § 614.

[26Ibid.

[27Ibid.

[28LABORDE (L. de), op. cit. n. 14, vol. 1, n° 1918 et 1919.

[29Archives Départementales du Nord, B 2064, f° 220 r° : « A maistre Guillaume du Molin et Pierre Mueller, cirurgiens à Bruges, pour avoir aydié et assisté ausdits cirurgiens dudit feu à ouvrir, nectoyer et embasmer ledit corps, la somme de douze livres dudit pris pour ce, par leur quictance faicte ledit jour, ladicte somme de XII l. ».

[30Archives Départementales du Nord, B 2064, f° 219 r° : « A Jaspar Mahieu, apoticaire demourant en ladite ville de Bruges, la somme de soixante neuf livres sept solz dudit pris qui deue lui estoit pour pluiseurs parties d’apoticaries par lui faictes et delivrees tant pour les pannes, drap, comme à mectre ou corps et en la tombe dudit feu monseigneur le duc ainsi qui s’ensuit. ».

[31WICKERSHEIMER (E.), D. JACQUART, Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Age, 2 vol. Genève, 1979 (rééd.).

[32Sur les rapports et oppositions entre médecine et chirurgie à la fin du Moyen Age, cf. JACQUART (D.), « Médecine et chirurgie », dans La médecine médiévale dans le cadre parisien, XIVème – XVème siècles, Paris, 1998, p. 15 – 115.

[33Archives Départementales de la Côte d’Or, B 5520

[34Archives Départementales du Nord, B 1084, pièce n° 16124 : « et se luy ont my la teste en deux pièces pour veoir sa cervelle pour ce que aucuns des médecins tenoient que il avoit apostume environ le cervel […] ».

[35MONDEVILLE (H. de), Chirurgie de maître Henri de Mondeville, chirurgien de Philippe le Bel, roi de France, composée de 1306 à 1320, E. Nicaise (éd.), Paris, 1893, Traité II, Notables généraux, notable XXII, p. 190.

[36Archives Départementales du Nord, B 1084, pièce n° 16124 : « Et vous certiffie que le bon prince est mort tout vifz à l’occasion d’un fluz de flemmes qui luy descendirent du cervel en la gorge et lui oppilèrent les conduiz et ne pouvoit anélité que par très grande violence ».

[37Apostème : Au Moyen Age, ce terme a une acceptation très vaste, mais il est souvent utilisé pour désigner un œdème post-traumatique. Cf. les travaux de Raoul Perrot sur la thérapie des blessures au Moyen Age : http://raoul.perrot.pagesperso-orange.fr/

[38« Flemmes : mucosités sécrétées par les voies respiratoires » (LEMAIRE (L.), « La mort […] », op. cit. n. 3, p. 322, n. 1.)

[39« Anélité : respirer, de anhelere (dérivé français de anhélant) », Ibid.

[40Je remercie Youssef Kouidrat, interne en médecine au CHU d’Amiens, pour sa participation à l’identification des causes du décès de ce prince, et pour ses explications scientifiques.

[41Le duc de Bourgogne rend son dernier soupir le lundi 15 juin 1467, à 21 heures. L’exposition publique du défunt n’eut lieu que le lendemain matin. C’est ce qu’affirme Poly Bulland : « aujourd’ui, date de cestes, mondit seigneur, […], a esté mys sur son lit couchiet entre deux draps […] et après a l’on fait ouverture à tout le peuple que l’est venuz veoir […] »

[42ADN, B 1084, pièce n° 16124 : « […] date de cestes, trois heures après midy, à laquelle heure fust anathomisé […] ».

[43BROWN (E. A. R.), « Death and the human body in the later Middle Ages, The legislation of Boniface VIII on the division of the corpse », dans Viator, n° 12 (1981), p. 221 – 270.

[44GAUDE-FERRAGU (M.), D’or et de cendres […], p. 328.

[45MONDEVILLE (H. de), op. cit. n. 33, Traité III, Doctrine I, Chapitre VII « De la conservation et de la préparation des cadavres », p. 569 – 573.
CHAULIAC (G. de), La grande chirurgie de Guy de Chauliac, chirurgien, maître en médecine de l’université de Montpellier, composée en l’an 1363, E. Nicaise (éd.), 1890, Traité VI, Doctrine I, Chapitre VIII « Régime de garder les corps morts », p. 437 – 438.

[46Poix noire : Chauliac la nomme aussi « alkitran », c’est une sorte de résine « qui coule lorsqu’on brûle le bois du cèdre, ou de tout autre arbre de même nature » (CHAULIAC, op. cit. n. 45, p. 437, n. 1).

[47Colophane : Résidu de la distillation de la térébenthine. Cf. les travaux de Raoul Perrot, op. cit. n. 37.

[48Mastic : sécrétion du lentisque, arbre méditerranéen. Cf. op. cit. n. 47.

[49Styrax calamite : liquide opaque, d’odeur agréable (vanille et cannelle). Cf. op. cit. n. 47.

[50Gomme arabique : produit de l’Acacia Verek. Soluble dans l’eau. Cf. op. cit. n. 47.

[51Gomme adragante : produit d’Astragalus tragacantha Labill. Cf. op. cit. n. 47.

[52Aloès : suc épaissi provenant des feuilles de l’Aloe Vera (principalement). Cf. op. cit. n. 47.

[53Myrrhe : gomme-résine aromatique se récoltant par incision du Commiphora, anciennement appelé balsamodendron.

[54Gallia muscata : préparation officinale solide de forme conique (trochisque), figurant dans l’Antidotaire Nicolas, composée de mastic, gomme arabique, camphre, eau de roses, huile de jasmin, cannelle, girofle, noix de muscade, musc. Cf. DORVEAUX (P.) (éd.), N. PROPOSITO, L’antidotaire Nicolas. Deux traductions françaises de l’Antidotarium Nicolai. L’une du XIVème siècle suivie de quelques recettes de la même époque et d’un glossaire. L’autre du XVème siècle incomplète. Publiées d’après les manuscrits français 25327 et 14827 de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1896, p. 7.

[55Alipta muscata : préparation officinale liquide, figurant dans l’Antidotaire Nicolas, composée de ladanum (gomme-résine aromatique), styrax calamite, bois d’aloès, ambre, camphre et eau de roses. Cf. op. cit. n. 54.

[56Récoltées quand elles sont encore vertes, elles contiennent du cédrol (alcool) et du tanin (conservateur). Cf. op. cit. n. 47.

[57Produit provenant de la sécrétion d’arbres de la famille des conifères et des thérébinthacés, mélange d’huiles essentielles et de résines. Cf. op. cit. n. 47.

[58LA FONS-MELIOCQ (de), « Liste des aromates […] », p. 794.

[59Nous n’avons pas pu identifier ce que désigner cette « poudre ». Mondeville et Chauliac n’utilisent pas de poivre dans la préparation des cadavres. Mondeville associe au sel le camphre dans le mélange destiné à enduire le corps. La « poudre » de notre liste désigne donc peut-être cette dernière substance.

[60Ces deux appellations semblent désigner le même produit. Cf. les travaux de Raoul Perrot, op. cit. n. 37.

[61« alcanne » est un terme ancien servant à désigner Lawsonia inermis, autrement dit le henné (Cf. CHAULIAC, op. cit. n. 45, p. 671. Nous pensons que cette plante a plutôt été utilisée ici pour ses petites fleurs, très parfumées, que pour ses propriétés tinctoriales.

[62Psidie : écorces de grenades, renferment des tanins (conservateurs).

[63Galbanum : gomme-résine produite par Ferula galbaniflua boiss. Perrot fait remarquer qu’il sert aujourd’hui de fixateur en parfumerie. Cf. op. cit. n. 47.

[64Bois d’aloès : très odoriférant, comparable à l’encens.

[65Alun : astringent et caustique. Cf. op. cit. n. 47.

[66Archives Départementales du Nord, B 2064, f° 220 r° et v°.

[67MONDEVILLE, op. cit. n. 45, p. 571.

[68Cf. MONDEVILLE, op. cit. n. 45, p. 572, CHAULIAC, ibid., p. 438.