Les milieux médicaux à Paris vus par un médecin italien de Catherine de Médicis
Jacqueline Vons
Comment citer cette publication :
Jacqueline Vons, Les milieux médicaux à Paris vus par un médecin italien de Catherine de Médicis, Paris, Cour de France.fr, 1er octobre 2010 (https://cour-de-france.fr/article1632.html). Article inédit publié dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France".
Parmi les médecins rattachés à la maison de Catherine de Médicis, figure de manière épisodique un certain Filippo Cavriani ou Cavriana. La toute récente publication par l’Istituto della enciclopedia italiana d’un manuscrit attribué à ce médecin et conservé à la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence a été l’occasion pour les chercheurs, historiens, médecins et philologues participant à l’entreprise éditoriale de faire le point sur l’auteur et de le situer dans le contexte politique du dernier quart du XVIe siècle, en France et à l’étranger [1]. Je ne reviendrai donc pas ici sur les détails de la vie de ce médecin, né à Mantoue en 1536, fils d’Antonio Cavriani, lui-même médecin attaché à la maison des Gonzague. Filippo obtint ses grades en 1562, et arriva en France en 1565, dans la suite de commensaux et clients italiens de Louis de Gonzague, duc de Nevers, dont il devint un des médecins personnels ; il s’installa d’abord dans le Nivernais, puis à Paris, où sa présence est attestée à la fin de l’année 1568. Son nom figure sur les listes de médecins attachés à la maison de Catherine de Médicis, au service de Christine de Lorraine après la mort de Claude de France [2]. Il fut absent de la cour en 1577 et en 1579, probablement à cause de missions diplomatiques, sorti et remis la même année 1580 [3]. Après la mort de Catherine de Médicis le 5 janvier 1589, Filippo Cavriani quitta définitivement la France et accompagna Christine de Lorraine à Florence où elle épousa le 2 mai 1589 Ferdinand Ier de Médicis, grand duc de Toscane. Cavriani s’établit à Pise où il mourut ; il fut enterré le 19 octobre 1606 [4].
On a de lui plusieurs lettres privées et diplomatiques [5], deux monographies sur des événements politiques français contemporains, le De bello gallico portant sur la guerre civile en 1567 et 1568 [6] et le De obsidione Rupellæ décrivant le siège de la Rochelle en 1573 [7]), une biographie de Côme de Médicis, Cosmi Medicis magni Hetruriæ ducis vita, publiée à Venise en 1580, une traduction commentée en italien des cinq premiers livres de Tacite composée à Pise et dédiée à Ferdinand Médicis, grand duc de Toscane [8], et deux livres de médecine en projet, un traité sur Hippocrate conçu à Pise, à la fin de sa vie, et le manuscrit Anatomia Depicta, dont nous avons déjà signalé l’existence dans les autopsies de Charles IX et de Marie-Élisabeth publiées sur Cour-de France.
L’ Anatomia Depicta est un grand in-folio, de 146 feuillets comprenant les pages de garde, le texte et 71 planches anatomiques [9], où sont notées des observations, des réflexions, des anecdotes, datées ou non, sans ordre chronologique précis, qui s’échelonnent de mai 1574 à février 1584, et sont concentrées dans un laps de temps à la fois court et chargé en activités entre 1582 et 1584. Ainsi, dans les trois derniers mois de l’année 1582, sont mentionnés la pendaison et l’autopsie d’un jeune homme de Blois par le chirurgien Dioneau, des consultations pour diverses douleurs dont souffrent le chancelier-cardinal Birague [10], le chevalier Christofle des Ursins [11]) le roi Henri III, des soins apportés à des blessés lors de rixes ou de duels ; en 1583 sont signalés des soins au cardinal Birague, à sa fille Françoise Birague, à un serviteur des Entragues, à plusieurs gentilshommes appartenant à l’ordre des Chevaliers du Saint-Esprit fondé par Henri III en 1579 ; en 1584, l’auteur du manuscrit assiste à plusieurs autopsies pratiquées par des chirurgiens célèbres ou par des barbiers anonymes. Les notes ont dû être prises au fur et à mesure des événements, ou peu de temps après 1584, comme le prouve l’emploi fréquent des temps du passé dans le récit des consultations et discussions, que l’auteur rapporte tantôt comme des événements auxquels il a participé ou assisté, tantôt comme de simples relations de choses dites ou entendues dans le milieu de la cour ou de la ville.
Les relations avec les médecins du roi
Pendant quinze ans, Filippo Cavriani a donc vécu à Paris, il a fréquenté des médecins, des chirurgiens, des « empiriques » qui gravitaient autour des membres de la famille royale et de ses courtisans ; à partir des noms donnés dans le manuscrit, il est tentant de reconstituer la complexité de cet univers médical, de comprendre les enjeux de pouvoir et d’influences à travers les réseaux mis en place ou les oppositions déclarées ou non. Cavriani se met en scène volontiers pour juger, souvent de manière négative, les opinions et les pratiques de ses confrères français ; on le voit s’intéresser aux grands débats anatomiques et thérapeutiques qui divisaient alors l’opinion médicale : les os du bassin s’écartent-ils pendant l’accouchement ? Existe-t-il un vaisseau transportant l’humeur mélancolique de la rate à l’estomac ? La veine azygos est-elle vraiment unique ? Quels sont les effets d’une saignée maladroite ? etc… Le manuscrit abonde en noms propres, mais souvent mal orthographiés, italianisés, voire déformés phonétiquement ; certains sont inconnus des bibliographies existantes, d’autres peuvent être identifiés par recoupements avec des ouvrages de mémorialistes ou avec d’autres écrits médicaux contemporains, en particulier avec les traités de chirurgie d’Ambroise Paré pour ce qui nous concerne [12]. À cet égard, le manuscrit offre des surprises. En effet, il ne mentionne nullement les noms que tout historien de la médecine du XVIe siècle en France s’attend à trouver dans le contexte de la cour de France à cette époque. On note par exemple la quasi absence de Jean Chapelain, premier médecin de Henri II à la mort de Fernel, puis premier médecin de Charles IX à partir de 1559. Chapelain avait suivi son roi au siège de Saint Jean d’Angely où il avait contracté une fièvre « pestilentielle », dite fièvre pourprée et était mort en 1569 [13]. Cavriani a pu ne pas le connaître personnellement. On ne relève pas non plus les noms des Akakia ni des Piètre, véritables dynasties médicales qui se sont succédé sous les derniers Valois et qui étaient contemporaines du séjour parisien de notre auteur. En effet, Martin Akakia (1539-1588) fut nommé médecin d’Henri III en 1578, Simon Piètre I, dit l’aîné (1525- 1584), fut l’un des médecins appelés au chevet de Charles IX mourant et signa l’autopsie du roi. Cet ancien doyen et docteur-régent de la faculté de médecine de Paris, proche de la Réforme et ami de Pierre de la Ramée (1515-1572), avait échappé au massacre de la Saint-Barthélémy en se réfugiant à l’abbaye de Saint- Victor ; son nom figure dans les comptes de la maison médicale du Roi Henri III en 1580. On peut s’étonner davantage encore de l’absence du nom de Marc Miron ( ?-1608), dont la carrière médicale officielle et le rôle diplomatique de conseiller offrent cependant des similitudes frappantes avec ceux de Cavriani. De retour de Pologne, Henri III avait gardé son ancien médecin Marc Miron à son service, il l’envoya même en consultation auprès de sa sœur Claude de France, duchesse de Lorraine, morte en 1575. Miron servait la politique de Henri III, Cavriani, celle de la reine mère, le premier fut chargé de missions diplomatiques auprès des Guise, le second fut probablement un intermédiaire entre Catherine et le duc de Mantoue, mais alors que Miron fut l’objet d’innombrables pamphlets et libelles, l’autre demeura dans l’ombre. Il semble presque impossible que dans ce petit monde fermé, il n’y eût pas d’occasions de rencontre entre les deux hommes, sur le plan professionnel, ou lors de festivités (par exemple la mascarade du 5 mars 1581), ou dans des quartiers et maisons que tous deux fréquentaient : le roi avait donné à Marc Miron une maison rue Couture sainte-Catherine, dans un des quartiers prisés de Paris, non loin de la maison habitée par Leonardo Botallo, un médecin italien que Cavriani connaissait bien.
Tout aussi peu présents sont Laurent Joubert (médecin d’Henri III en 1580), ou encore Jean Héroard (médecin par quartier auprès d’Henri III jusqu’à la mort de ce dernier dont il signa le rapport d’autopsie en août 1589) ; la liste des médecins cités comme interlocuteurs de l’auteur se restreint finalement à une dizaine de noms. Ainsi, Jean Mazile, médecin des enfants d’Henri II, qui avait servi Catherine de Médicis et Charles IX, et assisté ce dernier dans sa maladie jusqu’à sa mort au Château de Vincennes le 30 mai 1574, n’est mentionné qu’une seule fois, lors d’une controverse avec le chirurgien Le Fort de Senlis (42v). D’autres noms sont abrégés ou parfois codés dans le manuscrit, par exemple celui de Leonardo Botallo (1519-1588) [14]. Ce médecin et chirurgien, né à Asti, dans le Piémont, bien connu pour son expérience de médecin militaire et pour ses inventions techniques (un trépan porte son nom), était arrivé en France à peu près en même temps que Cavriani et soignait Catherine de Médicis, ses enfants et des nobles de son entourage. Contre l’opinion galénique encore en vigueur officiellement à Paris, Botallo défendait les théories de Realdo Colombo concernant la circulation sanguine de la partie droite du cœur à la gauche (on lui attribue la découverte du trou nommé « trou de Botal » et du canal artériel) ; dans l’Anatomia Depicta, on le voit soigner des officiers de la maison de Nevers et se montrer un partisan convaincu de la saignée comme moyen thérapeutique pour « évacuer » le mal : en novembre 1583, il fait pratiquer par un chirurgien, un certain Pierre Boytreau, trois saignées sur la personne du cardinal Birague, moribond (99v).
Parmi les relations professionnelles de Cavriani avec les médecins de cour, on relève le nom d’un certain Rossettus (4v, 18v), avec lequel l’auteur entretient une controverse sur la veine azygos. Toutefois, son identification reste incertaine en l’absence de contexte médical précis. Il pourrait s’agir de François Rousset (1535-1590 ?), diplômé de l’université de Montpellier, médecin et chirurgien installé à Paris, attaché à la maison du prince de Savoie, médecin du Comte de Nevers, de Catherine de Médicis, d’Henri III , qui publia en 1581, le Traité Nouveau de l’Hysterotomotokie ou enfantement césarien, en décrivant la méthode la plus fiable à ses yeux pour extraire le fœtus de l’utérus. L’ouvrage fut au centre d’une polémique avec Ambroise Paré, qui le cite fréquemment dans des anecdotes concernant des accidents du post partum [15].
D’autres cas rapportés par Cavriani témoignent de discussions et de dissensions existant au sein du monde médical. Ainsi, s’il mentionne le nom de Pierre Le Fèvre, c’est pour sanctionner l’erreur de diagnostic commise par ce médecin lors d’une grossesse de Madame de Marigny, gouvernante de la princesse Christine de Lorraine (82v). Or, Pierre le Fèvre n’était pas un inconnu à la cour. Il était un des médecins ordinaires de Charles IX, d’Henri III et de Catherine de Médicis, après avoir été médecin et chirurgien du prince de la Roche-sur-Yon ; en octobre 1562, près de Rouen, il avait assisté Ambroise Paré dans les soins donnés au roi de Navarre atteint d’un coup de feu à l’épaule gauche (le roi mourut le 17 novembre 1562, laissant un fils Henri, futur Henri IV). Devenu docteur-régent, il avait accompagné la cour à Moulins avec Ambroise Paré et Le Roi. Le 31 mai 1574, à quatre heures du soir, il apposait sa signature sur le rapport d’autopsie de Charles IX, parmi celles des autres médecins du Roi. Ambroise Paré le cite, parmi d’autres médecins réputés de la cour et docteurs-régents de la Faculté de Paris en 1575, comme témoin oculaire de plusieurs accidents liés à la présence de moles dans l’utérus [16]. D’autres noms encore sont communs au texte de Cavriani et aux livres de Paré. Il s’agit par exemple d’Olivier de Violaines de Troyes reçu le 10 décembre 1548 docteur en médecine en la Faculté de Paris, membre de l’Académie du Palais sous Henri III ; Cavriani le cite pour contester son interprétation au sujet de l’origine d’une fièvre (95v), Paré comme témoin oculaire d’une intervention chirurgicale [17]. On peut encore citer Charles Millot, docteur régent et lecteur à l’École de Médecine, conseiller et médecin ordinaire du Roi, et Alexis Gaudin. Médecin à Blois, ami de l’humaniste Denys Lambin, Alexis Gaudin figure sur les listes des médecins du Roi Charles IX dès 1570; il cosigna le rapport d’autopsie de ce dernier, et continua sa carrière de médecin aulique sous Henri III et Henri IV. Cet homme discret servit de témoin à une des premières opérations chirurgicales réussies d’une hernie étranglée au niveau de l’omentum ; un chirurgien de Blois, Charles Maupas, avait opéré ainsi vers le milieu de mai 1559 un certain Monceaulx, en utilisant une technique déjà décrite par le chirurgien Pierre Franco. Le récit de l’opération est rapporté par François Rousset dans son Hysterotomotokie [18]. Ambroise Paré s’essaya également à l’opération [19].
Mais l’Anatomia Depicta témoigne aussi de l’existence et de la vitalité d’un monde médical « empirique » parallèle à la médecine officielle. Ainsi de nombreuses discussions sont rapportées avec un certain Grandis (4v, 38v, 52v, 54v, 129v, 139r, 140r). Qui est ce médecin, qualifié d’autorité médicale (medicus peritissimus, 129v), consulté pour toute une série de maladies et de maux touchant les yeux, la rate, les intestins, les reins ? Il assiste à l’autopsie de Juan de Vargas Mexia, ambassadeur de Philippe II d’Espagne à Paris, mais pas à celle de Charles IX, où presque tous les médecins de cour, les plus célèbres médecins et chirurgiens de ville ont été conviés « sauf Grandis » (præter Grandis), écrit Cavriani (140r). Grandis ne peut donc être le nom latinisé de Nicolas Legrand (ca. 1520-1583), médecin d’Henri II et de Charles IX, signataire du rapport d’autopsie de ce dernier. Il s’agirait plutôt d’un certain Benoît Grandis, signalé comme « médecin sans gages » sur les listes d’officiers de la maison d’Henri III, et dont le nom apparaît à trois reprises dans les Commentaires de la Faculté de Médecine : en 1551, quatorze candidats ayant accompli leur temps d’étude se présentent au baccalauréat ; un seul, Benoît Grandis, un Lyonnais venu faire ses études à Paris, se voit refuser l’admission à l’examen car il n’a satisfait qu’en anatomie et en connaissance des simples. La Faculté l’exhorte à se représenter l’année suivante ; en 1552, il est bachelier, et s’installe à Paris, alors qu’il n’a pas la licence apparemment [20]. Une condamnation émanant de la Faculté de Médecine de Paris en date du 4 novembre 1581 nous éclaire sur son statut : Grandis y est qualifié de vetus empiricus («un empirique âgé») et à ce titre ne peut consulter avec les médecins de Paris [21].
Les lieux de consultations et d’observations médicales
Mais qu’on soit médecin de cour, de ville, chirurgien ou barbier, il faut circuler dans Paris, se loger, consulter au domicile des grands, être à proximité des princes… Cavriani ne fait pas exception et nomme volontiers les lieux qu’il fréquente, se déplaçant du château de Madrid (bois de Boulogne) à celui de Vincennes ou de Saint-Maur, pénétrant dans les couvents et les abbayes (prieuré de Birague, hôtel de Frégose), accompagnant l’armée française à La Rochelle, suivant Catherine de Médicis dans ses déplacements en France, à Blois notamment… On peut donc ainsi reconstituer une cartographie des lieux qui devait lui être familière. La majeure partie des anecdotes peut être localisée à Paris, à l’intérieur d’une aire comprenant l’actuel quartier du Marais (rue Saint Antoine où s’élève l’hôtel des Montmorency, rue Couture Sainte Catherine où habitent les médecins Miron et Botallo ainsi que le chancelier Birague, avant qu’il n’acquît le prieuré), le Louvre, la place de Grève et le Châtelet où exercent les officiers du Grand Prévôt, et, sur l’autre rive, la rive gauche, l’hôtel somptueux du Duc de Nevers, entre la porte de Nesle et le couvent des Grands-Augustins (sur l’emplacement des anciens hôtels de Nesle achetés au cardinal de Bourbon en 1572) ; enfin, vers l’ouest, au-delà de l’église Saint-André-des-Arts, et de l’église Saint-Germain, s’étend le faubourg Saint-Germain, in suburbio [22]).
Cette géographie devient significative si on la met en rapport avec les lieux où Cavriani lui-même a habité. Ainsi, il cite (4v, 38v, 140r) un de ses voisins, un certain Antoine Hernault, chirurgien-barbier de son état, qui pratiqua le 5 février 1584 l’autopsie d’un soldat milanais, dans la demeure de Richelieu, Grand Prevôt de France, habitant rue des Petits-Champs [23]. Or, deux documents fournissent des indications sur l’adresse ou les adresses successives de Cavriani à peu près à la même époque [24] : il s’agit de deux actes de donations faites à l’un de ses serviteurs, Boucault, natif de Lagny sur Marne. La première donation date de janvier 1581, Cavriani habite alors rue des Fossés Saint Germain, « près les quatre fils Henri », dans le prolongement de la rue des Fossés-de-Nesle (actuellement rue Mazarine), près de l’hôtel de Nevers que Louis de Gonzague faisait construire sur des terrains qui avaient autrefois appartenu à Henri II. Il est possible que Cavriani se soit d’abord logé près de son ancien protecteur. Le 31 décembre 1587, date de la seconde donation, il habite rue du Cloître Saint-Honoré. Le quartier est à proximité du Louvre, peu éloigné de la rue des Petits-Champs où habite Richelieu, le Grand Prévôt, et de la rue aux Ours où Cavriani rencontrera plusieurs fois le chirurgien le Fort (39r, 54v). Cavriani mentionne dans ce quartier du Marais plusieurs courtisans et nobles qu’il a fréquentés, qu’il a peut-être soignés, ou dont il a entendu parler ; tous gravitent autour du Louvre, résidence de la cour depuis 1559, après qu’elle eut quitté les Tournelles : Nicolas de Grimonville-Larchant s’installa rue de l’Autriche ou Autruche dès 1573, année de son mariage avec Diane de Vivonne, le capitaine des gardes Charles de Balzac de Clermont d’Entragues et sa femme Hélène y achèteront plus tard, en 1587, l’hôtel d’Aumale, les frères Gondi, Charles de Gondi de la Tour (maître de la garde robe de Charles IX) et le Comte de Retz, font construire leurs hôtels rue Plâtrière et rue des Poulies.
Ainsi, un espace de circulation s’ouvre des deux côtés de la Seine : sur la rive droite, Cavriani pouvait rencontrer des aristocrates, des financiers (Arnolfini, Dadiacetto, Sébastien Zamet….) et des artistes (mais ces deux dernières catégories ne sont pas évoqués dans le manuscrit) ; en descendant vers la Seine, il longeait le grand Châtelet, qui servait de prison, traversait la place de Grève, où avaient lieu les exécutions. Sur les ponts de la Seine, encombrés de maisons, il côtoyait des marchands, des artisans, parmi lesquels un certain Ivon, chirurgien-barbier, qui pratiquait sur le Pont Notre-Dame. Sur l’île, il y avait l’Hôtel-Dieu avec les pauvres malades, les autopsies, l’affluence de barbiers et de chirurgiens que nous retrouvons dans les écrits d’Ambroise Paré. Et puis encore, sur l’autre rive, les Écoles de Médecine et le Collège de Chirurgie. Un itinéraire précieux pour un homme curieux des corps et de l’anatomie, propre aux rencontres, aux discussions et aux observations. Si l’auteur du manuscrit est un érudit, qui connaît les termes grecs des pathologies, qui les transcrit le plus souvent en alphabet romain ou en donne des synonymes latins, il ne néglige pas pour autant un savoir pratique acquis auprès des chirurgiens-barbiers. Il privilégie leur opinion à celles de médecins et de chirurgiens réputés, il affirme qu’il a lui-même enlevé une partie indurée du foie d’une jeune femme et qu’elle s’en est bien remise, à l’encontre de l’opinion de médecins expérimentés (32v), et qu’il met la main à des dissections (68v), ceci en-dehors de tout contexte d’enseignement universitaire, mais à l’occasion d’examens médico-légaux post mortem ou d’embaumements.
Plusieurs rapports d’autopsies réalisées entre 1574 et 1584 sont recopiés dans l’Anatomia Depicta(139r-141), ils obéissent au protocole habituel de cette littérature technique, en énumérant les « choses trouvées » dans les viscères inférieurs, dans la cage thoracique, dans le crâne, avant de conclure à la cause réelle (ou hypothétique) de la mort. Cavriani y ajoute parfois un commentaire moral (sur Birague) ou un conseil adressé à l’apprenti chirurgien, suivant en cela le modèle qu’Ambroise Paré fixe à la même époque dans les nombreux rapports qu’il établit, signe et commente pour instruire les jeunes chirurgiens. C’est dans ce contexte médico-légal que le manuscrit est le plus riche en informations sur des médecins, chirurgiens et barbiers, qui ne sont généralement pas répertoriés dans les dictionnaires biographiques mais dont on retrouve les noms comme témoins, interlocuteurs ou signataires dans les constats et rapports d’Ambroise Paré.
Savoir et expérience des chirurgiens parisiens
Parmi les chirurgiens cités dans l’Anatomia Depicta, on relève le nom d’Amboise. Il pourrait s’agir de Jean d’Amboise ( ?- 1587?), chirurgien de Charles IX et d’Henri III, chirurgien juré au Châtelet en 1560. Françoise Lehoux mentionne ses titres de «chirurgien et valet de chambre du roi, juré pour sa Majesté en son Chastelet» [25]. Mais le contexte semble plutôt désigner l’un de ses trois fils, Jacques d’Amboise (1559-1606), chirurgien juré au Châtelet comme son père, puis chirurgien d’Henri III. Jacques d’Amboise prit ensuite ses grades à la Faculté de Médecine de Paris (baccalauréat en 1590 et 1591, licence en 1594, doctorat en 1595) et devint médecin d’Henri IV qui le nomma professeur de chirurgie au Collège Royal en 1596. Cavriani le cite dans un contexte d’examens post-mortem particuliers, exécutés moins pour rechercher la cause de la mort que pour apporter une réponse anatomique objective à une question sur laquelle l’opinion médicale était divisée : les os du bassin et/ou du pubis s’écartent-ils ou non pendant l’accouchement ? Séverin Pineau de Chartres (ca. 1550-1619), doyen des chirurgiens [26], attribue à Jacques d’Amboise l’exécution d’une telle autopsie lors d’une séance publique au Collège Royal de Chirurgie le 1er février 1579, sur une femme pendue pour avoir tué son enfant nouveau-né ; l’examen eut lieu devant Jean d’Amboise, Ambroise Paré et une trentaine de chirurgiens, d’anatomistes confirmés et d’étudiants [27]). Cette dissection est également rapportée par Ambroise Paré [28]. Les témoins cités par Paré sont Claude Rebours, docteur régent de la Faculté de Médecine, et sept chirurgiens jurés de Paris : Jean d’Amboise, Cointeret, Du Bois, Dioneau, Pineau, L’Arbalestier, Viart [29].
On peut encore citer le nom de Jacques Dioneau ( ?-1588), originaire du Mans, chirurgien et conseiller des rois Charles IX et Henri III, signataire de l’autopsie de Charles IX; c’est dans sa maison que Cavriani participa à la dissection d’un jeune Blésois pendu en octobre 1582 (68v), avec l’aide d’un autre chirurgien, Charles Bachellier [30]. Cavriani reconnaît avoir beaucoup appris auprès de ce Charles Bachellier, dont le nom malmené revient à plusieurs reprises dans le manuscrit (Carolus Bacillarius, mais aussi Bachillius, Bacilerius, Bachiller), chirurgien-barbier, auteur d’opérations chirurgicales (28v) et anatomiste (95v). Il signe également plusieurs rapports d’autopsies pratiquées par Ambroise Paré et le « rapport d’ouverture » du corps d’Henri IV, signé par Jacques Guillemeau. L’homme reste cependant un mystère, en dépit de la présence de son nom en 1589 sur les listes de chirurgiens par quartiers (octobre, novembre et décembre) de la maison du feu Roi ; ses gages sont alors de cent écus.
Mais le chirurgien le plus fréquemment cité dans l’Anatomia Depicta est incontestablement celui de Rodolphe le Fort ( ?- 1606), chirurgien de grand renom, prévôt du Collège Royal de Chirurgie. Cavriani paraît accorder confiance à son expérience ; ainsi, s’il admet qu’il est impossible de voir la veine transportant la bile noire vers l’estomac sur la planche anatomique qu’il a fait dessiner en vue de son livre, il ne remet pas en question l’existence de cette veine qu’il affirme lui avoir été montrée par le Fort en février 1584 (39r), au cours d’un de ces « exercices en anatomie » où le Fort commentait et expliquait l’anatomie du corps humain à des chirurgiens (18v). On assiste ainsi aux premières explorations avec des seringues en quête de lithiase dans la vessie (64v), à des observations cliniques d’ulcères variqueux aux testicules (68v), autant de manifestations de l’activité et de l’efficacité des chirurgiens à cette époque, au moment des conflits entre le Collège de Chirurgie et la Faculté de Médecine de Paris.
Entre la cour, les hôpitaux et les lieux où se pratiquaient les autopsies, l’itinéraire du médecin italien devait donc nécessairement croiser celui d’Ambroise Paré, dont il est cependant peu question dans le manuscrit, sinon pour critiquer certaines de ses manoeuvres. Pourtant, les barbiers et les chirurgiens, personnages de deuxième plan de l’Anatomia Depicta, se sont révélés être des familiers de Paré. Différences de statut social ? Incompréhension linguistique ? Méfiance politique ? On ne peut avancer que des suppositions.
Un courant hippocratique à Paris ?
Les discussions de Cavriani avec ses confrères à la cour portent sur des cas concrets, et les seules autorités anciennes citées dans le manuscrit sont les traités hippocratiques Épidémies V et Plaies de la tête, dont le médecin italien retient grosso modo la structure générale : consultations et narrations, diagnostics, quelques pronostics. On peut se demander s’il avait des relations avec les médecins qui enseignaient à la Faculté de Médecine de Paris, où les théories de Galien étaient encore prépondérantes. Le manuscrit donne à cet égard des renseignements qui pourraient nuancer l’approche globale que nous avons de la situation et qui montreraient, si besoin est, le rôle croissant des professeurs de médecine nommés par le Roi au sein du Collège Royal. Tel est le cas de Louis Duret (1527-1586) par exemple (89v). Connaissant le grec et l’arabe, disciple de Jacques Houllier d’Étampes dont il suivit les leçons, docteur de la Faculté de Médecine de Paris en 1553, ce médecin de Charles IX et d’Henri III fut nommé professeur au Collège Royal en 1568 et y enseigna jusqu’à sa mort. Il consacra son œuvre à la diffusion et à la correction de traités hippocratiques. Son fils Jean, médecin également, réunit les études de son père, entre autre ses commentaires sur les Prænotiones Hippocratis interprete et enarratore Lud. Dureto, qu’il édita à titre posthume chez Baptiste Dupuys à Paris en 1588, et qui furent plusieurs fois réédités. Louis Duret avait classé les observations d’Hippocrate en trois livres : les pronostics tirés des fièvres en général, ceux tirés des maladies particulières à chaque partie du corps, enfin ceux tirés des accidents ou symptômes communs à toutes les maladies. Ce travail avait sans doute été rendu possible par les additions de Louis Duret au traité de son maître J. Houllier sur les maladies internes, De morbis internis, plusieurs fois réédité et bien connu dans les milieux médicaux parisiens [31]. L’intervention de Duret dans l’Anatomia Depicta est accompagnée d’un commentaire élogieux sur la prudence dont ce médecin fait état dans ses diagnostics. Ou encore Maurice de la Corde, reçu docteur de la Faculté de Médecine de Paris en 1559, exclu pour ses opinions calvinistes, en procès avec l’université jusqu’au rétablissement de ses droits en 1576. Comme Louis Duret, il était l’auteur de traductions et de commentaires de livres hippocratiques ; il avait publié un Hippocratis libellus en 1574 et un livre sur les maladies des femmes, Hippocratis Coi libri de morbis mulierum interpretatio et explicatio, en 1585. On sait que, de retour à Pise, Filippo Cavriani travaillait également à un commentaire sur un traité hippocratique.
Le manuscrit de l’Anatomia depicta reste un témoignage isolé, à l’état de notes, qui ne suffit pas à prouver l’émergence d’un courant hippocratique fort dans le dernier quart du XVIe siècle à Paris, capable de remettre en cause l’enseignement doctrinal de la Faculté de Médecine de Paris. Mais il montre que plusieurs formes de médecine, savantes et empiriques, coexistaient plus ou moins ouvertement, que des discussions et des échanges pouvaient avoir lieu entre catégories professionnelles différentes (Ambroise Paré en fait également état). Les notes de Cavriani annoncent enfin un genre nouveau de littérature médicale, promise à un grand avenir : il s’agit de collections d’observations, de recueils de Centuries qui deviendront au fil du temps des cas d’école exemplaires [32].
Notes
[1] Anatomia depicta, manoscritto nuove accessioni 329, Trascrizione, traduzione e commenti, Roma, Istituto della enciclopedia italiana, 2010.
[2] Christine de Lorraine, née à Nancy le 16 août 1565, est la fille aînée de Charles III, duc de Lorraine et de Claude de France. À la mort de sa mère, le 21 février 1575, elle fut élevée par sa grand-mère Catherine de Médicis et fut logée dans l’hôtel de Soissons, dit hôtel de la Reine. Voir Chantal Turbide, « Catherine de Médicis, mécène d’art contemporain : l’hôtel de la reine et ses collections », dans Kathleen Wilson-Chevalier (éd.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007.
[3] Voir Caroline zum Kolk, La Maison des reines de France au 16e siècle. Nobles, officiers et domestiques (1494-1590), base de données élargie par la suite aux maisons des rois, Paris, Cour de France.fr, 2007 (https://cour-de-france.fr/rubrique438.html) ainsi que Rôles et gages des officiers domestiques de rois, reines, princes et princesses du sang de France, Recueil de pièces concernant l’histoire de France, Manuscrit 848, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, f° 167-177.
[4] G. Benzoni, « Filippo Cavriani », DBI, XXIII, Roma, 1979, p. 152 ; Chiara Rabbi Bernard, « Un manoscritto e il suo autore », Anat. Depicta, o.c., p. 33 et bibliographie p. 38.
[5] BnF, Département des manuscrits, fond français, division occidentale, ms 3374 ; certaines lettres furent publiées par G. Canestrini et A. Desjardins dans Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, Paris : Imprimerie Impériale, 1872.
[6] F. Cavriani, De bello gallico, manuscrit conservé à la Biblioteca Marciana de Venise.
[7] F. Cavriana [sic], De obsidione Rupellæ Commentarius, La Rochelle : A. Siret, 1856.
[8] Discorsi del Sig. Filippo Cavriana, gentil. Mantouano e cavaliere di Santo Stefano sopra i primi cinque libri di Cornelio Tacito., Florence : Filippo Giunti, 1600
[9] Anatomia Depicta, description codicologique par Piero Scapecchi, p. 119-127 ; commentaire anatomique des planches par Stéphane Velut, p. 73-86 ; transcription et traduction par Chiara Rabbi Bernard, révisions de la langue par Francesco Ursini et de la nomenclature médicale par Jacqueline Vons, p. 141-260.
[10] René de Birague (1507-1583), né à Milan, mena une carrière diplomatique et judiciaire à Turin puis à Paris, et accomplit plusieurs missions lors du Concile de Trente en 1563. Sa femme mourut en 1572, lui laissant une fille Françoise. Il devint Chancelier de France à la mort de Michel de l’Hospital en 1573, et fut nommé cardinal en 1578. Il fut un partisan des Guise. Très riche, il possédait dans le Marais, rue Couture Sainte-Catherine, un superbe hôtel qu’il vendit à Marguerite de Valois en juin 1582, pour faire construire l’hôtel abbatial Sainte-Catherine du Val des Escoliers. Il mourut le 24 novembre 1583 et fut enterré le 6 décembre. Son tombeau fut exécuté par Germain Pilon.
[11] Christofle des Ursins fut soigné par Ambroise Paré en 1580 après une chute de cheval. En 1582, Paré lui dédia le Discours de la mumie, de la licorne, des venins et de la peste.
[12] Quatre étudiants du Master 2 Renaissance du Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours (Université François-Rabelais de Tours et UMR 6576 du CNRS) ont travaillé à l’identification de plusieurs personnages historiques appartenant à la noblesse et au clergé dans le cadre de la préparation de la publication du manuscrit : il s’agit de Grégory Bouchet, Louise Daubigny, Rémi Jimenes, Émilie Osty.
[13] Pour la plupart des médecins cités dans cet article, voir la notice à leur nom dans la base de données « Dictionnaire du monde médical » sur Cour-de France.
[14] E. Taccari, « Botallo, Leonardo », DBI, XIII, 1971, p. 350-351.
[15] A. Paré, Œuvres complètes, XXIVe livre « De la génération », Paris : N. Buon, 1585, p. 986
[16] A. Paré, Œuvres complètes, XXIVe livre « De la génération », o.c. p. 974 et 984.
[17] A. Paré, Œuvres complètes, XXIVe livre « De la génération », o.c. p. 974.
[18] François Rousset, Traité Nouveau de l’Hysterotomotokie, Paris, 1581, p. 39 et 50.
[19] Voir M. Malgaigne « Cours pratique sur les hernies étranglées », dans Florent Cunier (dir.), Encyclographie des sciences médicales, IV, Bruxelles, 1840, p. 173-176.
[20] Marie-Louise Concasty, Commentaires de la faculté de Médecine de l’Université de Paris (1516-1560), Paris : Imprimerie nationale, 1964, p. 490-491. Je n’ai pas trouvé mention d’une licence. Grandis semble cependant bien établi à Paris comme médecin, selon un acte notarié daté du 10 janvier 1569 : donation faite par le libraire Pierre Drouart et Guillemette Girault, sa femme, à Benoist Grandis, médecin, de l’usufruit des biens qui leur ont été légués par Jean de Horne, marchand apothicaire et épicier, AN, série Y 109, f° 22v, et Philippe Renouart, Documents sur les imprimeurs, libraires, cartiers, graveurs, fondeurs de lettres, relieurs, doreurs de livres, faiseurs de fermoirs, enlumineurs, parcheminiers et papetiers ayant exercé à Paris de 1450 à 1600, Paris : H. Champion, 1901, p. 74.
[21] BIUM, Commentarii, Ms VIII, f° 168r.
[22] Sur cette géographie urbaine et la distribution des hôtels, voir entre autres Félix et Louis Lazare, Dictionnaire historique des rues et monuments de Paris en 1855 avec les plans de 48 quartiers, Paris : Maisonneuve et Larose, 2003 [rééd.]; Nicolas Le Roux, La faveur du Roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (1547-1589), Seyssel : Champ Vallon, 2000, p. 289.
[23] François du Plessis, Seigneur de Richelieu ( ? -1590), nommé Grand Prévôt de France en 1578, puis chevalier de l’ordre du Saint-Esprit en 1585. Le Grand prévôt avait la haute direction sur les opérations de police, les instances judiciaires et les prisons.
[24] Claude S. Le Paulmier, Ambroise Paré. Nouveaux documents, Paris : Perrin, 1887, p. 156.
[25] Françoise Lehoux, Le cadre de vie des médecins parisiens aux XVIe et XVIIe siècles, Paris : A. et J. Picard, 1976, p. 396; Jacques Devaux, Index funereus Chirurgorum parisiensium, Paris, 1714, p. 38-42.
[26] Séverin Pineau fut un des maîtres d’Ambroise Paré. Il sera chargé d’inaugurer en 1616 l’amphithéâtre d’anatomie au Collège de Chirurgie. Réputé pour la taille de la pierre, il avait également participé aux débats sur l’hymen et sur l’écartement de la symphyse pubienne lors de l’accouchement, en publiant en 1598 un Opusculum physiologicum, anatomicum,libris duobus distinctum, tractans analytice prima notas integritatis et corruptionis virginum, deinde gravitatem et partum naturalem, qui sera plusieurs réédité.
[27] Le texte latin de cette observation anatomique de Pineau a été traduit en français par M. de Francheville, dans les Nouveaux Mémoires de l’Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres, publiés en 1756, dans une longue dissertation intitulée « Examen d’une question de physiologie relative à l’état du bassin des femmes dans la circonstance de l’enfantement », avec la liste nominative des chirurgiens (Robert Gaignard, Nicolas L’Anglais, François Nodée, Guillaume Syvius, chirurgien du roi, Ambroise Paré, premier chirurgien du roi, Louis Le Brun, Jean d’Amboise, chirurgien du roi, Jean de l’Isle, Jean Cointeret, chirurgien de la Reine-Mère, Rodolphe Le Fort, Richard Hubert, chirurgien du roi, Pierre Pigret, chirurgien du roi, Antoine Portal, chirurgien du roi, Jacques Dioneau, chirurgien du roi, André Malésieu, préfet du dit Collège royal, Séverin Pineau, Ismaël Lambert, chirurgien du roi, Jérôme Noé [de la Noue], chirurgien de C. de Médicis, Pierre Cabal, Simon Piétreau, Urbain l’Arbalestier, Jacques Guillemeau, chirurgien du roi ), des élèves et bacheliers en chirurgie (Louis Hubert, Philippe Collot, Josse de Beauvais, Claude Viart), d’externes (Laurent Joubert, professeur royal dans l’Académie de Montpellier, et Barthélémi Cabrol, chirurgien de Montpellier, « tous deux très verses dans l’Anatomie, qui étoient alors venus à Paris par ordre du Roi ») et de quelques étudiants studieux en médecine et en chirurgie, habiles anatomistes, élèves de Pineau pour la taille de la pierre, parmi lesquels Pierre Erauld, Jérôme Copeau, tous deux Champenois, Gaspard Bauhin de Bâle, devenu professeur de botanique et d’anatomie dans son pays, qui assistèrent à la dissection. Le nom de Cavriani ne figure pas sur la liste.
[28] A. Paré, Œuvres complètes, XXIVe livre « De la génération », o. c. p. 941.
[29] Sur la question de l’écartement de la symphyse pubienne, voir le commentaire de Joseph F. Malgaigne, dans son édition des Œuvres complètes d’Ambroise Paré, publiée à Paris en 1840, t. II, p. 662-671, qui cite et traduit le texte de Pineau. Voir également M. Dumont, « La longue et laborieuse naissance de la symphyséotomie ou de Séverin Pineau à Jean-René Sigault », Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction, 1989, vol. 18 (1), p.11-21.
[30] Voir l’Antidotarium exceptum, dictante domino S. Gourmelan, Parisis, in domo sua, Ms 3104, Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris. Le manuscrit est signé Iacobus Dioneus (Jacques Dioneau). Il pourrait s’agir de notes prises en 1563 à un cours fait par Étienne Gourmelin. On connaît de ce dernier une publication destinée aux chirurgiens, parue chez Gilles Corbin en 1566, Synopseos chirurgiae libri sex, dédiée au Comte de Martigues et à André Malésieu, chirurgien de Paris, qui traduisit l’ouvrage en français sous le titre Le sommaire de toute la chirurgie, Paris : Nicolas Chesneau, 1571.
[31] En 1631 Pierre Girardet, docteur-régent de Paris, éditera chez Jean Jost à Paris le traité hippocratique In Magni Hippocratis librum de Humoribus purgandis. Et in libros Tres De Diaeta Acutorum Ludovici Dureti, Segusiani, Commentarii Interpretatione et Enarratione insignes, traduit et commenté par Louis Duret, constitué de narrations de cas suivies de théorèmes, ou aphorismes.
[32] Un exemple de cette pratique est l’autopsie de madame de Mauvoysin dans l’Anatomia Depicta. Le grand anatomo-pathologiste Giambattista Morgagni (1682-1771) reprend cet épisode dans le traité De sedibus et causis morborum per anatomen indagatis libri quinque, publié à Venise en 1761, p. 11, en indiquant qu’il tient l’observation du médecin Giovanni Targioni Tozzetti (1712-1783) qui lui-même l’aurait connue d’après le Sepulchretum sive anatomia practica de Théophile Bonet publié à Genève chez Léonard Choët en 1679 et selon un médecin italien du temps de Duret et Botal.