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Sensibilité à la vie et à la mort des enfants en bas âge dans les mentalités et la littérature du XVIe siècle

Isabelle Dubois

Isabelle Dubois, "Sensibilité à la vie et à la mort des enfants en bas âge dans les mentalités et la littérature du XVIe siècle", Histoire culturelle de l’Europe, 2, 2017

Extrait de l’article

Comme les gens de la campagne en font l’expérience, quand on retire des petits à leurs mères ─ par exemple, des chatons ─, les réactions de celles-ci peuvent être extrêmement variables : ou bien elles se comportent comme si rien ne s’était passé, ou bien elles réclament leurs petits et poussent des cris déchirants pendant plusieurs jours. De l’indifférence à la douleur : cette ambivalence (animale) peut surprendre la plupart des humains adultes au XXIe siècle, au moins dans les régions du monde et dans les catégories sociales dites « avancées », c’est-à-dire où les conditions de vie sont bonnes, soit parce que ces humains se croient trop éloignés des animaux pour considérer que ceux-ci puissent exprimer des émotions, soit parce que le prix attaché à toute vie humaine rend impensable l’indifférence devant la mort du nouveau-né, du nourrisson, ou de l’enfant en bas âge. Pourtant, une telle ambivalence n’est sans doute pas propre à l’animal, et peut s’observer à des époques antérieures à la nôtre. Les conditions de vie, les conditions démographiques, sanitaires, sociales et économiques, influencent certainement de façon importante les sentiments et les émotions des adultes, ainsi que l’expression de ces sentiments et de ces émotions, face à la mort du petit enfant. Pour l’Ancien Régime, et en particulier pour le XVIe siècle, nous pouvons retenir, à titre d’hypothèse, l’interprétation de Philippe Ariès : « Il y en avait trop, dont la survie était si problématique ! Le sentiment était et est resté longtemps très fort qu’on faisait plusieurs enfants pour en conserver seulement quelques-uns. […] On ne pouvait s’attacher trop à ce qu’on considérait comme un éventuel déchet ».

Cependant, affirmer d’emblée que la réaction des adultes, et notamment des parents, face à la mort du petit enfant, dépend uniquement des conditions de vie paraît un peu simple. Dans l’exemple animal précédent, l’observation de réactions variables selon les individus peut être faite par le même maître, dans la même maison, avec la même nourriture. Malgré des mortalités infantile et enfantine très élevées, l’époque de la « découverte de l’enfance » n’est-elle pas aussi, pour une part, celle d’une sensibilité particulière à la vie et à la mort du petit enfant ?

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