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Un humaniste méconnu : Loys Boulengier d’Albi, mathématicien, cosmographe et géographe

Olivier Cabayé

CABAYÉ O., Un humaniste méconnu : Loys Boulengier d’Albi, mathématicien, cosmographe et géographe, Revue
historique 2001/3, N° 619, p. 671-693.

Extrait de l’article

Aux origines de l’arithmétique politique

Calculation, description et géographie vérifiée du royaume de France, tant du
tour, du large que du long d’iceluy, déchiffrée par le menu jusqu’aux arpents et
pas de terre en iceluy compris, avec la computation et somme des deniers qui se
peuvent libéralement exiger sur ledit pays sans molestation des habitants ;
ensemble la description du bien spirituel et ecclésiastique et dénombrement des
archevêchés, évêchés et abbayes dudit royaume, avec le taux vacant d’icelles, le
tout calculé et sommé par maître Loys Boulenger, très expert géométricien et
astronome ; imprimé à Lyon, 1525.

Ce long titre, que Boisguilbert et son cousin Vauban n’auraient pas désavoué, nous restitue les préoccupations et l’originalité de la pensée d’un érudit méconnu : mesurer
de part en part le royaume, compter sa population pour mieux
l’imposer et appliquer des règles rationnelles, équitables, fondées sur
l’expérience. Si le contenu de ce livre précurseur est fidèle au titre,
nous sommes en présence d’un des plus anciens essais de géographie
économique et descriptive, sinon du plus ancien. Plusieurs fois cité
par les historiens des statistiques et du XVIe siècle, Louis Boulengier n’en reste pas moins inconnu. Derrière son travail de mathématicien
se cachent pourtant d’autres écrits et l’image d’un provincial
qui reste un humaniste avant tout. C’est ce portrait que nous allons
tenter de brosser.

[...]

Deux versions ont conservé une introduction dans laquelle Louis
Boulengier rappelle qu’il entreprit son travail sur l’ordre du roi. Il
n’est pas plus précis ; cependant, au regard des dates, il ne peut s’agir
que de Louis XII. Il n’y a pas de raison de douter de la volonté du
roi de mieux connaître son royaume, même s’il est surprenant qu’il
n’ait mandaté qu’une personne pour une telle tâche. Cette succincte
description est la plus ancienne connue. Elle illustre l’intérêt
naissant de la monarchie pour les chiffres, intérêt qui ne cesse de se
développer durant tout le siècle. L’ordonnance de Villers-Cotterêts,
de 1539, imposant au clergé la tenue de registres, en est un exemple
et la traduction juridique. Cela, bien que le souhait de la monarchie
fut, avant tout, de répondre à des préoccupations religieuses et de
disposer de documents prouvant l’âge des candidats aux bénéfices
ecclésiastiques. Boulengier loue la raison, vive et naturelle, du souverain
qui l’a conduit à désirer connaître l’étendue de son royaume. Le
zèle du géographe dépassa la volonté royale, car il proposa, en plus,
deux nouvelles façons de répartir l’impôt et les taxes, la finalité du
travail géographique apparaissant ainsi clairement...

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