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Vie et mort de Marie-Elisabeth de France (1572-1578), fille de Charles IX et Elisabeth d’Autriche

Jacqueline Vons, Pauline Saint-Martin

Comment citer cet article :
Jacqueline Vons, Pauline Saint-Martin, Vie et mort de Marie-Elisabeth de France (1572-1578), fille de Charles IX et Elisabeth d’Autriche, Paris, Cour de France.fr, 2010. Article inédit publié en ligne le 3 mai 2010 (https://cour-de-france.fr/article744.html) dans le cadre du projet de recherche "La Médecine à la cour de France".

Charles IX, roi de France, né le 27 juin 1550, avait épousé le 26 novembre 1570 à Mézières Élisabeth d’Autriche (1554-1592), fille puinée de l’empereur Maximilien II [1]. Le 27 octobre 1572 naissait leur fille unique, Marie-Élisabeth de France. Le 30 juin 1574, Charles IX mourait ; peu de temps après, sa veuve fut rappelée à Vienne ; la petite princesse fut élevée à la cour d’Amboise. Sa vie fut brève et intéressa peu les historiens, car elle ne joua aucun rôle politique ; néanmoins, elle fut mêlée aux événements les plus graves de l’histoire des Valois et constitua un enjeu dans les difficiles négociations de paix et de mariage entre la cour de France et la reine d’Angleterre quelques mois à peine après la Saint-Barthélémy.

Naissance

Les poètes de cour célébrèrent la naissance de Marie-Élisabeth de France ; Ronsard et Baïf firent l’éloge de sa lignée [2] ; un disciple de Ronsard, écrivit un Hymne sur la naissance de Madame de France, fille du roy très-chrétien Charles IX, dédié à Jacques Fouyn, prieur et seigneur d’Argenteuil, signé J. S. P., publié à Lyon par Benoist Rigaud en 1572 et à Paris chez Mathurin Martin la même année. L’auteur y convoque le chœur des poètes : le grand Terpandre (Ronsard), Belleau, l’Auratus (Dorat), François de Belleforest dit le poète de Comminges, Jacques Gohory, d’Amboise, et imagine une rencontre des dieux de l’Olympe sur les bords de la Seine, pour doter de toutes les qualités divines et humaines l’enfant dont on attend la naissance ; la scène a lieu en automne, avant l’accouchement de la reine :
C’estoit au temps où la belle ramée
Se depouilloit du manteau verdissant
.

Mais les renseignements donnés par la correspondance diplomatique échangée entre le roi, la reine mère et Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, ambassadeur de France en Angleterre, donnent à ce fade tableau les couleurs violentes de la réalité politique autant que physiologique. Le 29 janvier 1571, Charles IX envoyait à La Mothe Fénélon une lettre dans laquelle il mentionnait la grossesse de la reine et s’inquiétait de son état :

"Je suis bien aise des hacquenées que vous me mandés que le comte de Lestre a faict enharnacher et partir devant le milord de Boucaut, auquel je fairay toute la bonne chère qu’il peut desirer, et me revancheray des hacquenées. Mais je suis bien marry qu’il ne verra pas, comme je pensois, les triomphes qui se feussent faict, si la santé de la Royne, ma femme, eust peu permettre qu’elle eust esté sacrée, et faict son entrée ; mais estant encores malade, et ne voyant pas qu’elle puisse estre si tost du tout guérie et bien forte, aussy qu’elle est en doubte d’estre grosse, j’ay résollu que son dict sacre et entrée se fairont une aultre fois ; et moy seullement fairay mon entrée, sans grande cérémonie, le premier dimanche de caresme prochain, Dieu aydant [3]".

Le 23 octobre 1572, la reine mère Catherine de Médicis s’expliquait sur le projet qu’elle avait eu d’avoir une entrevue avec l’ambassadeur d’Angleterre pendant les couches de la Reine, qu’elle avait espérées plus rapides, et s’informait de l’acception éventuelle de la reine d’Angleterre de porter l’enfant sur les fonts baptismaux, en dépit de la différence de religion [4].

Enfin, le 27 octobre, Charles envoya de Paris un message, bref et simple, pour annoncer sa paternité :

"Monsieur de La Mothe, ayant pleu à Dieu me faire père d’une fille, je vous ay aussytost faict dépescher ce porteur, pour vous prier de sentir dextrement si la Royne d’Angleterre, ma bonne sœur, prandra à plaisir que je l’envoye prier de la tenir sur les sainctz fondz de batesme ; et incontinant vous ne faillirés de me ranvoyer ce dict porteur et m’en résouldre. Et n’estant ce mot à autre fin, je prierai Dieu, etc. [5]".

Le 3 novembre le roi écrivait à l’ambassadeur de réitérer son désir d’alliance avec la reine d’Angleterre : se disculpant des massacres exécutés en province « sans ses ordres » et s’engageant à punir les coupables, il souhaitait toujours demander à Élisabeth d’Angleterre d’envoyer un représentant pour tenir la princesse sur les fonds baptismaux, en gage d’amitié entre les deux peuples et les deux maisons royales :

"Et sera aussy bon et bien à propos que l’asseuriés expressément qu’il ne vient pour nulle aultre occasion, luy faisant par mesme moyen entandre l’acouchement de ma femme, et comme Dieu m’a donné une belle fille , dont vous vous réjouirés de ma part avec elle, et luy dirés la charge que je vous ay donnée de ce faire, desirant bien fort que, suivant ce que je vous ay, ces jours icy, escript, vous sentiés accortement d’elle ou de ses ministres, mais monstrant que ce soit comme de vous mesmes, et sans qu’elle ny eux cognoissent que je vous en aye escript, si elle auroit agréable que je l’envoyasse prier d’envoyer tenir ma dicte fille sur les sainctz fonds de bastême par le Sr conte de Lecestre ; car je pense que cella, ainsy que j’ay aussy veu par une de voz lettres, seroit bien à propos et ung vray moyen, comme m’escripvés, de renouveller la vraye et entière amitié d’entre elle et moy et noz subjectz [6]".

Le 19 novembre, Charles IX et Élisabeth d’Autriche écrivent chacun une lettre à la reine d’Angleterre pour la remercier d’avoir accepté d’être marraine de la "belle petite fille qu’il a pleu à Dieu [leur] donner [7]" ; une autre lettre de Catherine de Médicis, datée du 10 décembre, confirme que le baptême est l’occasion espérée pour renouveler les alliances politiques, négocier le mariage du duc d’Alençon et ainsi mettre fin à la guerre : la date de la cérémonie est fixée "après les roys" pour permettre au duc de Savoie d’y assister [8].
Élisabeth d’Angleterre envoie le comte de Worcester qui débarque en France après avoir été attaqué en mer par des pirates soupçonnés d’intelligence avec l’Angleterre. Elle consent à reprendre les négociations si les coupables de la Saint Barthélémy sont châtiés. Les négociations secrètes se multiplient, des projets d’armement sont évoqués, bref, l’actualité politique fait passer au second plan le baptême qui eut lieu le 2 février 1573, à Saint Germain l’Auxerrois, en présence du comte de Worcester. Une seule allusion y est faite dans une dépêche du 27 février [9].

Trois mois après le baptême de Marie-Élisabeth, le 28 avril 1573, la maîtresse du roi, Marie Touchet, accouchait d’un garçon, Charles, futur duc d’Angoulême. La jeune reine n’eut pas d’autre enfant ; effacée et discrète, elle semble avoir été tenue à l’écart de la vie privée, politique et mondaine du roi. Brantôme, dont la causticité est cependant bien connue, ne lui décerne que des compliments [10]. Après la mort du roi qui survint le 30 mai 1574 [11], l’empereur Maximilien s’occupa de faire revenir sa fille auprès de lui, après avoir réglé le douaire [12]. La reine quitta Paris le 25 novembre 1575, après une dernière visite à sa fille, séjourna quelque temps à Nancy, auprès du Duc de Lorraine, et rejoignit ensuite son père. Elle refusa plusieurs offres de mariage et se retira dans le monastère de Sainte-Claire qu’elle avait fondé à Vienne, où elle mourut le 22 janvier 1592 [13].

Enfance

Élevée à la cour, la princesse Marie-Élisabeth jouissait d’officiers domestiques, au même titre que les autres enfants de France [14]. Elle avait eu plusieurs nourrices au cours des trois premiers mois, et certains attribuèrent au changement de lait son état de santé maladif qui devait la conduire tôt à la mort [15]. Sa gouvernante était Isabelle Chabot, épouse de Jacques Turpin de Crissé, écuyer, seigneur de Monthoiron [16], surintendante de la maison, tante de Brantôme, avec 1200 lt de gages. Ses dames et demoiselles, peu nombreuses, étaient recrutées parmi celles de la maison de sa mère ou de sa grand-mère ; beaucoup sont originaires de Touraine, et donc probablement recrutées sur le plan local pendant le séjour de la cour à Blois et à Amboise. On relève ainsi les noms de *Françoise Cosdun, dame de la Babelinière [17], à 600 lt de gages, *Diane de Vivonne, demoiselle de la Chastaigneraye (dame d’atours de 1574 à 1578, à 300 lt de gages), *Diane de Marconnay, demoiselle de Froses, (1573-74 et 1577-78) et de Marie de Vivonne (1574), toutes deux à 200 lt. Les maîtres d’hôtel (700 lt de gages) se succèdent, puisque cet office leur est nommément assigné après leurs quartiers effectués auprès de la reine : *Jean Le Blanc, seigneur de la Valière (1576-1577), *Jacques Adam seigneur de la Gasserie, Jean Bartolomeo (« servant par quartiers sans aucune augmentation gracieusement »). En 1577-1578, la princesse bénéficie du service de trois secrétaires gagés à 200 lt, *Nicolas Laisné, « ci-devant secrétaire de la reine », son fils Jacques Laisné et Charles Legrand, de cinq valets de chambre, parmi lesquels Nicolas de la Thibaudière « ci-devant huissier de la reine » ainsi que de deux huissiers. Lavandières, tailleurs, gentilshommes servants, chapelain et clercs d‘office apparaissent dans les comptes, sans être nommés, ainsi qu’un apothicaire et un chirurgien sans gages en 1577-1578. Si un seul médecin est attaché à sa personne de 1573 à 1576, on relève les noms de Jérôme de Varade [18] et d’Alexis Gaudin [19], pendant les deux dernières années, avec 400 lt de gages.

Après Amboise et Blois, la petite fille habita à Paris l’Hôtel d’Anjou où elle mourut. Cet hôtel, proche du Louvre, avait été acheté 50 000 livres aux frères de Villeroy par Henri, alors Duc d’Anjou, qui l’avait habité avant de partir pour la Pologne. En 1573, il l’avait donné à sa sœur Marguerite de Valois qui l’habita en alternance avec son appartement au Louvre, jusqu’en 1578, où elle rejoignit son mari en Gascogne [20]. Marie- Élisabeth devait ainsi être assez proche de son oncle (on le voit rendre visite à sa nièce quand elle est malade) et de sa tante avec laquelle Elisabeth d’Autriche s’était liée d’amitié, mais de son genre de vie et de son caractère, peu de témoignages subsistent. L’Estoile loue son esprit, sa douceur et bonté de caractère héritées de sa mère [21], Brantôme vante aussi ses qualités d’esprit, et rapporte une anecdote montrant sa parfaite éducation de fille de France, et sa connaissance approfondie des lignages, malgré son jeune âge :

"[…] par quoy je me tais, pour parler de la dernière fille de France, qui est la petite madame Izabelle de France, fille du feu roy Charles neufviesme, laquelle on peut dire avoir esté ung vray miracle de nature en esprit et en grandeur de courage. Au bas aage qu’elle a vescu, n’ayant pas huict ans lorsqu’elle mourust, elle disoit et racontoit des choses incroyables. Cette petite Princesse sçavoit bien dire qu’elle estoit des deux plus grandes Maisons de la Chrestienté, du costé de France & du costé d’Austriche, & discouroit de ses races aussi joliment que Docteur Légiste de France, tant elle avoit esté curieuse de l’apprendre, nommant ses peres, ayeuls, bisayeuls, anceestres, & racontant aucuns de ses plus mémorables faits [22]. [...]
Elle, toute jeune qu’elle estoit, sçavoit aussi bien garder sa grandeur, que si elle fust esté plus âgée. Quand quelques-uns l’alloient voir en sa chambre, &sluy faire la révérence, elle sçavoitsaussi gentiment présenter la main, pour la faire baiser, comme eust fait la Reyne sa mere, & tenoit sa gravité dans sa chaise, & s’enqueroit fort de ceux qui estoient serviteurs du Roy son pere, & qu’il favorisoit autant ; & elle leur en faisoit de mesme, en leur faisant bonne chere, jusques a leur dire, que, quand elle serait plus grande, & aurait des moyens, elle leur en départirait.
Bref, c’estoit le plus grand cœur & le plus grand esprit qu’on vifs jamais en une jeune petite créature que celle-là. Que dis-je, jeune petite ? Elle faisoit honte aux plus aagees ; si bien qu’on disoit, qu’elle en avoir trop, & qu’elle ne vivrait pas longtemps, comme de vray elle mourut n’ayant pas atteint huit ans. On la pouvoit dire, que c’estoit un beau & bon fruit, avancé & assaisonné avant le temps ; aussi ne dura gueres : fur la mort de laquelle aucuns ont douté & disputé, qu’elle avoit esté avancée pour beaucoup de raisons que je ne dis point ; mais la plus saine voix de la Cour ne porte pas cela [23]".

Soupçon d’empoisonnement à peine évoqué, qu’aucune preuve ne peut étayer. Une dernière anecdote rapportée par Brantôme, et qu’il devait, sans aucun doute, à sa parenté avec madame de Crissé, gouvernante de la princesse, nous fait pénétrer dans l’intimité d’une petite fille malade, mais toujours pugnace sur le plan de l’étiquette et des égards auxquels elle a droit :

"Une fois, estant malade, le Roy son oncle demeura trois jours sans l’aller voir ; au troisiefme , il y alla. Lorsqu’elle le sentit à la petite porte, elle fit semblant de dormir, & se tourna de l’autre costé : & encore que le Roy l’appellast par trois fois, elle fit la sourde, jusques à ce que Madame de C. ma tante, & sa gouvernante, la fit tourner ; envers lequel elle fit la froide, & ne luy dit pas deux mots : & s’en estant départy d’avec elle, sa gouvernante, se courrouçant contre elle, luy demanda pourquoy elle avoit fait ce trait & cette mine ? Elle respondit : Hé quoi ! ma mere, comment me fut-il esté possible de faire cas de luy, & luy faire bonne chere, que, depui ’trois jours que je suis malade, II ne m’a pas veu une foi , pas feulement envoyé visiter, moy qui suis sa niepce, fille de son aisné, & qui ne luy fais point de deshonneur [24]".

Mort et autopsie

La mort de Marie-Élisabeth ne fit guère de bruit, et occupe à peine une demi-page dans le Journal du mémorialiste Pierre de L’Estoile :

"Ce jour [2 avril] mourust en l’Hostel d’Anjou à Paris Madame Marie Ysabel de France [25], fille unique et legitime du feu Roy Charles IX, aagée de cinq à six ans, qui fust pleurée et regrettée à cause de son gentil esprit et de sa bonté et douceur qu’elle retenoit de Madame Ysabel d’Austriche, fille de l’Empereur Maximilian d’Austriche, sa mere.
Le mercredi IXe d’avril, son corps, de l’Hostel d’Anjou, auquel elle estoit decedée, fust porté en l’eglise de Paris, avec magnificence et appareil fort honnorable ; et le lendemain fut fait solennel service en ladite église. Puis le lendemain, son corps, mis dans un coche, fust mené à S.-Denis-en-France et là enterré sans autre solennité [26]".

Lors de la cérémonie religieuse en l’église Notre-Dame de Paris [27], le Prédicateur du Roy, Arnaud Sorbin, prononça une Oraison funebre de treshaute et vertueuse princesse Marie Isabeau de France fille de Treshaut et Treschrestien Roy Charles IX [28]. L’ouverture du corps eut donc lieu au plus tôt le 3 avril, en respectant le délai obligatoire de 24 heures observé dans tous les comptes-rendus d’autopsie (cf. Charles IX, Henri III).

L’ouverture du corps eut très vraisemblablement lieu dans le contexte du rituel d’embaumement, auquel les princes et princesses étaient accoutumés depuis l’enfance [29] et non pas dans la recherche de la cause de la mort, quoi qu’en ait laissé supposer Brantôme... On ignore s’il y eut un compte-rendu rédigé, et où il se trouve s’il a existé. Mais nous avons une relation de l’examen post mortem, écrite par Filippo Cavriani [30], un médecin italien présent à la cour de France. Le récit de Cavriani a été rédigé entre 1580 et 1590, plusieurs années après la mort de la princesse ; il s’agit probablement d’une copie du rapport écrit que le médecin commente au fil des phrases [31]. Dans l’organisation du manuscrit de Cavriani, la relation de l’examen post mortem d’Élisabeth précède le rapport d’autopsie de Charles IX, qui se termine par une phrase lapidaire : Obiit ut filia Isabella prænotata (« il est mort comme sa fille Isabelle mentionnée ci-avant »). Mais cela suffit-il pour évoquer une pathologie similaire chez le père et la fille [32] ou une tentative d’empoisonnement ? Beaucoup de bruits avaient effectivement couru sur la mort de ce jeune roi (tentatives d’empoisonnement, excès amoureux, etc…), bruits émanant de mémorialistes contemporains du monarque, influencés par des opinions religieuses ou politiques, relayés par des historiens modernes, ou plus précisément par des auteurs de notices historiques pittoresques, mais se sont révélés sans fondement, si l’on en croit le rapport d’autopsie [33].

Le rapport d’autopsie

Inventa in Isabella filia carolis 9 regis et Isabellæ austriacæ.
Intestina, ventriculus, renes, vesica insigniter magna, vitii experta. Epiploon marcore absumptum, lien putris, pancreas ita resiccatum ut pulverari posset. Hepatis medium parenchyma satis sanum, sed ad fines lumbarum nigrum, siccum, durum. Cor sine vitio, paucum tamen continens sanguinem. Pulmo sinister totus putris et circa arteriam venosam purulentus, quod vitium iam dextro insederat, sed non tam alte. A pulmone ad cor usque, venosa arteria plena pure, et ad basim pure ita indurato ut vix exprimi ex ea potuerit. Cerebrum maximum, copiosissima aqua plenum, turgidum. Corpus tabidum apparuit et exangue, nam venæ et arteriæ ita erant sanguine exhaustæ ut vix in toto corpore Sanguinis libræ 3 fuerunt inventæ ; obiit Parisiis tabida, de putre pulmonico , qui talis obiit et quare duo lactis [genera] gustaret. Erat quadrima aut quinta, color faciei ab incurabilis teter, pallens, vix stare potera, articuli molles, ut crura diffluerent. Alexis adfuit, Renard, Varadeu [sic].

Traduction
Ce qu’on trouva en Isabelle fille de Charles IX et d’Isabelle d’Autriche.
Les intestins, l’estomac, les reins, la vessie très grande, intacte. L’omentum complètement putréfié, la rate putride, le pancréas si desséché qu’il aurait pu être réduit en poussière. Le parenchyme du foie assez sain, mais noir, sec et dur aux extrémités lombales. Le cœur intact, contenant cependant peu de sang. Le poumon droit entièrement putréfié et purulent autour de l’artère veineuse [veine artérielle], parce que le vitium [l’inflammation] s’était déjà installée à droite, mais pas encore en haut [position de référence verticale]. Du poumon au cœur, l’artère veineuse était pleine de pus, et près de sa racine, le pus était si induré qu’on ne pouvait presque pas l’en faire sortir. Le cerveau très grand, extrêmement aqueux, gonflé. On trouva du pus dans le corps, et peu de sang ; en effet les veines et artères étaient si peu pleines de sang qu’on en trouva à peine 3 livres dans tout le corps. Elle mourut à Paris, à la suite d’une infection pulmonaire et aussi parce qu’elle aurait été nourrie avec deux laits différents. Elle avait quatre ou cinq ans ; elle avait un vilain teint, livide, dû aux manques de soins, elle pouvait à peine se tenir debout, ses articulations étaient si « molles » que ses jambes se dérobaient sous elle.
Les médecins qui assistèrent : Alexis, Renard, Varadeu.

Notes

[1Véritable discours du mariage de trèshaut, trespuissant et treschrestien, Charles neufiesme de ce nom, Roy de France, & de tresexcellente & vertueuse Princesse, madame Elizabeth fille de l’Empereur Maximilian, faict & celebré en la ville de Mezieres, le XXVI. jour de novembre 1570, Paris, Jean Dallier, libraire, sur le pont S. Michel, à la Rose blanche, 1570. Avec privilege du roy

[2Baïf, Jean-Antoine, Œuvres complètes, Paris, H. Champion, 2002, p. 891

[3Salignac, Bertrand de, Correspondance diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575, publiée pour la première fois sur les ms. conservés aux archives du royaume, Paris, Panckoucke, 1838-1840, tome VII, suppl., p. 177, en ligne : BNF Gallica. La reine fut sacrée à Saint-Denis le 25 mars 1571. Son entrée à Paris le 29 mars fut l’occasion de fêtes grandioses.

[4Ibid., tome VII, p. 376 (« Pensant que la Royne, ma fille, se deust acoucher plus tost qu’elle n’a faict, et, cepandant qu’elle eust esté en ses couches, je desirois de faire ce voyage, et la dicte entreveue […] Le second [point] est d’envoyer icy le conte de Lecestre [Leicester] ou milord grand trésorier pour visitter la Royne, ma dicte fille, en ses couches ; qu’il pensoit que ce avoit esté faict en intantion de tenir à batesme pour elle [Élisabeth d’Angleterre] l’enfant que Dieu donnera au Roy, Monsieur mon filz, et qu’elle, n’estant point de nostre religion, n’y pouvoit assister »).

[5Ibid., tome VII, p. 378

[6Ibid., tome VII, p. 383. Voir aussi dépêche du 4 novembre 1573, envoyée au roi, le félicitant sur son « commencement de lignée », Ibid., tome V, p. 195 (1572-1573)

[7Ibid., tome VII, p. 399-400

[8Ibid., tome VII, p. 403

[9Ibid., tome V, p. 262

[10Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille seigneur de Brantôme. Publiées d’après les manuscrits par Ludovic Lalanne, Paris, Mme Vve J. Renouard, 1864-1882, vol. IX, p. 595 (la reine rend visite à Charles IX malade).

[11Voir Jacqueline Vons, Pauline Saint-Martin, Certitudes et incertitudes autour de la mort de Charles IX. Enquête sur l’autopsie d’un roi. Étude inédite publiée en ligne sur Cour de France.fr le 2 janvier 2009

[12Par lettres-patentes du 21 novembre 1575, le roi Henri III abandonne le comté de la Haute et Basse-Marche à Élisabeth d’Autriche, reine de France, pour son douaire. Voir Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges par l’abbé Joseph Nadaud, Limoges, 1878, t. III, p. 182.

[13Voir à ce sujet Louis Adolphe Spach, archiviste en chef du Bas-Rhin, qui publia en 1855 à Colmar deux correspondances inédites entre Maximilien II et l’évêque Jean de Manderscheidt, chargé de conduire Élisabeth d’Autriche en France en 1570 et de la ramener en Autriche en 1575, sous le titre Deux voyages d’Élisabeth d’Autriche, épouse de Charles IX, correspondance inédite. Le livre est numérisé sur Google Books.

[14Voir Rôles et gages des officiers domestiques de rois, reines, princes et princesses du sang de France, Recueil de pièces concernant l’histoire de France, Manuscrit 848, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, f° 237 : État des officiers domestiques de Mademoiselle Élisabeth de France depuis le 1er janvier 1573 jusqu’au 15 avril 1578 qu’elle mourust. La date de sa mort est cependant antérieure de quelques jours à celle portée sur le registre des états

[15La première était la femme de Jean Richard et la sœur de Simon Cochon d’Orléans, lequel reçut 150 l. pour ramener à Orléans « l’enfant de ladicte nourrice qu’elle avoit amené avec elle » ; la deuxième, Jacquette Leroy, reçut le dix décembre 1572 la somme de 120 l. pour « les services et bon devoir qu’elle faisoit chaque jour à la nourriture d’ycelle dame » (A. N. série KK, f° 133), une troisième nourrice est mentionnée pour une brève période entre les deux précédentes ; il s’agit de Catherine Lemer (A. N. série KK, f° 116). On ignore les raisons de ces changements successifs. Le choix des nourrices de enfants de France était sévèrement réglementé (crainte de la vérole entre autres), d’autant plus que les ouvrages en français portant sur l’obstétrique et les soins à donner aux nouveau-nés par les sages-femmes et les nourrices étaient en nombre croissant, et étaient lus également dans les milieux princiers : Simon de Vallambert, médecin du Duc d’Orléans, avait dédié les Cinq livres de la manière de nourrir et gouverner les enfans des leur naissance à Catherine de Médicis (Poitiers, de Marnef et Bouchet, 1565), la première édition des Erreurs populaires de Laurent Joubert comportait une épître adressée à Marguerite de Navarre (Bourdeaus, S. Millanges, 1578).

[16Jacques Turpin de Crissé, Seigneur de Monthoiron (Vienne) avait épousé en 1532, en secondes noces, Isabelle Chabot, fille de Robert Chabot, Seigneur de Clervaux.

[17Pour tous les noms précédés d’un *, se reporter à Caroline zum Kolk, La Maison des reines de France au 16e siècle. Nobles, officiers et domestiques (1494-1590). Base de données publiée en ligne sur Cour de France.fr le 19 décembre 2007 et élargie par la suite aux maisons des rois (https://cour-de-france.fr/rubrique438.html)

[18Voir Jacqueline Vons, « Varade, Jérôme de ( ?- 1585) » dans : Le Monde médical à la cour de France. Base de données biographique publiée en ligne sur Cour de France.fr (https://cour-de-france.fr/rubrique437.html).

[19Voir Jacqueline Vons, « Gaudin, Alexis (1515-1579) » dans : Le Monde médical à la cour de France. Base de données biographique publiée en ligne sur Cour de France.fr (https://cour-de-france.fr/rubrique437.html)

[20Voir Jacqueline Boucher, Deux épouses et reines à la fin du XVIe siècle : Louise de Lorraine et Marguerite de France, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1995, p. 60. En 1580, Marguerite de Valois vendit l’Hôtel à son Chancelier Pibrac

[21Pierre de L’Estoile, Registre-Journal du règne de Henri III, tome II (1576-1578), Genève : Droz, 1996, p. 180

[22Brantôme, Œuvres complètes, o. c., VIII, p. 145-146. L’éditeur ajoute en note : On luy avoit donné le petit bastard du roy son père, qui est aujourd’huy M. le grand-prieur de France, pour estre nourri aveq’elle, et luy tenir compaignie, pour luy faire ,passer le temps. Elle dist soudain « Et quoy la reyne ma grand’mère et le roy mon oncle le me donnent-ilz avecq moy pour subject ? Je n’en veux point ; je sçay bien choisir autre compaignie que la sienne, et ne veux pas qu’il face du compagnon avecq moy ; car il n’y a nulle comparaison de sa mère à la mienne mais bien je le prendray et le tiendray prez de moy pourme dire mes grâces, et me servir d’ausmonnier, comme dédié à l’église qu’il est ». Le Dauphin Louis, futur Louis XIII, affirmera également la prééminence de son rang par rapport aux enfants bâtards d’Henri IV élevés avec lui, selon les propos rapportés dans le Journal de son médecin Héroard.

[23Ibid. V, p. 248.

[24Brantôme, Vie des dames illustres, o. c., II, article XIII, p 313-315.

[25La transformation d’Élisabeth en Isabelle est fréquente au XVIe siècle, sous l’influence du prénom espagnol Isabel

[26L’Estoile, Journal, o. c., p. 180.

[27Le service solennel eut lieu le 10 avril selon L’Estoile.

[28Oraison funebre de treshaute et vertueuse princesse Marie Isabeau de France fille de Treshaut et Treschrestien Roy Charles IX, amateur de toute vertu, et protecteur de la Foy. Prononcee en l’Eglise Nostre-dame en Paris le 11 d’avril mil cinq cens septante huict, par A. Sorbin, dict de Saincte Foy, Predicateur du Roy. Cette oraison fut publiée à Lyon, chez Benoît Rigaud en 1578 ; elle est précédée d’une lettre de dédicace à Marguerite de Valois datée du 16 avril 1578. Voir Vons, Jacqueline (éd.), Dédicace à l’Oraison funèbre et Tombeau de Marie-Élisabeth de France (1572-1578). Documents mis en ligne sur Cour de France.fr le 3 mai 2010 dans le cadre du projet de recherche "La médecine à la cour de France" (https://cour-de-france.fr/article1417.html).

[29Marguerite de Valois écrit dans une de ses lettres : le jour où « lon mouvrira » (lettre à C. de Médicis, 239 — [1586, fin octobre, Saint-Amant-Tallende], Orig. (autogr.) — St-Ptb, BNR, ms autog. 57, pièce 1 — AHG 1886, p. 32-33([lettre aimablement communiquée par Eliane Viennot).

[30Cavriani est signalé comme médecin rattaché à la maison de Catherine de Médicis de 1574 à 1580, au service de Mme Lorraine, sorti et remis la même année 1580. On le retrouve ensuite dans la maison du Roi Henri III en 1589. Après la mort de Catherine, ce médecin érudit, admirateur de Tacite, retourna en Italie et devint professeur de médecine à Pise.

[31Giorgio Weber, Autopsie, edite e inedite di Giovanni Targioni Tozzetti ed esplorazione di un codice “medico-anatomico” del XVI secolo, Firenze, Leo Olschki, 1999. Une nouvelle édition, revue et commentée, dirigée par R. P. Ciardi, G. Olmi, C. Ossola, est en préparation à Rome, Enciclopedia italiana

[32Cette question a été posée, mais non résolue, lors de l’intervention présentée au troisième Colloque international de pathographie, à Bourges les 4 et 5 avril 2009, par J. Vons, P. Saint-Martin et Ph. Charlier, « Pathologie similaire ou simple hasard ? Que penser des comptes-rendus des autopsies de Charles IX et de sa fille Marie-Élisabeth de France ? »

[33Voir J. Vons et P. Saint-Martin, « Certitudes et incertitudes (...), art. cité », Cour de France.