Les langages de la politesse
Peter Burke
Burke, Peter, « Les langages de la politesse », dans Terrain, n° 33, septembre 1999.
Extrait du texte
Traduit de l’anglais par Christine Langlois
Le but de cet article est d’examiner, du point de vue d’un historien, la place de la politesse dans le langage et, inversement, celle du langage dans la politesse. Et, ce faisant, de contribuer à développer le champ, relativement nouveau, de l’histoire sociale du langage par une sorte d’ethnographie rétrospective de la communication (Burke & Porter 1987). Assez curieusement, alors que les historiens, les linguistes et les anthropologues se sont souvent intéressés au langage de l’insulte – il existe même une revue, Maledicta, qui lui est consacrée –, le topique opposé, et complémentaire, de la politesse n’a que peu retenu leur attention. Peut-être devait-on s’y attendre : après tout, L’Enfer de Dante et Le Paradis perdu de Milton sont beaucoup plus connus et appréciés que Le Paradis et Le Paradis reconquis des mêmes auteurs. Quoi qu’il en soit, afin de comprendre à la fois le langage et la société, il convient sûrement de rééquilibrer la balance. Nous étudierons ici l’histoire de deux formes de conduite linguistique : tout d’abord la considération pour les autres, puis la manière dont on se distingue des autres au moyen de formes de langage plus « élevées ». On pourrait appeler ces deux formes la politesse « altruiste » et la politesse « égotiste ».