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Une leçon de ténèbres : Saint-Simon et le premier duc d’Épernon

Véronique Larcade

Larcade, Véronique. Une leçon de ténèbres : Saint-Simon et le premier duc d’Épernon, Cahiers Saint-Simon, n° 27, 1999. Idées d’opposants au temps des Mémoires, p. 61-69.

Extrait de l’article

L’intérêt de Saint-Simon pour Jean-Louis Nogaret de La Valette, premier duc d’Épernon (1554-1642) fait peu de doute. Dans l’inventaire des manuscrits dressé à l’hôtel de la rue de Grenelle, le 29 juin 1755, le « portefeuille de 23 cahiers concernant le duc d’Épernon » en fournirait l’indice quand il n’y aurait pas le catalogue de la bibliothèque ou, plus exactement, l’opuscule imprimé chez R. Davidts, pour la vente du 11 août 1755. Il mentionne deux exemplaires de la Vie du duc d’Épernon par Guillaume Girard, l’un de 1655 (c’est probablement l’édition originale in-folio publiée par A. Courbé) et l’autre de 1730 (il s’agit vraisemblablement de l’édition Montalant en 4 volumes in-12). Et encore, touchant un aussi grand lecteur d’Histoire et un travailleur aussi inlassable que le duc de Saint-Simon, ces données matérielles et quantitatives seraient de peu de poids, s’il n’y avait la récurrence et l’enthousiasme de ses propos : les qualificatifs de « puissant » et « formidable » lui viennent sous la plume. Pourtant si Saint-Simon accumule des notes sur le duc d’Épernon, la place qu’il lui donne dans les Mémoires est restreinte et sans éclat. Tant et si bien que dans le tome II de l’édition qu’il en procure, à l’endroit du plus long développement sur le duc, Boislisle renvoie, une fois encore, à Y Histoire généalogique et chronologique... du Père Anselme dont il tient les pages concernées pour une simple copie. En effet, elles ne contiennent ni plus ni moins que la froide énumération de faits généalogiques destinés à faire ressortir le ridicule des prétentions des Rouillac à la duché-pairie d’Épernon et à ses privilèges. Pour le reste, le premier duc d’Épernon n’est convoqué qu’en incise, par de courtes (et, somme toute, peu flatteuses) anecdotes ou par de simples mentions accompagnées des épithètes sibyllines de « célèbre » ou de « fameux ».

Cette discrétion inattendue pique la curiosité. Qu’il me soit permis, pour dire comme Saint-Simon, de proposer ici « de médiocres recherches de dates et de faits pris par éclaircissement » pour élucider la genèse et les phases de cette obscure passion, trop pleine de verve pour ce qu’elle laisse de silence. Hardiment, je m’aventurerai donc à interroger, tour à tour, l’histoire familiale, l’histoire personnelle et enfin l’histoire même de l’œuvre de Saint-Simon, pour attirer naïvement l’attention sur un personnage — sinon un acteur de l’Histoire — , le duc d’Épernon, dont la présence, à la manière de certaines peintures du XVIIe siècle, tient autant à la lumière qui l’éclairé qu’à l’ombre qui le façonne en l’occultant ?

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